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de plus, elle n’implique pas une coordination officielle avec la Banque
centrale européenne. Cette recommandation des Quatorze donne, en
outre, une lecture extrêmement stricte du Pacte de stabilité et de crois-
sance : les performances irlandaises en termes de croissance
économique, comme celles en terme de prix d’ailleurs 2, ont éloigné
son déficit public du montant fatidique de 3% du PIB. Quel paradoxe
dans l’attitude affichée par les Quatorze ! D’une part, ils condamnent
le gouvernement qui bénéficie du solde public le plus excédentaire de
la zone euro. D’autre part, le souci invoqué par les Quatorze de
condamner une politique budgétaire «pro-cyclique » tranche inten-
sément avec les exhortations des années 1990 à assainir les finances
publiques en Europe alors que l’UE subissait une crise économique
profonde3!
Dans de nombreux travaux théoriques (voir, entre autres, Krichel et
al
., 1996, Hughes Hallett et Ma, 1996 ; Creel et Sterdyniak, 1998), l’idée
d’une coordination étroite des politiques monétaire et budgétaires en
Union économique et monétaire (UEM) a été largement défendue ; par
ailleurs, certains économistes ont pu montrer qu’un régime de change
irrévocablement fixe pouvait être considéré comme sous-optimal, en
termes théoriques, en comparaison avec les régimes de changes flexibles
ou de changes fixes mais ajustables (Système monétaire européen, SME,
du point de vue du pays dominant) (voir Creel et
al
., 1995) 4.
L’instauration d’une monnaie unique entre douze pays européens
étant dorénavant irrévocable, il faut s’interroger sur les modalités d’un
«bon policy mix », c’est-à-dire définir un cadre optimal pour les
politiques budgétaires et monétaire dans cette zone monétaire. Pour
ce faire, nous utiliserons un modèle théorique dont l’objectif principal
est de permettre d’évaluer les conséquences du choix de telle ou telle
règle de politique budgétaire ou monétaire sur les grandeurs macro-
économiques de deux pays en union monétaire. Le caractère théorique
de cette étude nous amène à relativiser dès à présent sa portée
«pratique ». Par ailleurs, considérant que les caractéristiques que nous
attribuons à la mise en œuvre de la politique monétaire dans l’union
ne correspondent pas aux objectifs et aux moyens mis en avant par la
BCE, nous nommerons par la suite la banque centrale de la zone
monétaire Banque centrale commune (BCC).
LA POLITIQUE BUDGÉTAIRE EN UNION MONÉTAIRE?
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Revue de l’OFCE 77
2. Si la dette publique n’est pas indexée sur le niveau général des prix, la hausse des prix
réduit la charge réelle de la dette. Elle accroît aussi les recettes fiscales si les tranches ne sont
pas indexées (effet dit Olivera-Tanzi).
3. Voir l’article, très instructif sur ce point et sur les conséquences de l’assainissement budgé-
taire, de P. Veroni sur le cas italien (Veroni, 2001).
4. Lane (2000) étudie lui aussi les avantages et les inconvénients de la participation à une
Union monétaire, en comparaison avec d’autres régimes de change. Le caractère plus ou moins
«attractif » de l’Union monétaire dépend notamment de la nature des chocs survenant dans les
économies et de certains paramètres «d’intégration », dont le degré d’homogénéité dans les
fonctions de consommation. Dans Creel et al. (1995), les pays étudiés étaient supposés identiques.
Mais contrairement à Lane, les politiques budgétaires y étaient spécifiquement introduites.