2. Petite sœur dans les églises
Jouer dans une église permet de se relier plus facilement à la dimension spirituelle de
notre existence. Par ailleurs, le silence, la lumière, le caractère sacré du lieu permettent de
plonger dans un état de conscience proche de l'état méditatif, propice à l'écoute de la
poésie. L'écriture de Jon Fosse est une écriture sensible, musicale et il la décrit lui-même
comme une « prière païenne ». Instaurer le cadre idéal à une écoute plus attentive, plus
sensible permet de se relier encore plus profondément aux thématiques évoquées dans
Petite sœur. Dans la pièce, le narrateur décrit les pensées d'un enfant qui peu à peu prend
à la fois conscience de sa solitude et de sa soif d'infini. Inconsolable, il tente de fuir le
monde des adultes pour accéder à l'état d'apaisement qu'il a connu initialement en
contemplant la nature.
Cette recherche de la consolation demeure une fois que nous sommes adultes et
constitue un besoin fondamental de l'être humain. Étymologiquement, consoler c'est ne
pas laisser l'autre seul. Ce besoin d'être avec autrui donne du sens à la notion de
communauté. Le théâtre est justement un prétexte pour relier les hommes autour d'un
évènement commun, le temps du récit.
Jouer dans une église un texte qui évoque la consolation, c'est relier les spectateurs à une
part d'eux-mêmes qui les rend plus aptes à écouter et accueillir l'autre, l'inconnu en eux et
en dehors d'eux-mêmes.
(…) il se couche sur le dos et il reste là à regarder le ciel, et le ciel n'est pas d'un bleu qui
fait mal mais d'un bleu doux, et pourtant il paraît d'un bleu profond, et là-bas au loin il y a
un léger nuage, pas vraiment un nuage, seulement quelques filaments qui bougent et qui
s'apprêtent à former un nuage strié par les brins d'herbe au-dessus de sa tête, et l'herbe
ondule doucement et il fixe un brin d'herbe, il voit le brin d'herbe qui va et qui vient devant
le petit nuage, qui va et qui vient dans un sens puis dans l'autre, doucement, doucement,
dans un sens puis dans l'autre il va et il vient, et il reste allongé et ne cesse de regarder et
ses yeux se ferment et sa respiration va et vient, va et vient, il respire doucement et il sent
comme une petite vague frappant le rivage, une petite vague qui va et qui vient, qui va et
qui vient, va et vient, va et vient, et puis il n'y a plus que sa respiration là-bas dans l'herbe
haute, sous le ciel, près du fjord.
extrait de Petite sœur
Répétitions dans la forêt de Murel, près de l'église.