N 143-VETERGESIC-EXE 19/06/09 14:58 Page 10 Chat SYNTHESE Le chat bleu La dyspnée oriente le diagnostic A l’occasion du dernier congrès « Le Chat » à Arcachon en mai dernier, le Dr Hernandez a présenté une conférence sur « le chat bleu ». Un chat est cyanosé lorsque son taux d’oxyhémoglobine est trop bas (inférieur à 3-5 g/dl). Il s’agit d’une situation d’urgence. Les causes peuvent être une maladie respiratoire, une anomalie cardiaque congénitale ou une intoxication au paracétamol qui provoque la formation de méthémoglobine empêchant la fixation de l’oxygène. La détection d’une cyanose des muqueuses est une situation d’urgence. Tous les chats cyanosés sont en dyspnée, mais de manière plus ou moins sévère. L’observation de la respiration est importante pour le diagnostic différentiel. Un animal cyanosé en raison d’une maladie respiratoire présente une dyspnée très sévère. En revanche lors d’intoxication au paracétamol ou de shunts cardio-vasculaires droite/gauche la respiration est altérée de façon plus discrète. Lorsque le pourcentage de méthémoglobine dépasse 20% une hématurie et une hémoglobinurie peuvent apparaître. Une anémie hémolytique oxydative est alors présente. Le sang est de couleur marron signant la présence de méthémoglobine. L’examen cytologique du frottis sanguin montre un grand nombre de corps de Heinz. Lorsque le taux de méthémoglobine dépasse 50% la mort peut survenir rapidement. Diagnostic différentiel lors de cyanose En phase 2, lorsque le chat survit, le paracétamol est métabolisé dans les hépatocytes en un métabolite toxique (Nacétyl-p-benzoquinone imine) pour les hépatocytes. Une hépatite toxique apparaît. Le chat est en effet déficient en glucuronyl transférase, enzyme qui transforme normalement le paracétamol en acide glucuronique, non toxique. Un ictère hépatique associé à une augmentation des enzymes hépatiques (ALT et ALP) est observé. A ce moment-là l’efficacité d’une intervention thérapeutique est aléatoire. Cyanose des muqueuses Méthémoglobinémie Conférencier Dr Juan HERNANDEZ Dipl. ACVIM (Collège Américain de Médecine Interne) CHV Frégis, Arcueil 94110 Intoxication au paracétamol Hypoxémie Dyspnée grave Anomalie cardiaque Maladie respiratoire Shunt vasculaire droite-gauche Le traitement doit donc être le plus rapide possible. Une sonde naso-œsophagienne est placée afin de pouvoir administrer le cocktail médicamenteux suivant : L’intoxication au paracétamol © CHV Frégis La dose toxique chez le chat est de 50-100 mg/kg. Un demicomprimé à 500 mg suffit à intoxiquer un chat. Un comprimé entier est létal. Deux phases toxiques s’installent rapidement, dans les 3 à 12 heures qui suivent l’administration. Pendant la phase 1, le chat est abattu, anorexique et vomit. Les muqueuses sont cyanosées : cette couleur violacée est due à la formation de méthémoglobine. Les extrémités (tête, pattes) sont généralement gonflées. © CHV Frégis L’administration du traitement de l’intoxication au paracétamol nécessite la mise en place d’une sonde naso-œsophagienne. Cyanose et gonflement de la face chez un chat intoxiqué au paracétamol. • N-acétylcystéine : 140 mg/kg PO puis 70 mg/kg/4 heures avec 3 ou 4 administrations ; • Vitamine C : 20-30 mg/kg/6 heures PO ; • Cimétidine : 5 mg/kg/8 heures P0 ou IV ; • S-adényl-méthionine (Zentonyl®) à dose très élevé: 200 mg/chat/12 heures pendant 3 jours puis 90 mg/chat/ 12 heures pendant 11 jours. N°143 du 25 juin au 1er juillet 2009 10 N 143-VETERGESIC-EXE 19/06/09 14:29 Page 12 Chat SYNTHESE Les shunts cardio-vasculaires droite-gauche Lors de la rapide anamnèse l’hypothèse de l’accident (chute, accident voiture) doit être envisagée. Il est important de limiter le stress au maximum. Des anomalies cardiaques comme la communication interventriculaire ou la persistance du canal artériel donnent généralement lieu à des shunts gauche-droite (le sang hématosé va dans le circuit non hématosé). En cas d’hypertension dans le secteur pulmonaire le sens du shunt peut s’inverser et le sang qui part dans la circulation systémique est alors du sang non oxygéné. Les signes cliniques sont de la cyanose (muqueuses rouge brique), une intolérance chronique à l’effort et parfois l’auscultation d’un souffle cardiaque. Une polycythémie absolue est facile à détecter sur l’examen hématologique. Lors de persistance de canal artériel avec inversion du shunt, c’est uniquement la partie arrière du corps (pénis, vulve, griffes postérieures) qui est cyanosé car le mélange des sangs oxygéné et non oxygéné s’effectue après le départ du tronc brachio-céphalique et de l’artère sous-clavière. L’apport d’oxygène est la première chose à faire (cage à oxygène ou masque). La dyspnée est alors observée : est-elle silencieuse ou bruyante ? Les dyspnées obstructives extra-thoraciques (corps étranger, paralysie laryngée, tumeur laryngée, traumatisme trachéal…) sont bruyantes. Les dyspnées intra-thoraciques (épanchements pleuraux, pneumothorax, œdème pulmonaire, asthme…) sont très souvent silencieuses à l’oreille nue. Statistiquement, on constate que lors de dyspnée intra-thoracique dans la moitié des cas il s’agit d’un épanchement pleural, dans un quart des cas un œdème pulmonaire cardiogénique et l’autre quart de l’asthme. La dyspnée est-elle inspiratoire, expiratoire ou discordante ? Si la phase inspiratoire domine, une obstruction haute est probable. Si c’est la phase expiratoire qui domine, une obstruction intrathoracique est probable. En cas de discordance, une affection pleurale (épanchement, pneumothorax, hernie diaphragmatique) ou pulmonaire étendue (œdème, hémorragies) est à suspecter fortement. Ao Ao TP TP VG VG VD La démarche doit alors être systématisée : 1- Oxygéner pendant 5 min 2- Observer et écouter la dyspnée 3- Ausculter 4- Agir VD Le ventricule gauche (VG), le ventricule droit (VG), le tronc pulmonaire (TP) et l’aorte (Ao). Ausculter Le cœur situé à gauche montre la présence d'un shunt cardiaque (communication interventriculaire en l'occurrence) avec un flux se dirigeant vers la droite (shunt gauche-droit). Le cœurs situé à droite montre un flux se dirigeant vers la gauche (shunt droite-gauche). Le sang éjecté dans l'aorte est un mélange de sang hématosé et de sang non hématosé. Bruits surajoutés Atténuation de bruits œdème pulmonaire Les maladies respiratoires Un chat cyanosé en dyspnée grave oriente immédiatement le diagnostic vers une insuffisance respiratoire. Il s’agit d’une urgence absolue. Asthme Epanchement pleural L’auscultation est riche d’enseignement lors de discordance respiratoire silencieuse. Lorsque les bruits sont fortement atténués, une anomalie pleurale est probable (épanchement). Au contraire, des bruits broncho-pulmonaires surajoutés (sifflements, crépitements) signent une anomalie broncho-pulmonaire (asthme, œdème pulmonaire, broncho-pneumonie). © CHV Frégis Le traitement Les commémoratifs d’accident permettent de suspecter la présence d’une hernie diaphragmatique chez un chat cyanosé dyspnéique. Seule une oxygénothérapie est mise en œuvre en urgence. Généralement aucun examen complémentaire n’est réalisable et toute manipulation diagnostique est différée. Ensuite le traitement de l’hypothèse la plus probable est initié en gardant en tête le fameux adage « primum non nocere ». En cas de dyspnée bruyante et inspiratoire une obstruction respiratoire haute est probable : une anesthésie et une intubation sont réalisées. Les voies pharyngolaryngées sont examinées. Aussitôt l’intubation réalisée, l’amélioration respiratoire doit être spectaculaire. N°143 du 25 juin au 1er juillet 2009 12 N 143-VETERGESIC-EXE 19/06/09 14:17 Page 14 Chat SYNTHESE Lors de dyspnée silencieuse et auscultation silencieuse (épanchement pleural) une thoracocentèse est effectuée. Si la situation l’autorise et si le chat le tolère, une tonte suivie d’une désinfection de la zone de ponction sont indiquées. Sinon le thorax est ponctionné en écartant simplement les poils et en désinfectant avec de l’alcool. Dyspnée bruyante © CHV Frégis Anesthésie et intubation Lors de discordance respiratoire avec atténuation des bruits respiratoires à l’auscultation, une thoracocentèse est indiqué en urgence. Au moins 150 ml de liquide doivent être retirés afin d’améliorer la respiration. La ponction pleurale s’effectue au niveau du 1/3 inférieur du 7e espace intercostal lorsque l’animal est en position sternale. Pour améliorer la fonction respiratoire d’un chat dyspnéique un volume d’au moins 150-200 ml de liquide doit être ponctionné. Dyspnée silencieuse Auscultation silencieuse Auscultation bruyante Thoracocentèse Furosémide Dexaméthasone Lors de dyspnée silencieuse avec auscultation bruyante on peut opter pour une approche thérapeutique empirique en attendant la stabilisation clinique permettant la réalisation de radiographies thoraciques : association de furosémide (2 à 4 mg/kg IV, IM ou SC) et de dexaméthasone (0,1 mg/kg IV, IM, SC). Cette association est très sûre que l’on se trouve face à un œdème pulmonaire cardiogénique ou face à une bronchite asthmatiforme. Un bronchodilatateur, comme la terbutaline (Bricanyl® 0,2 ml/ chat, SC), utilisé lors de suspicion de crise asthmatiforme (antécédents de toux, dyspnée expiratoire ou discordance avec crépitements fins) ne peut être utilisé si l’origine cardiaque n’est pas écartée à cause de son effet tachycardisant (béta-stimulant). I