Des villes utopiques - Revue des sciences sociales

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STÉPHANE JONAS
Bibliographie
■
• Alliage, « Nouvelles relations aux
savoirs et aux pouvoirs », n° 40, Nice,
automne 99.
• BECK Ulrich, Risikogesellschaft. Auf
dem Weg in eine andere Moderne, Suhrkamp, Frankfurt, 1986.
• BERGER Peter, LUCKMANN Thomas, La construction sociale de la réalité, Méridiens Klincksieck, Paris,
1986.
• DURKHEIM Emile, Les formes élémentaires de la vie religieuse. Le système totémique en Australie, Librairie
Générale Française, Paris, 1991.
Notes
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
90
■
Florence Rudolf, L’environnement, une
construction sociale. Pratiques et Discours
sur l’environnement en Allemagne et en
France, Presses Universitaires de
Strasbourg, Strasbourg, 1998.
Freiburg du 28 au 31 octobre 1999,
Rennes du 13 au 20 novembre 1999.
Le secrétariat Européen d’ICLEI,
International Council for Local
Environmental
Initiatives
ou
Association
Internationale
des
Communes Engagées dans les
Initiatives Environnementales, a participé au projet Vauban, de même que le
LARES, Laboratoire de Recherche en
Sciences Humaines et Sociales de
l’Université de Rennes 2, a été impliqué dans «Cité A Venir».
«Anthony Giddens, Les conséquences de
la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994.,
p. 184.
Encore nommé savoir hybride, par
Bruno Latour notamment. Bruno
Latour, Nous n’avons jamais été
modernes. Essai d’anthropologie symétrique, La découverte, Paris, 1991;
Politiques de la nature. Comment faire
entrer les sciences en démocratie, La
Découverte, Paris, 1999.
Alexis de Tocqueville, De la Démocratie
en Amérique II, Gallimard, Collection
Folio/Histoire, Paris, 1995.
Cette observation entre en résonance
avec les conclusions de la recherche sur
l’institutionnalisation du conseil en
environnement en Allemagne et en
France que j’ai effectué dans le cadre
de mon doctorat. L’environnement, une
construction sociale. Discours et pratiques
sur l’environnement en Allemagne et en
• GIDDENS Anthony, Les conséquences
de la modernité, L’Harmattan, Paris,
1994.
• GODARD Olivier (sous la direction
de), Le principe de précaution dans la
conduite des affaires humaines, MSH,
Paris, 1997.
• LEDRUT Raymond, Les images de la
ville, Anthropos, Paris, 1973.
• LATOUR Bruno, Nous n’avons jamais
été modernes. Essai d’anthropologie
symétrique, La découverte, Paris, 1991;
Politiques de la nature. Comment faire
entrer les sciences en démocratie, La
Découverte, Paris, 1999.
• LYOTARD Jean-François, La condition post-moderne, Les Editions de
Minuit, Paris, 1979.
• MAFFESOLI Michel, L’Instant éternel,
Denoël, Paris, 2000
• RUDOLF Florence, L’environnement,
une construction sociale. Pratiques et
Discours sur l’environnement en Allemagne et en France, Presses Universitaires de Strasbourg, Strasbourg, 1998.
aux villes idéales
• SIMMEL Georg, La tragédie de la culture, Rivages, Marseille, 1988.
• STENGERS Isabelle, L’invention des
sciences modernes, La Découverte,
Paris, 1993; Cosmopolitiques, La
Découverte, Paris, 1997.
• LUHMANN Niklas, Beobachtungen der
Moderne, Westdeutscher Verlag,
Braunschweig, 1992.
• TOCQUEVILLE (de) Alexis, De la
Démocratie en Amérique II, Gallimard,
Paris, 1995.
France, Presses Universitaires de
Strasbourg, Strasbourg, 1998.
8 Georg Simmel,«Métropoles et mentalité»,L’Ecole de Chicago.Naissance de l’écologie urbaine, (sous la direction de Yves
Grafmeyer et Isaac Joseph), Aubier,
Collection «Champ urbain», Paris,
1984, pp. 61-77 ; Georg Simmel, Secret et
sociétés secrètes, Circé, 1991, Strasbourg
9. Michel Maffesoli, L’Instant éternel,
Denoël, Paris, 2000, p. 11.
10. Georg Simmel parle à l’époque de la
modernité naissante au XIXe siècle de
la dissociation croissante entre la culture objective et la culture subjective.
Cette opposition permet de rendre
compte du conflit entre individu et
société, soit de la difficulté de l’homme
moderne à intégrer l’ensemble des
objectivations culturelles et d’être en
adéquation avec son temps.Voire entre
autres Georg Simmel, La Tragédie de la
culture et autres essais, Rivages, Paris,
1988. Georg Simmel, «Digression sur
l’Etranger» suivi de «Métropoles et
mentalité», in L’Ecole de Chicago.
Naissance de l’écologie urbaine,
Présentation d’Yves Grafmeyer et
d’Isaak Joseph, Aubier, Paris, 1984,
pp. 53-59, pp. 61-77.
11 Sans pouvoir prétendre à une définition
univoque de la modernité avancée, je
me référerai au livre d’Anthony
Giddens Les conséquences de la modernité, L’Harmattan, Paris, 1994, à partir
duquel il me semble que cette expression a emporté le succès qu’on lui
connaît actuellement. Dans cet ouvrage,
Anthony Giddens attire l’attention sur
ce qu’il appelle la circularité du savoir à
notre époque et établit ainsi une équivalence entre la moderrnité avancée et
la modernité réflexive et leur corres-
pondance avec la société du risque.
« Dans la modernité, le monde social ne
peut jamais former un environnement
stable sur le plan de l’input de nouvelles
connaissances sur son caractère et son
fonctionnement. Les nouvelles connaissances (concepts, théories, découvertes)
ne se contentent pas d’accroître la transparence du monde moderne, mais elles
altèrent sa nature, en le dispersant vers
des directions nouvelles. Ce phénomène
a un effet déterminant sur le caractère
«d’emballement» de la modernité, et
affecte la nature socialisée aussi bien
que les institutions sociales ellesmêmes. (…) Pour toutes ces raisons, il
nous est impossible de «saisir»l’histoire
et de la plier aisément à nos desseins
collectifs. Bien que nous la produisions
et reproduions nous-même dans nos
actions, nous ne pouvons contrôler totalement la vie sociale.» pp. 159-160.
Voire notamment le thème de la culture comme idéologie chez Karl Marx, et
Karl Mannheim; celui de la dialectique de la Raison et de la réification de la culture dans l’Ecole de
Francfort; et celui de la colonisation des mondes vécus par les systèmes chez Jürgen Habermas.
Voir à ce propos le numéro de
Geographica Helvetica, «De l’aspiration au progrès au développement
durable», Genève, Heft 2, 1999.
La sociologie de Georg Simmel est
sinon toute entière consacrée à la
tension entre les formes et les
contenus de la vie, en tous cas largement inspirée de cette dialectique.
Jean-François Lyotard, La condition
post-moderne, Les Editions de
Minuit, Paris, 1979.
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12.
13.
14.
15.
L
STÉPHANE JONAS
UMR du CNRS « Sociétés, cultures et
représentations sociales en Europe »
Université Marc Bloch, Strasbourg
a chute du mur de Berlin et
l’écroulement planétaire de l’utopie bolchevique ont donné en
France aussi une nouvelle impulsion
aux recherches et aux réflexions sur
l’utopie, ainsi qu’à la réévaluation de sa
place dans les sciences sociales et dans
la sociologie. A ce propos, l’organisation
du colloque international intitulé « Utopie et sciences sociales » par les sociologues de l’Université de Franche-Comté
en 1997 a été une initiative heureuse et
significative.1 Nous insisterons aussi sur
l’actualité d’interroger le champ utopique en ces temps de vide idéologique
apparent laissé par l’effet conjugué de
la fin de la guerre froide, de la mondialisation et des nouvelles technologies,
ces nouvelles idoles rationnelles de la
modernité tardive.
Sans vouloir ni pouvoir, dans le cadre
de cet article, faire une mise au point
conceptuelle et doctrinale, nous reprendrons volontiers deux dimensions de
l’utopie moderne et contemporaine.
Elles sont apparues dans nos recherches
menées dans le cadre du Laboratoire
« Cultures et sociétés en Europe », sur
les Cités-Jardins du Mitteleuropa2,
recherche terminée en 1999 et avec
notre participation à l’exposition « A la
recherche de la cité idéale », inaugurée
en juin 2000 à la Saline Royale d’Arc et
Senans.3 Ces deux recherches se sont en
effet interrogées sur les deux dimensions fondamentales du champ utopique, à savoir l’utopie comme activité
pratique et comme expérience de pensée.
Dans les deux cas, il peut y avoir une
véritable démarche de reconstruction
utopique, pour reprendre ici une formulation de Jean Duvignaud4, soit par l’utopie pratiquée (H. Desroche) ou par la
Gedanken Experiment, l’expérience de
pensée formulée par Thomas Kuhn5.
Les notions d’expérience pratique
et d’expérience de pensée peuvent nous
permettre de formuler deux définitions
de l’utopie. En tant qu’expérience pratique, l’utopie peut être considérée
comme un imaginaire social (architectural et urbanistique) qui se projette sur
l’activité pratique d’un groupe ou d’un
mouvement dans le cadre d’une expérience collective6. La dimension de la
réalisation des cités-jardins ainsi que les
mouvements sociaux qui les portent et
les animent, peut être étudiée aussi
bien du côté de l’activité pratique et
concrète du concepteur que de celui du
gestionnaire et de l’usager. L’utopie
peut être appréhendée aussi comme
une création de la pensée, qu’elle soit
ou non expérimentée par un individu ou
par un groupe. Son approche méthodologique est alors souvent « narrative »7
et elle remplit une fonction théorique.
Cité-jardin et utopie
■
La dimension utopique du mouvement des cités-jardins et des réalisations
multiples qui ont vu le jour est reconnue
depuis longtemps quoique peu étudiée.
Dans nos recherches sur les cités-jardins
du Mitteleuropa, nous sommes d’abord
parti de l’hypothèse sociologique que le
concept et le mouvement des cités-jardins nés à la fin du XIXe siècle en Europe, ainsi que les nombreuses réalisations riches et variées qu’ils ont
suscitées, ont un caractère scientifique,
artistique et social fort. Ils sont d’autre
part une expression identitaire de l’urbanisation des villes et de la socialisation
des citadins de notre continent. Leur
apport nous a par conséquent paru très
important pour la formation et le développement de la ville du XXe siècle. La
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forme cité-jardin n’a-t-elle pas bien résisté à la « banlieueisation » anarchique et
diffuse de la ville européenne éclatée, en
quête de nouvelles formes de développement et de nouveaux sens d’identité ?
N’est-elle pas devenue un modèle multiple : d’habitat, domestique, écologique,
urbanistique, esthétique, culturel, de
sauvegarde, de patrimoine, sociologique
et communautaire ?
On pourrait imaginer que nos
recherches sur la dimension utopique
des cités-jardins ont été suscitées avant
tout par leur caractère de réalisations
pratiques spectaculaires. En fait il n’en
est rien. C’est leur caractère d’expérience de pensée, apparu avec force
dans l’ouvrage fondateur du visionnaire
et pionnier anglais Ebenezer Howard
(1850-1928), Garden Cities of To-morrow,
publié dans sa première version en 1898,
qui nous a en quelque sorte imposé
l’hypothèse de l’importance des considérations utopiques dans cette
recherche. D’autres contributions postérieures venant d’un travail de l’expérience de pensée nous ont renforcé dans
notre conviction de la pertinence de
cette piste de réflexion. Ainsi, l’idéal
howardien de créer des villes nouvelles
autonomes noyées dans la verdure –
symbolisées par ses trois aimants – ville,
campagne, ville-campagne – tout en
bénéficiant du style de vie urbain et
tout en essayant de soustraire l’espace
et la communauté locale aux lois foncières d’un capitalisme libéral sauvage
et spéculateur – s’inscrit dans la tradition d’une utopie anglaise populaire où
la description narrative … « réfléchira,
par conséquent, des conditions de vie et
les aspirations sociales des individus et
des classes à différents moments de
l’histoire. »8
L’ouvrage de Howard a été suivi de
plusieurs textes fondateurs du mouvement des cités-jardins du continent. Le
sociologue français, G. Benoît-Lévy
(1880-1971) a jeté les bases doctrinales
d’une contribution patronale philanthropique et de réforme sociale à la réalisation des cités-jardins adaptée à sa
mission industrielle. Le propagandiste
et inspecteur des logements, H.
Kampffmeyer, secrétaire général de
l’Association des Cités-Jardins de l’Allemagne, créée en 1902, a ouvert son
mouvement par un ouvrage fondateur
sur la requalification de la banlieue des
villes allemandes par la construction
des cités-jardins. L’architecte allemand
P. Behrens, dans un article théorique, a
placé la cité-jardin dans les perspectives
de développement de la Groszstadt, la
Métropole, nouveau compendium universel de la modernité.9 La dimension
utopique a parfois atteint des sommets
lorsque l’expérience de pensée était
suivie – ou précédée – d’une expérience
pratique émanant d’un même créateur
ou d’un même mouvement. La dynamique germanique du Mitteleuropa
nous a fourni à ce sujet des exemples
significatifs. Cependant, nos recherches
confirment la règle : l’utopie des citésjardins peut être une utopie écrite ou
une utopie pratiquée.
Dans notre choix des villes et des
cités-jardins, nous avons été motivé à
étudier le rôle spécifique et significatif
qu’ont joué dans la période importante
de la fondation des cités-jardins certains
États nationaux du Mitteleuropa10, surtout ceux des deux Empires centraux :
Allemagne et Autriche-Hongrie. Notre
choix est allé en priorité aux villes et
aux cités-jardins situées aux marges –
selon une option favorite de notre Laboratoire – et aux frontières de la zone d’influence germanique, comme les grandes
zones stratégiques de la Saxe-Silésie, la
Hongrie et le Rhin Supérieur. En effet,
un des destins communs de ces grandes
régions européennes historiques était,
depuis la formation des États-nations
modernes au cours du XIXe siècle, le fait
d’avoir changé – parfois à plusieurs
reprises – d’appartenance et d’identité
nationales, et cela toujours sous l’influence directe de la politique d’expansion du monde germanique d’une part,
qu’elle fût wilhelminienne, austro-hongroise, weimarienne ou hitlérienne, et
d’autre part sous l’influence soviétique.
Depuis plusieurs années nous assistons en France à un regain d’intérêt
pour les cités-jardins. Leur bonne réception est-elle en rapport avec leur
meilleure résistance à l’obsolescence et
à la dislocation de nos banlieues en
crise d’identité ? Sans doute, mais cela
n’explique pas tout. Il s’y ajoute la beauté de leur paysage, le pittoresque, le gardenesque, l’architecture régionaliste,
l’ordre urbanistique : éléments esthétiques-écologiques qui gardent leur
dignité, même dans le cas d’une désuétude évidente due à leur âge, à leur
origine économique ou à leur manque
d’entretien. Il y a sans doute aussi les
Revue des Sciences Sociales, 2001, n° 28, nouve@ux mondes ?
pratiques associatives et communautaires qui s’y sont développées et qui y
perdurent plus facilement que dans
d’autres formes de banlieue et d’une
protection architecturale, comme c’est
le cas des quatre cités-jardins que notre
équipe a étudiées.
Mais une partie substantielle du succès actuel des cités-jardins vient incontestablement du fait que dans les
milieux intellectuels, techniciens et universitaires, elles sont de plus en plus
regardées, perçues et imaginées comme
des utopies urbaines de la modernité
tardive, ou de la postmodernité. Ne sontelles pas conçues et réalisées par une
démarche de reconstruction utopique ?
Ne sont-elles pas le résultat d’expériences de pensée, d’anticipations professionnelles des possibles programmables ? Ne sont-elles pas ces « espaces
réussis » d’une utopie concrète, concept
de sociologie urbaine élaboré par les
sociologues Henri Lefebvre et Henri
Raymond, ou d’une utopie réaliste,
notion sociologique proposée par RogerHenri Guerrand, où la dimension esthétique et culturelle cohabite harmonieusement avec la dimension sociale du
projet urbain ? Ne sont-elles pas aussi
ces utopies expérimentales des projets
urbains où la démarche utopique a été
« à considérer expérimentalement, en
étudiant sur le terrain ses implications
et ses conséquences » ? 11
En ce sens les cités-jardins sont bien
des utopies puisqu’elles n’ont jamais pu
viser que le singulier, l’unicité du projet,
parce que la société et les pouvoirs ne
pouvaient ou ne voulaient pas reprendre
ces projets urbains, en les rendant globaux ou réalisables à grande échelle. En
tous cas, elles nous rappellent cette
phrase d’André Gide : « C’est par la
porte étroite de l’utopie qu’on entre
dans la réalité bienfaisante ».
Les villes idéales :
l’exemple de la Saline
d’Arc-et-Senans
■
On peut se demander si les villes
idéales, inventions typiques de l’Occident, peuvent être intégralement
inclues dans le champ utopique. La tradition de sociologie urbaine les considère comme des projets urbains
imaginés, parfois réalisés, qui peuvent
appartenir au champ utopique, non pas
Des villes utopiques aux villes idéales
Plan général de la Saline de Chaux, Arc-et-Senans, Nicolas Ledoux
en tant que catégories, mais plutôt en
tant que formes et modèles fonctionnels
et symboliques nouveaux. En effet, en
tant que villes de projet, produits de
l’expérience de pensée et – plus rarement – de l’expérience pratiquée, anticipations urbaines des possibles, fondées sur l’idée de l’harmonie, de
l’abstraction géométrique (symbole du
cosmos et de la science), les villes
idéales sont très proches des cités
idéales utopiques. Mais pour l’utopie
classique, la ville utopique est l’espace
matérialisé de la société harmonique
dans son urbanisme et son architecture,
conçue essentiellement pour que la vie
des Utopiens y retrouve la forme adéquate de leur vie communautaire.
Les villes idéales sont des projets
urbains répondant essentiellement à
une finalité (pratique) immédiate, sans la
nécessité de critique sociale, la remise
en cause ou la transformation de l’ordre
établi. Cet aspect rapproche la ville
idéale de l’idéologie et de la politique
(Prince, pouvoir républicain, pouvoir
spirituel ou temporel). Sans résoudre ce
paradigme, nous considérons que les
cités idéales ont contribué à renouer, au
cours des différentes époques y compris
la nôtre, à la valorisation de l’utopie.
Cependant nous n’incluons pas en sociologie les villes idéales dans le champ des
cités utopiques des philosophes de l’Antiquité, ni dans celui des socialistes
utopiques du XIXe siècle.
Au cours du XVIIIe siècle, dans la
France des Lumières passée en tête dans
le domaine des théories urbaines et architecturales, émerge une nouvelle pensée
sur la ville idéale qui devient de plus en
plus réalisable, en tant qu’expérience
unique et significative. Sa raison d’être et
son renouvellement viennent de sa position de confluence et de sa capacité de
répondre à la fois à la volonté du
monarque absolu et à la bourgeoisie
urbaine émergente dans leur effort de
créer des villes nouvelles de prestige et
de pouvoir. La Saline Royale d’Arc-et-
Senans en Franche-Comté, commandée
par Louis XV et construite selon les plans
de l’architecte de génie, Claude-Nicolas
Ledoux (1736-1806), est un exemple
important de ville idéale, qui annonce
déjà la modernité. A ce sujet, nous avons
été très intéressé de participer, dans le
cadre des recherches effectuées dans
notre Laboratoire, aux travaux de préfiguration d’une exposition internationale
intitulée A la recherche de la cité idéale,
organisée par l’Institut Claude-Nicolas
Ledoux, inaugurée le 14 juillet à la Saline
Royale d’Arc-et-Senans.12
Notre participation au groupe de
réflexion de cette même exposition sur la
thématique de la (dernière) salle 12, intitulée Questions d’aujourd’hui. De Chandigarh à Shanghai : L’état de la ville,13 nous
a permis de revoir et de relire par une
mise en scène particulière, non seulement
la ville idéale d’Arc-et-Senans, mais aussi
Chandigarh, la capitale du Penjab, ville
nouvelle commandée en 1951 par Nehru,
Premier ministre de l’Inde, imaginée et
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dessinée par Le Corbusier (1887-1965)
grand architecte visionnaire français et
son équipe. Chandigarh est en effet une
des villes idéales contemporaines du XXe
siècle. Sans le faire exprès, nous avons été
favorisé dans ce choix par le fait que les
architectes qui ont imaginé ces deux
villes idéales nées à deux cents ans de distance, à savoir la Saline Royale d’Arc-etSenans et Chandigarh, ont été mis en
parallèle et étudiés comme les grandes
figures de la genèse du développement de
l’architecture autonome, par l’historien
de l’art autrichien, Émile Kaufmann.14
Nommé entre 1771 et 1793 inspecteur des Salines d’État en Franche
Comté, protégé de la favorite de
Louis XV, Madame du Barry, Ledoux
devait faire les projets d’une ville-manufacture ex nihilo pour le traitement du
sel, denrée précieuse, stratégique
même, entrant sous la protection de
l’armée. La version définitive construite de cette Saline royale – partiellement
réalisée et actuellement classée au
patrimoine mondial de l’UNESCO – est
déjà en soi une ville idéale réalisée,
avec une qualité architecturale et historique rare. Mais Ledoux travaillait
parallèlement sur un projet de ville
idéale complète, appelée la Ville de
Chaux, qui devait être le couronnement
de ses idées et de ses théories révolutionnaires et fortement utopiques sur la
ville à venir. Son ouvrage majeur, L’Architecture…15 donne des descriptions
détaillées et des documents iconographiques saisissantes sur ce projet. La
reconstruction utopique narrative se
livre parfois sur cette ville idéale
à « une effusion poétique des sentiments d’une âme meurtrie. »16 Nous
pensons que cette phrase étonnante de
Ledoux peut être sa profession de foi
pour sa ville idéale : « Égayons le présent, jetons des fleurs sur l’avenir. »17
Cette présence simultanée du réel et
de l’idéal devait être vécue d’une manière sinon tragique, du moins conflictuelle par Ledoux. Sur le plan de l’organisation formelle, la ville-usine de la
Saline a été exécutée d’une manière
tout à fait remarquable : choix pratique
du site, techniques constructives
modernes, architecture de qualité,
forme elliptique hardie avec la réalisation d’un espace semi-circulaire (symbolisant la marche du soleil) autour de
laquelle sont organisés rationnellement
les édifices et la production du sel : la
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maison du directeur (au centre), les
fabriques, les logements des employés
et des ouvriers, les installations nécessaires aux services et l’entrée principale. Mais sur le plan sociologique, c’est
une ville contrôlée et surveillée où le
pouvoir royal exige des mesures sécuritaires contre le vol du sel, symbolisées
par le gouverneur militaire et les soldats
de garnison, par l’enceinte fortifiée, par
la conception d’une ville assiégée, d’un
espace social surveillé et clos. Cet espace clos projeté et exécuté ne peut pas
être uniquement imputé à l’organisation
du travail lié au sel.
S’il est assez clair que l’imagination
pouvait prendre le pouvoir dans l’architecture et l’urbanisme, il est aussi évident qu’elle était limitée dans l’organisation sociale par la tradition princière
du monarque absolu. Le sociologue
Alain Chenevez, chercheur à l’Institut
Claude-Nicolas Ledoux, s’est récemment interrogé sur ce qu’il a appelé « la
mémoire vide » de la Saline sur le plan
de l’histoire sociale des lieux : « Or, nous
nous demandons dans cet article –
observe-t-il – si le « vide » de « mémoire » et « l’amnésie » de l’histoire sociale et politique criants sur le site d’Arcet-Senans, ne sont pas la condition de
survie de discours définissant le lieu
uniquement sous l’angle de son architecture, du prestige et de l’utopie. »18
N’oublions pas que la cité idéale de
Ledoux était composée de deux projets : le réel (Saline) et l’idéal (la Ville
de Chaux) et ce dernier était imaginé
et décrit par une véritable passion poétique et philosophique, dans la belle
tradition française des Lumières. Et, à
côté de ce qui a été construit, il faut
ajouter ce qui a été rêvé, imaginé et
prévu, en l’absence totale, selon la
démarche utopique, de prise en considération de la faisabilité immédiate,
des contraintes, des institutions et des
organisations présentes lors d’un tel
projet social urbain : jardins ouvriers,
marché, équipements sanitaires, lieux
d’assemblée, palais d’éducation,
théâtre, cimetière, cénobie pour des
familles philosophes, Oïkéma : lieu de
plaisir, et tout cela noyé dans la forêt
de Chaux, d’où le nom même de la ville
idéale. Là, l’utopie urbaine fonctionnelle et architecturalement parfaite
est dépassée par l’imagination créatrice ; elle devient une utopie sociale.
Chandigarh : une
réalisation de Le
Corbusier
Des villes utopiques aux villes idéales
■
Depuis plusieurs années nous nous
intéressons à l’existence dans l’œuvre
urbanistique riche et variée de Le Corbusier d’une dimension utopique très
forte19. Il a imaginé Chandigarh dans la
période de sa vie que ses biographes
appellent celle de la reconnaissance
internationale, qui va de 1945 à sa mort
en 1965. Nous insisterons ici sur deux
aspects sociologiques qui nous paraissent importants pour la connivence de
l’architecte avec l’utopie. Premièrement, la démarche utopique touche l’ensemble de l’œuvre corbusienne et à
chaque période de sa vie correspondent
une approche et un esprit d’utopie
appropriés. Elle s’organise toujours
autour d’une matrice mémorielle, où
l’existence d’une dynamique historique
et sociale est consciente ; mais c’est le
présent qui guide l’imagination. La force
principale de l’utopie est dans la forme
littéraire narrative présente dans ses
écrits. Deuxièmement, Chandigarh se
situe dans la période de l’expérience
pratiquée des réalisations des cinq unités d’habitation qui sont les formes de
villes idéales à l’échelle des quartiers et
des unités de voisinage et de vie sociale résidentielle. Il ne lui restait plus qu’à
obtenir une commande pour passer à
l’échelle supérieure, celle de la ville
idéale.
Les fondements épistémologiques et
théoriques d’une ville de pensée étaient
déjà jetés dans son ouvrage La Ville
radieuse, élaborés entre 1930 et 1935.20
La commande de Nehru a permis à Le
Corbusier d’imaginer l’une des villes
idéales les plus étonnantes réalisées au
XXe siècle. Conçu comme un objet fini 21,
une ville nouvelle pour 500.000 habitants en deux étapes, sans banlieue - et
assurant la fonction de capitale de la
partie indienne de l’Etat du Penjab Chandigarh est une ville nouvelle fondée sur deux idéaux utopistes : l’un
émanait de l’autorité, du commanditaire, l’autre venait du concepteur. Le président Nehru n’a-t-il pas voulu ériger
Chandigarh en un modèle urbain de
son pays en voie de développement et
de son peuple multi-ethnique pour
dépasser l’état précaire des pays du
Tiers-Monde ? : « Qu’elle soit une ville
nouvelle, symbole de la liberté de l’Inde, désentravée des traditions du passé
… une expression de la confiance de la
nation dans le futur. »22. Le Corbusier ne
voulait-il pas appliquer ses idées utopiques rédigées sur la Ville radieuse,
ville idéale verte dont les idéaltypes
qu’il convenait de transformer étaient
jusqu’alors Moscou et Paris, grandes
métropoles non fondées ?
Chandigarh est la ville idéale verte,
où les principes de la ville radieuse et
des unités d’habitation sont adaptées
aux aspirations et aux exigences du
pouvoir indien de créer non pas une
capitale politique des possibles, mais
celle d’une ville nouvelle programmable et réalisable. En effet, le programme d’origine a été élaboré, avant
la venue de Le Corbusier, par les hauts
fonctionnaires indiens sortis d’Oxford.
Le Plan Directeur23, élaboré à Paris,
devait tenir compte de cette réalité. Le
Corbusier a fait lui-même le projet du
Capitole, siège du Gouvernement.24 Le
Plan Directeur comprenait une grille
complète de voies de 800 m x 400 m,
délimitant des secteurs, formes nouvelles de quartiers nouveaux. Deux
réseaux traversent la ville : la circulation en est-ouest qui se faufile entre les
secteurs et la circulation piétonne
nord-sud qui est intégrée dans la coulée
de verdure et traverse les secteurs sans
rencontrer le trafic mécanique. Trois
quarts de la trentaine de secteurs sont
résidentiels, contenant 10 à 30.000
habitants.
Chandigarh compte actuellement
500.000 habitants et avec les villes satellites (non prévues) qui l’entourent,
constitue une agglomération d’un million d’habitants. Comble du destin,
Chandigarh est une capitale dépossédée
de son État, à cause d’une nouvelle scission du Penjab en deux pour des raisons
politiques. « Néanmoins, observe J.Rizzotti, 50 ans après sa création, et malgré
tous les problèmes récurrents de l’Inde,
Chandigarh reste la ville qui fonctionne
le mieux dans le subcontinent, avec des
degrés à respecter, un patrimoine
moderne à défendre, une réalité sociale bien lisible. »25
Le projet utopique de Le Corbusier,
tel qu’il se déploie dans la ville idéale
de Chandigarh, met en avant deux
expressions de sa dimension utopique :
construire un monde meilleur fondé sur
le bonheur et promouvoir un progrès
scientifique et artistique conduisant la
communauté urbaine vers une plus
grande harmonie sociale. En réinventant un nouveau rapport avec la nature
– reprenant ici une idée utopienne de
Ledoux, à laquelle il assure ainsi une
continuité – sa ville idéale devient une
ressource, comme un lieu majeur possible de la réalisation d’un nouveau rapport homme-nature. En réalisant à
Chandigarh plusieurs éléments architecturaux et sociaux d’une ville citoyenne adaptée aux besoins d’une société
émergente, Le Corbusier a réhabilité
aussi la politique, en lui attribuant,
certes avec beaucoup d’idéalisme, la
capacité de créer une ville contemporaine à l’échelle humaine, en mettant en
place – sans pouvoir faire le reste – des
formes et des conditions urbaines
sociales réelles.
Les penseurs et les créateurs des
cités-jardins et des villes idéales de la
modernité sont assurément de grands
bâtisseurs de la ville et de la société
urbaine contemporaine. Continuateurs
de l’utopie expérimentale et professionnelle de la ville, qu’il s’agisse de
l’expérience pratiquée ou de l’expérience de pensée, s’ils ont rêvé d’une
ville de l’Esprit, ils étaient aussi partants
pour construire des cités-jardins et des
villes idéales pour leur commanditaire.
L’immense majorité d’entre eux avait le
courage et la sagesse de refuser les utopies pratiquées d’un monde à l’envers
du type mystico-religieux ou totalitaire.
Leur pensée et leurs actions montrent
néanmoins les limites de la démarche
utopiste, puisque aussi bien les projets
que les programmes des créateurs ont
sous-tendu un projet urbain et un projet
social où une élite d’artistes, de scientifiques, de propagateurs ou de techniciens a prétendu pouvoir élaborer pour
l’Autorité les cadres spatiaux et sociaux
d’une cité idéale harmonieuse, belle et
parfaite. Défricheurs et innovateurs
infatigables, ils nous rappellent cette
phrase énigmatique du poète allemand
Hölderlin : « Nous ne sommes rien. Tout
est dans ce que nous faisons. »
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Notes
■
« Utopie et sciences sociales ».
Colloque international organisé par
l’Ecole Doctorale : langage, espace,
temps, Faculté des Lettres et
Sciences Humaines de l’Université
de Franche-Comté, et le Laboratoire
de Sociologie et d’Anthropologie
(LASA-UFC), 22-23 mars 1997. Voir
aussi la publication des Actes :
B PEQUIGNOT (Dir.), Utopies et
sciences sociales, L’Harmattan, Paris,
1998. Coll. Logiques sociales, 354 p.
2. Les cités-jardins du Mitteleuropa,
Appel d’offres, recherche du PIRVilles, CNRS, terminée en 1998.
Responsable scientifique : S. Jonas ;
autres membres de l’équipe : M.N.
Denis, F. Weidmann, L. Bonnord
(Strasbourg) ; A. Mariotte (Dresde) ;
W. Kononowicz (Wroclaw) ; G. Nagy,
K. Szelényi, J. Vadas (Budapest).
Voir aussi l’ouvrage S. Jonas, G.
Nagy, K. Szelényi (Dir.), Les cités-jardins du Mitteleuropa ; étude de cas de
Strasbourg, Dresde, Wroclaw et
Budapest, Hungarian Pictures,
Budapest (la sortie du livre est prévue pour le printemps 2001).
3 A la recherche de la cité idéale.
Exposition organisée par l’Institut
Claude-Nicolas Ledoux avec la participation du Ministère de la
Culture et de nombreuses institutions et associations. Voir notamment la Salle 12 – Questions d’aujourd’hui.
De
Chandigarh
à
Shanghai : L’état de la ville ; responsable : J. Rizzotti, architecte ; autres
membres de l’équipe : C. Bourgeois,
photographe, S. Jonas, sociologue,
R. Kleinschmager, géographe, D.
Payot, philosophe.
4. J. Duvignaud, Chebika. Etude sociologique, Paris, Gallimard, 1968.
5 H. Desroche, « Utopie et utopies », in
Encyclopaedia Universalis, pp. 264-269 ;
Th. Kuhn, « La fonction des expériences par la pensée » in La tension
essentielle, Tradition et changement dans
les sciences, Gallimard, Paris, 1990.
6. G. Fontenis, L’autre communisme ;
histoire subversive du mouvement
libertaire, Acratie, 1990.
7 F. Godez, « L’utopie comme méthode : ou la reconstruction utopique
comme expérience « narrative » de
pensée », in B. Pequignot (Dir.),
Utopie et sciences sociales, op. cit.,
pp. 193-201.
8 A. L. Morton, L’utopie anglaise,
Maspero, Paris, 1964, p. 9.
1.
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12
13
G. Benoît-Lévy, La Cité-Jardin,
Editions Henri Jouve, Paris, 1904.
Préface de Charles Gide. H. Kampffmeyer, Die Gartenstadtbewegung,
Verlag von B. G. Teubner, Berlin,
1913 (2e édition) ; « Le mouvement
en faveur des cités-jardins en
Allemagne », in revue Vie Urbaine,
Paris-Sorbonne, n° 28, 1925 ;
P. Behrens, «Die Gartenstadtbewegung» in revue Gartenstadt, 4.
Heft, 2. Jahrgang, 1908.
L’une de nos hypothèses de départ
au sujet de l’existence ou non d’un
modèle de cité-jardin du Mitteleuropa, s’est imposée à nous à cause
du rôle de pionnier qu’a joué
l’Allemagne unifiée dans l’innovation et la diffusion des cités-jardins
sur le continent. Nous sommes ici
bien sûr en présence du grand
mythe fondateur paradigmatique
de la mission historique civilisatrice
germanique depuis l’existence du
Saint Empire Romain Germanique.
Mais de nombreux chercheurs des
nouveaux pays démocratiques ne
sont pas satisfaits de l’appellation
nouvelle proposée par la diplomatie
occidentale, à savoir « L’Europe
Centrale et Orientale », et ils observent que l’Europe Centrale commence déjà sur le versant est des
Vosges en France et l’Europe
Orientale va jusqu’au piémont de
l’Oural.
H. Lefebvre, Droit à la ville, T. I.
Anthropos, Paris, 1968, p. 122 ; H.
Raymond, L’architecture, les aventures spatiales de la raison, CCI –
Centre Pompidou, Paris, 1984.
L’exposition A la recherche de la cité
idéale a été conçue et réalisée par
l’Institut Claude-Nicolas Ledoux
d’Arc-et-Senans, présidé par Serge
Antoine, avec la participation
notamment de la Mission 2000 en
France, du Ministère de la Culture
et de la Confédération Suisse.
Salle 12 – Questions d’aujourd’hui.
De Chandigarh à Shanghai : l’état de
la ville, Concepteur et responsable :
Jacques
Rizzotti,
architecte,
Professeur à l’École d’Architecture
de Strasbourg ; autres membres de
l’équipe de réflexion : Christophe
Bourgeois, photographe, S. Jonas,
sociologue, R. Kleinschmager,
géographe, D. Payot, philosophe.
Les titres des 11 autres salles
sont les suivants : 1 – Scènes des
villes rêvées ; 2 – Visions et volontés ; 3 – Leçons de Ledoux ;
4 – L’architecture de la cité idéale ;
5 – Rêves d’ingénieurs ; 6 – Vivre et
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Revue des Sciences Sociales, 2001, n° 28, nouve@ux mondes
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25
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travailler ensemble ; 7 – Les portraits ; 8 – La grande horloge du
monde ; 9 – Villes et réseaux –
Réseaux et villes ; 10 – Les cités en
bandes dessinées ; 11 – Les cités des
animaux. (Voir aussi : Guide d’exposition).
E. Kaufmann, De Ledoux à Le
Corbusier ; origine et développement
de l’architecture autonome, Éd. Livre
et Communication, Paris, 1990. La
première édition autrichienne date
de 1933.
C. N. Ledoux , L’architecture considérée sous le rapport de l’art, des mœurs
et de la législation, Paris, 1804.
Cité par Kaufmann, op.cit., p. 30.
Idem, p. 31.
A. Chenevez, « Saline d’Arc-etSenans : utopie et mémoire vide »,
in B. Pequignot, (Dir.), Utopies et
sciences sociales, op. cit., p. 55.
S. Jonas, « Le Corbusier, théoricien
de l’urbanisme et penseur de la
sociologie des villes » in F. Bradfer
(Dir.) Le Corbusier, la modernité et
après…, Ed. CIAO, Louvain-laNeuve, 1988, pp. 139-146 ; « La
dimension utopique dans l’œuvre
urbanistique de Le Corbusier », in
B. PEQUIGNOT (Dir.), Utopies…, op.
cit., pp. 111-126.
Le Corbusier, La Ville radieuse, Paris,
1935.
M. Parent, « Discours de clôture »
in P.G. GEROSA, S. JONAS (Dir.), Le
Corbusier, Europe et Modernité,
Editions Corvina, Budapest, 1991,
pp. 244-249. (Actes du colloque
international, Conseil de l’Europe,
1987.)
Cité par J. Rizzotti in Petit Guide de
l’exposition A la recherche de la cité
idéale, p. 76.
Les éléments principaux du Plan
Directeur sont les suivants :
1 – Capitole ; 2 – Centre commercial ; 3 – hôtels, restaurants ;
4 – musée, stade ; 5 – Université ;
6- marché ; 7 – bandes de verdure
dans les secteurs ; 8 – la rue marchande ; 9 – la vallée des loisirs ;
10 – industrie et gares (voir aussi le
plan).
Le Capitole se compose ainsi : Le
Parlement ; le Secrétariat ; le Palais
du Gouverneur ; le Palais de
Justice ; la Tour des Ombres et la
Fosse des Considérations ; le
Monument des Martyrs ; le
Monument de la Main Ouverte ; le
Club ; le lac artificiel.
J. Rizzotti, in Petit Guide de l’exposition, op. cit., p. 76.
Utopie et cités-jardins
L’exemple de la colonie
Wekerle à Budapest(Hongrie)
es idées utopiques ont rarement
été mises en pratique dans le
domaine de l’architecture. L’univers de la théorie architecturale est issu
des descriptions données pour contribuer à la pratique de l’architecture ordinaire par un système de règles favorisant des formes sensées parfaites et
des constructions utilitaires. Les systèmes de proportion, les exigences
constructives et les guides pratiques
ont déjà été produits - et ce n’est pas un
hasard - dans l’architecture antique.
Les principes directeurs qui sous-tendaient ces acquis étaient la beauté inaccessible et l’utilité (fonction, stabilité,
emploi, etc.). Naturellement, les explications, notées en marge des indications pratiques, devaient éclairer les
concepts abstraits tels que la beauté
définie par le goût de l’époque. A cause
de la fixation des systèmes des ordres,
liés au style, au moment des changements des possibilités architecturales
d’une époque donnée (formation de
nouveaux styles architecturaux), il était
naturel que les conditions des systèmes
de représentations possibles justifiant
la beauté, saisis seulement grâce à la
mathématique, dussent aussi changer
en fonction de la dépendance du lieu
géographique, de la conception, et des
possibilités locales.
Les cultures architecturales nouvelles, les modes d’une époque, les technologies nouvelles, les possibilités de
transformation du matériau ont ouvert
de nouvelles perspectives à l’architecture. Rappelons-nous ici les transformations considérables de l’ordre fonctionnel des bâtiments bien construits,
L
GERGELY NAGY
Architecte
Université Technique de Budapest
sous l’effet et l’influence de la logique
de l’ordre dorique. Elles ont permis
l’introduction des autres ordres architecturaux et d’autres proportions. Les
principes de composition et les points
de vue également rédigés ont toujours
visé la perfection. Les lois statiques terrestres ont fait naître à chaque époque
des systèmes qui avaient leurs principes propres, les structures parfaites
qui leur correspondaient. Le principe
(l’effort) précédait considérablement
les possibilités réelles, mais à l’apogée
d’une époque donnée les principes pouvaient être en parfaite harmonie avec
les lois de la nature terrestre.
L’exigence de composition de l’espace issue de l’esprit du temps et les
styles architecturaux consécutifs pouvaient ainsi se servir réciproquement.
La tendance à la perfection représentait l’esprit du temps. L’interprétation de l’univers terrestre de l’homme,
le rapport humain transcendantal,
dicté par l’époque, ne pouvait s’exprimer de façon plus démonstrative que
dans l’architecture. A côté de l’univers
des formes - né pour accentuer l’élément spatial et sa délimitation - c’est
la conception de l’espace qui possède
le plus grand nombre de caractéristiques. Très tôt, dans l’Antiquité, surtout à l’époque romaine, les exigences
ont été résumées d’une manière très
synthétique. Les contraintes, les régularités ont défini les principes de
construction et d’architecture. Ce
n’est pas par hasard que l’ordre de l’interprétation du monde architectural a
opéré un retournement à l’époque de la
Renaissance.
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