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21 (2015)
Introduction
La notion de construction impersonnelle n’est généralement pas utilisée dans la
description des langues d’Afrique de l’Ouest, et la simple consultation de la
littérature consacrée à ces langues peut donner l’impression que ces langues sont
tout simplement dépourvues de telles constructions. Dans cet article, nous montrons
qu’il n’en est rien, et qu’en réalité les langues d’Afrique de l’Ouest présentent des
faits très intéressants pour la problématique de l’impersonnalité.
La démonstration ne peut s’appuyer que très marginalement sur la littérature,
même en ce qui concerne les langues qui peuvent dans l’ensemble être considérées
comme relativement bien documentées1. Un article comme celui-ci implique la
collaboration de linguistes ayant déjà effectué un travail de terrain sur les langues
prises en considération et disposés à effectuer une enquête complémentaire
spéciquement destinée à collecter des données pertinentes pour la question de
l’impersonnalité. C’est la raison pour laquelle les données dont nous discutons se
limitent aux langues de la région sénégambienne (délimitée comme englobant le
Sénégal, le Cap-Vert, la Gambie et la Guinée-Bissau) qui ont fait l’objet d’un projet
collectif auquel ont participé les auteurs de l’article2. Génétiquement, ces langues
appartiennent aux quatre ensembles suivants3 :
– atlantique nord (biafada, kobiana (ou buy), laalaa (ou lehar), nyun (ou
baïnouk), peul, sereer, wolof),
– atlantique centre (balant, bijogo, joola, pepel),
– mandé ouest (dialonké, mandinka, maninka),
– créoles afro-portugais (capverdien).
L’élaboration de l’article a été coordonnée par Denis Creissels, qui a effectué la
synthèse de textes fournis par les autres co-auteurs sur les langues dont ils sont
spécialistes. Lorsque des données sont citées sans indication explicite d’origine,
elles sont à comprendre comme provenant de la documentation personnelle (notes
d’enquête inédites ou données déjà publiées par ailleurs) des divers co-auteurs, ou
de leur compétence en tant que locuteurs natifs, selon la répartition suivante :
1. Par exemple, la plupart des descriptions du wolof ne mentionnent même pas le morphème
que nous analysons à la section 5.3, et celles qui le mentionnent le font en passant, sans
réellement l’analyser.
2. Cet article a été réalisé grâce au soutien de l’ANR dans le cadre du projet Sénélangues
(Projet ANR-09-BLAN-0326).
3. L’opinion qui prévaut actuellement chez les spécialistes est que les langues
traditionnellement regroupées dans l’ensemble atlantique appartiennent au phylum
Niger-Congo mais ne constituent pas une unité génétique à l’intérieur du Niger-Congo. En
ce qui concerne les langues traitées dans cet article, on peut selon Konstantin Pozdniakov
(com. pers.) les répartir en deux sous-ensembles dont la validité génétique peut être tenue
pour assurée. Le premier de ces deux sous-ensembles (‘atlantique nord’) regroupe le wolof,
le kobiana, le nyun, les langues cangin (dont le laalaa), le peul, le sereer, les langues tenda,
le jaad et le biafada. Le second (‘atlantique centre’) regroupe les langues joola, le manjaku
(dont le pepel est une variété dialectale), le mankanya, le balant, le bijogo et le nalu. La nature
exacte de la relation que ces deux sous-ensembles peuvent avoir entre eux ainsi qu’avec les
autres langues regroupées sous l’étiquette ‘atlantique’ reste une question largement ouverte.