
DiabetesVoice Juin 2011 • Volume 56 • Numéro Spécial 1
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Point de vue
Il y a trente ans d'ici, au début de ma carrière de médecin au
sein de l'Hôpital central de Yaoundé, au Cameroun, les crises
cardiaques étaient extrêmement inhabituelles ‒ tellement rares en
fait que les étudiants en médecine de l'hôpital étaient rameutés dès
qu'un nouveau cas se présentait. Mais aujourd'hui, les maladies
cardiovasculaires, de même que le diabète et les autres maladies non
transmissibles, le cancer et les maladies respiratoires chroniques,
sont devenues les principales causes de mortalité au Cameroun et
à travers l'Afrique occidentale. Totalement inconscients des dégâts
générationnels causés ces dernières années par l'interaction mortelle
entre l'héritage génétique et les facteurs socio-économiques (dont
la migration urbaine à grande échelle, la perte rapide par de grands
pans de la société de leurs styles de vie traditionnels et la prolifération
d'aliments transformés), nous nous apercevons aujourd'hui que
nous vivons au cœur d'une des zones névralgiques nouvelles et
improbables du diabète.
Aucun pays en développement n'y échappe : le diabète et les autres
MNT terrassent les habitants en âge de travailler des pays les moins
à même de faire face à une telle situation. À l'échelle mondiale,
quatre personnes sur cinq sourant d'une maladie chronique
habitent dans un pays à faible ou moyen revenu. Et l'épidémie ne
fait que commencer. D'ici 2030, le nombre de personnes atteintes
de diabète au niveau mondial sera supérieur à la population actuelle
de l'Amérique du Nord ‒ un demi-milliard !
Pourtant, alors que le surpoids et le diabète sont en hausse, des
millions d'enfants se couchent chaque soir en ayant faim ‒ non pas
avec de simples tiraillements d'estomac ; mais en étant aamés et
privés des nutriments essentiels à leur développement physique
et mental. Des deux crises majeures qui touchent actuellement le
monde – le chaos nancier et l'envol des prix des aliments –, la
deuxième est sans doute la plus terrible.
Les oscillations importantes des prix des aliments de base engendrent
misère et faim partout dans les pays en développement. D'après
un rapport récent d'OXFAM, le prix moyen des aliments de base
connaîtra une multiplication par plus de deux au cours des 20
prochaines années. Les pauvres des villes seront les principales
victimes du fardeau engendré par cette hausse des prix, puisqu'ils
devront consacrer une part toujours plus grande du revenu du
ménage à l'alimentation ‒ et ce au détriment d'autres services
essentiels comme le logement, les soins de santé et l'éducation.
Dans bon nombre de pays en développement, les
habitants les plus pauvres consacrent déjà jusqu'à
80 % de leurs revenus à l'alimentation.
Nous avons aujourd'hui pris conscience du lien
étroit qui existe entre la malnutrition d'une mère, le
poids de son bébé à la naissance et le risque futur de
voir l'enfant développer une multitude de troubles
métaboliques conduisant au diabète. Ce lien est
particulièrement important en Afrique sub-saharienne
et sur le sous-continent indien, où aux taux élevés de
sous-nutrition s'ajoutent les changements rapides de
l'alimentation au début de l'âge adulte. L'Inde abrite
un quart des personnes sous-alimentées de la planète. Elle occupe
en outre la deuxième place au monde en termes de nombre de cas
de diabète ‒ plus de 50 millions de personnes, sourant pour la
plupart d'un diabète de type 2 lié à leur style de vie.
Tous ces faits éclairent d'un jour nouveau les soins et la prévention
du diabète. Il nous faut non seulement prendre en compte la sous-
nutrition et la pauvreté, mais aussi la surnutrition. Nous devons
arrêter de rejeter la responsabilité du diabète de type 2 sur les gens.
Et nous devons trouver des interventions économiques pour éviter
la tragédie humaine et le coût écrasant du diabète. La recherche
d'une telle approche constitue l'un des pans de la réponse de la FID
à la crise sanitaire et du développement croissante et est au cœur de
diérents articles de ce numéro spécial. Certains de ces projets ont
déjà été lancés et j'attends avec impatience de prendre connaissance
des résultats des recherches translationnelles détaillant leur mise en
œuvre et leur évaluation dans de futures éditions de ce magazine.
Les préparatifs en vue du sommet de l'ONU sur les MNT qui se
tiendra en septembre constituent un autre pan essentiel de nos
activités, ainsi que le savent nos dèles lecteurs. La FID a récemment
publié un ensemble de recommandations que ses membres
souhaitent voir incluses dans le document de synthèse du sommet
de l'ONU. Le document rédigé par l'Alliance contre les MNT et
intitulé "Proposed Outcomes Document" contient 34 objectifs
pesés avec soin et représentant notre vision du succès. Pour lire
l'intégralité du document, veuillez vous rendre sur le site web de la
FID et suivre les liens.
LA RÉPONSE
ÉMERGENTE
AU DIABÈTE
Jean Claude Mbanya est président de
la FID pour la période 2009-2012. Il est
professeur d'endocrinologie à l'Université
de Yaoundé, au Cameroun, et chef de
l'unité d'endocrinologie et des maladies
métaboliques de l'Hôpital central de Yaoundé.