Rôle de la personnalité dans la dépression du sujet âgé : différence

Article original
Rôle de la personnalité
dans la dépression du sujet âgé :
différence entre dépression
avec ou sans antécédents
PHILIPPE NUBUKPO
1
JOËL HARTMANN
1
JEAN-PIERRE CLÉMENT
2
1
Service hospitalo-
universitaire de psychiatrie
adulte et de psychologie
clinique, Limoges
2
Pôle universitaire de
psychiatrie du sujet âgé,
Limoges
Tirésàpart:
J.-P. Clément
Résumé. Le rôle de la personnalité et de ses troubles a été souligné dans la dépression du
sujet âgé. L’objectif de cette étude était de déterminer le rôle de ces troubles dans la
dépression de survenue tardive par comparaison avec la dépression de survenue précoce.
Une étude transversale a été réalisée chez 48 sujets âgés de plus de 65 ans, hospitalisés
pour un épisode dépressif majeur (critères du DSM-III-R) sans caractéristiques bipolaires, et
évalués à deux temps différents. Le premier entretien a permis de confirmer l’épisode
dépressif, d’éliminer une altération cognitive et de classer les patients en deux groupes
selon que la dépression était de survenue précoce ou tardive. L’évaluation de la personna-
lité a été réalisée, après guérison, lors d’un deuxième entretien, à l’aide de l’International
personality disorder examination (IPDE), dans sa version VKP traduite en français, qui
évalue les troubles de la personnalité selon le DSM-III-R et la CIM-10. Les résultats ont
montré une prévalence des troubles de la personnalité plus élevée chez les patients
présentant une dépression à début précoce que chez les patients présentant une dépression
à début tardif. Le trouble le plus fréquemment observé était une personnalité évitante. Ces
résultats devraient être confirmés sur une cohorte plus importante.
Mots clés : dépression, sujet âgé, personnalité, dépression précoce, dépression tardive
Abstract. Personality disorders have been implicated in the occurrence of depression in the
elderly. The main purpose of this study was to assess the role of personality disorders in
depression of the elderly and to distinguish between early and late onset depression. The
study included 48 subjects over 65 years of age from a department of psychiatry, who
suffered from a major depressive episode according to the criteria of the DSM-III-R, without
bipolar characteristics. The patients were examined at two different times. At the first
interview, depression was assessed by the mini-GDS and the CES-D scales, and a cognitive
disorder was ruled out by the Mini-Mental State Examination. The patients were then
classified in two groups according to the time of the first occurrence of depression, before
(early onset depression) or after (late onset depression) 65 years of age. A second evalua-
tion was performed after the cure of the depression. The patients’ personality was then
assessed using the International Personality Disorder Examination, in its VKP French-
translated version, which evaluates personality disorders as defined by the criteria of the
DSM-III-R and the ICD-10. The frequency of personality disorders was higher in patients
with early-onset depression rather than in those with late onset depression. The most
frequent personality disorder was avoiding personality (Cluster C) according to categorical
as well as dimensional assessment. Dependant personality(Cluster C) was also quite
often associated with early-onset depression. However this results should be confirmed by
a larger study.
Key words:depression, elderly, personality, early onset depression, late onset depression
La dépression du sujet âgé, par sa fréquence
élevée, ses présentations cliniques atypiques et
son pronostic, constitue un véritable problème
de santé publique. On estime que 15 à 30 % des per-
sonnes âgées qui consultent en médecine générale
présentent des symptômes dépressifs significatifs. Au
plan clinique, 1,4 % des dépressions du sujet âgé ont
des présentations atypiques et 13 % sont classées
comme dysthymie [1]. Le pronostic est réservé du fait
d’une moins bonne réponse au traitement et de la pos-
sibilité d’une évolution démentielle.
Psychol NeuroPsychiatr Vieil 2005;3(1):63-9
Psychol NeuroPsychiatr Vieil, vol. 3, n° 1, mars 2005 63
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Problématique fréquente de l’adulte, les troubles de
la personnalité sont définis comme des modifications
permanentes et durables du comportement résultant
de déviations significatives des perceptions, des pen-
sées, des sensations et particulièrement des relations
avec autrui. La prévalence des troubles de la personna-
lité au cours de la dépression chez les patients suivis en
psychiatrie varie de6%à48%selon les études [2-4].
Chez le sujet âgé, peu d’études sont disponibles
[5-7]. La fréquence des troubles de la personnalité
varie, dans ces études, de 6 % à 80 % [8] avec une
prévalence moyenne estimée à 20 % [9]. Les troubles
du cluster C (personnalités dépendante, évitante ou
obsessionnelle-compulsive) semblent être les plus fré-
quemment observés [9-12]. Les troubles de la person-
nalité seraient plus fréquents dans les dépressions à
début précoce (avant 65 ans) [13], alors que les trou-
bles cognitifs seraient plus volontiers observés dans
les dépressions à début tardif (après 65 ans) avec une
probabilité plus marquée d’évolution vers la démence
[12, 14, 15].
L’objectif général de cette étude était de déterminer,
à l’instar d’autres études du même type [6, 16, 17], le
rôle des troubles de la personnalité dans la dépression
du sujet âgé en distinguant la dépression de survenue
tardive ou sans antécédent (DT), de la dépression de
survenue précoce ou avec antécédents (DP), à partir
d’une population de sujets âgés hospitalisés pour
dépression.
Les hypothèses testées étaient de deux ordres :
d’une part, la prévalence d’un trouble de la personna-
lité devrait être accrue dans les épisodes dépressifs à
début précoce et, d’autre part, certains autres facteurs
de risque que la personnalité interviendraient dans
l’âge de début de la dépression du sujet âgé.
Méthode
Il s’agit d’une étude transversale à deux points réa-
lisée chez 48 sujets âgés de plus de 65 ans, hospitalisés
en psychiatrie pour un épisode dépressif majeur (critè-
res du DSM-III-R) sans caractéristiques bipolaires. Cha-
que patient a été évalué à deux temps différents : pen-
dant l’épisode et 4 à 6 semaines après rémission.
Un premier entretien a permis, à l’aide d’une batte-
rie de tests, d’évaluer la sévérité de l’épisode dépressif
et d’éliminer un trouble démentiel.
L’anamnèse a permis de recueillir les variables
sociodémographiques, les données biographiques, les
antécédents et de préciser la date de survenue du pre-
mier épisode dépressif. La dépression a été évaluée par
la mini-GDS [1] et la CES-D [18]. Les fonctions cogniti-
ves ont été évaluées par le mini-mental state examina-
tion (MMSE). Les patients ont été inclus dans l’étude
s’ils obtenaient un score à la mini-GDS supérieur ou
égal à 1, un score à la CES-D supérieur ou égal à 17
chez les hommes et à 23 chez les femmes et un score
supérieur à 23 au MMSE.
Lors du deuxième entretien, chaque patient a été
réévalué après guérison de son état dépressif objecti-
vée par les données cliniques et à l’aide de la mini-
GDS, de la CES-D et du MMS.
L’évaluation de la personnalité a ensuite été réali-
sée,4à6semaines après rémission, à l’aide de l’Inter-
national personality disorder examination (IPE) [19]
dans sa version VKP (en néerlandais, Vragenlijst Klinis-
che Persoonlijkheid) [20], traduite en français [21]. Le
VKP évalue la phénoménologie et le vécu du sujet dans
le cadre des troubles de la personnalité définis par les
critères du DSM-III-R [22] et de la Classification interna-
tionale des maladies (CIM-10). Cette évaluation offre un
confort de passation et d’interprétation et est étayée
par des données bibliographiques sur son utilisation
chez le sujet âgé [5, 14]. Elle est préconisée par l’Orga-
nisation mondiale de la santé (OMS) pour une unifica-
tion des méthodes d’évaluation de la personnalité au
niveau international. Les questions sont regroupées
selon six rubriques : travail, soi, rapports interperson-
nels, sentiments, examen de la réalité et contrôle des
pulsions. Les sections sont introduites en libre discus-
sion, ce qui offre l’occasion au patient de discuter du
sujet avant de répondre à la question qui suit. Le score
est basé sur la convention qu’un comportement ou trait
peut être : absent ou normal (= 0), exagéré ou accentué
(= 1), présent à un niveau pathologique (= 2), ou non
applicable à la personne interrogée (= NA). Quand
celle-ci refuse de répondre, l’enquêteur le note. Il existe
une seconde colonne pour la cotation des données
venant d’un informateur fiable. En cas de contradiction
importante, les scores du sujet sont corrigés en fonc-
tion de ceux issus de l’informateur.
Les patients ne comprenant pas ou comprenant mal
les questions du VKP ont été exclus (9 sur un échan-
Points clés
La dépression du sujet âgé constitue un enjeu
majeur de santé publique.
La prévalence des troubles de la personnalité
paraît significativement plus élevée chez les patients
âgés dont la dépression débute avant 65 ans.
Le trouble le plus fréquemment observé était une
personnalité évitante (cluster C).
P. Nubukpo et al.
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tillon initial de 57 patients). La durée de passation était
de 3 heures.
Le score final à partir de la grille de cotation a fourni
les informations suivantes pour chaque trouble de la
personnalité du DSM-III-R et de la CIM-10 : présence ou
absence pour chaque critère ; nombre de critères ren-
contrés pour chaque désordre ; diagnostic établi, pro-
bable, absent pour chaque trouble de la personnalité
de l’axe II du DSM-III-R ; nombre et identité des critères
basés sur une information de l’informant ; score
dimensionnel pour chaque trouble.
La saisie des données a été effectuée par un tableur
(Microsoft Excel) et l’interprétation a été réalisée auto-
matiquement grâce à une programmation informati-
que.
Une comparaison statistique entre les deux grou-
pes de patients a été appliquée sur les éléments sui-
vants : âge, sexe, statut conjugal, antécédent de
divorce, nombre d’enfants, scores obtenus aux échel-
les de dépression et au MMS au cours des deux entre-
tiens et scores de personnalité (diagnostic positif et
score dimensionnel).
Les comparaisons de proportions ont été réalisées
avec le test du chi2 ou le test exact de Fisher. Les
comparaisons entre variables quantitatives ont été réa-
lisées avec le test U de Mann-Withney.
Pour l’ensemble des résultats, le seuil de significati-
vité statistique de 0,05 a été retenu.
Résultats
Quarante-huit patients déprimés ont été inclus,
répartis en deux groupes : 28 présentaient des antécé-
dents de dépression à début précoce (DP) et 20 une
dépression à début tardif (DT)).
Variables sociodémographiques
L’âge moyen était significativement plus élevé dans
le groupe DT que dans le groupe DP (74,8 ± 6,3 ans et
71,2 ± 5,8 ans respectivement, p = 0,05).
Le sex ratio (H/F) était de 12/36. Cette prédominance
féminine était présente dans les deux groupes.
En ce qui concerne la situation familiale des 48
patients, 29 étaient mariés, 15 veufs et 4 célibataires ; la
proportion de personnes divorcées était de 16,6 %
dans les deux groupes. Dix-sept sujets sur 48 vivaient
seuls (11 dans le groupe DP et 6 dans le groupe DT).
Quarante et un sujets (18 DT et 23 DP) sur les 48 avaient
arrêté leur scolarité après les études primaires. Sur
l’ensemble de ces paramètres, il n’existait pas de diffé-
rence significative entre les deux groupes (DP et DT).
L’âge moyen de survenue du premier épisode dépres-
sif était, comme on pouvait s’y attendre, significative-
ment plus élevé dans le groupe DT que dans le groupe
DP (71 ans ± 6,4 et 37 ans ± 13,7 respectivement ;
p < 0,0001).
Score aux différentes échelles
utilisées pour l’inclusion
Le score moyen au MMSE était significativement
plus élevé dans le groupe DP que dans le groupe DT
(27,3 ± 2,4 et 25,5 ± 3,5 respectivement ; p = 0,04)
(tableau 1). Le score moyen à la mini-GDS et à la CES-D
lors de la première évaluation montrait une plus
grande sévérité de la dépression dans le groupe DP
que dans le groupe DT. Au cours du second entretien,
après traitement, (en moyenne4à6semaines après
rémission), on observait une amélioration au niveau
des scores de dépression mais également au MMSE,
sans différence significative entre les deux groupes
(tableau 1).
Évaluation de la personnalité
Sur la totalité de l’échantillon, 33 sujets présen-
taient un trouble de la personnalité, soit 22 dans le
groupe DP et 11 dans le groupe DT (chi2 = 3,017,
ddl = 1, p < 0,10). Lorsque l’on considère les formes
cliniques des personnalités pathologiques au sein des
différents clusters A, B, C et les troubles non spécifiés
(NOS), une différence significative entre les deux grou-
pes n’existait que pour la personnalité évitante du clus-
ter C (23,4 % dans le groupe DP et 9 % dans le groupe
DT ; p = 0,003) (tableau 2).
En ce qui concerne le diagnostic positif par cluster,
les troubles de la personnalité contenus dans le cluster
Tableau 1.Caractéristiques psychométriques de l’échantillon
et comparaisons des moyennes aux différentes évaluations
(MMSE, CES-D, mini-GDS) entre les deux groupes.
Table 1. Comparison of the age of the patients at the time of
the study, at the first depressive episode, and of the scores at
the evaluation scales between subjets with early (DP) and late
onset (DT) depression. First (1) and second (2) evaluations.
DP (n = 28) DT (n = 20) p
A
ˆge (années) 71,2 ± 5,8 74,8 ± 6,3 0,05
A
ˆge du 1
er
épisode 37,5 ± 13,7 71,6 ± 6,4 0,0001
MMSE 1 27,3 ± 2,4 25,5 ± 3,5 0,03
Mini-GDS 1 3,4 ± 0,8 2,7 ± 1,3 0,04
CES-D 1 38,6 ± 6,8 34,4 ± 7,3 0,05
MMSE 2 28,6 ± 2,0 27,8 ± 2,5 ns
Mini-GDS 2 0,3 ± 0,5 0,3 ± 0,6 ns
CES-D 2 6,5 ± 4,7 7,0 ± 4,1 ns
Personnalité et dépression
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C (personnalité évitante, dépendante, obsessionnelle-
compulsive et passive-agressive) prédominaient
(53,7 %). Les clusters A et B représentaient respective-
ment 17,5 % et 14,5 % des troubles de la personnalité
diagnostiqués ; les troubles non spécifiés de la person-
nalité étaient diagnostiqués dans 14,5 % de l’échan-
tillon total. Cette répartition des troubles par cluster
variait peu dans chaque groupe (DP et DT).
L’analyse comparative des groupes DP et DT pour
les scores dimensionnels des différentes catégories
(clusters A, B, C et NOS) montre une différence signifi-
cative pour la personnalité schizotypique du cluster A
(2,78 pour DP et 1,25 pour DT ; p = 0,04) et la personna-
lité évitante du cluster C (6,64 pour DP et 3,70 pour DT ;
p = 0,004) (tableau 3).
Discussion
Il faut souligner d’emblée quelques limites
méthodologiques de cette étude. La taille réduite de
l’échantillon explique la faible significativité des résul-
tats et l’absence de groupe contrôle rend impossible la
comparaison à une population de référence. En outre,
le nombre élevé de critères étudiés (douze troubles de
la personnalité) contraste avec le faible nombre de
patients inclus. Néanmoins, l’étude permet des cons-
tats intéressants au regard de la littérature et ses résul-
tats rejoignent souvent ceux d’autres auteurs mais par-
fois s’en éloignent.
Les hypothèses de la littérature
confirmées par notre étude
La première hypothèse était que, conformément à
la littérature, la prévalence d’un trouble de la personna-
lité est plus élevée au cours des épisodes dépressifs du
sujet âgé à début précoce (avant 65 ans). De nombreu-
ses études ont souligné la fréquence élevée des trou-
bles de la personnalité chez les patients souffrant de
dépression, qu’elle soit à début précoce ou tardif, avec
des prévalences allant de 9 % à 62 %, variabilité liée à
la diversité de la méthodologie utilisée par les auteurs
[12, 23, 24]. Cette association devient bien plus impor-
tante lorsque les études sont ciblées sur des personnes
âgées hospitalisées pour un épisode dépressif majeur
[5, 13]. Ainsi, dans notre série, cette fréquence était de
68,7 % dans l’échantillon total et encore plus élevée
(78,5 %) dans le groupe DP.
La seconde hypothèse était l’existence d’une plus
grande association entre la dépression précoce et les
personnalités classées dans le cluster C du DSM-III-R.
Nous avons constaté dans notre étude que les trou-
bles de la personnalité classés dans le cluster C étaient
Tableau 2.Résultats VKP : diagnostics positifs par groupe.
Table 2. Results of the assessment of personality disorders by the International personality disorder examination. Number of
criteria and definite diagnosis in patients with early (DP) and late onset (DT) depression.
Sous-type de trouble
de la personnalité
Nombre total
de critères
Nombre de critères pour
diagnostic définitif
Nombre de patients ayant satisfait les critères
pour un diagnostic définitif
p
DP DT total
Cluster A 8 4 12 (17,5 %)
Paranoïaque 7 4 6 3 9 NS
Schizoïde 7 4 1 1 2 NS
Schizotypique 9 5 1 0 1 NS
Cluster B 7 3 10 (14,5 %)
Antisociale 12 3 0 0 0
Borderline 8 5 1 2 3 NS
Histrionique 8 4 4 1 5 NS
Narcissique 9 5 2 0 2 NS
Cluster C 26 11 37 (53,5 %)
Évitante 7 5 11 2 13 0,003
Dépendante 9 5 11 4 15 NS
Compulsive 9 5 2 4 6 NS
Passive-agressive 9 5 2 1 3 NS
NOS 6 4 10 (14,5 %)
Sadique 8 4 0 0 0 NS
Conduite d’échec 8 5 1 0 1 NS
Autres NOS 15 5 4 9 NS
Total 48 22 69 (100 %)
P. Nubukpo et al.
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plus fréquemment associés à la dépression à début
précoce. Ceci semble confirmer l’hypothèse qu’il exis-
terait une plus grande association entre la dépression
précoce et les personnalités classées dans le cluster C
du DSM-III-R qui englobe les personnalités anxieuses
[2]. Nos résultats sont à rapprocher de ceux d’autres
auteurs qui avaient retrouvé 30,4 % [4] et 28,9 % [25] de
personnalités évitantes chez des patients dépressifs
hospitalisés. L’hypothèse de cette forte comorbidité est
retrouvée dans la plupart des études récentes [5, 14].
La troisième hypothèse concordante avec les don-
nées de la littérature est l’existence d’une plus grande
fréquence des troubles cognitifs dans les dépressions à
début tardif (après 65 ans) avec une probabilité plus
marquée d’évolution vers la démence [12, 14].
L’analyse des résultats du MMSE dans notre étude
a montré que le score moyen des patients du groupe
DT était inférieur de 1,8 point par rapport à celui du
groupe DP. Ceci confirme l’hypothèse de l’association
fréquente entre la dépression à début tardif et les trou-
bles cognitifs chez les personnes âgées soulignée par
de nombreux auteurs [26]. Un élargissement des ven-
tricules cérébraux en tomodensitométrie a également
été décrit chez les sujets dépressifs âgés de plus de
60 ans [27].
La dernière hypothèse concordante avec la littéra-
ture est que des facteurs de risque autres que la per-
sonnalité interviendraient dans l’âge de début de la
dépression du sujet âgé. Si l’on considère les facteurs
socioenvironnementaux, le taux élevé de veufs dans le
groupe DT de notre étude pourrait plaider en faveur de
l’importance des dépressions réactionnelles aux multi-
ples pertes subies à cet âge. Il s’agit d’un âge au cours
duquel les deuils accumulés sont responsables d’une
solitude qui, associée parfois à la perte des capacités
fonctionnelles et des occupations professionnelles,
entraîne une souffrance et une atteinte narcissique pré-
disposant à la dépression [28]. Cela semble concorder
avec la moindre prévalence des troubles de la person-
nalité dans ce groupe.
Les hypothèses de la littérature
non confirmées par notre étude
Dans notre étude, la fréquence des troubles de la
personnalité (78,5 %) dans le groupe des dépressions à
début précoce (avant 65 ans) était plus élevée que celle
trouvée par d’autres auteurs (7 % chez 30 patients de
plus de 50 ans hospitalisés ou suivis en ambulatoire
[22]).
Nos résultats s’éloignent par contre de ceux rappor-
tés dans la méta-analyse d’Abrams et al. [22]. Cette
méta-analyse fait ressortir une fréquence plus élevée
de troubles de la personnalité du cluster A chez les
sujets de moins de 50 ans, mais un taux de personna-
Tableau 3.Résultats VKP : scores dimensionnels moyens pour
chaque groupe.
Table 3. Comparison of the mean scores for each personality
disorder between the patients with early (DP), and late onset
(DT) depression.
Sous-type de
trouble de la
personnalité
Score dimensionnel moyen (somme des
critères cotés 1 (trait occasionnel) et cotés
2 (trait permanent)
DP DT p
Cluster A
Paranoïaque 4,3 ± 3,9 3,1 ± 3,4 NS
Schizoïde 3,0 ± 2,1 2,8 ± 2,3 NS
Schizotypique 2,8 ± 2,9 1,2 ± 1,7 0,04
Cluster B
Antisociale 0,4 ± 1,3 1,4 ± 2,7 NS
Borderline 4,7 ± 3,3 3,7 ± 3,0 NS
Histrionique 4,1 ± 2,8 3,1 ± 2,2 NS
Narcissique 4,1 ± 3,2 3,1 ± 2,4 NS
Cluster C
Évitante 6,6 ± 3,6 3,7 ± 3,0 0,004
Dépendante 7,2 ± 4,4 5,2 ± 3,7 NS
Compulsive 5,9 ± 3,0 5,7 ± 3,4 NS
Passive-agressive 3,7 ± 3,2 3,0 ± 2,7 NS
NOS
Sadique 0,4 ± 1,0 0,4 ± 0,9 NS
Conduite d’échec 3,7 ± 2,3 3,8 ± 2,0 NS
Tableau 4.Fréquence des différents types de troubles de la
personnalité chez le sujet âgé [6].
Table 4. Frequency of the different personality disorders in
depressed patients over and under 50 years according to [6].
50 ans et plus Moins de 50 ans
Type de trouble Taux
(%)
Nombre
d’études
Taux
(%)
Nombre
d’études
Paranoïaque 19,8 5 31,4 2
Conduites
d’échec 12,3 2
Schizoïde 10,8 6 2,3 2
Obsessionnel-
compulsif 7,8 12 6,6 5
Évitant 7,7 8 3,2 3
Borderline 7,1 7 3,4 3
NOS 6,5 3
Passif-agressif 6,2 7 1,8 3
Dépendant 5,4 8 4,5 5
Histrionique 4,9 7 3,4 5
Schizotypique 4,9 5 1,2 3
Narcissique 4,6 7 12,6 3
Antisocial 2,6 6 4,8 3
Mixte 2,0 4 5,9 2
Personnalité et dépression
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