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N°143 du 25 juin au 1er juillet 2009
La détection d’une cyanose des muqueuses est une situation
d’urgence. Tous les chats cyanosés sont en dyspnée, mais
de manière plus ou moins sévère. L’observation de la
respiration est importante pour le diagnostic différentiel.
Un animal cyanosé en raison d’une maladie respiratoire
présente une dyspnée très sévère. En revanche lors d’in-
toxication au paracétamol ou de shunts cardio-vasculaires
droite/gauche la respiration est altérée de façon plus discrète.
L’intoxication au paracétamol
La dose toxique chez le chat est de 50-100 mg/kg. Un demi-
comprimé à 500 mg suffit à intoxiquer un chat. Un com-
primé entier est létal. Deux phases toxiques s’installent
rapidement, dans les 3 à 12 heures qui suivent l’adminis-
tration. Pendant la phase 1, le chat est abattu, anorexique
et vomit. Les muqueuses sont cyanosées : cette couleur vio-
lacée est due à la formation de méthémoglobine. Les extré-
mités (tête, pattes) sont généralement gonflées.
Lorsque le pourcentage de méthémoglobine dépasse 20%
une hématurie et une hémoglobinurie peuvent apparaî-
tre. Une anémie hémolytique oxydative est alors présente.
Le sang est de couleur marron signant la présence de
méthémoglobine. L’examen cytologique du frottis san-
guin montre un grand nombre de corps de Heinz. Lorsque
le taux de méthémoglobine dépasse 50% la mort peut
survenir rapidement.
En phase 2, lorsque le chat survit, le paracétamol est méta-
bolisé dans les hépatocytes en un métabolite toxique (N-
acétyl-p-benzoquinone imine) pour les hépatocytes. Une
hépatite toxique apparaît. Le chat est en effet déficient
en glucuronyl transférase, enzyme qui transforme nor-
malement le paracétamol en acide glucuronique, non toxi-
que. Un ictère hépatique associé à une augmentation des
enzymes hépatiques (ALT et ALP) est observé. A ce
moment-là l’efficacité d’une intervention thérapeutique est
aléatoire.
Le traitement doit donc être le plus rapide possible. Une
sonde naso-œsophagienne est placée afin de pouvoir
administrer le cocktail médicamenteux suivant :
N-acétylcystéine : 140 mg/kg PO puis 70 mg/kg/4 heures
avec 3 ou 4 administrations ;
Vitamine C : 20-30 mg/kg/6 heures PO ;
Cimétidine : 5 mg/kg/8 heures P0 ou IV ;
S-adényl-méthionine (Zentonyl®) à dose très élevé:
200 mg/chat/12 heures pendant 3 jours puis 90 mg/chat/
12 heures pendant 11 jours.
Le chat bleu
La dyspnée oriente le diagnostic
A l’occasion du dernier congrès « Le Chat » à Arcachon en mai dernier, le Dr Hernandez a présenté une conférence
sur « le chat bleu ». Un chat est cyanosé lorsque son taux d’oxyhémoglobine est trop bas (inférieur à 3-5 g/dl). Il s’agit
d’une situation d’urgence. Les causes peuvent être une maladie respiratoire, une anomalie cardiaque congénitale ou
une intoxication au paracétamol qui provoque la formation de méthémoglobine empêchant la fixation de l’oxygène.
Chat
SYNTHESE
Conférencier
Dr Juan HERNANDEZ
Dipl. ACVIM
(Collège Américain
de Médecine Interne)
CHV Frégis, Arcueil 94110
Cyanose et gonflement de la face chez un chat intoxiqué au paracétamol.
© CHV Frégis
L’administration du traitement de l’intoxication au paracétamol nécessite la mise en
place d’une sonde naso-œsophagienne.
© CHV Frégis
Diagnostic différentiel lors de cyanose
Cyanose des muqueuses
Méthémoglobinémie Hypoxémie
Dyspnée grave
Maladie
respiratoire
Anomalie
cardiaque
Shunt vasculaire
droite-gauche
Intoxication
au paracétamol
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Les shunts cardio-vasculaires droite-gauche
Des anomalies cardiaques comme la communication inter-
ventriculaire ou la persistance du canal artériel donnent
généralement lieu à des shunts gauche-droite (le sang
hématosé va dans le circuit non hématosé). En cas d’hy-
pertension dans le secteur pulmonaire le sens du shunt peut
s’inverser et le sang qui part dans la circulation systémi-
que est alors du sang non oxygéné. Les signes cliniques
sont de la cyanose (muqueuses rouge brique), une into-
lérance chronique à l’effort et parfois l’auscultation d’un
souffle cardiaque. Une polycythémie absolue est facile à
détecter sur l’examen hématologique. Lors de persis-
tance de canal artériel avec inversion du shunt, c’est uni-
quement la partie arrière du corps (pénis, vulve, griffes
postérieures) qui est cyanosé car le mélange des sangs oxy-
géné et non oxygéné s’effectue après le départ du tronc
brachio-céphalique et de l’artère sous-clavière.
Les maladies respiratoires
Un chat cyanosé en dyspnée grave oriente immédiatement
le diagnostic vers une insuffisance respiratoire. Il s’agit d’une
urgence absolue.
Généralement aucun examen complémentaire n’est réa-
lisable et toute manipulation diagnostique est différée.
Lors de la rapide anamnèse l’hypothèse de l’accident
(chute, accident voiture) doit être envisagée.
Il est important de limiter le stress au maximum.
La démarche doit alors être systématisée :
1- Oxygéner pendant 5 min
2- Observer et écouter la dyspnée
3- Ausculter
4- Agir
L’apport d’oxygène est la première chose à faire (cage à
oxygène ou masque). La dyspnée est alors observée :
est-elle silencieuse ou bruyante ?
Les dyspnées obstructives extra-thoraciques (corps étran-
ger, paralysie laryngée, tumeur laryngée, traumatisme tra-
chéal…) sont bruyantes. Les dyspnées intra-thoraciques
(épanchements pleuraux, pneumothorax, œdème pulmo-
naire, asthme…) sont très souvent silencieuses à l’oreille
nue. Statistiquement, on constate que lors de dyspnée
intra-thoracique dans la moitié des cas il s’agit d’un épan-
chement pleural, dans un quart des cas un œdème pul-
monaire cardiogénique et l’autre quart de l’asthme.
La dyspnée est-elle inspiratoire, expiratoire ou discor-
dante ? Si la phase inspiratoire domine, une obstruction
haute est probable. Si c’est la phase expiratoire qui domine,
une obstruction intrathoracique est probable. En cas de dis-
cordance, une affection pleurale (épanchement, pneumo-
thorax, hernie diaphragmatique) ou pulmonaire étendue
(œdème, hémorragies) est à suspecter fortement.
L’auscultation est riche d’enseignement lors de discor-
dance respiratoire silencieuse. Lorsque les bruits sont
fortement atténués, une anomalie pleurale est probable
(épanchement).
Au contraire, des bruits broncho-pulmonaires surajoutés
(sifflements, crépitements) signent une anomalie broncho-pul-
monaire (asthme, œdème pulmonaire, broncho-pneumonie).
Le traitement
Ensuite le traitement de l’hypothèse la plus probable est
initié en gardant en tête le fameux adage « primum non
nocere ». En cas de dyspnée bruyante et inspiratoire une
obstruction respiratoire haute est probable : une anesthésie
et une intubation sont réalisées. Les voies pharyngo-
laryngées sont examies. Aussitôt lintubation réalisée,
l’amélioration respiratoire doit être spectaculaire.
Chat
SYNTHESE
Les commémoratifs d’accident permettent de suspecter la présence d’une hernie
diaphragmatique chez un chat cyanosé dyspnéique. Seule une oxygénothérapie est
mise en œuvre en urgence.
© CHV Frégis
Le cœur situé à gauche montre la présence d'un shunt cardiaque (communication
interventriculaire en l'occurrence) avec un flux se dirigeant vers la droite (shunt
gauche-droit). Le cœurs situé à droite montre un flux se dirigeant vers la gauche
(shunt droite-gauche). Le sang éjecté dans l'aorte est un mélange de sang hématosé
et de sang non hématosé.
Le ventricule gauche (VG), le ventricule droit (VG), le tronc pulmonaire (TP) et l’aorte (Ao).
Ausculter
Bruits surajoutés Atténuation de bruits
œdème
pulmonaire
Epanchement pleural
Asthme
VG
TP TP
VD VD
VG
Ao Ao
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Lors de dyspnée silencieuse et auscultation silencieuse
(épanchement pleural) une thoracocentèse est effectuée. Si
la situation l’autorise et si le chat le tolère, une tonte
suivie d’une désinfection de la zone de ponction sont
indiquées. Sinon le thorax est ponctionné en écartant
simplement les poils et en désinfectant avec de l’alcool.
La ponction pleurale s’effectue au niveau du 1/3 inférieur
du 7eespace intercostal lorsque l’animal est en position
sternale. Pour améliorer la fonction respiratoire d’un
chat dyspnéique un volume d’au moins 150-200 ml de
liquide doit être ponctionné.
Lors de dyspnée silencieuse avec auscultation bruyante on
peut opter pour une approche thérapeutique empirique
en attendant la stabilisation clinique permettant la réali-
sation de radiographies thoraciques : association de furo-
sémide (2 à 4 mg/kg IV, IM ou SC) et de dexaméthasone
(0,1 mg/kg IV, IM, SC). Cette association est très sûre
que l’on se trouve face à un œdème pulmonaire cardio-
génique ou face à une bronchite asthmatiforme.
Un bronchodilatateur, comme la terbutaline (Bricanyl®
0,2 ml/ chat, SC), utilisé lors de suspicion de crise asth-
matiforme (antécédents de toux, dyspnée expiratoire ou
discordance avec crépitements fins) ne peut être utilisé si
l’origine cardiaque n’est pas écartée à cause de son effet
tachycardisant (béta-stimulant). I
Chat
SYNTHESE
Lors de discordance respiratoire avec atténuation des bruits respiratoires à l’auscultation,
une thoracocentèse est indiqué en urgence. Au moins 150 ml de liquide doivent être retirés
afin d’améliorer la respiration.
© CHV Frégis
Dyspnée
silencieuse
Dyspnée
bruyante
Anesthésie
et intubation
Thoracocentèse Furosémide
Dexaméthasone
Auscultation
silencieuse
Auscultation
bruyante
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