O r i e n t a t i o n s f u t u re s Vers une compréhension des causes génétiques du diabète ` Tony Merriman Le diabète de type 1 se développe lorsque le système immunitaire recherche et détruit spécifiquement les cellules bêta productrices d'insuline du pancréas. L'interaction de facteurs environnementaux avec un certain nombre de variantes de gènes entraîne un trouble du système immunitaire qui provoque la condition. Dans cet article, Tony Merriman se penche sur les approches utilisées pour identifier les gènes qui prédisposent une personne à développer un diabète de type 1. >> Identifier les gènes Le diabète et ses complications ont de puissants déterminants génétiques. Bien que le diabète semble être dû à plusieurs facteurs, notamment environnementaux, pratiquement toutes les formes de la condition semblent avoir des influences génétiques. De nombreux gènes sont impliqués, faisant du diabète une condition génétique complexe particulièrement difficile à comprendre. Des estimations du risque génétique de développer un diabète de type 1 aideront à concentrer les mesures préventives sur les enfants qui sont plus prédisposés à développer la condition. Cela sera particulièrement important pour envisager des interventions qui seront efficaces si elles sont appliquées avant l'apparition de marqueurs de risques plus conventionnels, tels que des antécédents familiaux de diabète de type 1 et la présence dans le sang d'anticorps dirigés contre les cellules bêta des îlots. Dans le diabète de type 1, ce processus immunitaire destructeur est influencé par les gènes qui contrôlent le système immunitaire. Une méthode appelée 'approche du gène candidat' (qui consiste à deviner sur base de leur fonction quels gènes connus pourraient être impliqués) a été 23 utilisée pour démontrer que les gènes les plus puissants prédisposant au diabète de type 1 sont des variations génétiques courantes des gènes qui contrôlent la reconnaissance des substances chimiques propres ou étrangères à travers les protéines se trouvant à la surface des cellules du système immunitaire (les gènes du complexe majeur d'histocompatibilité). Ceux-ci jouent un rôle clé dans l'activation du système de défense immunitaire de l'organisme, en contribuant à identifier les antigènes potentiellement nuisibles. Plus récemment, d'autres approches, basées sur l'hérédité de parties du génome humain associées au diabète, ont été utilisées pour identifier des gènes insoupçonnés déterminant la prédisposition à développer un diabète de type 1. Les succès futurs dépendront de vastes études menées sur des membres d'une même famille atteints de diabète et d'une meilleure connaissance de l'architecture génétique complexe des êtres humains. Les gènes candidats Les gènes candidats, choisis parce que leur produit protéique pourrait jouer Mars 2004 Volume 49 >> Numéro 1 O r i e n t a t i o n s f u t u re s Insulite : un îlot du pancréas (cellules bêta en rouge) envahi par des lymphocytes T (en vert) : le processus actuellement irréversible qui conduit au diabète de type 1. un rôle dans le processus de la condition, peuvent être testés pour détecter une éventuelle association avec une maladie. En 1974, les scientifiques ont découvert que des variantes particulières des gènes du complexe majeur d'histocompatibilité (CMH) étaient associées au diabète de type 1. Cette association est forte ; en effet, les personnes qui ont hérité de deux de ces variantes (connues sous le nom de DR3 et DR4) sont exposées à un risque 10 à 20 fois supérieur de développer la condition. Par contre, les personnes ayant hérité de la variante 'DR2' bénéficient d'une forte protection contre le diabète de type 1. Près de 10 ans plus tard, une association du gène de l'insuline au diabète de type 1 a été découverte. Cette association semble être due à la répétition d'une partie de l'ADN dans la région du gène de l'insuline qui contrôle ses taux d'activité – les personnes qui affichent plus de répétitions sont plus prédisposées à développer un diabète de type 1. L'association des gènes du CMH et de l'insuline au diabète de type 1 a maintenant été reproduite dans plusieurs populations différentes. Mars 2004 Volume 49 Numéro 1 Informations génétiques et étiologie Les gènes du CMH associés au diabète de type 1 encodent des molécules qui sont présentes à la surface des cellules dans le système immunitaire, en donnant à ces cellules une identité qui peut être reconnue par d'autres globules blancs, les lymphocytes T. Selon les cas, le lymphocyte T est donc, soit activé soit désactivé. Cette activité du lymphocyte T est au coeur des maladies auto-immunes (autodestructrices) comme le diabète de type 1. Par conséquent, un gène qui a un effet critique sur les lymphocytes T aura un impact sur ces conditions. ( Si les lymphocytes T reconnaissent un antigène issu des cellules bêta du pancréas, le système immunitaire risque d'attaquer les cellules bêta. ) Dans le thymus d'un nourrisson, là où le système immunitaire apprend à se tolérer, les lymphocytes T sont désactivés s'ils reconnaissent un autoantigène.Toutefois, dans le reste du système immunitaire, les lymphocytes T sont activés s'ils reconnaissent un 24 antigène. Si un antigène est la conséquence d'une infection, le lymphocyte T sera activé afin de la combattre.Toutefois, si l'antigène provient des cellules bêta du pancréas (par exemple un fragment d'insuline) et est reconnu par un lymphocyte T circulant qui a échappé à la désactivation thymique, le système immunitaire peut alors attaquer les cellules bêta, risquant ainsi de provoquer le diabète. On sait que les personnes qui ont la version du gène de l'insuline qui ne prédispose pas au diabète ont plus d'insuline dans le thymus. Il est également connu que la variante DR2 du CMH-DRB1 qui protège du diabète de type 1 est capable d'entourer plus solidement les molécules insulinoïdes. Cette preuve et quelques autres ont conduit à l'hypothèse que l'hérédité des variantes protectrices à la fois du CMH-DRB1 et de l'insuline améliore la capacité d'une personne à désactiver les lymphocytes T auto-réactifs à l'insuline dans le thymus. Cette réaction se produit car davantage d'insuline thymique est produite et celle-ci est fortement entourée par la variante DR2 du CMH-DRB1, ce qui signifie que les lymphocytes T auto-réactifs sont mieux détruits. Toutefois, la façon dont les variantes DR3 et DR4 prédisposent au diabète de type 1 est moins claire, bien qu'elle semble impliquer une faille dans la régulation de la tolérance aux composants des cellules bêta par le système immunitaire. O r i e n t a t i o n s f u t u re s CTLA-4, un gène candidat positionnel Alors que les informations sur les associations génétiques du CMH et de l'insuline ont fourni des indices importants sur le mécanisme de développement du diabète de type 1, il est clair que de nombreux gènes qui contrôlent d'autres étapes du processus de la maladie doivent encore être découverts. Par conséquent, une nouvelle approche a été employée : celle du gène candidat positionnel. Ces gènes sont choisis sur base de leur position sur la carte du génome humain, en partant des positions déjà impliquées dans la prédisposition au diabète de type 1. La meilleure façon d'illustrer l'approche du gène candidat positionnel est de réviser la récente identification du gène CTLA-4 en tant que facteur de prédisposition au diabète de type 1.1 La région du génome qui contient le gène CTLA-4 a été identifiée au milieu des années 1990 comme étant lié au diabète de type 1, puisque des frères et soeurs atteints de la condition tendent à hériter de cette même région du génome. Dans cette région, le gène CTLA-4 était un bon candidat car son produit protéique est impliqué dans l'activité de contrôle des lymphocytes T. Des variantes du gène CTLA-4 avaient été associées précédemment mais de façon incohérente au diabète de type 1 dans un certain nombre de populations. La question importante était de savoir si le CTLA-4 était véritablement le gène impliqué ou simplement un voisin proche du véritable gène de la prédisposition ? Pour répondre à cette question, des variations des gènes CTLA-4 et des >> Les anticorps sont des protéines produites par l'organisme pour se protéger des substances 'étrangères' comme les bactéries ou les virus. Le diabète de type 1 se développe lorsque l'organisme crée des anticorps qui attaquent et détruisent ses propres cellules bêta productrices d'insuline. Les antigènes incluent les toxines, les bactéries et les cellules des organes transplantés. Ils stimulent la production d'anticorps. Les molécules insulinoïdes peuvent agir comme des antigènes si le système immunitaire n'est pas correctement programmé pour les reconnaître comme étant ses propres cellules. Le thymus est une petite glande située à l'arrière du sternum, proéminente chez les nourrissons. Elle est principalement composée de tissu lymphatique et sert de site de la différentiation des lymphocytes T. L'objectif du Projet HapMap est de développer une carte détaillée (haplotype) du génome humain. Le HapMap devrait constituer une ressource clé pour rechercher les gènes qui ont une influence sur la santé, la maladie et les réponses aux médicaments et aux facteurs environnementaux. Les informations issues du Projet seront disponibles gratuitement. Reportez-vous au site http://www.hapmap.org/ pour plus © okapia d'informations sur le Projet. 25 Mars 2004 Volume 49 Numéro 1 O r i e n t a t i o n s f u t u re s gènes flanquants (CD28 et ICOS) ont été testées en vue de détecter une association avec le diabète de type 1.1 Le gène CD28 en particulier était un sérieux candidat. A l'instar du CTLA-4, son produit est impliqué dans la régulation de l'activation des lymphocytes T. Toutefois, les variantes de ces trois gènes les plus étroitement associées étaient trouvées dans le gène CTLA-4. Par conséquent, le CTLA-4 appartient désormais au club exclusif des déterminants de la prédisposition au diabète de type 1. Les variantes du CTLA-4 associées au diabète de type 1 sont contenues dans une région du gène qui influence la stabilité du messager transcrit à partir du gène (son ARN messager), ce qui semble avoir un impact sur les taux de protéine du CTLA-4 et pourrait avoir des effets de grande envergure sur la régulation du système immunitaire. Orientation future et perspectives Des analyses du génome ont été réalisées au cours des dix dernières années pour rechercher les régions du génome partagées par les membres d'une même famille atteints de diabète de type 1. Ces analyses ont identifié un grand nombre (>20) de régions pouvant contenir des gènes de prédisposition au diabète de type 1.2 Ces régions ont été identifiées en se basant sur moins de 1000 paires de frères et soeurs atteints de diabète de type 1. Les échantillons sont cependant trop réduits pour détecter de façon fiable de faibles effets génétiques, ce qui signifie que les connexions n'ont Mars 2004 Volume 49 Numéro 1 généralement pas été reproduites entre les études. Alors que cette incohérence peut s'expliquer par des différences de contexte génétique et d'étiologie du diabète de type 1 entre les différentes populations, trois conclusions sont incontournables : certaines de ces 20 régions représenteront de faux liens positifs le reste sera authentique mais détecté par 'hasard' il reste un nombre inconnu de régions génomiques qui n'ont pas été détectées. Ce n'est pas vraiment une base idéale pour la sélection des 'meilleures' régions génomiques sur lesquelles concentrer les ressources pour l'identification des gènes de la prédisposition au diabète de type 1 via la méthode du candidat positionnel. Par conséquent, la Juvenile Diabetes Research Foundation parraine une collaboration à l'échelle mondiale visant à rassembler un nouveau groupe de 2500 familles dont deux membres sont atteints de cette condition. Ces familles s'ajouteront aux 1800 actuellement disponibles. généticiens devront seulement identifier cinq ou six différences dans l'ADN pour capturer la plupart des versions potentiellement associées à la condition d'un gène particulier. De plus, l'utilisation de populations plus vastes où les personnes atteintes de diabète seront comparées à des cas témoin donnera une plus grande force scientifique à ce type d'étude. ( De façon réaliste, nous pouvons nous attendre à de nouveaux succès dans l'identification des gènes du diabète de type 1 dans les 5 prochaines années. ) Optimisme La récente démonstration que le clonage positionnel d'un gène de la prédisposition au diabète de type 1 peu puissant (CTLA-4) est possible incite à l'optimisme. De façon réaliste, nous pouvons nous attendre à de nouveaux succès dans l'identification des gènes du diabète de type 1 dans les 5 prochaines années. ` Tony Merriman Tony Merriman (PhD) est Chercheur principal Entre-temps, l'identification de nouveaux gènes de prédisposition au diabète de type 1 dépendra de notre capacité à corriger notre connaissance inadéquate de la complexité de la variation génétique chez les êtres humains. Les informations provenant du Projet HapMap sur la cartographie des variations du génome humain nous aideront à y parvenir. Par conséquent, les 26 en génétique au sein du département de biochimie, University of Otago, Dunedin, Nouvelle Zélande. [email protected] Références 1 Ueda H, Howson JMM, Esposito L, Heward J, Snook H, Chamberlain G et al. Association of the T-cell regulatory gene CTLA-4 with susceptibility to autoimmune disease. Nature 2003; 423: 506-11. 2 Redondo MJ, Eisenbarth GS. Genetic control of autoimmunity in type 1 diabetes and associated disorders. Diabetologia 2002; 45: 605-22.