SCRE 2001F nouveau 29/03/01 17:34 Page 90 STÉPHANE JONAS Bibliographie ■ • Alliage, « Nouvelles relations aux savoirs et aux pouvoirs », n° 40, Nice, automne 99. • BECK Ulrich, Risikogesellschaft. Auf dem Weg in eine andere Moderne, Suhrkamp, Frankfurt, 1986. • BERGER Peter, LUCKMANN Thomas, La construction sociale de la réalité, Méridiens Klincksieck, Paris, 1986. • DURKHEIM Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, Librairie Générale Française, Paris, 1991. Notes 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 90 ■ Florence Rudolf, L’environnement, une construction sociale. Pratiques et Discours sur l’environnement en Allemagne et en France, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1998. Freiburg du 28 au 31 octobre 1999, Rennes du 13 au 20 novembre 1999. Le secrétariat Européen d’ICLEI, International Council for Local Environmental Initiatives ou Association Internationale des Communes Engagées dans les Initiatives Environnementales, a participé au projet Vauban, de même que le LARES, Laboratoire de Recherche en Sciences Humaines et Sociales de l’Université de Rennes 2, a été impliqué dans «Cité A Venir». «Anthony Giddens, Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994., p. 184. Encore nommé savoir hybride, par Bruno Latour notamment. Bruno Latour, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La découverte, Paris, 1991; Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, La Découverte, Paris, 1999. Alexis de Tocqueville, De la Démocratie en Amérique II, Gallimard, Collection Folio/Histoire, Paris, 1995. Cette observation entre en résonance avec les conclusions de la recherche sur l’institutionnalisation du conseil en environnement en Allemagne et en France que j’ai effectué dans le cadre de mon doctorat. L’environnement, une construction sociale. Discours et pratiques sur l’environnement en Allemagne et en • GIDDENS Anthony, Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994. • GODARD Olivier (sous la direction de), Le principe de précaution dans la conduite des affaires humaines, MSH, Paris, 1997. • LEDRUT Raymond, Les images de la ville, Anthropos, Paris, 1973. • LATOUR Bruno, Nous n’avons jamais été modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La découverte, Paris, 1991; Politiques de la nature. Comment faire entrer les sciences en démocratie, La Découverte, Paris, 1999. • LYOTARD Jean-François, La condition post-moderne, Les Editions de Minuit, Paris, 1979. • MAFFESOLI Michel, L’Instant éternel, Denoël, Paris, 2000 • RUDOLF Florence, L’environnement, une construction sociale. Pratiques et Discours sur l’environnement en Allemagne et en France, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1998. aux villes idéales • SIMMEL Georg, La tragédie de la culture, Rivages, Marseille, 1988. • STENGERS Isabelle, L’invention des sciences modernes, La Découverte, Paris, 1993; Cosmopolitiques, La Découverte, Paris, 1997. • LUHMANN Niklas, Beobachtungen der Moderne, Westdeutscher Verlag, Braunschweig, 1992. • TOCQUEVILLE (de) Alexis, De la Démocratie en Amérique II, Gallimard, Paris, 1995. France, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1998. 8 Georg Simmel,«Métropoles et mentalité»,L’Ecole de Chicago.Naissance de l’écologie urbaine, (sous la direction de Yves Grafmeyer et Isaac Joseph), Aubier, Collection «Champ urbain», Paris, 1984, pp. 61-77 ; Georg Simmel, Secret et sociétés secrètes, Circé, 1991, Strasbourg 9. Michel Maffesoli, L’Instant éternel, Denoël, Paris, 2000, p. 11. 10. Georg Simmel parle à l’époque de la modernité naissante au XIXe siècle de la dissociation croissante entre la culture objective et la culture subjective. Cette opposition permet de rendre compte du conflit entre individu et société, soit de la difficulté de l’homme moderne à intégrer l’ensemble des objectivations culturelles et d’être en adéquation avec son temps.Voire entre autres Georg Simmel, La Tragédie de la culture et autres essais, Rivages, Paris, 1988. Georg Simmel, «Digression sur l’Etranger» suivi de «Métropoles et mentalité», in L’Ecole de Chicago. Naissance de l’écologie urbaine, Présentation d’Yves Grafmeyer et d’Isaak Joseph, Aubier, Paris, 1984, pp. 53-59, pp. 61-77. 11 Sans pouvoir prétendre à une définition univoque de la modernité avancée, je me référerai au livre d’Anthony Giddens Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994, à partir duquel il me semble que cette expression a emporté le succès qu’on lui connaît actuellement. Dans cet ouvrage, Anthony Giddens attire l’attention sur ce qu’il appelle la circularité du savoir à notre époque et établit ainsi une équivalence entre la moderrnité avancée et la modernité réflexive et leur corres- pondance avec la société du risque. « Dans la modernité, le monde social ne peut jamais former un environnement stable sur le plan de l’input de nouvelles connaissances sur son caractère et son fonctionnement. Les nouvelles connaissances (concepts, théories, découvertes) ne se contentent pas d’accroître la transparence du monde moderne, mais elles altèrent sa nature, en le dispersant vers des directions nouvelles. Ce phénomène a un effet déterminant sur le caractère «d’emballement» de la modernité, et affecte la nature socialisée aussi bien que les institutions sociales ellesmêmes. (…) Pour toutes ces raisons, il nous est impossible de «saisir»l’histoire et de la plier aisément à nos desseins collectifs. Bien que nous la produisions et reproduions nous-même dans nos actions, nous ne pouvons contrôler totalement la vie sociale.» pp. 159-160. Voire notamment le thème de la culture comme idéologie chez Karl Marx, et Karl Mannheim; celui de la dialectique de la Raison et de la réification de la culture dans l’Ecole de Francfort; et celui de la colonisation des mondes vécus par les systèmes chez Jürgen Habermas. Voir à ce propos le numéro de Geographica Helvetica, «De l’aspiration au progrès au développement durable», Genève, Heft 2, 1999. La sociologie de Georg Simmel est sinon toute entière consacrée à la tension entre les formes et les contenus de la vie, en tous cas largement inspirée de cette dialectique. Jean-François Lyotard, La condition post-moderne, Les Editions de Minuit, Paris, 1979. Revue des Sciences Sociales, 2001, n° 28, nouve@ux mondes ? Des villes utopiques 12. 13. 14. 15. L STÉPHANE JONAS UMR du CNRS « Sociétés, cultures et représentations sociales en Europe » Université Marc Bloch, Strasbourg a chute du mur de Berlin et l’écroulement planétaire de l’utopie bolchevique ont donné en France aussi une nouvelle impulsion aux recherches et aux réflexions sur l’utopie, ainsi qu’à la réévaluation de sa place dans les sciences sociales et dans la sociologie. A ce propos, l’organisation du colloque international intitulé « Utopie et sciences sociales » par les sociologues de l’Université de Franche-Comté en 1997 a été une initiative heureuse et significative.1 Nous insisterons aussi sur l’actualité d’interroger le champ utopique en ces temps de vide idéologique apparent laissé par l’effet conjugué de la fin de la guerre froide, de la mondialisation et des nouvelles technologies, ces nouvelles idoles rationnelles de la modernité tardive. Sans vouloir ni pouvoir, dans le cadre de cet article, faire une mise au point conceptuelle et doctrinale, nous reprendrons volontiers deux dimensions de l’utopie moderne et contemporaine. Elles sont apparues dans nos recherches menées dans le cadre du Laboratoire « Cultures et sociétés en Europe », sur les Cités-Jardins du Mitteleuropa2, recherche terminée en 1999 et avec notre participation à l’exposition « A la recherche de la cité idéale », inaugurée en juin 2000 à la Saline Royale d’Arc et Senans.3 Ces deux recherches se sont en effet interrogées sur les deux dimensions fondamentales du champ utopique, à savoir l’utopie comme activité pratique et comme expérience de pensée. Dans les deux cas, il peut y avoir une véritable démarche de reconstruction utopique, pour reprendre ici une formulation de Jean Duvignaud4, soit par l’utopie pratiquée (H. Desroche) ou par la Gedanken Experiment, l’expérience de pensée formulée par Thomas Kuhn5. Les notions d’expérience pratique et d’expérience de pensée peuvent nous permettre de formuler deux définitions de l’utopie. En tant qu’expérience pratique, l’utopie peut être considérée comme un imaginaire social (architectural et urbanistique) qui se projette sur l’activité pratique d’un groupe ou d’un mouvement dans le cadre d’une expérience collective6. La dimension de la réalisation des cités-jardins ainsi que les mouvements sociaux qui les portent et les animent, peut être étudiée aussi bien du côté de l’activité pratique et concrète du concepteur que de celui du gestionnaire et de l’usager. L’utopie peut être appréhendée aussi comme une création de la pensée, qu’elle soit ou non expérimentée par un individu ou par un groupe. Son approche méthodologique est alors souvent « narrative »7 et elle remplit une fonction théorique. Cité-jardin et utopie ■ La dimension utopique du mouvement des cités-jardins et des réalisations multiples qui ont vu le jour est reconnue depuis longtemps quoique peu étudiée. Dans nos recherches sur les cités-jardins du Mitteleuropa, nous sommes d’abord parti de l’hypothèse sociologique que le concept et le mouvement des cités-jardins nés à la fin du XIXe siècle en Europe, ainsi que les nombreuses réalisations riches et variées qu’ils ont suscitées, ont un caractère scientifique, artistique et social fort. Ils sont d’autre part une expression identitaire de l’urbanisation des villes et de la socialisation des citadins de notre continent. Leur apport nous a par conséquent paru très important pour la formation et le développement de la ville du XXe siècle. La 91 SCRE 2001F nouveau 29/03/01 17:34 Page 92 Stéphane Jonas 92 forme cité-jardin n’a-t-elle pas bien résisté à la « banlieueisation » anarchique et diffuse de la ville européenne éclatée, en quête de nouvelles formes de développement et de nouveaux sens d’identité ? N’est-elle pas devenue un modèle multiple : d’habitat, domestique, écologique, urbanistique, esthétique, culturel, de sauvegarde, de patrimoine, sociologique et communautaire ? On pourrait imaginer que nos recherches sur la dimension utopique des cités-jardins ont été suscitées avant tout par leur caractère de réalisations pratiques spectaculaires. En fait il n’en est rien. C’est leur caractère d’expérience de pensée, apparu avec force dans l’ouvrage fondateur du visionnaire et pionnier anglais Ebenezer Howard (1850-1928), Garden Cities of To-morrow, publié dans sa première version en 1898, qui nous a en quelque sorte imposé l’hypothèse de l’importance des considérations utopiques dans cette recherche. D’autres contributions postérieures venant d’un travail de l’expérience de pensée nous ont renforcé dans notre conviction de la pertinence de cette piste de réflexion. Ainsi, l’idéal howardien de créer des villes nouvelles autonomes noyées dans la verdure – symbolisées par ses trois aimants – ville, campagne, ville-campagne – tout en bénéficiant du style de vie urbain et tout en essayant de soustraire l’espace et la communauté locale aux lois foncières d’un capitalisme libéral sauvage et spéculateur – s’inscrit dans la tradition d’une utopie anglaise populaire où la description narrative … « réfléchira, par conséquent, des conditions de vie et les aspirations sociales des individus et des classes à différents moments de l’histoire. »8 L’ouvrage de Howard a été suivi de plusieurs textes fondateurs du mouvement des cités-jardins du continent. Le sociologue français, G. Benoît-Lévy (1880-1971) a jeté les bases doctrinales d’une contribution patronale philanthropique et de réforme sociale à la réalisation des cités-jardins adaptée à sa mission industrielle. Le propagandiste et inspecteur des logements, H. Kampffmeyer, secrétaire général de l’Association des Cités-Jardins de l’Allemagne, créée en 1902, a ouvert son mouvement par un ouvrage fondateur sur la requalification de la banlieue des villes allemandes par la construction des cités-jardins. L’architecte allemand P. Behrens, dans un article théorique, a placé la cité-jardin dans les perspectives de développement de la Groszstadt, la Métropole, nouveau compendium universel de la modernité.9 La dimension utopique a parfois atteint des sommets lorsque l’expérience de pensée était suivie – ou précédée – d’une expérience pratique émanant d’un même créateur ou d’un même mouvement. La dynamique germanique du Mitteleuropa nous a fourni à ce sujet des exemples significatifs. Cependant, nos recherches confirment la règle : l’utopie des citésjardins peut être une utopie écrite ou une utopie pratiquée. Dans notre choix des villes et des cités-jardins, nous avons été motivé à étudier le rôle spécifique et significatif qu’ont joué dans la période importante de la fondation des cités-jardins certains États nationaux du Mitteleuropa10, surtout ceux des deux Empires centraux : Allemagne et Autriche-Hongrie. Notre choix est allé en priorité aux villes et aux cités-jardins situées aux marges – selon une option favorite de notre Laboratoire – et aux frontières de la zone d’influence germanique, comme les grandes zones stratégiques de la Saxe-Silésie, la Hongrie et le Rhin Supérieur. En effet, un des destins communs de ces grandes régions européennes historiques était, depuis la formation des États-nations modernes au cours du XIXe siècle, le fait d’avoir changé – parfois à plusieurs reprises – d’appartenance et d’identité nationales, et cela toujours sous l’influence directe de la politique d’expansion du monde germanique d’une part, qu’elle fût wilhelminienne, austro-hongroise, weimarienne ou hitlérienne, et d’autre part sous l’influence soviétique. Depuis plusieurs années nous assistons en France à un regain d’intérêt pour les cités-jardins. Leur bonne réception est-elle en rapport avec leur meilleure résistance à l’obsolescence et à la dislocation de nos banlieues en crise d’identité ? Sans doute, mais cela n’explique pas tout. Il s’y ajoute la beauté de leur paysage, le pittoresque, le gardenesque, l’architecture régionaliste, l’ordre urbanistique : éléments esthétiques-écologiques qui gardent leur dignité, même dans le cas d’une désuétude évidente due à leur âge, à leur origine économique ou à leur manque d’entretien. Il y a sans doute aussi les Revue des Sciences Sociales, 2001, n° 28, nouve@ux mondes ? pratiques associatives et communautaires qui s’y sont développées et qui y perdurent plus facilement que dans d’autres formes de banlieue et d’une protection architecturale, comme c’est le cas des quatre cités-jardins que notre équipe a étudiées. Mais une partie substantielle du succès actuel des cités-jardins vient incontestablement du fait que dans les milieux intellectuels, techniciens et universitaires, elles sont de plus en plus regardées, perçues et imaginées comme des utopies urbaines de la modernité tardive, ou de la postmodernité. Ne sontelles pas conçues et réalisées par une démarche de reconstruction utopique ? Ne sont-elles pas le résultat d’expériences de pensée, d’anticipations professionnelles des possibles programmables ? Ne sont-elles pas ces « espaces réussis » d’une utopie concrète, concept de sociologie urbaine élaboré par les sociologues Henri Lefebvre et Henri Raymond, ou d’une utopie réaliste, notion sociologique proposée par RogerHenri Guerrand, où la dimension esthétique et culturelle cohabite harmonieusement avec la dimension sociale du projet urbain ? Ne sont-elles pas aussi ces utopies expérimentales des projets urbains où la démarche utopique a été « à considérer expérimentalement, en étudiant sur le terrain ses implications et ses conséquences » ? 11 En ce sens les cités-jardins sont bien des utopies puisqu’elles n’ont jamais pu viser que le singulier, l’unicité du projet, parce que la société et les pouvoirs ne pouvaient ou ne voulaient pas reprendre ces projets urbains, en les rendant globaux ou réalisables à grande échelle. En tous cas, elles nous rappellent cette phrase d’André Gide : « C’est par la porte étroite de l’utopie qu’on entre dans la réalité bienfaisante ». Les villes idéales : l’exemple de la Saline d’Arc-et-Senans ■ On peut se demander si les villes idéales, inventions typiques de l’Occident, peuvent être intégralement inclues dans le champ utopique. La tradition de sociologie urbaine les considère comme des projets urbains imaginés, parfois réalisés, qui peuvent appartenir au champ utopique, non pas Des villes utopiques aux villes idéales Plan général de la Saline de Chaux, Arc-et-Senans, Nicolas Ledoux en tant que catégories, mais plutôt en tant que formes et modèles fonctionnels et symboliques nouveaux. En effet, en tant que villes de projet, produits de l’expérience de pensée et – plus rarement – de l’expérience pratiquée, anticipations urbaines des possibles, fondées sur l’idée de l’harmonie, de l’abstraction géométrique (symbole du cosmos et de la science), les villes idéales sont très proches des cités idéales utopiques. Mais pour l’utopie classique, la ville utopique est l’espace matérialisé de la société harmonique dans son urbanisme et son architecture, conçue essentiellement pour que la vie des Utopiens y retrouve la forme adéquate de leur vie communautaire. Les villes idéales sont des projets urbains répondant essentiellement à une finalité (pratique) immédiate, sans la nécessité de critique sociale, la remise en cause ou la transformation de l’ordre établi. Cet aspect rapproche la ville idéale de l’idéologie et de la politique (Prince, pouvoir républicain, pouvoir spirituel ou temporel). Sans résoudre ce paradigme, nous considérons que les cités idéales ont contribué à renouer, au cours des différentes époques y compris la nôtre, à la valorisation de l’utopie. Cependant nous n’incluons pas en sociologie les villes idéales dans le champ des cités utopiques des philosophes de l’Antiquité, ni dans celui des socialistes utopiques du XIXe siècle. Au cours du XVIIIe siècle, dans la France des Lumières passée en tête dans le domaine des théories urbaines et architecturales, émerge une nouvelle pensée sur la ville idéale qui devient de plus en plus réalisable, en tant qu’expérience unique et significative. Sa raison d’être et son renouvellement viennent de sa position de confluence et de sa capacité de répondre à la fois à la volonté du monarque absolu et à la bourgeoisie urbaine émergente dans leur effort de créer des villes nouvelles de prestige et de pouvoir. La Saline Royale d’Arc-et- Senans en Franche-Comté, commandée par Louis XV et construite selon les plans de l’architecte de génie, Claude-Nicolas Ledoux (1736-1806), est un exemple important de ville idéale, qui annonce déjà la modernité. A ce sujet, nous avons été très intéressé de participer, dans le cadre des recherches effectuées dans notre Laboratoire, aux travaux de préfiguration d’une exposition internationale intitulée A la recherche de la cité idéale, organisée par l’Institut Claude-Nicolas Ledoux, inaugurée le 14 juillet à la Saline Royale d’Arc-et-Senans.12 Notre participation au groupe de réflexion de cette même exposition sur la thématique de la (dernière) salle 12, intitulée Questions d’aujourd’hui. De Chandigarh à Shanghai : L’état de la ville,13 nous a permis de revoir et de relire par une mise en scène particulière, non seulement la ville idéale d’Arc-et-Senans, mais aussi Chandigarh, la capitale du Penjab, ville nouvelle commandée en 1951 par Nehru, Premier ministre de l’Inde, imaginée et 93 SCRE 2001F nouveau 29/03/01 17:34 Page 94 Stéphane Jonas 94 dessinée par Le Corbusier (1887-1965) grand architecte visionnaire français et son équipe. Chandigarh est en effet une des villes idéales contemporaines du XXe siècle. Sans le faire exprès, nous avons été favorisé dans ce choix par le fait que les architectes qui ont imaginé ces deux villes idéales nées à deux cents ans de distance, à savoir la Saline Royale d’Arc-etSenans et Chandigarh, ont été mis en parallèle et étudiés comme les grandes figures de la genèse du développement de l’architecture autonome, par l’historien de l’art autrichien, Émile Kaufmann.14 Nommé entre 1771 et 1793 inspecteur des Salines d’État en Franche Comté, protégé de la favorite de Louis XV, Madame du Barry, Ledoux devait faire les projets d’une ville-manufacture ex nihilo pour le traitement du sel, denrée précieuse, stratégique même, entrant sous la protection de l’armée. La version définitive construite de cette Saline royale – partiellement réalisée et actuellement classée au patrimoine mondial de l’UNESCO – est déjà en soi une ville idéale réalisée, avec une qualité architecturale et historique rare. Mais Ledoux travaillait parallèlement sur un projet de ville idéale complète, appelée la Ville de Chaux, qui devait être le couronnement de ses idées et de ses théories révolutionnaires et fortement utopiques sur la ville à venir. Son ouvrage majeur, L’Architecture…15 donne des descriptions détaillées et des documents iconographiques saisissantes sur ce projet. La reconstruction utopique narrative se livre parfois sur cette ville idéale à « une effusion poétique des sentiments d’une âme meurtrie. »16 Nous pensons que cette phrase étonnante de Ledoux peut être sa profession de foi pour sa ville idéale : « Égayons le présent, jetons des fleurs sur l’avenir. »17 Cette présence simultanée du réel et de l’idéal devait être vécue d’une manière sinon tragique, du moins conflictuelle par Ledoux. Sur le plan de l’organisation formelle, la ville-usine de la Saline a été exécutée d’une manière tout à fait remarquable : choix pratique du site, techniques constructives modernes, architecture de qualité, forme elliptique hardie avec la réalisation d’un espace semi-circulaire (symbolisant la marche du soleil) autour de laquelle sont organisés rationnellement les édifices et la production du sel : la Revue des Sciences Sociales, 2001, n° 28, nouve@ux mondes ? maison du directeur (au centre), les fabriques, les logements des employés et des ouvriers, les installations nécessaires aux services et l’entrée principale. Mais sur le plan sociologique, c’est une ville contrôlée et surveillée où le pouvoir royal exige des mesures sécuritaires contre le vol du sel, symbolisées par le gouverneur militaire et les soldats de garnison, par l’enceinte fortifiée, par la conception d’une ville assiégée, d’un espace social surveillé et clos. Cet espace clos projeté et exécuté ne peut pas être uniquement imputé à l’organisation du travail lié au sel. S’il est assez clair que l’imagination pouvait prendre le pouvoir dans l’architecture et l’urbanisme, il est aussi évident qu’elle était limitée dans l’organisation sociale par la tradition princière du monarque absolu. Le sociologue Alain Chenevez, chercheur à l’Institut Claude-Nicolas Ledoux, s’est récemment interrogé sur ce qu’il a appelé « la mémoire vide » de la Saline sur le plan de l’histoire sociale des lieux : « Or, nous nous demandons dans cet article – observe-t-il – si le « vide » de « mémoire » et « l’amnésie » de l’histoire sociale et politique criants sur le site d’Arcet-Senans, ne sont pas la condition de survie de discours définissant le lieu uniquement sous l’angle de son architecture, du prestige et de l’utopie. »18 N’oublions pas que la cité idéale de Ledoux était composée de deux projets : le réel (Saline) et l’idéal (la Ville de Chaux) et ce dernier était imaginé et décrit par une véritable passion poétique et philosophique, dans la belle tradition française des Lumières. Et, à côté de ce qui a été construit, il faut ajouter ce qui a été rêvé, imaginé et prévu, en l’absence totale, selon la démarche utopique, de prise en considération de la faisabilité immédiate, des contraintes, des institutions et des organisations présentes lors d’un tel projet social urbain : jardins ouvriers, marché, équipements sanitaires, lieux d’assemblée, palais d’éducation, théâtre, cimetière, cénobie pour des familles philosophes, Oïkéma : lieu de plaisir, et tout cela noyé dans la forêt de Chaux, d’où le nom même de la ville idéale. Là, l’utopie urbaine fonctionnelle et architecturalement parfaite est dépassée par l’imagination créatrice ; elle devient une utopie sociale. Chandigarh : une réalisation de Le Corbusier Des villes utopiques aux villes idéales ■ Depuis plusieurs années nous nous intéressons à l’existence dans l’œuvre urbanistique riche et variée de Le Corbusier d’une dimension utopique très forte19. Il a imaginé Chandigarh dans la période de sa vie que ses biographes appellent celle de la reconnaissance internationale, qui va de 1945 à sa mort en 1965. Nous insisterons ici sur deux aspects sociologiques qui nous paraissent importants pour la connivence de l’architecte avec l’utopie. Premièrement, la démarche utopique touche l’ensemble de l’œuvre corbusienne et à chaque période de sa vie correspondent une approche et un esprit d’utopie appropriés. Elle s’organise toujours autour d’une matrice mémorielle, où l’existence d’une dynamique historique et sociale est consciente ; mais c’est le présent qui guide l’imagination. La force principale de l’utopie est dans la forme littéraire narrative présente dans ses écrits. Deuxièmement, Chandigarh se situe dans la période de l’expérience pratiquée des réalisations des cinq unités d’habitation qui sont les formes de villes idéales à l’échelle des quartiers et des unités de voisinage et de vie sociale résidentielle. Il ne lui restait plus qu’à obtenir une commande pour passer à l’échelle supérieure, celle de la ville idéale. Les fondements épistémologiques et théoriques d’une ville de pensée étaient déjà jetés dans son ouvrage La Ville radieuse, élaborés entre 1930 et 1935.20 La commande de Nehru a permis à Le Corbusier d’imaginer l’une des villes idéales les plus étonnantes réalisées au XXe siècle. Conçu comme un objet fini 21, une ville nouvelle pour 500.000 habitants en deux étapes, sans banlieue - et assurant la fonction de capitale de la partie indienne de l’Etat du Penjab Chandigarh est une ville nouvelle fondée sur deux idéaux utopistes : l’un émanait de l’autorité, du commanditaire, l’autre venait du concepteur. Le président Nehru n’a-t-il pas voulu ériger Chandigarh en un modèle urbain de son pays en voie de développement et de son peuple multi-ethnique pour dépasser l’état précaire des pays du Tiers-Monde ? : « Qu’elle soit une ville nouvelle, symbole de la liberté de l’Inde, désentravée des traditions du passé … une expression de la confiance de la nation dans le futur. »22. Le Corbusier ne voulait-il pas appliquer ses idées utopiques rédigées sur la Ville radieuse, ville idéale verte dont les idéaltypes qu’il convenait de transformer étaient jusqu’alors Moscou et Paris, grandes métropoles non fondées ? Chandigarh est la ville idéale verte, où les principes de la ville radieuse et des unités d’habitation sont adaptées aux aspirations et aux exigences du pouvoir indien de créer non pas une capitale politique des possibles, mais celle d’une ville nouvelle programmable et réalisable. En effet, le programme d’origine a été élaboré, avant la venue de Le Corbusier, par les hauts fonctionnaires indiens sortis d’Oxford. Le Plan Directeur23, élaboré à Paris, devait tenir compte de cette réalité. Le Corbusier a fait lui-même le projet du Capitole, siège du Gouvernement.24 Le Plan Directeur comprenait une grille complète de voies de 800 m x 400 m, délimitant des secteurs, formes nouvelles de quartiers nouveaux. Deux réseaux traversent la ville : la circulation en est-ouest qui se faufile entre les secteurs et la circulation piétonne nord-sud qui est intégrée dans la coulée de verdure et traverse les secteurs sans rencontrer le trafic mécanique. Trois quarts de la trentaine de secteurs sont résidentiels, contenant 10 à 30.000 habitants. Chandigarh compte actuellement 500.000 habitants et avec les villes satellites (non prévues) qui l’entourent, constitue une agglomération d’un million d’habitants. Comble du destin, Chandigarh est une capitale dépossédée de son État, à cause d’une nouvelle scission du Penjab en deux pour des raisons politiques. « Néanmoins, observe J.Rizzotti, 50 ans après sa création, et malgré tous les problèmes récurrents de l’Inde, Chandigarh reste la ville qui fonctionne le mieux dans le subcontinent, avec des degrés à respecter, un patrimoine moderne à défendre, une réalité sociale bien lisible. »25 Le projet utopique de Le Corbusier, tel qu’il se déploie dans la ville idéale de Chandigarh, met en avant deux expressions de sa dimension utopique : construire un monde meilleur fondé sur le bonheur et promouvoir un progrès scientifique et artistique conduisant la communauté urbaine vers une plus grande harmonie sociale. En réinventant un nouveau rapport avec la nature – reprenant ici une idée utopienne de Ledoux, à laquelle il assure ainsi une continuité – sa ville idéale devient une ressource, comme un lieu majeur possible de la réalisation d’un nouveau rapport homme-nature. En réalisant à Chandigarh plusieurs éléments architecturaux et sociaux d’une ville citoyenne adaptée aux besoins d’une société émergente, Le Corbusier a réhabilité aussi la politique, en lui attribuant, certes avec beaucoup d’idéalisme, la capacité de créer une ville contemporaine à l’échelle humaine, en mettant en place – sans pouvoir faire le reste – des formes et des conditions urbaines sociales réelles. Les penseurs et les créateurs des cités-jardins et des villes idéales de la modernité sont assurément de grands bâtisseurs de la ville et de la société urbaine contemporaine. Continuateurs de l’utopie expérimentale et professionnelle de la ville, qu’il s’agisse de l’expérience pratiquée ou de l’expérience de pensée, s’ils ont rêvé d’une ville de l’Esprit, ils étaient aussi partants pour construire des cités-jardins et des villes idéales pour leur commanditaire. L’immense majorité d’entre eux avait le courage et la sagesse de refuser les utopies pratiquées d’un monde à l’envers du type mystico-religieux ou totalitaire. Leur pensée et leurs actions montrent néanmoins les limites de la démarche utopiste, puisque aussi bien les projets que les programmes des créateurs ont sous-tendu un projet urbain et un projet social où une élite d’artistes, de scientifiques, de propagateurs ou de techniciens a prétendu pouvoir élaborer pour l’Autorité les cadres spatiaux et sociaux d’une cité idéale harmonieuse, belle et parfaite. Défricheurs et innovateurs infatigables, ils nous rappellent cette phrase énigmatique du poète allemand Hölderlin : « Nous ne sommes rien. Tout est dans ce que nous faisons. » 95 SCRE 2001F nouveau 29/03/01 17:34 Page 96 G E R G E LY N A G Y 9 Notes ■ « Utopie et sciences sociales ». Colloque international organisé par l’Ecole Doctorale : langage, espace, temps, Faculté des Lettres et Sciences Humaines de l’Université de Franche-Comté, et le Laboratoire de Sociologie et d’Anthropologie (LASA-UFC), 22-23 mars 1997. Voir aussi la publication des Actes : B PEQUIGNOT (Dir.), Utopies et sciences sociales, L’Harmattan, Paris, 1998. Coll. Logiques sociales, 354 p. 2. Les cités-jardins du Mitteleuropa, Appel d’offres, recherche du PIRVilles, CNRS, terminée en 1998. Responsable scientifique : S. Jonas ; autres membres de l’équipe : M.N. Denis, F. Weidmann, L. Bonnord (Strasbourg) ; A. Mariotte (Dresde) ; W. Kononowicz (Wroclaw) ; G. Nagy, K. Szelényi, J. Vadas (Budapest). Voir aussi l’ouvrage S. Jonas, G. Nagy, K. Szelényi (Dir.), Les cités-jardins du Mitteleuropa ; étude de cas de Strasbourg, Dresde, Wroclaw et Budapest, Hungarian Pictures, Budapest (la sortie du livre est prévue pour le printemps 2001). 3 A la recherche de la cité idéale. Exposition organisée par l’Institut Claude-Nicolas Ledoux avec la participation du Ministère de la Culture et de nombreuses institutions et associations. Voir notamment la Salle 12 – Questions d’aujourd’hui. De Chandigarh à Shanghai : L’état de la ville ; responsable : J. Rizzotti, architecte ; autres membres de l’équipe : C. Bourgeois, photographe, S. Jonas, sociologue, R. Kleinschmager, géographe, D. Payot, philosophe. 4. J. Duvignaud, Chebika. Etude sociologique, Paris, Gallimard, 1968. 5 H. Desroche, « Utopie et utopies », in Encyclopaedia Universalis, pp. 264-269 ; Th. Kuhn, « La fonction des expériences par la pensée » in La tension essentielle, Tradition et changement dans les sciences, Gallimard, Paris, 1990. 6. G. Fontenis, L’autre communisme ; histoire subversive du mouvement libertaire, Acratie, 1990. 7 F. Godez, « L’utopie comme méthode : ou la reconstruction utopique comme expérience « narrative » de pensée », in B. Pequignot (Dir.), Utopie et sciences sociales, op. cit., pp. 193-201. 8 A. L. Morton, L’utopie anglaise, Maspero, Paris, 1964, p. 9. 1. 10 11 12 13 G. Benoît-Lévy, La Cité-Jardin, Editions Henri Jouve, Paris, 1904. Préface de Charles Gide. H. Kampffmeyer, Die Gartenstadtbewegung, Verlag von B. G. Teubner, Berlin, 1913 (2e édition) ; « Le mouvement en faveur des cités-jardins en Allemagne », in revue Vie Urbaine, Paris-Sorbonne, n° 28, 1925 ; P. Behrens, «Die Gartenstadtbewegung» in revue Gartenstadt, 4. Heft, 2. Jahrgang, 1908. L’une de nos hypothèses de départ au sujet de l’existence ou non d’un modèle de cité-jardin du Mitteleuropa, s’est imposée à nous à cause du rôle de pionnier qu’a joué l’Allemagne unifiée dans l’innovation et la diffusion des cités-jardins sur le continent. Nous sommes ici bien sûr en présence du grand mythe fondateur paradigmatique de la mission historique civilisatrice germanique depuis l’existence du Saint Empire Romain Germanique. Mais de nombreux chercheurs des nouveaux pays démocratiques ne sont pas satisfaits de l’appellation nouvelle proposée par la diplomatie occidentale, à savoir « L’Europe Centrale et Orientale », et ils observent que l’Europe Centrale commence déjà sur le versant est des Vosges en France et l’Europe Orientale va jusqu’au piémont de l’Oural. H. Lefebvre, Droit à la ville, T. I. Anthropos, Paris, 1968, p. 122 ; H. Raymond, L’architecture, les aventures spatiales de la raison, CCI – Centre Pompidou, Paris, 1984. L’exposition A la recherche de la cité idéale a été conçue et réalisée par l’Institut Claude-Nicolas Ledoux d’Arc-et-Senans, présidé par Serge Antoine, avec la participation notamment de la Mission 2000 en France, du Ministère de la Culture et de la Confédération Suisse. Salle 12 – Questions d’aujourd’hui. De Chandigarh à Shanghai : l’état de la ville, Concepteur et responsable : Jacques Rizzotti, architecte, Professeur à l’École d’Architecture de Strasbourg ; autres membres de l’équipe de réflexion : Christophe Bourgeois, photographe, S. Jonas, sociologue, R. Kleinschmager, géographe, D. Payot, philosophe. Les titres des 11 autres salles sont les suivants : 1 – Scènes des villes rêvées ; 2 – Visions et volontés ; 3 – Leçons de Ledoux ; 4 – L’architecture de la cité idéale ; 5 – Rêves d’ingénieurs ; 6 – Vivre et 96 Revue des Sciences Sociales, 2001, n° 28, nouve@ux mondes 14 15 16 17. 18 19 20 21 22 23 25 25 travailler ensemble ; 7 – Les portraits ; 8 – La grande horloge du monde ; 9 – Villes et réseaux – Réseaux et villes ; 10 – Les cités en bandes dessinées ; 11 – Les cités des animaux. (Voir aussi : Guide d’exposition). E. Kaufmann, De Ledoux à Le Corbusier ; origine et développement de l’architecture autonome, Éd. Livre et Communication, Paris, 1990. La première édition autrichienne date de 1933. C. N. Ledoux , L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs et de la législation, Paris, 1804. Cité par Kaufmann, op.cit., p. 30. Idem, p. 31. A. Chenevez, « Saline d’Arc-etSenans : utopie et mémoire vide », in B. Pequignot, (Dir.), Utopies et sciences sociales, op. cit., p. 55. S. Jonas, « Le Corbusier, théoricien de l’urbanisme et penseur de la sociologie des villes » in F. Bradfer (Dir.) Le Corbusier, la modernité et après…, Ed. CIAO, Louvain-laNeuve, 1988, pp. 139-146 ; « La dimension utopique dans l’œuvre urbanistique de Le Corbusier », in B. PEQUIGNOT (Dir.), Utopies…, op. cit., pp. 111-126. Le Corbusier, La Ville radieuse, Paris, 1935. M. Parent, « Discours de clôture » in P.G. GEROSA, S. JONAS (Dir.), Le Corbusier, Europe et Modernité, Editions Corvina, Budapest, 1991, pp. 244-249. (Actes du colloque international, Conseil de l’Europe, 1987.) Cité par J. Rizzotti in Petit Guide de l’exposition A la recherche de la cité idéale, p. 76. Les éléments principaux du Plan Directeur sont les suivants : 1 – Capitole ; 2 – Centre commercial ; 3 – hôtels, restaurants ; 4 – musée, stade ; 5 – Université ; 6- marché ; 7 – bandes de verdure dans les secteurs ; 8 – la rue marchande ; 9 – la vallée des loisirs ; 10 – industrie et gares (voir aussi le plan). Le Capitole se compose ainsi : Le Parlement ; le Secrétariat ; le Palais du Gouverneur ; le Palais de Justice ; la Tour des Ombres et la Fosse des Considérations ; le Monument des Martyrs ; le Monument de la Main Ouverte ; le Club ; le lac artificiel. J. Rizzotti, in Petit Guide de l’exposition, op. cit., p. 76. Utopie et cités-jardins L’exemple de la colonie Wekerle à Budapest(Hongrie) es idées utopiques ont rarement été mises en pratique dans le domaine de l’architecture. L’univers de la théorie architecturale est issu des descriptions données pour contribuer à la pratique de l’architecture ordinaire par un système de règles favorisant des formes sensées parfaites et des constructions utilitaires. Les systèmes de proportion, les exigences constructives et les guides pratiques ont déjà été produits - et ce n’est pas un hasard - dans l’architecture antique. Les principes directeurs qui sous-tendaient ces acquis étaient la beauté inaccessible et l’utilité (fonction, stabilité, emploi, etc.). Naturellement, les explications, notées en marge des indications pratiques, devaient éclairer les concepts abstraits tels que la beauté définie par le goût de l’époque. A cause de la fixation des systèmes des ordres, liés au style, au moment des changements des possibilités architecturales d’une époque donnée (formation de nouveaux styles architecturaux), il était naturel que les conditions des systèmes de représentations possibles justifiant la beauté, saisis seulement grâce à la mathématique, dussent aussi changer en fonction de la dépendance du lieu géographique, de la conception, et des possibilités locales. Les cultures architecturales nouvelles, les modes d’une époque, les technologies nouvelles, les possibilités de transformation du matériau ont ouvert de nouvelles perspectives à l’architecture. Rappelons-nous ici les transformations considérables de l’ordre fonctionnel des bâtiments bien construits, L GERGELY NAGY Architecte Université Technique de Budapest sous l’effet et l’influence de la logique de l’ordre dorique. Elles ont permis l’introduction des autres ordres architecturaux et d’autres proportions. Les principes de composition et les points de vue également rédigés ont toujours visé la perfection. Les lois statiques terrestres ont fait naître à chaque époque des systèmes qui avaient leurs principes propres, les structures parfaites qui leur correspondaient. Le principe (l’effort) précédait considérablement les possibilités réelles, mais à l’apogée d’une époque donnée les principes pouvaient être en parfaite harmonie avec les lois de la nature terrestre. L’exigence de composition de l’espace issue de l’esprit du temps et les styles architecturaux consécutifs pouvaient ainsi se servir réciproquement. La tendance à la perfection représentait l’esprit du temps. L’interprétation de l’univers terrestre de l’homme, le rapport humain transcendantal, dicté par l’époque, ne pouvait s’exprimer de façon plus démonstrative que dans l’architecture. A côté de l’univers des formes - né pour accentuer l’élément spatial et sa délimitation - c’est la conception de l’espace qui possède le plus grand nombre de caractéristiques. Très tôt, dans l’Antiquité, surtout à l’époque romaine, les exigences ont été résumées d’une manière très synthétique. Les contraintes, les régularités ont défini les principes de construction et d’architecture. Ce n’est pas par hasard que l’ordre de l’interprétation du monde architectural a opéré un retournement à l’époque de la Renaissance. 97