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ÉDITO
Ces mots ne sont pas de moi. C’est bien ainsi qu’en leurs temps avaient été surnommés les avions de Leduc. Il
faut dire qu’ils en avaient en effet la forme générale et le côté « vide ».
En fait, ces avions étaient vraiment de simples statoréacteurs volants auxquels leur inventeur avait rajouté une
cabine de pilotage dans le cône d’entrée d’air et un minimum de surfaces portantes. Une idée d’une redoutable
simplicité … sauf que tout était à inventer pour que cela fonctionne.
Or, Leduc n’était pas un des grands avionneurs de l’entre-deux-guerres, mais seulement un ingénieur
autodidacte. S’il lui fallut beaucoup de génie technique pour mettre au point ces appareils, il lui fallut surtout une
dose magistrale de volonté pour convaincre Breguet et l’État français de l’aider à réaliser son projet.
Certes, aucun avion de série ne vola jamais sous son nom, mais il contribua néanmoins au progrès des
motorisations pour les très grandes vitesses, et surtout au rayonnement du talent français dans le domaine de
l’aéronautique. Tous les passionnés d’aviation connaissent son nom … et pour plus de sûreté, je vais tout vous
redire de son histoire.
Bonne lecture à tous !
Jacques DESMARETS
Courrier des Lecteurs
Pas de courrier ce mois-ci, sinon les contributions de notre ami Donato à l’identification des photos que je vous
avais soumises le mois dernier, et le message de Philippe Keller m’annonçant le prochain Rassemblement des
Femmes Pilotes d’ULM.
J’espère que vous serez plus bavard ce mois-ci. Je vous rappelle que vos critiques me sont utiles pour améliorer le
contenu des futurs numéros. Alors n’hésitez pas à me faire part de tous vos commentaires, qu’ils soient positifs ou
négatifs. Et continuez à m’indiquer les manifestations qui méritent d’être annoncées.
Et au fait, vous ne m’avez pas répondu concernant les jeux Aéroludiques. Je vais finir par croire qu’ils
n’intéressent personne et arrêter d’en faire
Alors à vos plumes !
Humour :
Si vous avez atterri et que vous devez mettre plein gaz pour avancer jusqu'au terminal, c'est que vous avez
oublié de sortir le train d'atterrissage.
En couverture ce mois-ci : Les Leduc 010-03 et 022-01
Ces deux « tuyaux de poêle volants », seuls rescapés des six prototypes construits par René Leduc, sont aujourd’hui exposés au Musée
de l’Air, au Bourget. Le 010, présenté sur une maquette partielle de son Languedoc porteur, arbore le nom de René Lorin, dont Leduc a
toujours reconnu la primauté de ses travaux sur les « tuyères thermopropulsives », les statoréacteurs. L’autre nom, moins visible sous les
hublots, est celui de Jean Villey, un autre savant ayant également travaillé dans ce domaine.
Photo signée igor113.livejournal.com, en ligne sur http://igor113.com ,
un blog entièrement en russe, je ne peux donc vous en dire plus sur l’auteur.
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René Leduc
et ses tuyaux de poêle volants.
Le pulsoréacteur et le statoréacteur
Il y a 50 ans : Le Mystère 20
AeroDynamix
la plus importante patrouille du monde
A l’aide !
Nouvelles photos et solutions du mois dernier
dont …
Le Prone Meteor et le pilotage allongé
Expliseat
Une start-up française veut révolutionner les
cabines des monocouloirs
Les P’tites News
10° Rassemblement Nationnal des
Femmes Pilotes d’ULM
Aéroludique
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et ses tuyaux de poêle volants
René Leduc
René Lorin
Attention :
L’histoire de l’aéronautique
connaît un second René Leduc,
sans aucun rapport avec celui
objet de notre article.
Neuf ans plus jeune (1907
1990) ce constructeur amateur
réalisa plusieurs appareils de
tourisme et de vitesse, dont le
RL-21avec lequel il établit trois
records :
le 13 octobre 1960 : 316 km/h,
le 12 juillet 1963 : 334 km/h, et
le 14 juin 1966 : 350 km/h.
René Leduc naît le 24 avril 1898 à Saint-
Germain-lès-Corbeil. A 14 ans, il arrête ses
études pour devenir apprenti-mécanicien (il
répare des vélos) puis commis de bureau.
A 18 ans (1916), il s'engage dans l'armée
(artillerie) et combat en première ligne. Il
fait le peloton d'officiers de Fontainebleau,
d’où il sort avec le grade de major de sa
promotion.
Démobilisé en 1920, il s’inscrit à l'école
supérieure d'Électricité (future Sup’Elec)
pendant un an, obtient son diplôme
d’ingénieur et s’intéresse à la résistance des
matériaux et à la thermodynamique.
En 1922, il quitte la France pour prendre un
poste de sous-directeur d'une usine de
cellulose en Autriche où il rencontre celle
qui devient son épouse. Mais à la suite du
décès de son père, il revient en France en
1923. Il entre alors aux Établissements
Louis Breguet où il dirige le bureau des
calculs. Il étudie le comportement des
poutres prismatiques (rectilignes et de
section constante) et l’élasticité des corps
creux.
Leduc dépose son premier brevet en 1930.
Il s'agit d'un « propulseur à réactions
intermittentes », connu aujourd’hui sous le
nom de pulsoréacteur (voir explications
plus loin). Trois mois plus tard, l’allemand
Paul Schmitt déposera un brevet similaire.
Bénéficiant du soutien du III° Reich, ce
dernier pourra développer cette invention
qui motorisera en particulier les bombes
volantes V-1.
Il quitte alors Breguet et rejoint la toute
nouvelle Société Générale Aéronautique,
née de la fusion, voulue par le
gouvernement, de cinq avionneurs.
Mais insatisfait des performances de ce
type de moteur, il développe une nouvelle
théorie, celle des « tuyères
thermopropulsives ».
Il s’agit en fait du statoréacteur.
A la fermeture de la S.G.A. en 1933, il
prend une année sabbatique et profite de
ses indemnités de licenciement pour
développer cette invention. Il en dépose le
brevet en 1933. Il découvre alors les
travaux de René Lorin, ingénieur de la
Compagnie des Omnibus, qui a déposé en
1908 un brevet de réacteur, et publié en
1910 et 1913 dans l’Aérophile le principe
du même statoréacteur. Mais à cette
époque, les performances des avions ne
permettaient pas d’atteindre la vitesse
minimale de fonctionnement d’un tel
moteur, et il n’avait donc pu expérimenter
ses théories.
Leduc cherche alors à le rencontrer, mais
Lorin vient de s’éteindre en janvier de la
même année. Toute sa vie, il ne manquera
jamais de rendre hommage à ce
prédécesseur.
Il faut savoir également que le russe B. S.
Stetchkine avait découvert ce même
principe en 1929 et que les Américains
avaient commencé également à le
développer depuis 1927, mais sans que
l’ingénieur français ait pu en avoir
connaissance.
En 1934, René Leduc revient chez Breguet
comme consultant, tout en continuant ses
recherches sur les tuyères. Il obtient une
subvention de lÉtat pour la réalisation
d’une première tuyère de 30 mm. Il lui faut
deux ans pour mettre au point l’engin et y
stabiliser la combustion. Mais en juin 1936,
il peut enfin faire la démonstration, devant
les services techniques officiels du
Ministère de l’Air, de la réalité de sa
théorie.
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Polikarpov I-153 équipé de deux
Merkoulov DM-2
DO-17Z, puis …
DO-217 avec un statoréacteur à
tester
Leduc 010-01
L’année suivante, le ministre Pierre Cot lui
commande la construction d’un prototype
de chasseur. La construction du Leduc 010-
01 peut commencer, avec l’aide de Breguet
puisque Leduc ne possède pas d’usine.
Au Salon de l’Aéronautique de 1938,
Leduc présente la maquette de son « Avion
devant voler à 1 000 km/h à une puissance
de 10 000 ch et avec un plafond de
25 000 mètres. »
Mais en 1939, la guerre oblige Breguet à
quitter Paris pour Toulouse Montaudran où
les pièces du Leduc sont emportées. Sa
construction se poursuit lentement et très
discrètement, pour ne pas attirer l’attention
de l’occupant. En avril 1944, le prototype
est endommagé par un bombardement de la
RAF.
Pendant ce temps, les travaux étrangers sur
les statoréacteurs se sont poursuivis, en
Allemagne, aux USA, et en URSS où, en
mars 1939, une petite fusée équipée d’un
statoréacteur Merkoulov est lancée,
accélérée d’abord par un moteur fusée. Puis
des moteurs plus gros sont testés sous
divers avions jusqu’en 1942.
En Allemagne, après des essais au sol sur
un camion en 1941, l’ingénieur Eugen
Sänger installe un premier statoréacteur sur
le dos d’un Dornier DO-17 en 1942, puis
un second plus puissant sur un DO-217. Les
essais seront heureusement stoppés en
1944, faute de carburant, et après que des
essais furent également réalisés avec une
version brulant du … charbon ! (Après la
guerre, Sänger travaillera en France et
mettra au point le Griffon).
Les américains lancent en 1944 le
programme Bumblebee, qui donnera
naissance à des missiles dans les années
50/60.
En 1944, dès la libération, les travaux
reprennent sérieusement mais lentement.
L’avion est équipé d’un réacteur de 1 500
mm de diamètre, le plus gros jamais
construit alors. Mais, par définition, il ne
peut fonctionner qu’au-delà d’une vitesse
minimum. Il ne peut donc assurer le
décollage de l’appareil qui doit être largué
en vol par un avion porteur. Ce sera un SE-
161 Languedoc, un avion de transport mis
au point par Dassault (encore Bloch à
l’époque) en 1937.
Le premier vol intervient le 19 novembre
1946, le 010 restant captif. Il fallut encore
attendre un an, le 21 octobre 1947, et
quelques vols supplémentaires avant que le
Leduc ne soit largué pour un retour en vol
plané aux mains de Jean Gonord. Il faut
dire que, pour cet avion et ce moteur, rien
n’existe, tout reste à inventer, et c’est
Leduc qui tient à tout mettre au point lui-
même. Ainsi des ailes, qui sont taillées
dans la masse en deux demi-coquilles
accolées, et de l’énorme fraiseuse capable
de réaliser cet usinage. Mais aussi de la
paroi poreuse des entrées d’air, capable
d’aspirer la couche limite, et de la capsule
de pilotage largable, pour sauver le pilote
en cas de besoin.
L’accès à bord est délicat …
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