Bienvenu Mbappè Les Paroles de la négritude 2 2 Afrique mon Afrique/À cause du pouvoir/Tes enfants sont devenus/Des esclaves/De connivence avec les charognards/Tes propres enfants te pillent/Te détruisent/T’épuisent afin de nourrir les maîtres/Créateurs de la zizanie et de la haine. Avec Mbappè Bienvenu, l’Afrique pleure, le poète aussi. Avec les récents cinquantenaires des indépendances, on a du mal à admettre que les choses ne changent pas comme il faut. Cela mène immanquablement à une certaine brutalité dans le langage. Mais le poète ne se contente pas de pleurer ; par sa voix, il propose aussi la voie à suivre ; d’où l’extrême urgence de redéfinir une sorte de charte des fils de l’Afrique à travers un espoir trempé dans l’œcuménisme. Une charte qui, en réalité, pourrait être celle de tous les fils du monde. Dr. Lucien Bindi Poète, Nouvelliste, Critique Littéraire. 2 3 42 Préface Voici une poésie de mots, une poésie d’idées. Bienvenu Mbappè ne contourne pas, il décrit avec les mots de tous les jours les sujets les plus universels. Il moule la langue du peuple et la lui restitue pour être sa voix. Et à travers sa voix, plusieurs maux de l’humanité sont nommés, une multitude de valeurs des sociétés du monde sont célébrées. Pour prolonger une tradition poétique, il sacrifie d’abord à un devoir de mémoire par une « Analepse » où il joint sa voix à celles d’Aimé Césaire, de François Sengat-Kuoh et de bien d’autres, pour interpeller à nouveau ceux qui débarquèrent : « Bible en main/ Cœur chargé de fusil », ceux qui ont rendu les autres captifs, ceux qui ont annexé. Cette intertextualité devient plus féconde avec l’évocation des héros comme Martin Luther King, Cheikh Anta Diop, Léopold Sédar Senghor, Kwamé Nkrumah, Thomas Sankara, Patrice Lumumba, Ruben Um Nyobè,… On serait alors tenté de dire qu’il s’agit là d’un écho post 2 5 mortem de la négritude. Mais non, car l’idée ne meurt pas, l’héroïsme incarné survit et, par la force du verbe créateur, de la parole transformatrice, l’espoir triomphe encore aujourd’hui. On se serait d’ailleurs douté que le mouvement de la négritude qui a joué un rôle essentiel dans l’émancipation de la race noire et dans l’émergence de la littérature négro-africaine se fût éteint alors que l’habitude du malheur du Noir perdure et pose de nouveaux défis en ce début du troisième millénaire. Voilà pourquoi dans son « Wake up Africa », Bienvenu Mbappè se veut un nouveau chantre de l’unité africaine : « Point de distinction/ Entre mes fils/ Animistes/ Païens/ Juifs/ Chrétiens/ Musulmans…/ Ce qui compte/ C’est l’union […]/ Vous marcherez/ Main dans la main ». L’œuvre du poète devient alors l’écho, le répondant des idées des grands penseurs du siècle. Mais le poète ne se réduit pas à l’Afrique. Volant dans les hauteurs et les éthers de l’inspiration, le spectacle de l’univers tout entier l’interpelle. Et c’est le même son de cloche de l’unité humaine, sans distinction de races ni de religions, qui vibre dans « Karma » où le poète promeut le syncrétisme et l’œcuménisme. Pour lui, le « Karma » est le principe unificateur du genre humain tout entier et ce, dans la multiplicité de ses croyances. Il le personnifie en écrivant : « Le Bouddha t’a prophétisé/ Jésus-Christ le Nazaréen/ T’a éclairci et démontré/ Mohamed le prophète/ T’a aussi enseigné ». Sa plume dessine ainsi un véritable mode de 62