Avec la collaboration exceptionnelle du musée du Louvre LES BEFFROIS DU LOUVRE-LENS Présentent l’exposition : La magie de l’écrit à la Médiathèque George SAND de LOUVROIL du 15 octobre au 30 novembre 2007 culturelle médiation la e d R IE Le DOSS A l’occasion de « Capitale régionale de la Culture : sée du Louvre (Antiquités égyptiennes, Antiqui- Valenciennes 2007, Faire la culture populaire », tés orientales et Antiquités grecques, étrusques l’exposition de Louvroil est la première étape et romaines) et par le Palais des Beaux-Arts de des Beffrois du Louvre-Lens. Elle est organi- Lille, dans une volonté de préfigurer les présen- sée à la médiathèque George Sand de Louvroil, tations thématiques du futur Louvre-Lens. salle Camille Claudel, par la Région Nord-Pas de Calais, avec la collaboration exceptionnelle La médiation culturelle de la Région Nord-Pas du musée du Louvre et avec la participation du de Calais met à la disposition de tous les respon- Palais des Beaux-Arts de Lille. Le commissariat sables de groupes ou enseignants, ce dossier de scientifique de cette exposition est assuré par préparation à la visite conçu à leur intention et Madame Marielle Pic du musée du Louvre avec diffusé en amont de l’ouverture de l’exposition. la collaboration de Madame Florence Gombert, Il propose une présentation globale de « La magie conservateur au Palais des Beaux-Arts de Lille. de l’écrit » en favorisant un éclairage thémati- Les Beffrois du Louvre-Lens s’inscrivent dans que, accompagné des reproductions photogra- le cadre de l’appropriation du futur musée du phiques des œuvres et objets exposés, ainsi que Louvre-Lens par la population régionale, en col- des informations complémentaires et des pistes laboration étroite avec les musées de la région. de réflexion ou d’ateliers à mener en parallèle Huit expositions conçues autour du « musée, ou après la visite de l’exposition. mémoire des hommes », avec un thème différent traité à chaque étape, présenteront aux visiteurs jusqu’à l’ouverture du Louvre-Lens prévue en 2010, des œuvres des huit départements du musée du Louvre et des œuvres des musées de la région. L’exposition de Louvroil présente des œuvres et des objets prêtés par trois départements du mu- Le scribe royal Nebmertouf et le dieu Thot Moyenne Égypte (ancienne ville d’Hermopolis ?), entre 1391-1353 av. J.-C. ( règne d’Amenhotep III) Grauwacke (variété de roche sédimentaire). H.19, 5 x L. 20,5 x Pr. 8,5 cm Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes © musée du Louvre / C. Décamps 2 > Remarque : ce dossier contient de nombreuses informations mais elles ne sont pas toutes à assimiler par les responsables de groupe qui préparent leur visite de l’exposition, ni par leur public. Les groupes en visite accompagnée de l’exposition trouveront sur place, dans l’observation des œuvres et le dialogue avec l’équipe de médiation culturelle, des sources d’intérêt et un accès aux œuvres facilité. Le dossier de la médiation culturelle propose simplement des clés pour approfondir certains sujets selon les besoins et les envies des responsables de groupe et de leur public. Pour faire connaître le dossier de la médiation culturelle autour de vous ou vous le procurer en plusieurs exemplaires, vous pouvez le télécharger sur les sites Internet suivants : www.capitaleregionaledelaculture.com www.louvrelens.fr www.nordpasdecalais.fr www.louvroil.fr 1 La magie de l’écrit Le petit monument représentant le scribe Nebmertouf est l’œuvre égyptienne autour de laquelle s’organise l’exposition. Cette œuvre permet d’aborder quatre grands thèmes à propos de l’écrit, qui seront enrichis et nuancés par douze autres objets exposés, de provenances et d’époques diverses. 1 • La naissance de l’écriture : L’apparition de l’écriture est liée à la nécessité pour les êtres humains organisés en société, de garder en mémoire des données, de les communiquer et de les échanger. En bref, elle permet d’ordonner le monde en le représentant sur des supports matériels (papyrus, pierres gravées, tablettes d’argile, ivoire et éclats de céramiques, calcaire ou bois). Plus de mille ans après les premiers signes écrits, le scribe Nebmertouf déroule devant lui un texte nous énumérant ses fonctions : « Faire les lois, établir le règlement, faire connaître chaque office de la maison du Maître des Deux Terres », c’est à dire organiser et administrer le royaume du pharaon. 2 • Le pouvoir magique de l’écriture : Les textes écrits peuvent être chargés d’un pouvoir d’agir sur le monde : ils offrent la possibilité de communiquer avec les dieux, d’influer sur le cours des événements ou de jeter des sorts. Sur les statues égyptiennes comme celle de Nebmertouf, la présence d’une inscription assure à celui qui est représenté la survie après la mort et la mémoire perpétuelle de son nom. 3 • Le pouvoir de celui qui écrit : L’écriture est un système complexe nécessitant des années d’apprentissage de tous les signes la composant. Elle demeure donc pendant longtemps un domaine réservé à quelques uns. Suivant leur niveau de compétence, les scribes peuvent être de simples comptables ou de hauts fonctionnaires puissants. Nebmertouf se fait représenter en scribe, mais était avant tout un haut dignitaire à l’époque du pharaon Amenhotep III. NB : Avertissement pour les dates : av JC = avant Jésus Christ. Les mots accompagnés de * sont expliqués dans le glossaire. 4 • La révolution de l’alphabet : L’apparition du système d’écriture alphabétique révolutionne l’approche de ce qui est transcrit. La facilité d’apprentissage permise par l’alphabet ouvre sa maîtrise à un grand nombre d’utilisateurs. Les objets du quotidien se couvrent d’écritures. 2 La magie de l’écrit 1 • la naissance de l’écriture Cette première partie du dossier correspond à la première section de l’exposition : « la naissance des écritures : image ou écriture » Deux systèmes d’écriture très différents sont apparus presque au même moment, il y a plus de 5000 ans, dans des régions du monde assez proches l’une de l’autre pour avoir eu des contacts entre elles : la Mésopotamie* et l’Égypte (cf. carte géographique). On y trouve les deux premières écritures de l’humanité. D’abord ensembles de signes organisés et maîtrisés par des spécialistes (les scribes), les écritures ont permis de représenter des objets, des individus ou des animaux et de traduire des idées sur des supports matériels. Ensuite, lorsque ces systèmes ont évolué vers une notation plus précise (catégories de signes, traduction des sons), le discours parlé pouvait être transcrit, bien que le langage écrit n’ait jamais été la transcription exacte de l’oral jusqu’à une période récente. > L’écriture, une représentation du monde : Évolution du pictogramme de la vache vers le cunéiforme 1 • la naissance de l’écriture L’écriture est le résultat de l’invention par les êtres humains d’un moyen de représenter par des signes le monde qui les entoure. Elle est née de la nécessité pour eux de structurer une société (par exemple : utilisation de la comptabilité pour contrôler les troupeaux) et de garder les informations en mémoire. En se structurant, ces sociétés ont développé des cultes religieux, un pouvoir politique, une administration, des échanges commerciaux, une maîtrise de leur environnement hostile etc : ceci les a conduites à devoir disposer d’un système efficace pour faire fonctionner cette organisation, l’écriture. Au-delà de ce rôle, l’écriture a permis progressivement de raconter des histoires. Elle était utilisée pour gérer l’administration, écrire des textes de loi ou des textes religieux mais aussi pour composer des textes littéraires ou des poèmes. (Extrait du catalogue de l’exposition «l’aventure des écritures» BNF, 1997) l’écriture cunéiforme* ( écriture en forme de coins, appelés aussi clous ) Pictogramme de la vache Pictogramme de la fécondité Tablette inscrite avec des pictogrammes : compte de vaches et de moutons Basse Mésopotamie, actuel Iraq, vers 3100 av. J.-C. Argile crue. H. 4,4 x l: 4 x ép.1, 5 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités orientales © Musée du Louvre / R. Chipault Les premières traces d’écriture sont constituées de signes appelés pictogrammes qui sont des dessins simplifiés des objets ou des êtres qu’ils désignent : une tête de vache (un triangle et des cornes) représente la vache etc… Les pictogrammes traduisent aussi des idées (on les appelle alors idéogrammes) : la fécondité est représentée par un dessin d’oiseau et un dessin d’œuf à côté. Progressivement, ces signes se transforment pour être facilement tracés par une pointe de roseau sur de la terre humide : la pointe est enfoncée par le scribe sur la tablette d’argile et trace des signes de forme pointue, comme des coins. Des signes traduisant des sons (phonogrammes) sont ajoutés à cet ensemble pour se rapprocher de ce qui est dit à l’oral, puis des signes déterminatifs sont inventés pour être des clés de lecture pour les groupes d’autres signes (tel signe détermine un son, tel autre une idée abstraite par exemple). On parle d’écriture à partir du moment où le discours parlé est transcrit précisément. L’écriture cunéiforme, dont l’origine se situe au pays de Sumer vers 3300 av. J.-C., a été adoptée par des peuples différents pour traduire leur langue, dont le sumérien qui est resté longtemps une langue de référence pour les textes religieux et littéraires (comme le latin encore enseigné aujourd’hui, langue des Romains mais utilisé jusqu’à l’époque moderne pour la science ou la religion) et l’akkadien*, langue diplomatique utilisée pour les échanges entre les peuples (équivalent de l’anglais pour notre époque). 1 • la naissance de l’écriture 3 La magie de l’écrit 1 • la naissance de l’écriture 4 La magie de l’écrit 1 • la naissance de l’écriture l’épopée* opée* de Gilgamesh > Des sociétés structurées uctu : L’écriture est apparue dans ns dif différents endroits du monde mais toujours au cœur de sociétés fortement structurées, dans des agglomérations où structu ù le dé développement des échanges entre les gens a pu ddonner naissance à une telle invention. L’écriture fait entrer dans l’Histoire les civilisations tions qqui l’utilisent. Grâce aux écrits que l’on peut encore ncore lire aujourd’hui, on connaît l’organ l’organisation de ces sociétés, les grands ds événements nts qu qui les ont marquées, les souverains qui les ont dirigées et certains aspects de la vie quotidienne de peuples qui ont vécu, pour certains, il y a 4000 ou 5000 ans. > Les cités-états en Mésopotamie* amie 1 • la naissance de l’écriture Les es prem premières traces d’écriture (vers 3300 ans av. J.-C.) -C.) pr proviennent de Mésopotamie otamie et plus précisément du pays de Sumer (cf. carte géographique), au Sud, où la société ciété s’organisait à ce moment-là menten différentes citéstés- ét états. Des villes lles co comme me Uru Uruk (actuelle Warka en Irak, cf. carte géographique), où ll’on a trouvé la première écriture que l’on connaisse, isse, avaient une organisation administrative placée sous l’autoritéé d’un chef religieux eux et politique, olitique le « Roiprêtre ». Elles présentaientt des architectures hitect imposantes, en particulier des temples. sa es. Il n’y avait pas d’unité entre less cités cités-états tats qu qui pouvaient entrer en conflit entre elles ou connaître des périodes de rayonnement nneme ou de déclin. clin. La Mésopotamie a con connu des moments nts dd’unifi ficat cation mais ce n’est pas la caractéristique que de cette tte rég région n de l’Orient à la différence de l’Égypte. l’Orie pte. Signes cunéiformes L’histoire toire extraordinaire ex du roi Gilgamesh a été racontée d’abord par les Sumériens*. Elle a ensuite été écrite en akkadien et dans d’autres langues de peuples orientaux. Elle raconte nte les aventures d’un roi légendaire qui aurait pe peut-être existé et régné à Uruk (actuelle Warka en Iraq) vers lle Wa 2700 av. J.-C. Ce roi recherche l’immortalité après avoir oir vu mourir Enkidu, homme sauvage quee les dieux lui ont envoyé pour l’affronter er mais qui est devenu son ami inséparable. Dans cette hhistoire fabuleuse, on trouve des récits écits de déluge ou de bébé sauvé des eaux qui montrent que les légendes mésopotamiennes sont à l’origine des récits de la Bible (arche de Noé ou Moïse trouvé dans un panier voguant sur l’eau) : guant su ceci a provoqué un grand choc lo lorsque la traduction du texte a été rendue publique en Angleterre XIXème siècle ! erre au X Ce sont 12 tablettes d’argile écrites 2 tablett rites en cunéiforme rme et trouvées dans la Assurbanipal bbibliothèque du roi Ass anipal à Ninive nive (actuelle Mossoul Irak) qui ont étéé (a oul en Ira déchiffrées et qui ont ppermis dé mis de cconnaître naître cette épopée fondatrice de Gilgamesh, considéréee comm comme la « mère de tous les livres ». 5 1 • la naissance de l’écriture La magie les écritures en Egypte > L’Égypte unifiée : L’unification de la Haute et la Basse Égypte (cf. carte géographique) phique marque le début de l’histoire de la civilisation on phar pharaonique. Le pharaon*, « Maître des deux terres », centralisait le pouvoir. Il était le représentant des dieux sur la terre. L’unité du pays, parfois mise à mal sur quelques centaines d’années, est définitivement remise en cause par l’occupation romaine en 30 av. J.-C, à la m mort de Cléopâtre, dernière reine d’Égypte. L’exceptionnelle xceptio unité et la longévité de cette civilisation sont importantes dans l’histoire de l’écriture égyptienne qui est apparue vers 3200 av. J.C. et ne s’est perdue qu’après plus de 3000 ans d’existence : son aspect et son fonctionnement sont restés quasiment inchangés durant cette période. Détail d’écriture provenant du monument de Nebmertouf Les anciens Égyptiens ont inventé le système d’écriture hiéroglyphique. Ces signes sont des images facilement reconnaissables pour beaucoup d’entre elles. Leur fonctionnement repose sur un ensemble d’idéogrammes qui représentent des objets, des individus ou des idées lorsque les signes sont assemblés en rébus. Cependant, ces signes peuvent aussi traduire des sons (phonogrammes). Les signes dits « déterminatifs » renseignent le lecteur sur la façon dont il faut lire le signe qui précède (image ou son). Le sens de lecture peut varier : il est donné par la direction de la tête des personnages et animaux qui regardent vers le début de la phrase écrite. Les hiéroglyphes*, dont le dessin est long à réaliser, sont réservés aux textes à caractère sacré sur des supports matériels de qualité : certains papyrus* et les monuments de pierre sur lesquels ils sont gravés. En parallèle aux hiéroglyphes, les Égyptiens ont mis au point l’écriture hiératique* dont l’usage est contemporain de celui des hiéroglyphes. Elle permet, grâce aux hiéroglyphes très simplifiés qui la composent, d’être écrite plus rapidement par les scribes. Ils l’utilisent pour les écrits de caractère administratif, littéraire ou même magique qui traduisent soit des besoins de la vie matérielle, soit un discours destiné à être prononcé oralement. Le Papyrus Vandier (les deux premiers feuillets) rédigé en écriture hiératique (langue égyptienne) Égypte, entre 500 et 400 av. J.-C. Papyrus, encre noire et rouge, mesurait plus de 3m40 de long dans son état complet (au moins dix feuillets) Musée des Beaux-Arts de Lille, Collection Ipel, dépôt de l’Université Charles de Gaulle Lille 3 © Gilbert Naessens CNRS / UMR 8164 1 • la naissance de l’écriture les déchiffreurs d’écritures Les hiéroglyphes* égyptiens ont été déchiffrés au XIXème siècle par Jean-François Champollion (1790-1832), à partir d’une copie de la pierre de Rosette, monument très important ramené d’Égypte par Bonaparte. Il a percé le mystère de cette écriture en comprenant que certains hiéroglyphes représentaient des sons. La pierre de Rosette comporte trois écritures (les hiéroglyphes, le grec et le démotique, langue égyptienne dont l’écriture est encore plus rapide que le hiératique* égyptien) qui sont trois versions d’un même texte : c’est par la comparaison de ces trois écritures et par déduction que Champollion a pu réaliser les premières traductions de textes égyptiens. La connaissance du cunéiforme* a été acquise par différents savants du XIXème siècle, spécialisés dans les civilisations orientales, qu’on appelle des assyriologues*. Plusieurs d’entre eux ont étudié les inscriptions découvertes sur le rocher de Béhistoun en Perse (actuelle Iran) qui comportait trois écritures. Sir Henry Rawlinson est parvenu en 1851 à déchiffrer la dernière écriture encore inconnue présente sur les inscriptions du rocher : l’akkadien*. Il avait passé des jours suspendus au-dessus du vide pour copier ces inscriptions et les travailler … Le sumérien, connu par des tablettes d’argile, a été déchiffré cinquante ans plus tard par un assyriologue français. n° 1 Point de vue t de en um sur le mon Nebmertouf : es crivez les imag Observez et dé ique ph ly og ér hi e le text : qui composent uf to t de Nebmer du monumen on iti os sp di remarquez leur tes), tê (direction des entent és pr re ’ils qu ce rapport ur le et cherchez lecture … avec le sens de 6 La magie de l’écrit 2 • le pouvoir magique de l’écriture Cette deuxième partie du dossier fusionne les deuxième et troisième sections de l’exposition : « Les textes cunéiformes : textes cachés mais actifs » et « Des textes de protection et d’envoûtement » La Mésopotamie* comme l’Égypte étaient polythéistes, c’est à dire qu’elles croyaient en l’existence de plusieurs dieux. Ces divinités décidaient du devenir des hommes et de l’ordre du monde. Les hommes devaient veiller à leur bien-être en leur construisant des temples et en leur faisant des offrandes. Les peuples mésopotamiens attribuaient la création de l’écriture aux dieux qui en auraient ensuite fait don aux hommes. Cet outil était considéré comme un lien entre les hommes et les dieux créateurs. Dans les deux civilisations, l’origine divine conférait à l’écriture le pouvoir magique de faire exister et d’agir sur le réel. Ce rôle magique passait par des prières adressées aux dieux pour obtenir d’eux une protection. Dans ce but, des textes étaient inscrits à la construction des temples. Ils devenaient actifs par eux-mêmes, ils remplaçaient les rituels et les cérémonies. Ils pouvaient avoir une action sur le cours des événements. > L’écriture, un cadeau des dieux : Toutes les civilisations ont eu recours au mythe* – légende mêlée à l’histoire – pour donner une explication de leur existence et leur devenir. En Égypte comme en Mésopotamie, la création du monde était attribuée aux dieux et de nombreux mythes accompagnaient sa naissance. Dans ces civilisations, l’écriture était sous la tutelle d’un dieu. > Les dédicaces aux dieux : 2 • le pouvoir magique de l’écriture Les rois ont construit des temples pour le culte de différents dieux afin de recevoir leur protection ou assurer l’ordre du monde. Les dédicaces et requêtes étaient effectuées sous forme d’écritures adressées directement aux dieux et qui n’avaient donc pas besoin d’être visibles par les hommes. En Mésopotamie, la dédicace à un dieu se présentait sous la forme d’écrits enfouis dans les murs et dans les fondations. Ils n’étaient donc pas forcément visibles pour les visiteurs du temple mais leur présence permettait de maintenir le lien avec le dieu protecteur. En Égypte, les pharaons ont également construit des temples pour le culte des dieux. Ces temples étaient recouverts de nombreuses formules adressées à ces divinités. Ces messages se présentaient parfois sous la forme de dialogues entre les rois et la divinité et décrivaient les offrandes qui lui étaient adressées. Nabû, le dieu des scribes mésopotamiens : Nabû Pour les Mésopotamiens, les dieux se réunissaient et décidaient du devenir des hommes et du monde. Nabû était désigné pour consigner Thot les sorts fixés sur la « tablette des destins ». Il est devenu le dieu des scribes, le scribe de l’univers. Il est représenté par le calame* posé soit sur une tablette d’argile, soit sur le dos d’un serpent-dragon, l’animal qui le symbolise. Thot, L’écriture étant liée à la le patron des scribes égyptiens : connaissance, Nabû était considéré comme un dieu Thot était le dieu égyptien de toutes tout puissant, maître des les opérations intellectuelles, dont les connaissances ; il surveillait la sciences et l’écriture. Les lettres n’étant totalité du ciel et de la terre. pas séparées des chiffres, Thot était donc aussi maître du calcul. Il régissait le temps et les lois. Il était le protecteur et le patron des scribes Clou de fondation destiné à être enfoncé dans un mur, inscrit en cunéiforme Il est représenté sous la forme d’un ibis Basse Mésopotamie, actuel Iraq, vers 2150 av. J.-C. (oiseau à long bec) ou d’un babouin, Argile cuite. L. 16,2 x d. de la tête: 6,9 cm. animaux qui caquettent tous les deux! Musée du Louvre, département des Antiquités orientales Secrétaire des dieux, Thot enregistrait © Musée du Louvre / R. Chipault toutes les paroles divines. La maîtrise de ces paroles en faisait un grand magicien. Le mot « Hiéroglyphes », qui désigne l’écriture sacrée des Égyptiens, signifie « écriture des dieux ». Matrice d’inscription pour imprimer un texte et son empreinte, écriture cunéiforme Basse Mésopotamie, actuel Iraq, vers 1900 av. J.-C. Argile cuite (pour la matrice) et résine (pour l’empreinte). L. 8,9 x l. 6 x ép. 3 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN / F. Raux 7 La magie de l’écrit 2 • le pouvoir magique de l’écriture Gudéa, un roi sumérien* exemplaire > Messages à la postérité : Les temples égyptiens étaient construits en pierre. Le culte rendu aux dieux par le pharaon était ainsi prévu pour lui survivre longtemps et assurait sa gloire. Les dédicaces écrites sur les temples ont donc permis la reconnaissance du règne du pharaon bâtisseur par les hommes jusqu’à nos jours. En Mésopotamie, les rois utilisaient le seul matériau dont ils disposaient en quantité, l’argile, mais qui n’assurait pas la solidité de leurs temples. Lors de leur reconstruction, leurs successeurs étaient censés réintroduire, dans le respect de leurs aînés, les tablettes anciennes retrouvées. Les dédicaces aux dieux permettaient ainsi aux rois de laisser une trace durable de leurs constructions et de léguer leur nom à la postérité. Gudéa était le roi de la cité- état de Lagash à Sumer (cf. carte géographique ) vers 2150 av. J.-C. On sait qu’il a été un grand bâtisseur grâce aux dédicaces que l’on a retrouvées dans le temple de Ningirsu (comme celle qui est exposée à Louvroil), dieu tutélaire de Lagash, qu’il a fait reconstruire et qui a été la grande affaire de son règne. Il avait la connaissance de l’écriture puisqu’il a lui-même composé deux longs poèmes à l’occasion de l’inauguration du temple de Ningirsu. Gudéa a laissé de nombreuses statues de lui ; sur certaines d’entre elles, il est représenté en tant que bâtisseur avec une tablette de scribe sur les genoux. Celle-ci comporte le plan du temple. Sur chaque statue de Gudéa, des textes en cunéiforme présentent son nom, racontent les hauts-faits de son règne et mettent en valeur sa piété religieuse. On peut y lire par exemple ce genre de prière : « A mon Roi ( Ningirsu), son temple j’ai construit. Que la vie soit ma récompense ! » Gudea, prince de Lagash, Mésopotamie, actuel Iraq, vers 2120 av. J.-C. Diorite, H.46 x L.33 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN / C. Jean non exposé à Louvroil 2 • le pouvoir magique de l’écriture Brique inscrite en cunéiforme Basse Mésopotamie, actuel Iraq, vers 2150 av. J.-C. Argile cuite. L. 32 x l. 31,5 x ép. 8,5 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN / F. Raux Amenhotep III, un pharaon* bâtisseur Amenhotep III Égypte, entre 1391 et 1353 av. J.-C. ( règne d’Amenhotep III) Diorite ? H. 46 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes © Musée du Louvre / C. Jean non exposé à Louvroil Amenhotep III était un pharaon égyptien de la période dite du Nouvel Empire. Il avait hérité de son père un immense empire s’étendant de la Syrie au Nord, jusqu’au Soudan au Sud (cf. carte géographique n°). Il a régné pendant trente-huit ans et sept mois, certainement entre 1391 et 1353 av. J.-C. Son règne correspond à une période de paix et de grand rayonnement artistique de l’Égypte. Amenhotep III est considéré comme un grand bâtisseur de temples, il a notamment étendu le site de Karnak en commençant la construction du temple du dieu Amon à Louxor (cf. carte géographique ) 8 La magie de l’écrit 2 • le pouvoir magique de l’écriture > Formules magiques : Dans les civilisations égyptiennes et mésopotamiennes, la magie de l’écriture était utilisée pour différents rituels de protection et d’envoûtement. La société mésopotamienne vivait dans la crainte de l’avenir et dans la superstition. Pour se protéger du mauvais sort, un grand nombre de rituels étaient à effectuer au quotidien, par exemple avant un voyage en char. Des prêtres étaient chargés de cérémonies rituelles pendant lesquelles ils récitaient des formules. Ces formules étaient ensuite écrites sur des objets pour en assurer l’efficacité et protéger du mauvais sort. Posséder ces formules écrites pouvait dispenser d’effectuer les rituels. Tablette en écriture cunéiforme pour des « rites à accomplir au cours d’une expédition en char » Mésopotamie, actuel Iraq, entre 300 et 100 av. J.-C. Argile cuite. H. 8,1 x l. 9 x ép. 2,3 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités orientales © Musée du Louvre / R. Chipault 2 • le pouvoir magique de l’écriture Pour les Égyptiens, l’écriture possédait le pouvoir magique d’agir sur les êtres vivants ou sur les objets en écrivant leur nom, en le modifiant ou en le supprimant. Prononcer une phrase comme « le serpent meurt » équivalait à le tuer réellement. L’écriture était donc utilisée pour se protéger des ennemis potentiels. n°2 : Point de vue dieu Thot : le et f Nebmeroute ebmertouf position de N Observez la Thot, par rapport à nc co entrée son attitude n le lien ez is et dédu -e dieu. qui l’unit au Le « Livre des morts » : Prisonnier agenouillé couvert d’un texte d’envoûtement en écriture hiératique (langue égyptienne) Nubie sous domination égyptienne, actuel Soudan, vers 1880 av. J.-C. Calcaire, encre noire. H.12, 8 x L. 5, 3 cm (aux épaules) Musée des Beaux-Arts de Lille, collection Ipel, dépôt de l’Université Charles de Gaulle Lille 3 © RMN Pour les Égyptiens, l’écriture avait un caractère éternel et perpétuel. C’est pour cette raison qu’ils recouvraient les monuments funéraires et les sarcophages d’inscriptions. Le « Livre des morts », sous forme de papyrus, était déposé dans la tombe du défunt après sa lecture par un prêtre lors des funérailles. Il s’agissait d’une sorte de guide pour aider le défunt à franchir les étapes vers l’immortalité. Un des épisodes de ce voyage consistait en « la pesée de l’âme » contrôlée par Thot en tant que secrétaire des dieux. 9 La magie de l’écrit 3 • le pouvoir de celui qui écrit Cette troisième partie du dossier correspond à la quatrième section de l’exposition : « Les scribes » Dans les sociétés hiérarchisées de Mésopotamie* et d’Égypte, ceux qui détenaient le savoir de l’écriture étaient peu nombreux. Les scribes, dont l’apprentissage était long et difficile, se transmettaient souvent la charge de père en fils. Ils détenaient un pouvoir très important, d’administration et d’ordre religieux. > Le scribe Nebmertouf : 3 • le pouvoir de celui qui écrit Il s’agit d’un personnage important du règne du roi Amenhotep III dont il était le deuxième plus haut fonctionnaire. Il avait la fonction civile de Scribe Royal et la fonction religieuse de chef des Prêtres- Lecteurs. Il a la faveur d’être représenté sur le temple de Soleb construit sous le règne d’Amenhotep III. Cette construction en Nubie (Soudan actuel) fixait la limite de l’étendue de son royaume au Sud. Sur une colonne de ce temple, des bas-reliefs représentaient les rituels accomplis pour le premier jubilé du roi, anniversaire royal qui célébrait la trentième année de son règne. Nebmertouf figure près du roi et porte le titre de « prêtre-lecteur », en tant qu’auteur actif de cette cérémonie. Il existe deux petits monuments représentant Nebmertouf directement placé sous la protection du dieu Thot : un en albâtre et celui qui est présenté dans l’exposition (en grauwake). Le scribe royal Nebmertouf et le dieu Thot Égypte, entre 1391-1353 av. J.-C. ( règne d’Amenhotep III) Albâtre. H. 21,3 x L . 20,3 x Pr. 9,2 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes © musée du Louvre / C. Décamps non exposé à Louvroil Le « scribe accroupi » Égypte, entre 2660 et 2350 av. J.-C. Calcaire peint, yeux incrustés de cristal de roche dans du cuivre. H. 53,7 x L 44 x Pr. 35 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités égyptiennes © Musée du Louvre / C.Descamps non exposé à Louvroil La représentation des scribes L’attitude caractéristique du scribe égyptien était celle que l’on voit sur le monument de Nebmertouf: il était assis en tailleur, position dans laquelle il avait l’habitude de travailler puisqu’il pouvait ainsi dérouler sur son pagne tendu le rouleau de papyrus au fur et à mesure qu’il écrivait. En effet, il était souvent représenté avec le calame* à la main, en train d’écrire, même si ce n’est pas le cas de Nebmertouf qui écoute Thot. Il était habillé d’un pagne court noué à la ceinture, torse nu ou vêtu d’une chemise. En plus des nombreuses sculptures figurant des scribes en Égypte, ils étaient présents sur les bas-reliefs* des temples, sur les papyrus et sur les peintures. Ils étaient non seulement des fonctionnaires très importants dans l’organisation de l’Égypte, ce qui justifie qu’on les voie sur des supports variés, mais aussi des personnages que leur statut social élevé permettait de se faire représenter (notamment dans leurs tombes). La représentation des scribes mésopotamiens était beaucoup plus rare. Malgré le rôle prépondérant des scribes dans l’administration et la vie de la société mésopotamienne, on n’en voit aucune représentation avant l’époque assyrienne qui a commencé aux environs de 900 av. J. –C. au Nord de la Mésopotamie et comptait Assurbanipal parmi ses grands rois. Sur des reliefs sculptés dans les palais, par exemple, on voit des scribes représentés debout, de profil et vêtus de longues tuniques. Ils apparaissent souvent par deux et ont dans les mains, soit une tablette de cire ou d’argile, soit un rouleau de papyrus. 10 La magie de l’écrit 3 • le pouvoir de celui qui écrit > Les écoles de scribes : La « maison des tablettes » était le lieu d’apprentissage des scribes mésopotamiens. Leur accès était réservé aux familles les plus aisées et constituait un grand privilège. En Égypte , les enfants semblent avoir assez largement eu accès à un apprentissage de base, mais un nombre limité accédait à une formation complète dans la « maison de vie » du temple. Compte tenu de la complexité des écritures, l’apprentissage était ardu. Il s’effectuait à force de copies de signes et de grands textes littéraires. Les élèves acquéraient ainsi une grande culture. Les disciplines étaient variées, on y apprenait également les mathématiques mais l’écriture et la lecture étaient essentielles. La discipline était sévère comme l’indique le précepte égyptien : « l’oreille du garçon est sur son dos, il écoute quand on le bat ». La répétition des exercices de copies et le souci de sauvegarde de la tradition ont permis de laisser de nombreux exemples de ces travaux que l’on a pu découvrir lors de fouilles archéologiques. En Mésopotamie, les tablettes d’écoliers retrouvées sont de petits disques de terre avec sur une face, le mot écrit par le maître et sur l’autre, la copie réalisée par l’élève. En Égypte également, de nombreuses tablettes d’écoliers ont pu être retrouvées. Il s’agissait souvent d’éclats de poteries qui pouvaient être lavés et réutilisés ou de tablettes en bois recouvertes de cire. L’élève ne s’exerçait sur le papyrus* qu’après avoir acquis une certaine maîtrise, le matériau étant précieux et l’encre y étant presque indélébile. Reconstitution de calames pour l’écriture cunéiforme 3 • le pouvoir de celui qui écrit Les outils du scribe Pour tracer les signes d’écriture, les scribes mésopotamiens et égyptiens avaient en commun d’utiliser des calames*. En Mésopotamie, le calame (tige de roseau ou, plus rarement, morceau de bois) était taillé en triangle ou en fin biseau pour imprimer les caractères cunéiformes dans l’argile. En Égypte, le calame était mâchonné à l’extrémité pour en faire un pinceau. Les Mésopotamiens écrivaient sur des tablettes façonnées en terre, qui étaient travaillées lorsqu’elles étaient humides puis séchées au soleil ou parfois cuites dans un four. Les scribes égyptiens utilisaient des supports sur lesquels les signes étaient gravés (ivoire, pierre, bois) ou tracés (et pas « imprimés ») comme le papyrus*, la céramique ou les éclats de calcaire. Le matériel des scribes égyptiens est très bien connu aujourd’hui parce qu’il a été retrouvé en nombre dans les tombes. En plus du calame et du rouleau de papyrus, le scribe disposait d’un coffre pour rassembler ses outils. On y trouvait un mortier pour broyer les couleurs, des godets pour diluer les encres (noire et rouge), un godet d’eau et une palette regroupant différents calames, (la palette votive exposée à Louvroil en est un exemple). Calames* à bout triangulaire pour former des « coins » sur l’argile fraîche n°3 : Point de vue du scribe : on ti ta La représen ique, posture phys Observez sa . ts ses vêtemen perruque : richesse de sa la ez qu ndant Remar p pe e ue e en vogu il suit la mod III, enhotep II le règne d’Am ment. ne ffi xe et ra époque de lu Roseau à bout creusé en forme de « clou » permettant son impression dans l’argile Bout rond pour imprimeries chiffres de l’époque archaïque Palette de scribe votive Nubie sous domination égyptienne, actuel Soudan, vers 1400 av. J.-C. Serpentinite et cornaline. L. 34,5 cm x l. 7,6 cm. Musée des Beaux-Arts de Lille, collection Ipel, dépôt de l’Université Charles de Gaulle Lille 3 © Gilbert Naessens CNRS / UMR 8164 11 La magie de l’écrit 4 • la révolution de l’alphabet Cette quatrième partie du dossier correspond à la cinquième section de l’exposition : « Les alphabets : la magie de l’écriture à la portée de tous » L’apparition de l’alphabet a remis en cause le pouvoir des scribes en offrant la possibilité pour un plus grand nombre de personnes d’accéder à l’apprentissage des signes qui le composent. Ceux-ci sont moins nombreux et permettent de transcrire par des sons l’ensemble de ce qui est dit. L’alphabet a fait entrer l’écriture dans la vie privée: des objets plus « quotidiens » se sont couverts d’écrits. > Qu’est-ce qu’un alphabet : L’alphabet est une écriture qui comporte entre 20 et 30 signes (les lettres aussi appelées « phonèmes ») qui désignent les sons les plus simples permettant de décomposer une langue. Les pictogrammes, idéogrammes, phonogrammes et déterminatifs utilisés dans les écritures antérieures rendaient leur apprentissage long et difficile puisque des centaines de signes devaient être mémorisés par les scribes. Là, il convient d’apprendre le fonctionnement des signes entre eux et de ne retenir qu’un ensemble réduit de signes. Alphabet Phénicien (tous droits réservés) 4 • la révolution de l’alphabet > La naissance de l’alphabet : L’invention de l’alphabet est venue d’un besoin de simplification des systèmes d’écriture. Les peuples du Levant* et en particulier de la ville d’Ugarit (au nord de la Syrie actuelle) ont commencé vers 1500 av.J.-C. à mettre au point un alphabet en écriture cunéiforme ; cet alphabet a disparu (nous ne savons pour quelle raison) au profit de l’alphabet phénicien vers 1200 av. J.C. Les Phéniciens (Liban actuel), grands commerçants, voyageaient par bateau autour de la Méditerranée. Ils connaissaient donc plusieurs langues et étaient capables d’écrire les hiéroglyphes et d’autres systèmes d’écriture. Mais les échanges commerciaux les ont incités à mettre en place un système de communication plus simple et plus rapide. L’alphabet phénicien a donné naissance à tous les principaux alphabets du monde. L’alphabet phénicien C’était un alphabet linéaire, c’est à dire qu’il se composait de lettres formées par des lignes (courbes ou droites) à la différence des signes cunéiformes réalisés par l’impression de « coins » dans l’argile humide. Les signes linéaires convenaient aux supports d’écriture qu’étaient le papyrus ou la céramique sur lesquels un pinceau pouvait glisser. Les lettres traduisaient uniquement les consonnes qui étaient beaucoup plus nombreuses que les voyelles dans le phénicien. Une lettre ne traduisait qu’une consonne à la fois. On ignore encore aujourd’hui la date précise et les circonstances de l’invention de l’alphabet phénicien. On ne connaît pas avec certitude la filiation entre cet alphabet (linéaire) et celui d’Ugarit (cunéiforme). 12 La magie de l’écrit 4 • la révolution de l’alphabet > Coexistences : L’apparition de l’alphabet n’a pas provoqué la disparition des autres systèmes d’écriture, qui cohabitaient dans le monde antique. L’écriture cunéiforme * a continué à être utilisée jusqu’au début de notre ère (en particulier à Babylone, ville mésopotamienne) et l’usage des hiéroglyphes a disparu à peu près en même temps que celui du cunéiforme. L’utilisation de l’alphabet s’est répandue avec l’activité commerciale de certains peuples comme les Phéniciens ou avec les conquêtes militaires des Grecs ou des Romains. Il a été adopté par de nombreux peuples, sous des formes différentes, car toutes les langues peuvent être transcrites par un alphabet. Amphore signée par Nicosthénès, potier, en écriture alphabétique (langue grecque) Cerveteri (?), Italie, vers 520-510 av. J.-C. Terre cuite. H. 31 x d. 16,7 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © Musée du Louvre / M. et P. Chuzeville : vue n°4 Point de res les écritu z toutes ts exposés : re a p m o C obje habets s sur les présente s différents alp et n z le xpositio n au regarde dans l’e io présents . Prêtez attent ise m les z la re is a u p com uru dep o rc es a h p p rogly chemin e des hié g a im n e s… égyptien Vase à parfum en forme de chaussure, avec une inscription en écriture alphabétique (langue grecque) Basse Égypte, entre 100 et 200 après J.-C., Terre cuite. H. 5, 5 x L. 11,8 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © RMN / H. Lewandoski 1 - alphabet phénicien 2 - alphabet hébreu 3 - alphabet grec 4 - alphabet punique 5 - alphabet étrusque 6 - alphabet latin 6 4 • la révolution de l’alphabet 5 3 3 4 1 6 3 2 13 La magie de l’écrit 4 • la révolution de l’alphabet Le chemin vers notre alphabet (l’alphabet latin) Les Grecs ont adopté l’alphabet des Phéniciens vers 1000 av. J.-C. Ils l’ont perfectionné en lui ajoutant les voyelles qui étaient plus nombreuses en grec qu’en phénicien et que l’écriture devait transcrire pour une meilleure compréhension des textes. Par leurs contacts commerciaux avec eux, les Étrusques, qui vivaient dans le Latium (Italie actuelle) avant les Romains, ont adapté l’alphabet à leur langue qui reste mystérieuse aujourd’hui bien qu’on sache la lire (on ignore la signification des mots). Les Romains, après avoir conquis les Étrusques, ont à leur tour emprunté cet alphabet pour transcrire leur langue: le latin. Aujourd’hui, nous l’utilisons toujours, avec quelques modifications qu’ont apportées les siècles qui nous séparent d’eux. > Les conquêtes : Le monde antique se composait d’une mosaïque de peuples, répartis autour de la Méditerranée, au Moyen Orient et plus loin encore: les Grecs et les Romains les ont conquis et, successivement, dominés. Leur alphabet s’est tour à tour imposé dans leurs territoires conquis. On a donc trouvé des objets (comme ceux qui sont exposés à Louvroil) en Italie et en Égypte inscrits en grec ou bien des objets romains inscrits en latin en Afrique du Nord. Autres systèmes alphabétiques Stèle à la déesse Tanit avec une inscription alphabétique (langue punique, dérivé du phénicien) Constantine, Algérie, vers 200 av. J.-C. Calcaire. H. 59,5 x l. 20,5 x ép. 9 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités orientales © RMN / F. Raux L’alphabet phénicien a aussi été à l’origine de nombreux autres systèmes alphabétiques (cf. arbre généalogique des écritures) dont l’hébreu et l’arabe. Ces deux langues ont pour point commun leur origine sémitique (les peuples sémites* parlent des langues qui ont des racines de mots proches, comme les Akkadiens et les Phéniciens en leur temps) et ont adapté le système alphabétique à leurs écritures respectives. L’une comme l’autre ont une notation qui repose essentiellement sur les consonnes auxquelles s’ajoute une ponctuation facilitant la lecture des voyelles. Le sens de lecture est resté, comme pour l’alphabet phénicien, de droite à gauche. Stèle à Saturne avec une inscription alphabétique (langue latine) Antique Thignica (actuelle Aïn Tounga en Tunisie), vers 200 environ ap. J. -C. Calcaire. H. 101 x L. 37,5 x ép. 9,5 cm. Musée du Louvre, département des Antiquités grecques, étrusques et romaines © Musée du Louvre / M. et P. Chuzeville Lettres de l’alphabet arabe PHÉNICIEN XIIéme av. JC (Côte du Levant) 22 consonnes la révolution de l’alphabet PUNIQUE (vers Tunisie et Algérie) ARMEEN Xéme VIIIéme av. JC (au Moyen-Orient) 22 consonnes GREC XIéme av. JC 24 lettres ÉTRUSQUE (en Italie) vers 700 av. JC 22 lettres LATIN V éme IV éme av. JC 19 puis 24 puis 26 lettres Base de nombreuses écritures dont le français 26 lettres COPTE (Égypte chrétienne) IV éme ap. JC 24 lettres + 7 signes CYRILLIQUE (Russie) IX éme ap. JC 33 lettres actuellement HÉBREU carré Vers 500 av. JC 22 signes ARABE IVéme Véme ap. JC 28 signes TURC PERSAN (en Iran) 28 signes Lettres de l’alphabet hébreu 14 La magie de l’écrit > Accadien (ou akkadien) : langue sémitique (voir « sémite » dans ce glossaire) parlée par les habitants du pays d’Akkad, situé en Haute Mésopotamie (aujourd’hui disparue) correspondant à une partie de l’actuel Iraq. > Hiéroglyphes : terme d’origine grecque désignant des «caractères sacrés gravés» ; ensemble des signes composant l’écriture utilisée par les Égyptiens durant toute leur histoire. > Antiquité : première période de l’Histoire, qui suit la Préhistoire. Pour une civilisation donnée, l’Antiquité commence avec l’écriture, alors que les civilisations ne connaissant pas l’écriture mais étant contemporaines des civilisations antiques, sont dites « protohistoriques ». > Mésopotamie : en grec, le «pays entre deux fleuves». Pays de l’Antiquité situé entre le Tigre et l’Euphrate (une partie de l’Iraq actuel). > Assyriologue : dans son premier sens, qualifie celui qui fait de la recherche sur l’Antiquité assyrienne (Assyrie : nom ancien d’une région située au nord de l’Iraq actuel), puis tous les chercheurs travaillant sur le déchiffrement des écritures cunéiformes. > Bas-relief : sculpture légèrement en relief dont le sujet ne se détache que faiblement d’un fond plat. > Bibliothèque d’Assurbanipal : une des plus grandes découvertes archéologiques de l’Orient ancien. La bibliothèque du roi assyrien Assurbanipal (668-627 av. J.-C.) était située dans la capitale Ninive (à côté de la ville actuelle de Mossoul). Les archéologues ont réussi à dégager quelques 25 000 fragments de tablettes cunéiformes dans les décombres de cet édifice, ce qui représente environ 1500 textes. Suivant la tradition ancestrale de sauvegarder les écrits, Assurbanipal avait fait recopier des centaines de tablettes: nombreux textes littéraires (contes ou épopées, y compris très anciens), dictionnaires, textes de magie et de médecine, etc... > Calame : un calame en Égypte est une tige de jonc transformée en pinceau pour dessiner les hiéroglyphes avec de l’encre; en Mésopotamie, le calame est en roseau ou en bois avec une extrémité triangulaire pour imprimer des signes cunéiformes (en forme de coins appelés aussi clous). > Côte levantine ou Levant : nom donné aux pays de la côte orientale de la Méditerranée. > Cunéiforme : écriture réalisée grâce à un calame à la pointe triangulaire, enfoncé sur une motte de terre. Le calame trace des signes en forme de coins, d’où le terme « cunéiforme » (cuneus = coin en latin). > Epopée : récit poétique d’aventures héroïques, où intervient le merveilleux. Glossaire Glossaire > Hiératique : forme cursive (qui est tracée à main courante) de l’écriture hiéroglyphique. Son écriture est plus rapide grâce à la simplification des hiéroglyphes. > Mythe : récit fabuleux transmis par la tradition racontant la création de l’univers et l’histoire des dieux des religions anciennes. > Papyrus : plante des bords du Nil; ses tiges ont été utilisées pour créer un support d’écriture en Égypte. > Pharaon : souverain d’Égypte qui règne sur la Haute et la Basse Égypte unifiées, pendant toute l’Antiquité ; il est « maître des deux terres ». Le terme résulte d’une déformation de l’égyptien per-aâ, la « grande maison », qui désigne le palais royal. > Sémite : se dit des peuples venant d’Asie occidentale (Proche-Orient actuel) et parlant des langues proches, dites sémitiques. > Sumérien : langue non sémitique parlée au pays de Sumer (aujourd’hui disparu), situé au sud de la Mésopotamie (actuel Iraq). Cette langue a donné naissance à l’une des plus anciennes écritures connues, le cunéiforme. > Votif : fait ou offert pour acquitter un vœu. QUELQUES OUVRAGES … Georges Jean, L’écriture mémoire des hommes, collection, Découvertes Gallimard, Archéologie, n° 24, Gallimard, Paris, 1987. Béatrice André, L’invention de l’écriture, collection, Monde en poche, n° 769, Nathan, Paris, 1986. Charles Higounet, L’écriture, collection Que sais-je, Puf, Paris, 2006. Michel Dewachter, Champollion, un scribe pour l’Égypte, Découvertes Gallimard, Paris,1990. > PUBLICATIONS POUR MAL OU NON-VOYANTS : Elisabeth Lebreton, Cyrille Gouyette, Du verbe à l’écrit : l’invention de l’écriture en Mésopotamie, + CD, éditions du Louvre, Paris, 2003. Evelyne Faivre-Martin, Cyrille Gouyette, Les hiéroglyphes : paroles des dieux dans l’Egypte pharaonique, + CD, éditions du Louvre, Paris, 2003. > DANS LA PRESSE… Le Monde, articles-dossiers sur la Mésopotamie, du numéro 19 456 au 19 461, Août 2007. > SUR INTERNET … Bibliothèque Nationale de France www.bnf.fr Rubrique : Rechercher ,« dossiers pédagogiques », L’Aventure des écritures L’abécédaire décoiffé du dragon ailé (Abécédaire animé conçu à partir d’enluminures et de lettrines du Moyen Age. Jeux de mots et de sons) www.haute-normandie.culture. gouv.fr/carte_blanche/ 15 La magie de l’écrit Quelques pistes pour aller plus loin … A partir des objets exposés à Louvroil : 1 • LA « TABLETTE INSCRITE AVEC DES PICTOGRAMMES > Créer une écriture commune … La « tablette inscrite avec des pictogrammes : compte de vaches et de moutons » invite à se poser la question de la nécessité d’une écriture commune pour se comprendre et échanger des informations. Après avoir identifié les différents pictogrammes visibles de la tablette (ici, la vache : et le mouton : ), vous pourrez imaginer de nouveaux signes pour désigner ce qui vous entoure. Vous devrez en partager le sens entre vous pour créer une écriture commune que chacun puisse lire ! Matériel nécessaire : vous pouvez utiliser tout type de support, de la tablette d’argile à la feuille de papier. > L’écriture comme aide-mémoire … Sur l’exemple de la « tablette inscrite avec des pictogrammes : compte de vaches et de moutons », vous pouvez aussi réaliser votre aide-mémoire. Pour les Mésopotamiens, les tablettes d’argile servaient notamment à tenir une comptabilité du nombre d’animaux qu’ils possédaient dans leurs troupeaux. Après avoir imaginé faire le métier de votre choix, vous pouvez utiliser la tablette comme aide-mémoire de ce qu’ il est nécessaire de consigner ou de compter dans ce travail. Comme les Mésopotamiens, vous trouverez des pitogrammes traduisantlesnombres(regardezlesencochesetlesrondscreusésdansl’argile de la tablette) et d’autres pour représenter ce que l’on veut compter (ici, la vache : et le mouton : ). Matériel nécessaire : vous aurez besoin d’un bloc d’argile pour le support et d’un bâtonnet en roseau ou en bois pour tracer les signes. > Les pictogrammes qui nous entourent aujourd’hui … Les dessins simplifiés sont toujours utilisés. Observez et inventoriez les pictogrammes utilisés dans notre société comme ceux de la signalétique routière, par exemple. Quelques pistes pour aller plus loin … Chacun d’entre vous peut imaginer un signe qui le représente, comme une autre signature, et à partir de là, d’autres pictogrammes pour construire un langage à partager. 2 • LE CLOU DE FONDATION > L’écriture et son support … L’écriture cunéiforme n’aurait sans doute jamais pris la forme qu’on lui connaît si le support sur lequel les scribes l’ont tracée n’avait pas été une tablette d’argile. Son nom vient de la forme « en coin » de chacun de ses signes. Vous pouvez essayer de tracer des signes sur une boule d’argile humide et aplatie, à l’aide d’un bâtonnet taillé en pointe : vous verrez que la forme du bâtonnet entraîne celle des signes. Comparez avec des signes similaires que vous tracez sur du papier avec un pinceau : le résultat est tout différent ! > Les signes de l’écriture … Les signes cunéiformes découlent de la simplification des pictogrammes des anciens Mésopotamiens … A partir de pictogrammes que vous aurez inventés, essayez de les faire changer en fonction de votre support d’écriture. Prenez de cette façon le chemin de l’invention de l’écriture ! Matériel nécessaire : un bloc d’argile et un bâtonnet, une feuille de papier, un pinceau et de l’encre. Vous pouvez aussi multiplier les possibilités de support d’écriture pour observer les transformations des signes tracés … 3 • LA MATRICE DE BRIQUE ET SON EMPREINTE > L’écriture comme une empreinte … Pour multiplier les textes à volonté, les Mésopotamiens ont fabriqué des briques d’argile comportant un texte à reproduire, qui deviennent alors des matrices. Regardez attentivement le texte original sur la matrice exposée à Louvroil et l’empreinte récente qui en a été faite, vous verrez que le premier est inversé. Pourquoi ? Sur ce principe, réalisez votre propre texte ou votre dessin et cherchez à le reproduire en quantité sur le principe de la gravure ou de l’imprimerie. Matériel nécessaire : de la pomme de terre crue au tampon encreur … 4 • LE SCRIBE NEBMERTOUF ET LE DIEU THOT > Comme un rébus … Certains des hiéroglyphes utilisés par les Égyptiens sont des dessins qui désignent non plus un objet ou une personne mais un son. Sur le principe du rébus (le chat dessiné pour le « cha » de chapeau), inventez des mots ou même des histoires ! Matériel nécessaire : un ordinateur puis de la peinture, de l’encre etc sur le support de votre choix. 5 • AU DELÀ DES OBJETS EXPOSÉS > Le dessin de la lettre … Observez les lettres que nous utilisons tous les jours : lorsqu’on oublie le son qu’elles traduisent, leur forme nous intéresse. Sur un ordinateur, vous pouvez observer les différentes polices de caractères en jouant sur la taille et l’épaisseur des lettres. Puis, chacun d’entre vous choisit une lettre et s’amuse à l’agrandir, l’épaissir, la tordre etc. Vous pouvez aussi utiliser les courbes, les droites, les pleins, les vides … sur des supports variés pour transformer votre lettre. > Forme et sens … Choisissez un mot et son contraire pour en faire un tableau en deux parties qui s’opposent et se mettent en valeur. Vous trouverez pour chaque mot une forme pour renforcer sa signification, en jouant par exemple sur le près, le loin, le net et le flou etc … Selon la signification du mot représentant une idée que vous souhaitez défendre ou attaquer (paix ou guerre), n’hésitez pas à utiliser des impressions du mot, de la couleur, différents matériaux, des personnages etc … Matériel nécessaire : un ordinateur, de préférence ou des supports plus traditionnels pour faire un « tableau ». 16 La magie de l’écrit Renseignements pratiques > Lieu de l’exposition « La magie de l’écrit » : Médiathèque George Sand de Louvroil, place du Général de Gaulle - Salle Camille Claudel Tel. : 03 27 64 12 45 > Horaires d’ouverture de l’exposition : Lundi, Mercredi, Jeudi, Vendredi et Samedi de 9h à 17h30 Mardi de 9h à 19h Dimanche et jours fériés de 11h à 17h30 > Entrée libre pour les individuels > Entrée et visites accompagnées gratuites pour les groupes constitués : Sur réservation uniquement, auprès de la médiathèque George Sand de Louvroil au : 03 27 64 12 45 L’équipe de médiation culturelle du Conseil régional se tient à votre entière disposition pour répondre à vos questions et vous aider à préparer votre visite avec un groupe pour l’exposition « La magie de l’écrit » à Louvroil. > Pour nous contacter ou vous informer sur les futurs Beffrois du Louvre-Lens : Emmanuelle Cabille-Beaumont : [email protected], tel. : 03 28 82 85 50 Evelyne Reboul : [email protected], tel. : 03 28 82 85 65 Rédaction du dossier de la médiation Arnaud Debève : [email protected], culturelle : tel. : 03 28 82 85 13 Emmanuelle Cabille-Beaumont, direction de la culture, Conseil régional Nord-Pas de Calais Evelyne Reboul, Renseignements pratiques direction de la culture, Conseil régional Nord-Pas de Calais En collaboration avec : Marielle Pic, commissaire de l’exposition, chargée de mission culturelle et scientifique à la délégation Louvre-Lens, musée du Louvre Florence Gombert, conservateur, département des Antiquités, du Moyen Âge et de la Renaissance, Palais des Beaux-Arts de Lille Réalisation : Catherine Lamaire, direction de la communication, Conseil régional Nord-Pas de Calais