L'Europe et le monde dominé Page 1 Première L Bonjour à toutes et à tous, Je vous envoie le début de la nouvelle leçon que nous aurions dû commencer cette semaine. Apprenez ce cours et répondez aux questions du dossier consacré au colonialisme (pp. 90-91) Bon courage et à bientôt. Jean-Jacques MANGNEZ L'Europe et le monde dominé Page 2 L'Europe et le monde dominé : échanges, colonisations, confrontations __________ Introduction A partir de la seconde moitié du XIXe siècle, les puissances européennes les plus transformées par l'industrialisation et le développement du capitalisme, étendent leur domination sur une grande partie du monde. Convaincue de sa supériorité, sûre de son avance technologique et animée d'une volonté civilisatrice, l'Europe se lance dans les conquêtes coloniales. Les métropoles [= puissance qui conquiert et administre une colonie] étendent alors leur domination sur d'immenses territoires continentaux et maritimes, et renforcent leur influence et leur prestige dans le monde. La diversité des modes d'administration, de mise en valeur et d'exploitation économique des colonies est très grande et varie d'un empire colonial à l'autre. La pénétration européenne engendre des résistances de la part des populations colonisées et durant l'entre-deux-guerres, le nationalisme se manifeste dans plusieurs colonies. En outre, l'affirmation de nouvelles puissances, les E.-U. et le Japon, remet en cause la domination des Européens. Dans les métropoles, l'opinion publique n'est pas toujours acquise au colonialisme [= doctrine qui justifie et encourage la colonisation. Elle insiste sur les avantages que peut en tirer la métropole ou ses colons et met en avant les bienfaits que les colonisés sont censés en retirer] et manifeste souvent peu d'intérêt pour la colonisation [= conquête et exploitation d'un territoire par une métropole]. En outre, elle hésite entre préjugés sur les peuples colonisés et esprit critique. Mais l'impérialisme [= domination politique et militaire, économique, culturelle, exercée par un peuple sur d'autres peuples, notamment par la colonisation] des Européens va bien au-delà de la colonisation des territoires. Il revêt différents formes et se manifeste par une volonté de domination politique, économique et culturelle touchant l’ensemble du monde. L'Europe et le monde dominé Page 3 Quelles sont les formes de la domination de l'Europe sur le monde entre 1850 et 1939 ? I. La constitution d'empires coloniaux II. Les multiples manifestations de l'impérialisme III. La contestation de la domination européenne L'Europe et le monde dominé Page 4 I. La constitution d'empires coloniaux A) Les causes de la colonisation 1) Les facteurs sociaux-économiques Entre 1850 et 1939, l'Europe fait preuve d'une grande vitalité démographique. La population européenne passe de 270 millions d'habitants en 1850 à 480 millions en 1913 (plus du quart de la population mondiale) pour atteindre 530 millions en 1939. Cette forte croissance due à la transition démographique entraîne une importante émigration >> plus de 40 millions d'émigrants quittent l'Europe entre 1800 et 1913. Jusqu'en 1880, les Anglo-Saxons (Britanniques, Allemands) sont les plus nombreux. A la fin du XIXe et au début du XXe siècle, les Scandinaves, les Slaves et les Italiens prennent le relai. Plus d'un million d'Européens émigrent tous les ans. Cependant, les flux se tarissent après la Première Guerre mondiale. Les E-U, le Canada et l'Amérique du Sud (Brésil, Argentine) sont les principales destinations de cette émigration. Mais les émigrants se dirigent également vers l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le nord et le sud de l'Afrique où se constituent des colonise de peuplement (les Européens y sont relativement nombreux). Grâce à sa maîtrise technique, l'Europe est à l'origine des progrès des moyens de transport et de communication (navigation à vapeur, télégraphe). En outre, le percement de grands canaux transocéaniques – Suez (1869) et Panama (1914) – raccourcit considérablement les distances. Ces progrès facilitent le départ des émigrants. Ces transferts de population favorise l'expansion de l'Europe, développe son économie en exploitant de nouvelles terres et en plus diffuse les valeurs de sa civilisation. Par exemple la Grande Bretagne qui est la principale puissance économique est aussi le principal empire. Certains Etats favorisent cette émigration : par exemple le Royaume-Uni va ainsi peupler le Canada et l'Australie. La France va faire de même en Algérie. Comme l'Europe à partir de 1870 connaît une crise économique, la Grande Dépression (1873-1896), le départ outre-mer apparaît comme un moyen de régler les problèmes sociaux. C'est un nouveau départ dans la vie de ces européens. L'Europe et le monde dominé Page 5 Jusqu'au début du XXe siècle, l'Europe domine l'économie mondiale. Ainsi, elle réalise plus de 60% du commerce mondial en 1914 : l'Europe exporte des produits manufacturés et importe surtout des matières premières agricoles et minières. La marine britannique commerciale et militaire domine les mers et océans. La livre sterling est alors la monnaie des échanges internationaux. A partir des années 1870, la Grande dépression qui frappe l'Europe accroît la concurrence entre les puissances industrielles qui pousse les industriels et les financiers à rechercher à l'extérieur des débouchés pour leurs marchandises et leurs capitaux. 2) Les facteurs politiques Le besoin d'établir des points de ravitaillement des navires (notamment en charbon) conduit à la recherche de points d'appui dans tous les espaces maritimes. La France, par exemple, s'installe dans l'océan Indien où elle possède déjà l'île Bourbon (la Réunion), dans le Pacifique (NouvelleCalédonie, Tahiti). De son côté, la Grande-Bretagne, bien décidée à pénétrer le marché chinois, s'implante aux points clefs des grandes route maritimes de la Méditerranée à l'Inde et de l'Inde à la Chine. Les discours politiques associent conquête coloniale et puissance nationale : sans colonie, le pays n’a que peu de poids dans la balance des forces diplomatiques. La puissance et le prestige international passe alors par la domination des plus vastes étendues possibles de terres. La France, humiliée en 1871 par l’Allemagne, compense par la colonisation la nostalgie des provinces perdues. « La colonisation est pour la France une question de vie ou de mort: ou la France deviendra une grande puissance africaine, ou elle ne sera dans un siècle ou deux qu’une puissance européenne secondaire ». P. LeroyBeaulieu, 1882. Paul Leroy-Beaulieu (1843-1916) est un économiste français. En 1870, il rédige un mémoire sur le Système colonial des peuples modernes, qu'il augmente et publie en 1874 sous le titre De la colonisation chez les peuples modernes. Avec cet ouvrage, LeroyBeaulieu devient l'un des porte-parole de la colonisation, inspirant les discours de Jules Ferry, et invitant la Troisième République à une nouvelle expansion coloniale. Ce livre lui vaudra le désavœu de certains économistes libéraux. Là, est l'originalité de LeroyBeaulieu : c'est le seul économiste libéral qui est favorable à l'expansion coloniale. L'Europe et le monde dominé Page 6 3) Les facteurs culturels Les Européens sont convaincus de leur supériorité et de la tâche qui leur revient de « civiliser » des peuples considérés comme « sauvages » en leur apportant leur savoir, leurs valeurs, leur religion : Le « Fardeau de l'homme blanc » (Rudyard Kipling, doc. 4, p. 89). Les métropoles ont eu la volonté d'enseigner de façon durable aux populations des colonies une culture européenne, provoquant ainsi leur acculturation [= processus par lequel un individu adopte une culture étrangère (langue, mode de vie), ce qui peut l'amener à abandonner sa propre culture]. La langue métropolitaine s'impose ainsi que le christianisme, par l'intermédiaire des missions religieuses. L'apport par la métropole d'un début d'équipement économique et sanitaire, avec les écoles ou les dispensaires, s'accompagne d'une négation de la culture traditionnelle. B) Les étapes de la colonisation (carte, pp. 86-87) 1) Des initiatives isolées Les explorateurs Le XIXe siècle est le siècle de la géographie. Les expéditionns se multiplient, patronnées par les société de géographie dont la plus active est la Royal Geographical Society de Londres. De nombreux aventuriers s'illustrent en Afrique, en Asie, en Océanie, dans le Pacifique. Dès 1840, Livingston remonte d'Afrique du Sud vers les rives du Zambèze. Dans les années 1880, Stanley explore à son tour l'Afrique centrale, ce qui lui permet d'évaluer les richesses du Congo. Peu à peu, ces société de géographie se mettent au service des intérêts nationaux. Le principal responsable en est le roi des Belges, Lépold II, qui cherche à se construire un empire personnel en Afrique, et qui se pose en protecteure de tous les géographes d'Europe. Les missionnaires Une multitude de congrégations nouvelles [= groupement de religieux] sont créées pour gagner au christianisme les contrées lointaines d'Afrique ou d'Asie. En France, vingt-deux congrégations sont créées entre 1816 et 1870, comme la Société des missionnaires d'Afrique (les « Pères blancs »), fondée en 1868 par le cardinal d'Alger, Charles Lavigerie. Les Pères blancs constituent un ordre catholique efficace car ils s'implantent L'Europe et le monde dominé Page 7 profondément au cœur des sociétés à convertir. Une étroite collaboration se noue entre clergé missionnaire et personnel colonial. 2) La « course au clocher » A partir des années 1870, les conquêtes coloniales deviennent systématiques pour de nombreux pays européens et débouchent sur un véritable partage du monde. On appelle « course au clocher » la compétition à laquelle se livrent les puissances européennes pour conquérir le plus de territoires possible, notamment après la conférence de Berlin (1885). On y définit les règles des conquêtes coloniales. Pour qu'une colonie appartienne, une occupation effective du territoire est nécessaire >> les conquêtes coloniales s'accélèrent alors. L'Afrique est le continent le plus touché par cette volonté de conquête, puisque seuls le Liberia [Le Libéria est fondé en 1822 par une société américaine de colonisation pour y installer des esclaves noirs libérés. C’est le début d'un malaise entre les Américano-Libériens et la population autochtone. Le 26 juillet 1847, le Libéria devient une république indépendante] et l'Ethiopie restent libres en 1914. L'Asie est également convoitée par les Européens. La Grande-Bretagne consolide sa présence en Inde, la France conquiert l'Indochine, les PaysBas s'implantent en Indonésie. Deux puissances se distinguent par leur volonté de constituer des empires coloniaux. La Grande-Bretagne entend exercer une domination universelle. Elle étend son influence sur tous les continents et l'ensemble des océans, et exerce son autorité sur des peuples très différents. La cohérence de cet ensemble tient à la maîtrise des voies de communication maritimes. ------------------------------------------------------------------------------------------------------L'Empire britannique La constitution de l'Empire britannique est presque achevée à la fin du XIXe siècle. Il couvre, avec 32 millions de km², le quart des terres émergées et rassemble plus de 400 millions d'habitants. Les principales possessions britanniques se trouvent : – en Afrique, le long d'un axe Le Caire – Le Cap (l'est du continent), mais également en Afrique occidentale, au Nigéria, en Sierra Leone et sur la Gold Coast (la Côte-de-l'Or = le Ghana) ; – en Asie, avec l'Inde, joyau de l'Empire, en Malaisie et à Singapour. L'Europe et le monde dominé Page 8 Les Britanniques contrôlent la route des Indes grâce à leur présence à Gibraltar, Malt, Chypre, Suez et Aden ; – dans un grand nombre d'îles sur tous les océans. A ces colonies, aux statuts variés (colonies de la Couronne, protectorats, Etats « protégés »), s'ajoutent les dominions, entités autonomes, anciennes colonies de peuplement (Canada, Afrique du Sud, Australie, Nouvelle-Zélande). Après la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne reçoit à titre de mandats la Palestine et la Mésopotamie (Irak), anciennes provinces de l'Empire ottoman, qui disparaît avec le traité de Sèvres (1920). En outre, la pénétration économique, financière et diplomatique britannique s'étend à l'Amérique du Sud et à l'Asie, notamment en Chine (Hongkong). ------------------------------------------------------------------------------------------------------La France républicaine se fait également la championne de la colonisation. Il s'agit de se relever de la défaite de 1870 et de constituer les bases d'une nouvelle puissance. Les conquêtes se multiplient en Afrique noire et en Indochine alors que la colonisation s'étend en Afrique du Nord. ------------------------------------------------------------------------------------------------------L'Empire français En 1914, l'Empire français est le deuxième empire colonial, derrière celui de la Grande-Bretagne. Il regroupe plus de 40 millions d'habitants, pour 10 millions de km². Ses principales possessions se trouvent, comme pour l'Empire britannique, en Afrique et en Asie. En Afrique, en plus de l'Afrique du Nord, comprenant l'Algérie, la Tunisie et le Maroc, les possessions d'Afrique noire s'organisent autour de l'Afrique occidentale française (l'AOF), constituée en 1895, et l'Afrique équatoriale française (l'AEF). La volonté de constituer un axe Dakar – Djibouti s'est heurtée à la présence des Britanniques au Soudan. En Asie, la France est présente en Indochine, créée en 1887 au terme d'une conquête difficile par la réunion des trois provinces du Viêtnam (Cochinchine, Annam, Tonkin), du Laos et du Cambodge. L'Europe et le monde dominé Page 9 La France prend également pied à Madagascar à partir des années 1880, complétant ainsi sa présence sur un grand nombre d'îles, de la Martinique et de la Guadeloupe à la Nouvelle-Calédonie, en passant par la Réunion. ------------------------------------------------------------------------------------------------------3) Les rivalités entre puissances coloniales La course aux colonie provoque de vives tensions entre les puissances européennes. En Afrique, l'affaire de Fachoda en 1898 met aux prises Britanniques et Français. Les Britanniques, qui veulent établir leur autorité sur le Soudan pour constituer un axe Le Caire – Le Cap, se heurtent aux Français qui veulent réaliser un axe Dakar – Djibouti et font occuper Fachoda par le commandant Marchand. L'affrontement est évité de justesse par le retrait de la France, qui renonce ainsi à ses ambitions dans la région. Cet abandon entraîne un vif ressentiment contre la Grande-Bretagne dans l'opinion publique française. Par contre, les Britanniques soutiennent la France quand elle veut établir son protectorat [= Etats placé sous l'autorité d'une puissance coloniale mais qui conserve son gouvernement] sur le Maroc malgré les tentatives de l'Allemagne pour s'y opposer en 1905 (crise de Tanger) et en 1911 (crise d'Agadir). La première crise est réglée par la conférence d'Algésiras, qui maintient la France dans ses prérogatives, mais lui impose une politique de « porte ouverte ». La seconde crise impose à la France de nouvelles concessions : l'Allemagne reçoit en contrepartie de la présence française au Maroc des possessions en Afrique (Togo). Les crises marocaines contribuent à l'exaspération des sentiments nationalistes à la veille de la Première Guerre mondiale. La Première Guerre mondiale renforce le poids de la colonisation au profit des vainqueurs. Les colonies allemandes et une partie des anciennes possessions de l'Empire ottoman sont remises en mandats [= territoire « habité par des peuples incapables de se diriger eux-mêmes », placés par la SDN sous la tutelle d'un Etat vainqueur de la Première Guerre mondiale qui doit les conduire à l'indépendance] à la Grande-Bretagne et à la France. L’Italie, déçue par le règlement de la Première Guerre mondiale, accentue sa présence en Libye (elle a arraché ce territoire à l'Empire ottoman en 1912) puis s’empare de l’Ethiopie en 1936. L'Europe et le monde dominé Page 10 C) Justifier la colonisation : le colonialisme ------------------------------------------------------------------------------------------------------Dossier, pp. 90-91 – Le colonialisme