“Tumeurs malignes non opportunistes” et infection à VIH - Non

MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 1 - janvier-février 2006
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L’
introduction des thérapies antirétrovirales a profon-
dément modifié la survie des patients infectés par
le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). À
l’heure actuelle, on peut estimer à plusieurs dizaines d’années
la survie d’un patient dont l’infection par le VIH est contrôlée
par un traitement antiviral, c’est-à-dire s’accompagnant d’une
indétectabilité de la charge virale, et donc de la réplication virale
plasmatique, et d’une restauration immunitaire, avec des lym-
phocytes CD4 supérieurs à 250-300/mm
3
. La mise à disposi-
tion des thérapeutiques antirétrovirales hautement actives
(HAART) a en effet, à partir de 1996, transformé durablement
le pronostic des patients infectés par le VIH, réduisant le
nombre d’infections opportunistes, leur gravité, le nombre de
séjours à l’hôpital et la mortalité générale liée au VIH (1).
Ainsi, la diminution drastique de la sévérité de l’infection VIH et
son corollaire, le vieillissement de la population infectée par le
VIH, ont conduit à l’émergence de comorbidités et d’autres causes
de mortalité. L’enquête intitulée “Mortalité 2000” (1), dont l’ob-
jectif était la description de la répartition des causes de décès en
2000 des adultes infectés par le VIH et de leurs caractéristiques,
a nettement montré l’émergence de décès liés au virus de l’hépa-
tite C (VHC) et à des cancers non classant sida, ces décès surve-
nant avec un niveau d’immunodépression relativement peu avancé.
“Tumeurs malignes non opportunistes” et infection à VIH
Non-AIDS defining malignancies
© La Lettre du Cancérologue - Volume XIV - n° 4 - juillet-août 2005.
J.P. Spano*, D. Costagliola**, C. Katlama***
* Département d’oncologie médicale, groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière,
75013 Paris.
** Unité Inserm U720, université Pierre-et-Marie-Curie, Paris.
*** Département des maladies infectieuses, groupe hospitalier Pitié-
Salpêtrière, 75013 Paris.
RÉSUMÉ.
Les tumeurs malignes sont devenues une des principales causes de morbidité et de mortalité chez les patients infectés par le VIH.
Les cas de tumeurs malignes ne définissant pas le sida ont une incidence plus élevée que dans la population non infectée par le VIH. Ces
tumeurs malignes comme la maladie de Hodgkin, le cancer bronchique, les cancers cutanés ou le cancer du canal anal sont caractérisées par
une présentation clinique initiale plus agressive et une évolution plus péjorative que dans la population générale. Si la mise à disposition des
thérapeutiques antirétrovirales hautement actives (HAART) a, en effet, transformé durablement le pronostic des patients infectés par le VIH,
réduisant le nombre d’infections opportunistes et leur gravité, l’émergence de ces pathologies malignes est responsable d’un nouveau défi dans
la prise en charge de ces patients. De plus, bien que de très nombreux progrès aient été réalisés en termes de stratégie optimale de prise en
charge de ces cancers, que ce soit en termes de chimiothérapies ou d’associations avec les antirétroviraux, il manque encore des recomman-
dations thérapeutiques bien établies à tous les niveaux, depuis la prévention et le dépistage jusqu’au traitement spécifique. Cet article de syn-
thèse a pour objet de faire une mise au point sur les données actuelles, épidémiologiques et cliniques, concernant ces nouvelles pathologies
malignes susceptibles d’être rencontrées chez le patient infecté par le VIH, qui pourraient faire le “lit” de futures recommandations, devenues
indispensables.
Mots-clés :
Cancer - VIH - Traitement - Prévention.
ABSTRACT.
Malignant tumors currently rank among the leading causes of morbidity and mortality in patients infected with HIV. Non-AIDS
defining tumors have a higher incidence than the general population such as Hodgkin’s disease, lung cancer, cutaneaous cancer and anal can-
cer. These malignant tumors are generally characterized by a more aggressive behaviour at diagnosis and a poorer outcome compared with
the same tumors in the general population. Eventhough the advent of highly active antiretroviral therapy (HAART) has dramatically improved
patient outcome and provided a significant shrinking of the cases and severity of opportunistic infections, these non-AIDS malignancies are
responsible of a new vexing challenge in HIV patient care and cure. Recent therapeutic advances have been made in chemotherapy, combina-
tions with antiretroviral agents, for many of these malignancies but the pronostic remains poor and there are currently no optimal therapeutic
guidelines, especially in screening or specific therapies. This article has the goal to provide an update of the different epidemiological and cli-
nical data of the common non-AIDS malignancies likely to be encountered in HIV patients that may help HIV infection specialists with onco-
logists to draw further recommendations.
Keywords:
Cancer - HIV - Therapeutic strategy - Prevention.
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 1 - janvier-février 2006
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Dans cette étude, sur un total de 964 décès, 269 (28 %) ont été
attribués à des cancers, dont 149 (15 %) étaient de type classant.
Les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH), dont l’in-
cidence a diminué de façon moins importante que celle des
infections opportunistes, ont été responsables de 11 % des décès
(105 cas), dont 27 lymphomes cérébraux primitifs. Le sarcome
de Kaposi a été responsable de 40 décès (4 %) et le cancer du
col utérin de 5 décès (0,5 %). Les cancers non associés au sida
ont été responsables de 120 décès (13 %), avec 103 tumeurs
solides (hépatocarcinome, cancers digestifs, cancer du canal
anal, cancer bronchique) et 17 hémopathies (maladie de
Hodgkin, leucémie myéloïde, myélome).
Les particularités les plus marquantes étaient la proportion impor-
tante de consommateurs excessifs d’alcool parmi les personnes
décédées du VHC, et de fumeurs parmi celles décédées de can-
cer, cancer dont la localisation la plus fréquente était le poumon.
Comparées aux autres causes de décès, les tumeurs solides
concernaient plus fréquemment des hommes, fumeurs, plus âgés
et avec un nombre absolu de lymphocytes CD4 plus élevé.
Les différents types de tumeurs malignes directement associées
à l’infection à VIH ont été largement décrits depuis le début de
l’épidémie : sarcome de Kaposi, LMNH de type B, lymphome
cérébral primitif et cancer du col utérin (2). Ces tumeurs
malignes partagent, sur le plan étiologique, la caractéristique
d’être associées et probablement causées par des virus à ADN,
du groupe herpès-EBV, HHV8, papillomavirus (HPV), dont la
persistance et le rôle oncogénique sont favorisés par l’immu-
nodépression cellulaire induite par le VIH.
De plus, les thérapeutiques antirétrovirales de type HAART
ont également eu un impact important sur l’histoire naturelle
de ces tumeurs malignes associées au VIH. Ainsi, l’incidence
du sarcome de Kaposi a considérablement diminué ; il en a été
de même, bien qu’à un moindre degré, pour les LMNH, comme
cité précédemment.
De la même façon, l’histoire naturelle des LMNH a été modi-
fiée. Besson C. et al. (3) ont étudié l’incidence des lymphomes
en France chez des patients infectés par le VIH avant et après
1996, date qui correspond au début des thérapies de type
HAART. Entre 1993 et 1998, 145 cas de lymphomes ont été
diagnostiqués dans la base de données hospitalières française
(FHDR), avec une incidence nettement moindre de lymphomes
associés au sida dans la période post-HAART qu’à la période
pré-HAART (42,9 ‰ versus 86 ‰ respectivement), y compris
pour les lymphomes cérébraux primitifs (9,7 ‰ versus 27,8 ‰
respectivement). La survie des patients a également augmenté
d’une période à l’autre (passant en moyenne de 6 à 20 mois ;
p=0,004). Ainsi, le pronostic des patients atteints de LMNH
associés au sida s’est amélioré depuis l’utilisation des théra-
pies de type HAART. Cependant, les LMNH représentent en
France la première cause de mortalité chez les patients infec-
tés par le VIH (3).
Avant les thérapeutiques de type HAART, les cancers non asso-
ciés au sida représentaient moins de 1 % des causes de décès
dans cette population (4-7), alors qu’ils représentent plus de
10 % des causes de décès actuellement en France si l’on tient
compte des résultats de l’enquête de “Mortalité 2000” (1).
L’augmentation importante de ces cas de tumeurs malignes
peut être attribuée à l’augmentation de l’espérance de vie des
patients infectés par le VIH, mais aussi au possible rôle onco-
génique des virus fréquemment associés au VIH, tels que l’hé-
patite B ou C, le virus d’Epstein-Barr (EBV) et l’HPV, voire
même au VIH lui-même. Enfin, en plus de l’immunodépres-
sion évoluant depuis plusieurs années, les déficits fonctionnels
immunitaires qui existent dans le cadre de cette infection chro-
nique à VIH pourraient jouer un rôle physiopathologique dans
la genèse de ces pathologies malignes.
Plusieurs études épidémiologiques ont récemment montré par
rapport à la population générale une augmentation du risque
pour la maladie de Hodgkin (6, 7), le cancer bronchique (pour
lequel un tabagisme excessif est souvent retrouvé chez des
patients infectés par la VIH), certains cancers de la tête et du
cou, le cancer du canal anal, les tumeurs du testicule, les can-
cers cutanés et le mélanome (2-8).
Ces tumeurs malignes, non directement liées au VIH, sont
caractérisées par une présentation clinique initiale plus agres-
sive que dans la population générale et une évolution clinique
péjorative semblant dépendre du statut immunitaire des patients
au moment du diagnostic. L’étude de Hérida M. et al. (7)a éva-
lué l’incidence des cancers non associés au sida chez des
patients infectés par le VIH au cours de deux périodes, la
période P1 (1992-1995), pré-HAART, et la période P2 (1996-
1999), post-HAART. Les incidences ont été comparées à celles
de la population générale pour le même âge et le même sexe.
Le nombre de cancers diagnostiqués a été de 260 cas au cours
de la période P1, et de 391 au cours de la période P2, chez les
77 025 patients infectés par le VIH suivis entre 1992 et 1999.
L’incidence estimée pour tous les cancers a été plus élevée chez
les hommes durant les deux périodes par rapport à celle retrou-
vée dans la population générale (P1, standard incidence ration
[SIR] = 2, 36 ; P2, SIR = 1, 91). Seule l’incidence de la mala-
die de Hodgkin a été plus élevée que dans la population géné-
rale pour les deux sexes et pour les deux périodes, et plus éle-
vée au cours de la période P2 qu’au cours de la période P1.
L’incidence des cancers bronchiques a été plus élevée pour les
deux sexes durant la période P2.
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 1 - janvier-février 2006
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L’ensemble des principales études épidémiologiques relatives aux
cancers non associés au VIH est résumé dans le
tableau I
(9-12).
Enfin, une dernière étude vient d’être publiée dans le Journal
of Cancer Institute, décrivant les cas de cancers chez des
patients infectés par le VIH, suivis en Suisse (13). Cette étude
a eu pour objet de déterminer si certains facteurs de risque
(comme le tabac), les traitements de type HAART ou certains
groupes à risque vis-à-vis de l’infection à VIH pouvaient expli-
quer l’augmentation du risque de développer un cancer dans
une cohorte de patients suivis pour leur infection à VIH. Cette
étude confirme la diminution de l’incidence de la maladie de
Kaposi, mais elle montre aussi une diminution de l’incidence
du cancer du col, et non des LMNH, depuis le début des thé-
rapies de type HAART (période 1996-2002) chez les patients
infectés par le VIH par rapport à la population générale. L’in-
cidence est augmentée en revanche pour quatre cancers non
associés à l’infection par le VIH :
le cancer bronchique (RR ajusté = 2,13 [IC
95
:1,06-4,27]) ;
la maladie de Hodgkin (RR ajusté = 4,58 [IC
95
:3,10-6,77]) ;
le cancer anorectal (RR ajusté = 10,13 [IC
95
:7,78-13,72]) ;
le mélanome (RR ajusté = 2,99 [IC
95
:1,71-5,22]).
L’incidence des autres cancers habituellement décrits dans la
population générale, tels que le cancer du sein, le cancer du
côlon et le cancer de la prostate, n’a pas significativement aug-
menté chez les patients suivis dans cette cohorte. Les thérapies
de type HAART semblent prévenir le risque de survenue de
maladie de Kaposi et des LMNH, conformément aux données
de la littérature. Cependant, chez ces patients traités par
HAART, le risque de développer une maladie de Hodgkin (en
termes de risque relatif) est sensiblement comparable à celui
de développer une maladie de Kaposi et des LMNH, mais
il reste plus élevé pour la période post-HAART que pour la
période pré-HAART. Il n’a pas été démontré d’impact signifi-
catif des traitements de type HAART sur l’incidence du can-
cer du col utérin. Quant aux cancers du poumon, de la langue,
de l’oropharynx ou du pharynx, aucun cas n’a été observé chez
les patients non fumeurs.
On se propose ainsi, dans le cadre de cette revue, de présenter
les cas de tumeurs malignes non directement associées à l’in-
fection à VIH, les plus fréquemment rencontrées et qui repré-
sentent un nouveau défi dans la prise en charge des patients
infectés par le VIH.
LA MALADIE DE HODGKIN
La maladie de Hodgkin (MH) représente la tumeur maligne la
plus fréquente parmi les cancers non associés à l’infection à VIH.
Le risque relatif de développer une MH chez les patients infec-
tés par le VIH varie, selon les études, de 5 à 50,9 (1-7) :ce risque
relatif a été de 23 et de 32 respectivement pour les périodes pré-
HAART et post-HAART chez les hommes, et de 10 et 14 chez
les femmes pour les mêmes périodes dans l’étude de Hérida M.
et al. (7). Si la plupart des études semblent suggérer que le risque
de MH augmente avec la durée de l’immunodéficience, l’étude
de Herida M. et al. (7)montre que l’incidence de la MH au cours
de la période post-HAART par rapport à la période pré-HAART,
avec un nombre de lymphocytes CD4 significativement plus
élevé et une proportion plus faible de patients au stade sida.
Concernant les caractéristiques clinicopathologiques communes
à l’ensemble des principales séries publiées dans la littérature
sur la MH (2, 6), on retrouve en général des formes plus agres-
sives de maladie, une fréquence plus importante de sous-types
histologiques de mauvais pronostic (type 3), des stades plus avan-
cés au moment du diagnostic et une évolution plus péjorative
comparativement à la population générale. En effet, on observe
dans environ 75 % des cas des stades III et IV au moment du
Tableau I. Risque relatif de l’ensemble des cancers ne définissant pas le sida dans cinq études de patients atteints de sida.
Cohorte Date de l’étude Année de publication Nombre de sujets Nombre de cancers Risque relatif IC95
NCI AIDS Cancer 1985-1996 1998 98 226 712 1,7 1,5-2,3
Match
Grulich AE 1980-1993 1999 3 616 62 3,0 2,3-3,84
et al.
Gallagher B 1981-1994 2000 122 993 1 569 3,1 (hommes) 2,8-3,37
et al. 2,9 (femmes) 2,34-4,59
Frisch M. 1978-1996 2001 302 834 4 422 2,7 2,7-2,8
et al.
Herida M 1992-1995 2003 77 025 260 2,36 (hommes) 2,09-2,69
et al.
1996-1999 2003 77 025 260 1,91 (hommes) 1,71-2,13
1992-1995 2003 77 025 269 9,70 (femmes) 3,10-22,44
1996-1999 2003 77 025 269 14,29 (femmes) 6,84-26,27
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 1 - janvier-février 2006
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diagnostic, associés fréquemment à une atteinte extra-ganglion-
naire, un envahissement de la moelle osseuse, une atteinte hépa-
tique et splénique. La MH survient en général à un stade pré-
coce de l’infection à VIH, chez des patients ayant un nombre
absolu de lymphocytes CD4 compris entre 275 et 305/mm
3
(2).
Il est probable que l’augmentation de la survie des patients infec-
tés par le VIH, qui pourrait à l’avenir rendre classante sida cette
maladie, joue un rôle dans la pathogenèse de la MH ; sans oublier
que d’autres cofacteurs pourraient aussi être impliqués, comme
une co-infection par l’EBV (14). Il n’existe pas actuellement de
traitement optimal. En fonction du nombre de lymphocytes CD4
et de la charge virale, les patients peuvent bénéficier des mêmes
protocoles que les patients non infectés par le VIH. Le problème
majeur, au cours de ces traitements, reste les complications infec-
tieuses, qui peuvent être responsables de décès, et les complica-
tions hématologiques. Il est donc préférable d’utiliser des trai-
tements sous-dosés de type EBVP (épirubicine, bléomycine,
vinblastine, prednisone) chez les patients ayant des facteurs de
mauvais pronostic. De nouvelles combinaisons sont en cours
d’étude. En termes d’évolution, les rémissions cliniques sont
rares et les taux de rechute élevés, rendant la MH hautement res-
ponsable de décès chez les patients infectés par le VIH (2, 6).
LE CANCER BRONCHIQUE
Il en est de même pour le cancer bronchique, dont les données
épidémiologiques convergent également vers une augmentation
de l’incidence chez les patients infectés par le VIH, sans pour
autant qu’il soit possible d’établir une éventuelle relation de
cause à effet. Cependant, un certain nombre de caractéristiques
clinico-pathologiques apparaissent différentes chez les patients
infectés par le VIH par rapport à la population générale, comme
un âge de survenue plus précoce, un tabagisme très important,
une prédominance des adénocarcinomes et surtout une présen-
tation clinique initiale plus avancée et un pronostic plus péjo-
ratif (2, 8, 15-19)
(tableau II)
. Au vu des études publiées à ce
jour (8, 15-19) le stade au moment du diagnostic ne semble pas
corrélé au nombre absolu de lymphocytes CD4. Cependant, plus
de 70 % des patients présentent un stade avancé de leur mala-
die au moment du diagnostic (stades III et IV). Cette présenta-
tion, d’emblée de mauvais pronostic, peut parfois être expliquée
par un retard au diagnostic, les étiologies infectieuses étant évo-
quées en première intention devant une symptomatologie res-
piratoire chez des patients infectés par le VIH. Sur le plan de
l’évolution, les principales études publiées sont concordantes
et confirment le caractère péjoratif du pronostic, avec des
médianes de survie comprises entre 1 et 8 mois (8, 15-19), la
plupart des patients décédant de progression tumorale.
Il n’existe pas à ce jour de recommandations thérapeutiques
spécifiques aux patients infectés par le VIH atteints de cancer
bronchique. Les patients doivent donc être traités de manière
individuelle, en tenant compte de leur statut immunitaire, et
conformément aux recommandations proposées aux patients
non infectés par le VIH et atteints de cancer bronchique.
LE CANCER DU CANAL ANAL
Le cancer du canal anal présente chez les patients infectés par
le VIH des caractéristiques diagnostiques, thérapeutiques et
pronostiques différentes de celles observées chez les sujets non
infectés par le VIH. Il existe manifestement une augmentation
de la prévalence des cas de cancers du canal anal de type car-
cinome épidermoïde, chez les hommes et les femmes infectés
par le VIH (20). Les tumeurs sont plus agressives, moins faciles
à traiter, avec une radio-chimiorésistance plus fréquente, d’où
une fréquence plus élevée de récidive et d’échec du traitement.
Cela souligne l’importance du dépistage des lésions dyspla-
Tableau II.
Principales caractéristiques clinicopathologiques des séries publiées de patients infectés par le VIH atteints de cancer bronchique.
Études J.P. Spano U. Tirelli J. Karp K.S. Sridhar R. Vyzula M.T. Alshafie
(15) (8) (16) (17) (18) (19)
N2236719 16 11
Âge médian 45 38 38 48 44,5 49,7
CD4 < 200/mm3(%) 9 28 53 54 30
Adénocarcinome 8 14 7 5 8 5
Carcinome épidermoïde 11 12 0 6 3 4
Carcinome à petites cellules 1 5 0 1 2 0
Carcinome à grandes cellules 1 5 0 2 3 1
Autres 1 _ 0 2 _ 1
Stades III-IV 16 26 7 15 13 10
Survie médiane (mois) 7 5 1 3 8 < 2
MISE AU POINT
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XXI - n° 1 - janvier-février 2006
22
siques de haut grade et des cancers du canal anal à un stade très
précoce. En effet, comme pour le cancer du col utérin, le can-
cer du canal anal est la plupart du temps précédé par des lésions
prénéoplasiques de différents grades (dysplasie de grades I, II
et III), qui imposent une surveillance spécifique aux patients
infectés par le VIH (frottis anal, anuscopie, biopsie) étant donné
le haut risque de passage à l’état invasif. Quant aux lésions de
type fistules, fissures, hémorroïdes, elles ne font que faciliter
l’accès du HPV aux couches basales de l’épithélium (21).
En dépit des résultats des premières études rapportant l’effet
positif des HAART sur l’infection par HPV et les lésions pré-
néoplasiques de type dysplasie, les effets de ces thérapies anti-
rétrovirales sur le développement ou sur la régression de ces
lésions dysplasiques chez les patients VIH ne sont pas encore
clairement démontrés. L’effet des thérapies de type HAART
sur l’incidence des lésions prénéoplasiques bien connues pour
les lésions du col utérin n’est pas retrouvé chez toutes les
équipes (22). Dans une étude portant sur 45 hommes infectés
par le VIH, homosexuels et traités par HAART, 71 % présen-
taient des anomalies cytologiques du canal anal, 22 % avaient
des lésions dysplasiques de haut grade et 42 % des lésions dys-
plasiques de bas grade, et 80 % avaient une infection à HPV
(23, 24). En dépit d’un rétablissement de leur immunité sous
HAART, la prévalence à la fois des lésions dysplasiques et du
HPV est restée inchangée (23). Récemment, des cas d’aug-
mentation de cancer du canal anal et de dysplasies ont même
été rapportés chez des patients infectés par le VIH, traités par
HAART, alors que le risque de survenue d’autres infections
opportunistes avaient diminué (25, 26). Actuellement, les arrêts
des thérapies de type HAART sont de plus en plus nécessaires
chez les patients infectés par le VIH. Il est donc indispensable
de comprendre au mieux les interactions entre le système
immunitaire et l’évolution ou l’apparition du processus tumo-
ral. Des études longitudinales et prospectives portant sur des
patients infectés par HPV s’avèrent nécessaires pour mieux
évaluer le rôle des réponses immunes dans le contrôle tumoral
et la prédictibilité des facteurs virologiques dans l’évolution de
la maladie. L’enjeu thérapeutique, dans ce cancer fréquent chez
les patients infectés par le VIH, est donc d’augmenter l’effica-
cité du traitement afin de contrôler des tumeurs plus agressives,
tout en diminuant les effets indésirables, qui sont plus fréquents
et plus importants que dans la population générale (26). Des
programmes de vaccination, de type préventif ou thérapeutique,
vis-à-vis des lésions ano-génitales induites par HPV sont éga-
lement en cours de développement : le principal objectif de ces
programmes de vaccination est de stimuler les réponses immu-
nitaires induites par les lésions associées à HPV, et ainsi d’aug-
menter les possibilités de régression de ces mêmes lésions et
d’éliminer la présence du virus (27). Une meilleure connais-
sance du rôle des réponses immunes dans l’histoire naturelle
des pathologies associées à l’infection par HPV chez les sujets
non infectés et infectés par le VIH s’avère donc nécessaire pour
optimiser l’efficacité de ces nouvelles approches préventives
ou thérapeutiques.
LES CANCERS CUTANÉS (EN DEHORS DU MÉLANOME)
L’immunosuppression secondaire à une transplantation d’organe
ou à une greffe de moelle osseuse est depuis longtemps recon-
nue comme un facteur de risque de survenue de cancers cutanés,
en particulier de carcinomes de type spinocellulaire (28).
Chez les patients infectés par le VIH, les cancers cutanés les
plus fréquemment rencontrés sont la maladie de Kaposi, les
carcinomes de type basocellulaire, avec également une ten-
dance à une plus grande fréquence des atteintes secondaires
aux lymphomes ou d’autres cancers. En effet, comme pour les
autres pathologies non directement liées au VIH précédemment
citées, l’incidence des cancers cutanés chez les patients infec-
tés par le VIH semble plus importante par rapport à la popula-
tion générale de même âge et de même sexe (9, 29), et, en
dehors des facteurs de risque connus comme l’exposition
solaire ou des antécédents familiaux, on retrouve fréquemment
une infection concomitante à HPV (30).
CAS PARTICULIER : LE MÉLANOME
Enfin, il a été rapporté un risque plus élevé de développer un
mélanome chez les patients immunodéprimés (2). Des cas ont
été rapportés chez des patients infectés par le VIH, montrant une
prépondérance de survenue chez les homosexuels, une invasion
cutanée plus importante au moment du diagnostic, une présen-
tation clinique initiale le plus souvent métastatique, un nombre
absolu de CD4 bas et une évolution atypique, plus agressive, tous
ces éléments contribuant à un pronostic plus péjoratif.
AUTRES CANCERS
Un grand nombre d’autres tumeurs malignes a été rapporté chez
les patients infectés par le VIH. C’est le cas des tumeurs ger-
minales malignes, survenant habituellement chez des sujets
jeunes. Il n’a pas encore été démontré de relation de cause à
effet entre les deux affections, mais certaines études épidé-
miologiques ont d’ores et déjà rapporté un risque de survenue
estimé à 8,2 plus élevé que dans la population générale de même
âge et de même sexe (31). L’histoire naturelle de ces tumeurs
germinales malignes ne semble pas être influencée par l’in-
fection à VIH et reste similaire à celle des tumeurs retrouvées
dans la population générale (31-33). En effet, les chimiothéra-
pies cytotoxiques standard ont pu être réalisées, associées à une
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