Le troisi`eme principe de la thermodynamique et la physique des

Chapitre 12
Le troisi`eme principe de la
thermodynamique et la physique des
basses temp´eratures
Sommaire
12.1 Le 3`eme principe .................................255
12.2 Propri´et´es des corps purs sous une seule phase `a 0 K (*) . . . . . . . . 256
12.3 Equilibre entre deux phases `a 0 K (*) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 257
12.4 Impossibilit´e d’atteindre 0 K . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 258
12.5 Transition supraconductrice (*) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 259
Ce chapitre pr´esente succintement le 3`eme principe de la thermodynamique, et ses cons´equences sur
les propri´et´es des corps purs vers z´ero degr´e. Le dernier paragraphe donne quelques propri´et´es de
la transition supraconductrice.
12.1 Le 3`eme principe
La formulation du 2`eme principe donn´ee au chapitre 4 ne permet d’atteindre que des diff´erences
d’entropie ∆S. Historiquement, ceci a conduit 1au principe de Nernst-Planck ou 3`eme principe
de la thermodynamique introduit par Nernst en 1906 et pr´ecis´e par Planck en 1911 (avant l’intro-
duction de la thermodynamique statistique). On le formule g´en´eralement de la mani`ere suivante :
1. On peut a priori ´ecrire l’entropie d’un syst`eme sous la forme S=S0+So`u S0est une fonction des variables du
syst`eme `a la temp´erature nulle et ∆Sest la diff´erence d’entropie entre l’´etat de temp´erature Tet l’´etat de temp´erature
nulle. Comme l’´energie interne s’´ecrit ´egalement U=U0+ ∆U(§3.2.4), on peut mettre l’´energie libre sous la forme :
F=UT S =F0+ ∆Favec F0=U0T S0et ∆F= ∆UTS
La diff´erence d’´energie libre F2F1entre deux ´etats de temp´erature T1et T2a donc pour expression :
F2F1= (∆F2F1)(T2T1)S0
et d´epend de la valeur de T2T1si S06= 0. Ceci semblant incompatible avec les mesures exp´erimentales, Nernst a
sugg´er´e de r`egler le probl`eme en posant S00.
Thermodynamique classique, P. Puzo 253
12.2. PROPRI ´
ET ´
ES DES CORPS PURS SOUS UNE SEULE PHASE `
A 0 K (*)
Lorsque la temp´erature d’un corps tend vers z´ero, son entropie tend vers une
valeur limite qui est ind´ependante des autres param`etres r´egissant l’´etat du
syst`eme. Pour un syst`eme en ´equilibre stable (par exemple un solide cristal-
lis´e), on attribue par convention `a cette limite la valeur z´ero
Plus pr´ecis´ement, seule la diff´erence d’entropie entre deux ´etats thermodynamiques d’un mˆeme
syst`eme doit s’annuler `a temp´erature nulle. Or la valeur de l’entropie `a T= 0 ne peut ˆetre que
tr`es faible. Ceci est dˆu au fait que le nombre de micro´etats dans lequel le syst`eme peut se trouver
est n´ecessairement extrˆemement faible. Si ce nombre est unique, l’entropie est alors rigoureusement
nulle. Si ce n’est pas le cas, c’est `a dire si le niveau fondamental est d´eg´en´er´e, l’approximation
consistant `a prendre l’entropie nulle `a T= 0 n’entraˆıne de toute fa¸con aucune erreur significative.
Le 3`eme principe s’interpr`ete facilement `a l’aide du facteur de Boltzmann introduit au §11.2 dans
le cas o`u le niveau fondamental ne poss`ede qu’un seul micro´etat, c’est `a dire lorsqu’il est non
d´eg´en´er´e. On note Nqle nombre de mol´ecules dans l’´etat d’´energie ǫqpour un syst`eme en ´equilibre
thermodynamique `a la temp´erature T. On a :
Nq=A eǫq
kBT
La condition de normalisation N=PNqpermet d’exprimer la constante Adont on eduit l’ex-
pression du nombre N1de mol´ecules dans le niveau fondamental :
N1=Ne
ǫ1
kBT
Pe
ǫq
kBT=N
Pe(ǫ1ǫq)
kBT
Lorsque la temp´erature Ttend vers 0, tous les termes au d´enominateur tendent vers 0 sauf le
premier qui tend vers 1, c’est `a dire que toutes les mol´ecules sont dans l’´etat fondamental. Il n’y a
qu’un seul micro´etat accessible donc Ω = 1 et S= 0.
12.2 Propri´et´es des corps purs sous une seule phase `a 0 K (*)
12.2.1 Effondrement des capacit´es thermiques
D’apr`es (5.41), on a :
(dS)V=CV
dT
Tet (dS)p=Cp
dT
T
soit en int´egrant entre 0 et Tet en utilisant le 3`eme principe :
SV(T) = ZT
0
CV
θet Sp(T) = ZT
0
Cp
θ
Comme les membres de gauche sont finis, il faut que CVet Cptendent vers z´ero quand Ttend vers 0 K plus vite
que T. C’est bien ce que l’exp´erience indique (figure 12.3). Cet effondrement est en fait diff´erent pour les m´etaux
(C(m)
V=a T 3+b T ) et pour les corps non m´etalliques (C(nm)
V=a T 3). On en d´eduit les variations correspondantes
de (∆S)Ventre 0 et T:
S(m)
V=a
3T3+b T et ∆S(nm)
V=a
3T3
Les figures 12.1 et 12.2 repr´esentent respectivement les variations de cpau voisinage de T= 0 pour deux etaux et
pour un di´electrique non m´etallique.
Thermodynamique classique, P. Puzo 254
12.3. EQUILIBRE ENTRE DEUX PHASES `
A 0 K (*)
Figure 12.1 – Variations exp´erimentales de cp/T
pour l’or et l’argent (d’apr`es [14, page 185])
Figure 12.2 – Variation exp´erimentale de cppour
l’argon (d’apr`es [14, page 185])
12.2.2 Effondrement des coefficients thermo´elastiques
A l’aide des relations de Maxwell (5.76) et (5.75), on peut exprimer les coefficients thermo´elastiques αet βsous la
forme :
α=1
VV
T «p
=1
VS
p «T
et β=1
pp
T «V
=1
pS
V «T
(12.1)
D’apr`es le 3`eme principe, l’entropie d’un corps devient ind´ependante des autres variables lorsque la temp´erature T
tend vers z´ero. On en eduit que :
lim
T0S
p «T
= 0 et lim
T0S
V «T
= 0 (12.2)
Les coefficients αet βtendent donc vers z´ero quand Ttend vers ero 2. Cette cons´equence du 3`eme principe est bien
erifi´ee exp´erimentalement (figure 12.4).
D’apr`es la relation de Mayer (5.53), CpCVdoit tendre vers z´ero (car Vet χTont des valeurs finies au z´ero absolu).
Ainsi, la figure 12.3 montre que les courbes Cp(T) et CV(T) sont confondues pour le cuivre au dessous de T= 150 K.
12.2.3 Calcul de l’entropie absolue d’un corps pur
Le 3`eme principe permet d’attribuer `a toute substance une entropie absolue, `a une temp´erature donn´ee. Pour cela,
on effectue par la pens´ee une succession de transformations qui am`enent le corps pur du z´ero absolu `a l’´etat final,
en incluant si n´ecessaire des transitions de phase. Par exemple, pour une mole d’eau `a T0= 25 C `a la pression
atmosph´erique, on ´ecrirait l’entropie molaire ssous la forme :
s(T0) = ZTf
0
cliquide
p
dT
T+hSL
Tf
+ZT0
Tf
csolide
p
dT
T
o`u Tf= 273,15 K est la temp´erature de fusion de la glace. On obtient apr`es calcul s(T0) = 69,9 J/mK/mol.
12.3 Equilibre entre deux phases `a 0 K (*)
Certaines courbes d’´equilibre se prolongent continˆument jusqu’aux tr`es basses temp´eratures. On peut citer par
exemple les deux phases solides du carbone (graphite-diamant), la transition de phase solide-liquide de l’h´elium
4He (figure 7.28) et les transitions de phase vers l’´etat supraconducteur.
2. Ceci a une grande importance pratique car les inconv´enients des ph´enom`enes de dilatation disparaissent `a basse
temp´erature : un cryostat test´e `a l’azote liquide (77 K) supportera sans probl`eme des temp´eratures plus basses.
Thermodynamique classique, P. Puzo 255
12.4. IMPOSSIBILIT ´
E D’ATTEINDRE 0 K
Figure 12.3 – Variations exp´erimentales de cpet
cVpour le cuivre (d’apr`es [28, page 247]). A basse
temp´erature, la courbe suit une loi en T3. A haute
temp´erature, on retrouve la loi de Dulong et Petit
Figure 12.4 – Variations des coefficients ther-
mo´elastiques αet χTdu cuivre `a pression atmo-
sph´erique (d’apr`es [14, page 171])
D’apr`es la relation de Clapeyron (7.15), la pente de la courbe d’´equilibre doit s’annuler `a T= 0 K pour un corps pur
car :
lim
T0dp
dT «= lim
T0s12
v12«= 0
puisque s12s’annule d’apr`es le 3`eme principe et que v126= 0. Cette loi est bien erifi´ee exp´erimentalement (voir
par exemple les figures 7.28 et 7.29 pour l’h´elium).
Une autre cons´equence imm´ediate du 3`eme principe est que l’enthalpie de changement de phase h12=T s12doit
tendre vers z´ero avec la temp´erature. Ceci est bien v´erifi´e exerimentalement. Par exemple, l’enthalpie molaire de
fusion de l’h´elium 4He suit la loi hSL= 0,09 T8J/mol pour T < 1,8 K.
Les deux vari´et´es allotropiques du carbone (diamant et graphite) peuvent ˆetre obtenues `a basse temp´erature car la
courbe de coexistence des deux phases se prolonge jusqu’`a 0 K. Ceci est une exception car dans le cas g´en´eral, il
n’y a qu’une seule phase stable au z´ero absolu. Dans certains cas particuliers comme le carbone, on peut n´eanmoins
observer des phases, stables `a haute temp´erature, pr`es du z´ero absolu : ce sont des ´etats m´etastables. Par exemple,
une des premi`eres v´erifications exp´erimentales du 3`eme principe a ´et´e faite sur l’´etain qui poss`ede deux vari´et´es
allotropiques (§8.4.3) dont chacune existe `a l’´etat m´etastable dans le domaine de stabilit´e de l’autre, mˆeme `a tr`es
basse temp´erature.
12.4 Impossibilit´e d’atteindre 0 K
On illustre g´en´eralement l’impossibilit´e d’atteindre le z´ero absolu `a l’aide du diagramme (T,S) de
la figure 12.5. D’apr`es le 3`eme principe, les courbes S(T, X) o`u Xesigne toute variable intensive
caract´eristique de l’´etat du syst`eme (pression, champ magn´etique, ..), doivent passer par l’origine.
Pour refroidir un syst`eme, on peut de mani`ere g´en´erale r´eduire son entropie en faisant varier un
param`etre Xde XA`a XB`a temp´erature constante. Ensuite, `a entropie constante, on baisse la
temp´erature de T0`a T1en ramenant le param`etre de XB`a XA, mais on ne parviendra jamais `a
atteindre le z´ero absolu.
Par exemple, une succession altern´ee de transformations isothermes et isentropiques telles que
d´ecrites au §11.4.4 dans l’´etude de la d´esaimantation adiabatique ne permet pas d’atteindre l’axe
T= 0 en un nombre fini d’op´erations. Dans ce cas, le param`etre Xest le champ magn´etique. On
Thermodynamique classique, P. Puzo 256
12.5. TRANSITION SUPRACONDUCTRICE (*)
S
T
0
XXBA
T0
T1
Figure 12.5 – Evolution de Svers le z´ero absolu : les courbes S(T, X) - o`u Xrepr´esente une variable
intensive caract´eristique de l’´etat du syst`eme - doivent toutes passer par ero, ce qui empˆeche d’atteindre le
ero absolu (voir texte)
peut atteindre dans certains cas des rapports T0/T1de l’ordre de 1000, mais ce rapport reste fini 3.
La figure 12.6 esume quelques ph´enom`enes physiques `a la base de l’obtention des plus basses tem-
p´eratures. On peut remarquer que les plus basses temp´eratures sont obtenues `a partir de transitions
de phase du 2`eme ordre.
12.5 Transition supraconductrice (*)
12.5.1 Temp´erature et champ critiques
La supraconductivit´e a ´et´e d´ecouverte par Onnes en 1991 lorsqu’il a observ´e que la r´esistivit´e du mercure s’effon-
drait en dessous de 4,16 K. D’autres corps ont montr´e le mˆeme comportement, toujours `a basse temp´erature (voir
table 12.1). Cet effet concerne aussi bien les corps purs (Zn, Al, Nb, ..) que les alliages (Nb3Sn, YBa2CuO7). Jusqu’en
1986, la temp´erature maximale de transition vers la phase supraconductrice ´etait de 23 K. En 1986, une d´ecouverte
majeure a ´et´e effectu´ee par G. Bednorz et A. M¨
uller avec la mise en ´evidence de la supraconductivit´e dans des
c´eramiques (syst`emes `a base de BaLaCuO) `a 35 K, puis tr`es rapidement dans des syst`emes similaires jusque vers
150 K (figure 12.7). En particulier, avec des compos´es tels que YBa2CuO7, la transition a lieu `a des temp´eratures
sup´erieures `a celle de l’azote liquide `a pression atmosph´erique (77 K).
Zn Al Sn Pb Nb Nb3Sn YBa2CuO7
Tc(K) 0,9 1,2 3,7 7,2 8,7 18,190
Table 12.1 – Seuils d’apparition de la supraconductivit´e (en champ magn´etique nul) pour quelques mat´e-
riaux
On observe exp´erimentalement que la supraconductivit´e disparaˆıt au dessus d’une certaine temp´erature, et que cette
temp´erature est une fonction d´ecroissante du champ magn´etique (figures 12.8 et 12.9). La courbe de cœxistence entre
les phases normale et supraconductrice suit enpiriquement une loi de la forme :
Hc(T) = H0"1T
Tc«2#(12.3)
3. Dans le cas d’une d´etente adiabatique, le param`etre Xest la pression. En ordre de grandeur, un rapport XA/XB
de l’ordre de 100 ne donne que T0/T156 pour un gaz monoatomique.
Thermodynamique classique, P. Puzo 257
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