SÉANCE DU 5 MAI 1938 513
où l'on venait de le battre, car une branche souple ne grattait pas
la terre et ne souillait pas le grain. Le wallon ramon- est lui aussi
un dérivé de ramus ; il désignait un balai composé d'une touffe de
brindilles, souvent de bouleau (du bois de boni pour faire des ramons,
lit-on dans un texte picard de 1494). Ramon a donné le verbe ramoner.
Un autre dérivé est notre bourguignon r'mès' que l'on pourrait
écrire remesse, d'après la graphie française. Dans certains villages de
la Côte-d'Or, un e prosthétique
s'est
développé devant Vr fortement
roulé, après disparition de la voyelle atone de la première syllabe :
remès' ^> rmès' ^> ermès'. Un phénomène semblable existe en gascon
et en basque où, à l'initiale d'un mot, Vr- primitif est rendu par ar-.
Au moyen âge on écrivait ramasses ou remasses : les comptes de
Philippe le Hardi enregistrent l'achat de ramasses a ramassier la
maison dudit monseigneur le duc ; dans un inventaire de la mairie de
Dijon en 1395 on lit : une douzaine de remasses à remassier maison.
Une Rue des ramasses existait à Luxeuil (Haute-Saône), c'est l'ac-
tuelle Rue des balais. Godefroy, qui donne ce renseignement, cite le
bourguignon rèmès'
«
correction, volée de coups
»
; Roquefort note l'ex-
pression donner la ramasse
«
fouetter, corriger
»
que je n'ai pas encore
relevée en Bourgogne. C'est peut-être de là que vient l'expression
argotique se faire ramasser
«
se faire disputer, corriger
».
Dans le
patois de la forêt de Clairvaux on dit de même foutre du rameau
ou avoir du bouleau pour
«
fouetter, corriger ».
Ici le suffixe -asse est le même que dans l'épithète larnas' donnée
encore à un vieux chemin près des sources de la Seine. Cette voie
larenasse était une
«
voie aux larrons
»
« via latronicid) infestée de
voleurs de grand chemin. Dans la région de Nice, ramasa
«
balai
»
coexiste avec ladriinasa
«
voleuse
».
On peut donc reconstituer un
prototype *ramicia, qui fut à l'origine un adjectif féminin accolé
au substantif scopa dont l'aire ancienne s'étendait largement dans
la France du nord, à en juger par l'ancien français escouve et son
dérivé à valeur diminutive *scopilione ^> écouvillon.
On distinguait au moins deux sortes de balais ; le (scopa) ramicia
était un bouquet de menues branches liées ensemble. Cet adjectif
*ramicia a dû désigner en latin vulgaire tout ce qui était ainsi con-
stitué : en anc, français ramisse signifiait
«
clôture faite de bran-
chages
»
: c'est sans doute une haie artificielle de cette espèce qui
entourait l'ancienne propriété qui, à Blagny-sur-Vingeanne (Côte-
d'Or), a pris le nom de la Ramisse ; en Franche-Comté ramassée a
la valeur de
«
ramée, fagot
»
; dans le Châtillonnais existe le dérivé
ramazèn-, rèmazèn-
«
fagot léger, extrémité de branchage, rame de
pois ». Au moyen âge la ramoison était le droit que l'on avait de prendre
dans la forêt la ramoison, c'est-à-dire les branchages. La forêt où l'on
jouissait de ce droit a dû s'appeler Ransonière. Dans le Loiret le bois
ramassé est dit ramoisonné. Une variante remoîson, en ancien fran-