coin de l’entrainement L'entrainement est une innovation continue, son objectif est de nous former surtout à innover et non à être des applicateurs très fidèles, très ordonnés... la preuve par l'athlé et tout particulièrement le triple saut ou la maitrise d'une course d'élan accélérées afin de réaliser et réussir l'enchainement de 3 sauts ordonnés. # Par Michel Cremonesi S'entrainer, innover en athlétisme : le triple saut Comment s'entrainer en athlétisme audelà de l’initiation, qui s’adresse particulièrement Retrouvez tous les articles parus dans le Coin de l'entrainement depuis novembre 2010 en téléchargement via www.fsgt.org, rubrique > Revue Sport et plein air > Le coin de l'entrainement. aux débutants (1) et sans «tomber» dans la spécialisation, qui ne concerne qu’une minorité dont la quantité d’entrainements est bien supérieure à la majorité de nos athlètes ? Entraineurs, éducateurs d'un sport populaire et amateur, notre intervention se place du point de vue du perfectionnement, du progrès de tous. Dans le perfectionnement, notre expérience de club et de son fonctionnement nous pousse à intervenir davantage sur un groupe d’athlètes. Cependant, les observations sont individualisées et nous essayons d’apporter les réponses les plus appropriées aux besoins de chacun. L’entraineur crée les conditions pour rendre chaque athlète toujours plus autonome et véritable acteur de sa pratique. L’entrainement est donc une innovation continue et son objectif est de «nous former surtout à innover et non être des applicateurs très fidèles et très ordonnés» (cf. la créativité partagée, Robert Mérand). Comme l'athlète, le joueur, l’entraineur apprend tous les jours. Entrainer au triple saut, c’est quoi ? En athlétisme, l’entrainement est conçu pour améliorer les performances des athlètes. Elles/ils s’y engagent par un investissement régulier, hebdomadaire et sur toute une saison constituée de périodes différentes : une reprise de saison orientée fortement sur la PPG (préparation physique générale) ; une période dite hivernale ; une période précompétitive ; la période de compétition ; la période de récupération ou de régénération et d’entretien pour repartir sur une nouvelle saison. L’entraineur va construire, avec les athlètes, un projet d’entrainement pour favoriser les progrès dans la discipline choisie. Plusieurs thèmes peuvent être travaillés simultanément ou alternativement : l’améliorations des qualités physiques ; une meilleure maitrise technique ; le maintien de la motivation ; une meilleure connaissance de ses possibilités corporelles… Prenons exemple sur une des composantes de l’athlétisme. : les sauts et plus particulièrement le triple saut, cette épreuve qui consiste à couvrir la plus longue distance possible en sautant à partir d'une marque fixe, après une course d'élan, et en exécutant une séquence de trois sauts (2). Entrainer au triple saut (TS) c’est quoi ? Quelle est la place de la technique dans l’entrainement ? Entrainer au TS, c’est maitriser à la fois une course d’élan progressivement accélérée afin de réaliser et réussir l’enchainement de 3 «sauts» : un cloche pied suivi d’une foulée bondissante et enfin un saut «en longueur». La réalisation technique du TS appartient à chaque athlète. Elle est liée à l’ensemble de ses ressources. L’entrainement est amené à les développer. Chacun des sauts demande l’appropriation d’une tech- 14 sport et plein air # juin 2013 nique particulière avec une recherche permanente de coordination: • la coordination de la course d’élan avec l’impulsion du premier saut (le cloche pied), déterminante pour la suite ; • la coordination dans l’enchainement des 3 sauts successifs jusqu’à la réception dans le sable ; • la coordination des bras et des membres inférieurs. Nous vous proposons, ci-après, plusieurs situations et variables que vous pourrez proposer aux athlètes. Ces situations sont soit globales, soit peuvent être plus précises dans une dimension technique, en jouant essentiellement sur le paramètre de l’aménagement du milieu pour que l’athlète recherche une adaptation motrice et qu’en conséquence il construise la technique la plus adaptée à ces contraintes. Participer à une compétition Les contenus d’entrainement rechercheront toujours plus de maitrise dans l’enchainement course d’élan étalonnée et les sauts. La vitesse deviendra de plus en plus un élément déterminant de la performance si l’enchainement avec le cloche pied est réussi. L‘équilibre et le relâchement restent deux données essentielles aussi bien dans la réalisation des trois sauts que dans les phases de suspension entre les sauts. Participer à une compétition de triple saut demande une préparation exigeante. Le développement des ressources physiques doit être en permanence recherché. L’alternance et l’articulation de différentes séances proposées aux athlètes joueront un rôle important dans leur préparation. # (1) Le chapitre athlétisme du livre «Des jeux, des enfants et du sport» (Les Cahiers du sport populaire-FSGT) et ses 23 fiches de jeux (en saut en longueur ; courses rapides, longues et haies et lancers) est une bonne entrée dans la pratique. Commande sur www.fsgt.org > Publications. (2) L'Association internationale des fédérations d'athlétisme (IAAF) définit la discipline comme tel : «Le saut s'effectuera de telle sorte que le concurrent retombe d'abord sur le pied avec lequel il a pris son appel, puis au second saut sur l'autre pied, à partir duquel le troisième saut sera fait». 1. Premier problème à résoudre : coordination de la course d’élan et du cloche pied La vitesse de la course d’élan est la composante essentielle du triple saut (TS). Elle sera déterminante pour sauter loin. D’autant plus que l’impulsion de chaque saut entrainera une perte de vitesse. Nous observons plusieurs comportements types : certains piétinent, avant la zone d’impulsion, les derniers appuis de leur course d’élan. La plupart ont une course d’élan plus régulière jusqu’à l’impulsion du cloche pied, ce qui marque déjà un progrès. Une minorité a une course progressivement accélérée jusqu’à la première impulsion Difficultés majeures à résoudre par le sauteur dans la coordination de la course d’élan et le cloche pied : • Étalonner toujours mieux sa course pour passer d’une course d’élan déjà régulière à une course d’élan progressivement accélérée. • Coordonner la course d’élan avec le cloche pied qui reste la clé de la réussite des deux autres sauts et du TS dans son ensemble. «J’étalonne ma foulée» # Objectif : Rechercher son meilleur rapport amplitude/fréquence pour réaliser une course qui permet de prendre de la vitesse. n But : réaliser le parcours en franchissant chaque intervalle n Consigne Franchir en courant l’intervalle, sans aucune perturbation dans la course, en augmentant progressivement la distance des intervalles, jusqu’à être en «rupture» : l’athlète ne court plus mais bondit, il choisira le parcours en dessous et le répètera pour avoir des foulées régulières mais non bondissantes. n Dispositif Remarque : Le plot évite de taper des pieds parce que les intervalles entre les lattes sont plus courts et d’autre part la présence du plot entraine une montée des genoux plus marquée. Cela permet de travailler la fréquence des appuis jusqu’à obtenir des appuis en plante de pied. Chercher à rebondir (sensation d’avoir des «pieds véritable ressorts»), les genoux monteront plus facilement vers l’avant (l’animateur observe cette pose de pied et le rythme soutenu des appuis qui s’enchainent, le coureur est projeté vers l’avant). n Conseil à l’entraineur Pour commencer, vous pouvez aménager le parcours sur la pelouse (moins traumatisant), puis sur la piste car les couloirs vont donner des repères dans l’axe et dans le balancé des bras. Pour finir, ils pourront le réaliser vers le sautoir pour se rapprocher des conditions réelles. illust ration : Céli ne De corte • Parcours 1, «j’augmente l’amplitude» (dessin ci-dessous) : aménagement de plusieurs couloirs avec des lattes au sol espacées de 1,70 m à 2 m sur 25/30 m. • Parcours 2, «je réduis ma fréquence» : aménagement d’un couloir de plots placés à intervalle de 1 à 1,80 m. «Je vise juste» n But : arriver le plus vite possible sur la zone d’appel départ arrêté. n Dispositif • Aménagement d’un couloir de 25/30 m. • La zone d’impulsion est très visible (40/50 cm moins au cours de la saison 30/20 cm). Le sauteur marque son passage dans la zone d’une impulsion modérée (appel du cloche pied). n Conseil à l’entraineur Il centrera les sportifs sur une recherche en permanence d’un relâchement du tronc et des épaules en gardant le regard horizontal. «Courir haut, dominer son couloir de course d’élan». sport et plein air # juin 2013 15 Après ces situations de préparation (recherche de coordination), l’apprentissage du TS se poursuit par des situations ludiques (où les athlètes seront davantage autonomes). L’organisation et l’aménagement de l’espace d’entrainement facilitent la multiplication des ateliers. Chaque athlète du groupe trouvera la situation qui lui conviendra ou que l’entraineur lui proposera. La proximité des espaces facilite à la fois la variété des situations d’apprentissage et leur gestion par l’entraineur. Les athlètes continuent ainsi, à se lancer des défis. L’entraineur pourra aussi varier les ateliers pour mettre l’athlète dans une recherche nouvelle d’équilibre et de coordination. Les couloirs # Le sautoir est utilisé dans le sens da sa largeur. Plusieurs couloirs sont balisés (3 à 5 couloirs de 80/90 cm de large). Cette largeur limitée contraint davantage l’athlète à courir dans l’axe. Cette organisation permet à plusieurs athlètes de sauter en même temps et augmente la quantité de répétitions possibles. n But : arriver dans le sable sur les deux pieds à partir d’une latte. • Dans le couloir 3 : départ à 10 m : 2 cloches pieds et 1 foulée bondissante et réception sur les 2 pieds dans le sautoir. n Dispositif • Dans le couloir 4 : première impulsion à 8 m (balisée par une latte), réaliser un triple saut (si trop facile, reculer la latte qui balise l’impulsion). • Aménagement avec deux lattes de la zone d’élan autorisée (une à 8 m l’autre à 12 m, ce qui donne la possibilité de prendre 8, 9,10, 11, et 12 m d’élan). • Dans le premier couloir (C 1) : départ à 7 m, le sauteur réalise 2 cloches pieds et se réceptionne sur les 2 pieds dans le sable (soit 2 CP et un saut). illustr ation : Céli ne De corte • Dans couloir 2 : départ à 8 m et je dois réaliser 3 foulées bondissantes et me réceptionner sur les 2 pieds (si les 8 m sont trop importants, l’entraineur ou l’athlète rapproche la latte à 7,50 ou 7 m ; même chose pour l’athlète pour qui 8 m est une distance trop facile, il peut reculer la latte progressivement pour aller à 9 m). 16 sport et plein air # juin 2013 n Conseil à l’entraineur Les réceptions se font systématiquement dans le sable (un plot sécurité à 1 m de chaque côté du sautoir délimite la zone de chute obligatoire, cette sécurité balisée évite les réceptions trop au bord du sautoir). 2. Deuxième problème à résoudre : le premier «cloche pied» La plus grosse difficulté du Triple Saut c’est la liaison course d’élan et l’appel du cloche pied qui est le premier saut déterminant pour pouvoir enchainer les deux autres sauts composant le triple. Saut par dessus la latte complète de l’impulsion. n But : enchainer, après un élan réduit, le cloche pied au dessus de l’obstacle avec deux foulées bondissantes avant de chuter dans le sable. n Dispositif Élan réduit à 5/6 foulées, départ à 7/8 m du sable. Obstacle bas de 15/20 cm et une latte devant pour délimiter une zone interdite d’appel (cette zone, qui oblige le sauteur à prendre son impulsion avant, peut augmenter ce qui allongera d’autant le premier saut en cloche pied). Il reste difficile dans sa réalisation. Souvent très long ou encore trop haut, il entraine une réception écrasée et très déséquilibrante. Il faudra limiter l’envol de ce premier saut afin de rendre efficace la foulée bondissante qui suit. # Objectif : rechercher une poussée n Variantes • Augmenter la zone interdite d’appel. • Augmenter légèrement la hauteur de l’obstacle (10/15 cm) pour allonger le cloche pied (recherche d’un bassin haut). • Reculer la zone d’appel de 1 puis 2 m avec possibilité de faire une foulée bondissante supplémentaire avant de chuter dans le sable sur les 2 pieds. en salle... Qu’est-ce que je peux faire ? En salle, pour travailler un cloche pied complet (talon à la fesse) et revenir très vite vers l’avant, l’athlète réalisera un élan réduit cloche pied, réception sur tapis d’hauteur (*). Cette situation permet, par l’aménagement de l’espace, de ne pas réaliser un cloche pied sur une jambe tendue car le tapis de hauteur oblige l’athlète à faire une foulée en pliant sa jambe pour ne pas cogner le bord du tapis. (*) Le tapis de hauteur mesure 4 m de long et 2 m de large. Sa hauteur est variable 40 à 80 cm mais on peut avoir des tapis de réception gym de 20 cm qui sont intéressants aussi. n Évolution L’appel du CP est balisé par du ruban adhésif à 1 m du tapis et la réception se fait au moins à 40/50 cm du bord (sécurité). L’entraineur pourra indiquer l’espace de chute avec de la craie. Après réception sur un pied, le sauteur devra enchainer une foulée bondissante sur ce même tapis (attention équilibre des sauts perturbé par réception molle du tapis de hauteur). La salle peut être aussi l’occasion de travailler d’autres situations grossissantes et varier les prises d’informations corporelles : • Départ sur élément de plinth (20 à 60 cm, cette hauteur peut varier en fonction de l’expérience des athlètes et de leur puissance musculaire), sauter en contre bas, réception au sol enchainée avec une ou deux foulées bondissantes en fonction de la réception de la première (pas d’écrasement). • Enchainer plusieurs CP et mesurer la distance et/ou chronométrer (valoriser la vitesse des sauts). sport et plein air # juin 2013 17 3. L’impulsion du deuxième saut : la foulée bondissante Enchainer le deuxième saut est lié à la réalisation du premier. La réception du cloche pied doit permettre de poursuivre une foulée bondissante et ce n’est pas évident. En anglais, le TS se traduit par «hop step jump» ; or, «step» signifie «pas»… ce qu’il ne faut surtout pas faire ! La réception du cloche pied est déterminante pour ne pas faire un pas au second. La traversée du couloir en multi bond n But : réception dans le sable après avoir réalisé plusieurs bonds (au choix des athlètes qui proposent des multi sauts différents, ex. : double cloche pied enchainés par deux foulées bondissantes et un cinquième réception deux pieds). n Variantes • Ajouter un obstacle de 10/15 cm entre chaque zone balisée. • Passer rapidement sur la coordination enchainement cloche pied / foulée bondissante en variant les combinaisons. n Dispositif • Après une course d’élan progressivement allongée (8, 10, 12 appuis). Aménagement de plusieurs couloirs de 20 m avec plusieurs zones balisées par 2 lattes (dont l'écartement est précisé ci-dessous), une course d’élan de 4/6 foulées. • Enchainer 2 CP suivi de 2 foulées bondissantes (alterner 2 CP gauche + 2 foulées ou 2 CP droits + 2 foulées bondissantes) par exemple. Réception 2 pieds dans le sable. • C1 : espacées de 2 grands pas + 1 pied • Enchainer le multi sauts précédent et terminer par un 5e saut type longueur dans le sable. • C2 : 2 grands pas + 2 pieds • C3 : 2 grands pas + 3 pieds • C4 : augmenter si nécessaire à 3 grands pas • Réaliser un pentabond sans élan et rapidement avec élan, augmenter l’élan mais en maintenant la même vitesse des sauts (voir chrono). Défi sur triple saut n Consigne n But : garder des performances voisines sur une série de triple saut dont l’élan diminue au fur et à mesure des passages. 3 réalisations puis une récup courte puis tripler le temps de récup avant d’entamer une seconde série, voire une troisième. Rechercher l’amplitude des 3 sauts et toujours relâché du haut du corps (souffler à chaque impulsion). Remarque : C’est une partie de séance éprouvante qui, à elle seule, est une séance. 4. Le troisième saut : vers un saut en longueur Il devrait être un véritable saut en longueur : arriver vite à l’impulsion en projetant les bras vers le haut et l’avant, rechercher l’équilibre dans la suspension : regard horizontal, buste vertical pour enchainer une réception aussi équilibrée que possible, pieds vers l’avant. Afin d’acquérir la technique plus spécifique du saut en longueur : se lancer des défis (de sauts en longueurs) sur différents essais en jouant sur la course d’élan réduite de 2 à 8 foulées maximum. 5. Le triple saut complet La course reste nécessairement limitée (8/12 appuis), elle facilite la maitrise globale de l’enchainement des 3 sauts. Le défi n But : Réaliser le TS le plus long possible en perdant le moins de vitesse possible. n Consigne • Chronométrer chaque réalisation du TS de l’impulsion du CP jusqu’à l’arrivée dans le sable. Essayer de faire mieux en allongeant la course d’élan, de 8 à 10 foulées). • Chaque athlète va rechercher un équilibre dans la longueur des différents sauts. Il pourra, avec l'aide d'un camarade, repérer l’appui de réception de chaque saut 18 sport et plein air # juin 2013 afin d’en évaluer la distance (utiliser de la craie ou petit bout de ruban adhésif) et vérifier effectivement cet équilibre (3 x un tiers environ). n Répétition et récupération • 2 séries de 3 essais avec une récupération de 3’ à 4’ entre chaque passage et 6’entre les deux séries. Après une nouvelle récupération de 6’, recommencer avec élan de 12/14 foulées. • 1 à 2 séries en fonction des athlètes, de leur temps de pratique et de leur expérience.