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Par ailleurs, si la famille a amplifié sa fonction de soutien dans la prise en charge de l’allongement de la
jeunesse, il en résulte désormais une période de dépendance financière prolongée pour beaucoup de
jeunes ; en outre une fraction d’entre eux est exposée à des risques forts de marginalisation liés tout à la
fois à des déficits de socialisation, au développement de l’exclusion professionnelle et à la résurgence de
la pauvreté qui ont marqué les vingt-cinq dernières années. Les constats que l’on peut faire aujourd’hui
concernant la situation des jeunes portent fortement la marque d’une période dont nous commençons à
sortir.
Mais ces évolutions reflètent largement les mouvements de grande ampleur que connaît notre société. La
simultanéité de ces évolutions contradictoires rend difficile la compréhension des mutations pour ceux
qui les vivent. L’absence d'une représentation partagée de l'avenir aggrave les incertitudes des individus
et accroît les incompréhensions et les conflits entre les institutions publiques et les jeunes.
Si le passage à l’âge adulte s’effectue sur de nouveaux registres, c’est bien parce que les cadres sociaux
qui l’organisaient sont dans une période de forte recomposition. La famille, l’école, l’entreprise, les
institutions sont à des degrés divers affectées de transformations profondes. L’organisation ternaire du
cycle de vie - jeunesse, âge adulte, vieillesse - est elle-même remise en cause.
Loin de démontrer l’existence d’un problème "jeune", les transformations de la période de jeunesse
apparaissent à bien des égards comme un effet et un aspect de ces mutations économiques, sociales et
culturelles. L’évolution de la situation des jeunes résulte aussi des choix collectifs qui ont été faits durant
ces vingt-cinq dernières années pour tenter d’orienter ces mouvements et pour en contenir les effets.
2 - Cette période a été notamment caractérisée par une extension et une diversification des interventions
publiques en direction des jeunes, adossées à une double préoccupation : lutter contre le chômage et
contenir le développement de la violence. En 1975, 25 % des 16-25 ans relevaient, à un titre ou à un
autre, d’interventions publiques ; ils sont 75 % à se retrouver aujourd’hui dans cette situation, soit qu’ils
poursuivent leurs études, soit qu’ils relèvent des dispositifs de la politique de l’emploi.
Cette "institutionnalisation" de la période de jeunesse se double d’une "familialisation" progressive de la
prise en charge financière de son allongement. Prolongation de la scolarité et difficulté d’emploi
aboutissent à un renvoi des jeunes à leurs familles que viennent conforter l’exclusion des jeunes du RMI
en 1988, la suppression du versement aux jeunes de l’allocation d’insertion et le durcissement des
conditions d’indemnisation du chômage en 1992. Les dispositions de la loi "famille" adoptée en 1994
viennent en quelque sorte confirmer ce processus de "familialisation" de la jeunesse propre à notre pays,
où être jeune c’est, au-delà de la majorité civile, être un "grand enfant". De plus les jeunes tendent à
devenir une catégorie spécifique de l’action publique, la jeunesse apparaissant de plus en plus comme
synonyme de problèmes à traiter. La politique de la ville, dans ses évolutions, est particulièrement
symptomatique de ce mode de traitement.
A travers ces processus d’institutionnalisation et de familialisation, "l’état de jeunesse" apparaît comme le
produit d’une action publique qui a longtemps tardé à reconnaître la nature et l’ampleur des mutations à
l’œuvre. De ce fait elle a accompagné des choix collectifs qui ont largement fait supporter aux jeunes,
aux "débutants" dans la vie professionnelle et sociale, les conséquences de changements mal maîtrisés.
Focalisées, dans l’urgence et la proximité, sur les difficultés des jeunes (le chômage), ou sur les jeunes en
difficulté (les quartiers), ou encore sur des dangers que les jeunes font courir à la société (la violence), les
interventions publiques conduites en direction de la jeunesse au nom du pragmatisme se sont
multipliées, mais aussi segmentées, perdant leur lisibilité et leur efficacité. Leur finalité éducative s’est
peu à peu effacée derrière les objectifs d’insertion, de prévention, de médiation et de participation.
Il faut attendre le milieu des années 90 pour que l’on commence à analyser les difficultés d’accès à
l’emploi comme étant liées à des arbitrages, en termes d’emploi et de richesse, entre générations et entre
catégories sociales, comme aussi aux transformations du marché du travail. C’est à cette même époque
que l’on reconnaît plus explicitement que les comportements problématiques d’une partie des jeunes -
incivilité, violence, suicide - avaient à voir avec le sort fait à leurs parents et qu’ils renvoyaient aussi au
fonctionnement des institutions. Enfin, c’est aussi à partir du milieu des années 90 que reviennent au
premier plan, à travers une série de rapports officiels, la question des inégalités puis celle des
discriminations.
3 - Le malaise qu’éprouve la société française vis-à-vis des jeunes est réel et profond. Pour le surmonter,
l’enjeu n’est pas tant de prendre en compte, pour l’organiser, l’émergence de ce qui est parfois perçu