Fraternités de Jérusalem | Atelier biblique en ligne 10 novembre 2009 | 1
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Pour commencer
À la rencontre d’un texte... ou plutôt d’une bibliothèque !
La Bible est un livre difcile, attirant et rebutant à la fois : si loin de nous dans son style et ses
expressions, et en même temps si exact et si proche dans sa représentation du cœur de l’homme. Il
n’est donc pas facile d’ouvrir la Bible mais si, aujourd’hui encore, nous lisons et prions ces textes qui
forment les Écritures, c’est parce que Dieu nous y parle.
Et il le fait à travers une histoire, à travers des auteurs qui ont leur culture, leur manière de per-
cevoir et de dire Dieu à l’œuvre dans l’histoire d’Israël. La Bible, c’est donc à la fois l’homme qui nous
parle de Dieu, Dieu qui nous parle de l’homme et Dieu qui nous parle de lui-même ! Discours multiple
et multiforme dont la rédaction court sur une durée très longue (environ 1000 ans !). On comprend
que l’on parle parfois, à juste titre, de «bibliothèque» pour désigner la Bible...
Dès lors, ouvrir la Bible, c’est commencer un voyage. Entamer une rencontre avec l’inconnu. Cet
atelier biblique voudrait être un guide dans ce périple qui sera aussi un pèlerinage. Il peut arriver qu’on
se lasse durant un pèlerinage... Le fait de se savoir accompagné par plus de 1700 pèlerins pourra être
une aide. Et si vous êtes est un peu perdu, n’hésitez pas : posez votre question là il vous est proposé
de le faire ; les réponses seront publiées au fur et à mesure et leur lecture pourra servir à tous.
Un évangile, un évangéliste
Nous ne retenons souvent des évangiles que les extraits qui sont lus à la messe dominicale. Des
récits ou enseignements marquants qui, certes, contiennent l’essentiel du message évangélique, mais qui
ne permettent pas de saisir comment chaque épisode est enchâssé dans l’ensemble. Or chaque évan-
géliste, qui a reçu de la tradition le récit des paroles et des gestes de Jésus, les a disposés et agencés en
fonction de son propre projet théologique. Ce qui nous permet de contempler des visages du Christ,
non pas différents, mais complémentaires. C’est cette visée du rédacteur que permet de comprendre
la lecture continue d’un évangile.
Celui de Luc a été choisi en premier, d’abord pour une raison liturgique : c’est l’évangile qui va
être lu pendant l’année C qui commence le dimanche 29 novembre, 1er dimanche de l’Avent.
Il est écrit pour une communauté issue, non du judaïsme mais du paganisme, et souligne donc les
traits universels du message du Christ. Il met fortement l’accent sur des traits importants aujourd’hui :
le rôle de l’Esprit Saint, la miséricorde du Père, la joie… Un bon guide donc pour rafraîchir et appro-
fondir notre regard sur le visage de Jésus.
Comment procéderons-nous ?
Chacun peut évidemment butiner à sa convenance dans les éléments qui seront proposés.
Si l’on veut procéder méthodiquement, voilà le cheminement que l’on pourra suivre :
Lire, dans une grosse bible*, le chapitre proposé, en étant attentif à la façon dont les différents
éléments se succèdent. Cette première étape n’est pas encore présente dans l’atelier du 10 novembre.
Méditer plus particulièrement le passage à travailler et la présentation globale qui en est faite.
Ce passage vous sera fourni en version imprimable* de façon à pouvoir travailler directement sur le
texte. Vous pourrez aussi approfondir les mots et expressions en couleur (ou en gras) dans le texte : un
clic de souris vous donne accès à des précisions et explications complémentaires. Enn, pour conclure
ce deuxième temps, il vous sera encore proposé d’enrichir votre réexion grâce à la lecture d’un texte
spirituel. Sachez aussi qu’il vous est possible de poser une question sur un point à élucider (les réponses
seront mises en ligne au fur et à mesure de l’arrivée des questions).
• Enn, prier à partir de tout ce qui aura été (re)découvert… Une prière vous sera proposée à
la n de chaque atelier, mais libre à vous de vous laisser inspirer une autre prière ! Vous pourrez aussi
nous l’envoyer si vous souhaitez la partager aux autres participants de l’atelier biblique en ligne.
L’ultime étape, contempler, sera l’occasion de faire dialoguer art et Écritures à travers la
contemplation d’une œuvre. Un fond d’écran vous sera aussi proposé pour chaque atelier.
* La traduction que nous avons choisie est celle de la Bible de Jérusalem.
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Méditer
Ce passage est celui que nous vous proposons de creuser plus particulièrement pour ce tout premier atelier biblique. Il s’agit
d’un «échauffement», c’est pourquoi il est très court ! Les expressions en gras sont commentées sous le texte.
1. Puisque beaucoup ont entrepris de composer un ré-
cit des événements qui se sont accomplis parmi nous, 2. d’après
ce que nous ont transmis ceux qui furent dès le début témoins
oculaires et serviteurs de la Parole, 3. j’ai décidé, moi aussi, après
m’être informé exactement de tout depuis les origines, d’en écrire
pour toi l’exposé suivi, excellent Théophile, 4. pour que tu te ren-
des bien compte de la sûreté des enseignements que tu as reçus.
Ces quatre versets forment une sorte de prologue. Il n’est pas majestueusement théologique
comme celui de Jean, mais se présente comme une dédicace ainsi qu’avaient coutume d’en
rédiger les historiens hellénistiques. Cette longue phrase soigneusement composée nous
apprend déjà beaucoup de choses sur son rédacteur : Luc est d’origine grecque et de bonne
culture, sans doute le «cher médecin» dont parle Paul (Col 4,14).
«Beaucoup…» : Luc n’écrit pas à partir de rien :
en plus des traditions orales de sa communauté,
il connaît d’autres «évangiles». Les paroles de -
sus, les «récits des événements» circulaient et se
transmettaient dans les communautés ; certaines
les avaient déjà mises par écrit, partiellement ou
de façon plus organisée (comme l’évangile «selon
saint Marc», sans doute rédigé vers 65).
«D’après ce que …» : Luc n’est pas un apôtre ni
même de la génération apostolique. Il ne connaît
Jésus que par la «tradition» (ce qui a été «trans-
mis»), terme qu’utilisait déjà le judaïsme pour -
signer la transmission orale par des maîtres.
«Témoins…» : on voit que les transmetteurs ont
une double fonction qui correspond globalement
à leur rôle avant et après la Passion-Résurrec-
tion du Seigneur. Cela correspond aussi aux deux
parties de l’œuvre de Luc (malheureusement dis-
sociées dans nos bibles) : la première – l’évangile
relate les paroles et actes de Jésus dont les apô-
tres furent les «témoins oculaires» ; la seconde
– les Actes des Apôtres – les débuts de la course
de la Parole portée à toutes les nations, dont les
apôtres deviennent dès lors les «serviteurs». Ain-
si symboliquement l’évangile de Luc commence
dans le temple de Jérusalem et s’y achève ; c’est à
Jérusalem aussi que commencent les Actes qui se
déploient ensuite dans tout le Bassin méditerra-
néen jusqu’à Rome.
«Après m’être…» : Luc n’est pas un historien au
sens moderne du terme ; mais il indique sa -
thodologie :
- une information exacte (nous ne connaissons
pas toutes ses sources, mais elles sont variées
de telle façon qu’il est seul à rapporter certains
épisodes : l’enfance de Jésus, des paraboles telles
le ls prodigue ou le bon Samaritain, des récits
comme le pardon de la pécheresse ou le repas
chez Marthe et Marie…) ;
- un exposé suivi : il ne cherche ni à être exhaus-
tif, ni à suivre une succession chronologique. Son
plan est essentiellement théologique et marqué, à
partir du chapitre 9, par la montée de Jésus vers
Jérusalem.
«Excellent Théophile» : Le dédicataire de l’œuvre
de Luc, qui ne nous est pas autrement connu, était
peut-être un chrétien d’origine païenne (il porte
un nom grec), occupant une fonction importante,
selon l’usage qui faisait dédier les ouvrages à des
protecteurs inuents. Mais son prénom signie
«ami de Dieu» : c’est donc à tout disciple qu’est
dédié le livre, à celui qui veut s’approcher de Dieu
et apprendre à le connaître tel qu’il s’est révélé
en son Fils Jésus-Christ.
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Parole divine, parole humaine
Dans la Bible, toute parole du ciel qui nous atteint passe par la terre, donc par un point par-
ticulier dans l’espace et dans le temps. D’où sa saveur et, aussi, sa limite. Par exemple nous
en saurions plus sur Moïse si Moïse nous en parlait lui-même. Mais il est humain que dans
l’histoire d’un peuple on continue à parler d’un grand homme longtemps après lui : les échos
les plus lointains sont moins certains historiquement. Dieu n’empêche pas cela et même il l’utilise. Cela
vaut aussi pour l’Évangile. La parole de Dieu reste humaine : Dieu économise les révélations directes
et ne donne pas, en général, de visions sur le passé lointain qui assureraient une meilleure exactitude
historique. Il est nécessaire d’en tenir compte en lisant nos récits.
Humain signie qu’il n’est pas sufsant de nous intéresser à la chose qui est dite : il faut s’occuper
aussi de celui qui parle. On l’a dit : Dieu se révèle non seulement par lui mais en lui. Sa manière propre
de parler est déjà une révélation. Donc, il faut se demander comment est, qui est, où est celui qui parle.
Nous n’aurions pas besoin de ce genre d’études si Dieu passait par-dessus celui qui parle et l’utilisait
comme on utilise un télégraphiste ou un facteur. Dieu inspire une parole : ce n’est pas la même chose
que la dicter. Depuis Pie XII (Divino afante Spiritu, 1943), l’Église nous invite avec insistance à cette
démarche, avec des formules comme «manière de parler, style, genre littéraire, habitudes de langage
d’un homme et d’une époque», etc. Les limites et les faiblesses que nous rencontrerons ne nous auto-
riseront pas à dire que nous ne sommes pas devant la Parole de Dieu. Elle est de Dieu jusque dans ces
faiblesses et peut-être surtout par elles.
Paul Beauchamp
Parler d’Écritures Saintes, Le Seuil, Paris, 1987, p. 25-26
Prier
Seigneur, tu as choisi de nous parler à travers les mots des hommes. Envoie sur nous ton Esprit
d’intelligence pour qu’il nous donne de percevoir la voix de ton amour qui s’adresse à nous dans
le langage de tes saintes Écritures. Montre-nous combien ta Parole est «vivante, efcace et plus
incisive qu’aucun glaive à deux tranchants» (Hébreux 4,12). Nous croyons, Seigneur, que c’est
vraiment toi qui nous parles, béni sois-tu !
Contempler
De Luc, le «cher médecin», la légende a fait un peintre. À Byzance on
vénérait une icône de la Vierge attribuée à saint Luc. Toute invraisemblante
que soit cette tradition, elle a le mérite de reéter un trait réel de l’écri-
ture de Luc : son attention aux personnes. De même qu’il est ici tout entier
concentré sur son travail d’expression picturale du mystère qu’il a le bonheur
de contempler, de même Luc semble toujours avoir une sorte de tendresse
particulière pour ses personnages : Marie, dont il nous permet de suivre l’iti-
néraire de foi, les apôtres, et tous ceux qu’il est le seul à nommer : Zacharie
et Élisabeth, Syméon et Anne, Zachée, les marcheurs d’Emmaüs... C’est bien
l’œuvre d’un peintre qu’il nous est donné tant de lire que de contempler.
Saint Luc dessinant le portrait de la Vierge, 1435 (Boston, Museum of Fine Arts). Dans une
salle dallée, s’ouvrant à l’extérieur par une large baie, saint Luc vêtu de rouge, à demi agenouillé, dessine à la
pointe d’argent sur une feuille de parchemin, le portrait de la Vierge. La Vierge richement vêtue, est assise sur
les marches d’un trône en bois, tendu d’un dais de brocart. Elle donne le sein à l’Enfant, qu’elle tient de la main
droite. Au deuxième plan, un couple accoudé à un mur crénelé, contemple un plan d’eau bordé de bâtiments, de
rochers et d’arbres. L’œuvre aurait été commandée pour la chapelle de la Gilde des peintres de Bruxelles, ville
dont il était sans doute déjà le peintre en titre.
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