AGAP – CNARELA Association pour aider à l’étude et à l’enseignement du grec et du latin dans la région d’Aix-Marseille et en Provence BULLETIN DE JANVIER 2011 Université de Provence – Aix-Marseille I Département des Sciences de l’Antiquité Maison Méditerranéenne des Sciences de l’Homme 5 rue du Château de l’Horloge – 13094 Aix-en-Provence CEDEX 2 http://agap.mmsh.univ-aix.fr ÉDITORIAL Chers collègues, chers agapéens, chers amis, Ce bulletin 2010-2011 arrivera bien tard dans vos boîtes car il a subi de près les vicissitudes de la nouvelle présidente qui a déménagé (certains diront que ce n’est pas seulement géographique !) et de l’ensemble des professeurs de Lettres classiques qui ont encore eu, cette année, à lutter sans relâche pour leur discipline et même, quelquefois, pour leur poste. Nombreux sont ceux qui, parmi nous, doivent gérer les nombreux changements et bouleversements provoqués par les différentes réformes qui pleuvent sur notre profession, aussi bien dans le primaire que le secondaire et l’université. Tout est remis en cause : les formations, les diplômes, les concours, les disciplines mêmes, nos conditions d’exercice enfin qui se trouvent de plus en plus « précarisées », pour utiliser un néologisme à la mode qui nous vient, comme de nombreuses choses ces derniers temps, du monde économique. Et c’est là que le bât blesse : tous les aspects de notre métier sont maintenant soumis à une logique comptable, à une loi du « marché » qui ne tient compte ni des contingences humaines, ni de la morale sociale élaborée, dans notre démocratie, à partir de la réflexion de nos plus anciens philosophes. Nous commençons à découvrir les ravages provoqués par la réforme du collège et l’obligation d’appliquer les réglementations du S3C ou Socle Commun des Connaissances et des Compétences, la mise en place généralisée du Livret de Compétences (ah ! les petites croix dans les petites cases ! quelle avancée technique et intellectuelle !), l’intrusion de sigles barbares dans les cycles scolaires : ASSR, B2i, CESC, HDA* qui perturbent les journées et privent souvent les élèves des cours qui leur seraient, parfois, bien plus profitables. Ces différents « outils » n’auraient pas grande importance (nous avons tous connu des outils semblables qui, eu cours de notre carrière, ont disparu, souvent sans laisser de souvenir impérissable ...) s’ils n’étaient pas la manifestation sans cesse réaffirmée d’une volonté de priver les professeurs et leurs élèves de la liberté d’agir et de penser qui leur est due. Car qu’est-ce que l’ « évaluation par compétence » (j’entends d’ici certains plaisantins dauber sur le terme ...) et le Livret de compétences, sinon des moyens de maintenir les futurs électeurs et consommateurs dans un état de béatitude aveuglée, qui est celui du « ravi » de la crèche ? Pour le lycée, le recul nous manque pour percevoir toutes les conséquences de l’application de la réforme, mais nous sommes nombreux à souffrir, avec nos élèves, d’emplois du temps ineptes, du morcellement et de l’éparpillement des cours. Nos disciplines, comme à l’accoutumée, sont parmi les premières à souffrir des coupes budgétaires, des suppressions de postes et du refus de considérer le savoir comme le noyau vivant de l’enseignement. Ainsi, dans certains établissements, les enseignements d’exploration grignotent sur les heures d’option et ne viennent pas les renforcer dans les cas où l’enseignement d’exploration intitulé « Langues et culture de l’antiquité » est couplé avec l’option de latin ou de grec ; c’est au professeur, encore une fois, de jongler avec les programmes et l’hétérogénéité des élèves rassemblés dans une même classe avec des vœux et des objectifs différents. Encore ce cas 1 n’est-il pas le plus alarmants : de nombreux élèves sont regroupés dans des classes à double niveau (seconde et première, ou, pire, première et terminale) ou n’ont pas un horaire complet pour le cours de latin ou de grec. Ne pensez pas que l’université soit épargnée par cet ouragan de réformes : la récente application de la réforme des concours a des répercussions catastrophiques sur le recrutement des étudiants en master et sur la formation des futurs professeurs du secondaire et du supérieur. Ainsi, la fusion en une seule épreuve des écrits de latin et de grec au CAPES ne va pas œuvrer en faveur de la qualité disciplinaire de nos jeunes collègues qui se trouvent, d’ores et déjà, dans une situation épouvantable avec les réforme, ou plutôt, la suppression des IUFM : certains d’entre eux sont jetés en pâture aux pires classes de nos établissements, sans préparation et sans véritable soutien puisque, dans le même temps, notre administration n’a pas jugé utile de préparer un véritable statut des tuteurs et professeurs conseillers pédagogiques digne de ce nom et du travail que cela représente. Autant qu’il est possible, nous vous tiendrons au courant de tous les développements et informations liés à ces problèmes sans oublier, cependant, les nombreux aspects positifs et agréables, parfois, de notre métier : c’est pour cela que je vous demande à tous de nous faire part de vos expériences, de vos réussites et de celles de vos élèves dans tous les domaines qui intéressent notre discipline ; n’hésitez pas à nous envoyer, par courriel ou courrier, vos productions, personnelles ou collectives, vos projets, vos coups de gueule, aussi, sur tel ou tel événement local ou pus général. En attendant de vous lire, de vous entendre ou de vous rencontrer au cours des assemblées générales, des journées de l’Antiquité, de la remise des prix du rallye, du stage ou d’autres manifestations que nous allons tenter d’organiser avec votre aide et votre participation, je vous souhaite la meilleur des années 2011 possible ! Anne-Marie CHAZAL * Traduction pour ceux qui n’auraient pas encore eu l’occasion de pratiquer le langage « siglesque » (nous pouvons, nous aussi, inventer des néologismes horribles !) : ASSR : Attestation Scolaire de Sécurité Routière B2i : Brevet Informatique et Internet CESC : Comité d’Éducation à la Santé et à la Citoyennenté (excusez du peu !) HDA : Histoire Des Arts 2 HOMMAGES L’année 2010 fut riche en événements les plus divers : des amis, des savants humanistes et dévoués à la cause de l’enseignement des langues et cultures anciennes, nous ont quittés, nous laissant continuer une route qui, sans eux, sera sans doute moins fleurie et moins claire. Nous leur rendons hommage dans ces lignes : elles sont l’expression de l’indéfectible admiration que nous leur portons qui est un gage de leur immortalité spirituelle. HOMMAGE À BERNARD VALETTE Bernard VALETTE nous a quittés le 13 janvier 2010 au terme d’un combat courageux et qui nous semblait pouvoir durer toujours. Pour nous souvenir de lui et de sa faconde, de sa pensée toujours positive et si vivifiante, nous publions un conte que son épouse, Claire VALETTE, a confié à Pascale PEYRONNET : EN HOMMAGE À BERNARD VALETTE MEMBRE FONDATEUR DE THALASSA ET MEMBRE ACTIF DU BUREAU DE LA CNARELA. C’est avec une immense douleur que nous avons appris, le 13 janvier 2010, la disparition de notre ami Bernard Valette. Qui ne connaît pas Bernard ? Qui n’a jamais entendu Bernard ? Nous lui devons nos plus grands fous rires lors des AG et nos plus beaux souvenirs de voyage avec nos élèves et les guides de THALASSA. Sa bonne humeur, ses coups de gueule et ses idées novatrices (notamment la mise à jour du site web de la CNARELA) nous ont permis de braver les embûches semées par les réformes sans pitié. Après avoir pleuré à chaudes larmes comme les jumeaux sous la louve nourricière de l’affiche de la CNARELA, nous saluons l’obstination et le talent que Bernard a mis au service du latin et du grec. Poursuivons de plus belle le combat pour la défense et la mise en valeur des Langues Anciennes ! N’ayant pas pu assister à la remise des prix du rallye 2009, il nous avait adressé une lettre qu’il aurait aimé lire aux lauréats. Nous tenions à vous faire partager cette lettre truculente qui nous rappelle l’humour et l’engagement sans faille de Bernard. Pascale Peyronnet, secrétaire de l’AGAP. 3 C'était il y a très longtemps, très longtemps ...un temps où le savoir et la culture avaient pour origine deux cités, Athènes et Rome ... Rome avait déjà étendu sa domination et fondé en particulier une ville dans un pays appelé la Gaule. Cette ville s'appelait Lutétia, Lutèce ; elle était située sur un fleuve, la Seine, et était déjà célèbre par les encombrements de sa circulation. C'est là que s'étaient posés deux pigeons, Latinus, le mâle, et Ellenika, la femelle. Elle était athénienne, lui romain. Le destin les avait fait se rencontrer alors qu'ils participaient aux Jeux Olympiques des Volatiles, jeux au cours desquels les oiseaux présentent un spectacle : ainsi les cygnes dansent sur un lac, les pies calculent 3,14, quant aux pigeons, ils cherchent La Fontaine afin de pouvoir vivre d'amour et d'eau fraîche. Bref, la ville de Lutèce, où ils avaient trouvé refuge, était, malgré ces encombrements, tellement belle, que certains la nommaient déjà Paris, du nom d'un personnage mythologique grec qui passait pour très beau lui-même et à qui, il y a bien longtemps, on avait demandé de se prononcer sur la beauté de quelques déesses célèbres. A dire vrai, ceux qui trouvaient Lutèce digne de s'appeler Paris avaient un très bon jugement... Et puis un jour, nos deux tourtereaux reçurent une lettre anonyme les dénonçant comme coupables d'étudier des langues bizarres, le grec et le latin, et qui étaient censées être « mortes ». A coup sûr cette dénonciation venait d'un méchant « corbeau » qui ne comprenait rien à la valeur de l'Antiquité classique. Latinus et Ellenika se dirent « partons d'ici car ces oiseaux sont de mauvaise augure ». Ils savaient en effet que dans un lieu appelé «Ministerium Educationis » (que l'on pourrait traduire par « Le lieu où certains responsables font un blocage sur la valeur de l'étude du grec et du latin) », certaines personnes cherchaient à détruire systématiquement toutes les initiatives visant à promouvoir l'enseignement de ces deux langues, partant du principe qu'elles étaient mortes, et bien mortes ; bref, ces personnes étaient de vrais « vautours », toujours prêtes à fondre sur leurs proies éducatives et à prendre en grippe tous ceux qui souhaitaient que l'étude des Langues Anciennes perdure . Latinus et Ellenika en conclurent : « Partons de cette ville car, le moins qu'on puisse dire, c'est que certains responsables éducatifs ne sont pas des aigles ! » Ils prirent donc leur envol.... Après de longues heures, ils passèrent au-dessus d'une montagne très bizarre : elle ne ressemblait pas aux autres, elle n'avait pas véritable sommet, elle était creusée en son centre et le sommet était en fait représenté par une sorte de couronne. Ils descendirent pour voir de plus près cette bizarrerie de la nature et se posèrent enfin sur cette montagne qui les intriguait tant. Un homme gardait un troupeau ; ils lui demandèrent comment s'appelait cette montagne si étrange ; il leur répondit : « Le Puy de Dôme » Latinus et Ellenika s'esclaffèrent : « Ils sont fous, les gens d'ici ! Une montagne qui porte le nom d'un Puy et d'un Dôme ; ils ne savent pas ce qu'ils veulent. Mais des gens qui nomment ainsi une montagne ne peuvent être totalement mauvais ». Ils découvrirent alors qu'à quelque distance de cette montagne, se trouvait une ville, perchée sur une butte ; ils s'y rendirent et questionnèrent le premier habitant qu'ils rencontrèrent. « Quel est ton nom, bel habitant ? Je me nomme Vercingétorix, répondit l'autre ». « Où sommes-nous ? demandèrent les deux pigeons ». « À Gergovie, la capitale de cette contrée, et notre roi s'appelle Arvernus. Il est très ouvert à toutes les cultures » « Alors, dit Latinus, s'il n'est pas sectaire, peut-être est-il possible ici d'étudier le grec et le latin ? » « Bien sûr, répondit Vercingétorix ; nous avons dans notre ville un groupe très dynamique, l’ARELACLERA qui a pour devise en grec « Diavazo, etsi petao », ce qui veut dire en langage de notre région « Je lis, donc je vole ». Vous voyez que cette devise vous convient parfaitement ! » Avant de quitter leur interlocuteur, ils remarquèrent que celui-ci tenait dans sa main un ouvrage bizarre, la Guerre des Gaules. Ils lui 4 demandèrent quel était le thème de cet ouvrage. Vercingétorix changea alors de couleur et s'écria : « C'est l'histoire d'un mec, César, qui raconte qu'un jour il viendra dans notre pays pour mater une révolte .... Mais ce jour-là, je serai présent et rira bien qui rira le dernier ». Ellenika et Latinus, en parcourant cette ville de Gergovie, croisèrent une mouette, ce qui les intrigua, puis une cigogne : « Que fais-tu là, bel oiseau ? » « Je viens des froides contrées retrouver la chaleur d'un accueil sympathique ». Ils parvinrent enfin à une grande maison dans laquelle se trouvaient des adolescents et des adultes ; une plaque était fixée à l'entrée : ARELACLERA « Nous y voilà » s'extasièrent les deux pigeons ; enfermé dans une cage dont la forme évoquait un temple, un perroquet répétait sans cesse : « Langues Anciennes, langues pas mortes ». Dans la demeure, les adultes expliquaient aux enfants que lorsque l'on donne quelque chose, c'est un « datif», que lorsqu'on critique quelqu'un, c'est un « accusatif», que lorsqu'on pratique une opération chirurgicale, c'est un « ablatif» et que lorsque l'opération est importante, c'est un « ablatif absolu ». Cela leur sembla étrange, mais à coup sûr, ces élèves et leurs professeurs parlaient les mêmes langues qu'eux, même si subsistaient quelques différences d'interprétation ! Ils remarquèrent aussi un petit défaut de langue chez les élèves ; ceux-ci ne disaient pas « à mi-chemin », mais « à MICHELIN ». Nos deux pigeons trouvèrent ces élèves particulièrement gonflés. Ils demandèrent aux enseignants comment ils procédaient pour motiver les élèves ; ceux-ci leur répondirent : « Les Langues que certains nomment mortes, nous les nommons « anciennes » ; elles sont pour nous la jeunesse de la pensée ... et puis nous organisons des voyages vers les pays et les lieux qui représentent une des sources de la culture classique ; nous partons dans de grands chars pouvant contenir une quarantaine de personnes ; sur les chars se trouve inscrit une sorte de slogan : « Connaître d'où l'on vient, c'est savoir où l'on va ». C'est une formule un peu bizarre d'un druide du Sud de la France, Bernardus Valettus, qui s'occupe de nous organiser certains de nos voyages à travers une association, Thalassa, ce qui veut dire, en grec, la mer, enfin, la mer que connaissaient les Grecs et à chaque voyage, il nous demande de ramener une mouette, ce qui explique que vous rencontriez dans notre bonne cité de Gergovie de tels oiseaux ;ils nous rappellent ainsi tous les jours ces contrées, proches de la mer, auprès desquelles nous allons nous resourcer .... Mais avec lui on peut s'attendre à tout ! Ce slogan, il l'aurait utilisé pour la première fois lors d'un banquet de la CNARELA, une sorte de confédération de tous les partisans des Langues Anciennes. Mais ici nous avons aussi un autre slogan, lié aux caractéristiques de notre région ; dans les environs de Gergovie se trouve une source dont l'eau possède des vertus magiques : celui qui en boit en lisant des textes antiques a le sentiment de voler de savoir en savoir et d'être ainsi victorieux de l'ignorance ; cette source, nous l'avons donc appelée Volvic parce que son étymologie vient de « voler » et de « victoire »... Donc les langues anciennes, cela coule de source »... Latinus et Ellenika furent favorablement étonnés de la capacité imaginative des habitants de la région. Ils vécurent à Gergovie des jours heureux, et puis une nuit, la ville fut saisie de panique ; les habitants courraient en tous sens ; ils furent réveillés par une personne qu'ils avaient rencontrée à l'ARELACLERA, Michaelus Chastanus, qui élevait des oies dans son « insula » et qui leur cria : « Partez sans attendre ,mes oies viennent de m'avertir qu' une armée de barbares s'approche de Gergovie ; ils veulent détruire notre ville ; sur leurs bannières sont inscrits les mots « Rentabilité immédiate , mort aux Langues Anciennes, Sections à supprimer, Dotation Globale Horaire ». Ils veulent brûler tous les livres ayant trait au grec et au latin ». Ellenika et Latinus suivirent tous les habitants et se retrouvèrent au sommet du Puy de Dôme. Là, les membres de l’Arelaclera tinrent un discours à la foule rassemblée : « Si on doit un jour nous priver de toute notre culture classique, nous devons apprendre par cœur tous les livres que nous avons emportés ; ainsi nul ne pourra plus jamais nous priver d'une partie de nos 5 racines ». La foule applaudit et commença à réciter tous les textes qu'ils avaient pu soustraire à la folie des barbares... La voix de cette foule se diffusa alentours, jusqu' à Gergovie. Un miracle se produisit alors : les barbares, pris de panique, s'enfuirent. Le lendemain matin, tout était redevenu calme ; le peuple de Gergovie, dans la lueur de l'aube, vit alors une étoile audessus du Puy de Dôme qui leur disait : « je suis la vérité de la Culture, je suis la permanence de notre civilisation; je suis la protection des Langues Anciennes ; rien ne pourra me faire disparaître ; certains essaieront, mais ils n'y parviendront pas .... Un jour, tous les amoureux des Langues Anciennes se retrouveront dans une nouvelle ville que vous allez bâtir dans la plaine, près de Gergovie, et dans cette ville brilleront et vivront à jamais l'espérance » Latinus et Ellenika eurent alors l'assurance que cette région, dans les années futures, serait « élue » des dieux de l'Antiquité. Ils suivirent l'étoile et s'envolèrent loin, loin, loin.... 6 HOMMAGE AU PROFESSEUR ALAIN MOREAU Nous tenons à rappeler ici le souvenir du professeur Alain MOREAU qui a rejoint en 2010 les rives des mythes qu’il a étudiés et interrogés toute sa vie. Professeur de grec ancien à l’Université Paul-Valéry de Montpellier, de 1973 à 2000, il était, en effet, un spécialiste de la mythologie et de la tragédie grecques. Longtemps directeur du SEMA, le Séminaire d’Études sur les Mentalités Antiques et du GITA, Groupe interdisciplinaire du théâtre antique, il a organisé dans le cadre du SEMA trois colloques internationaux qui se sont tenus à Montpellier, et dont les Actes ont été publiés par le Service des Publications de l’Université Paul Valéry. Nous tenons aussi à rappeler qu’Alain MOREAU fut le rédacteur en chef de Λὐχνος, la revue de Connaissance Hellénique dans les années 1990. Pour lui rendre hommage et lui donner toute la place que mérite son œuvre, nous vous indiquons ici une bibliographie de ses principales productions dont certains titres éveilleront sans doute la nostalgie de quelques-uns et quelques-unes : La fabrique des mythes. Paris : Les Belles Lettres, 2006 Eschyle : la violence et le chaos. Paris : Les Belles Lettres, 1985 Mythes grecs I : Origines . Montpellier : Service des Publications de l’Université Paul Valéry Montpellier III, 1999 Mythes grecs II : L’initiation . Montpellier : Service des Publications de l’Université Paul Valéry - Montpellier III, 2004 Le Mythe de Jason et Médée. Le Va-nu-pied et la Sorcière. Paris : Les Belles Lettres, collection « Vérité des mythes », 1994 La magie. Études rassemblées par Alain Moreau et Jean-Claude Turpin. Actes du colloque international de Montpellier, 25-27 mars 1999 organisé par le Séminaire d’Étude des Mentalités Antiques (SEMA) et le Centre d’Études et de Recherches sur les Civilisations Antiques de la Méditerranée (CERCAM), Montpellier : Publications de l’Université Paul Valéry, 2000, 4 tomes. Tome 1. Du monde babylonien au monde hellénistique Tome 2. La magie dans l’antiquité grecque tardive. Les mythes. Tome 3. Du monde latin au monde contemporain. Tome 4. Bibliographie. Les astres. Études rassemblées par Béatrice Bakhouche, Alain Moreau et Jean-Claude Turpin. Actes du Colloque international de Montpellier (23-25 mars 1995), Publications de la Recherche, Université Paul Valéry - Montpellier III, 1996. Tome I : Les astres et les mythes. La description du ciel. Tome II : Les correspondances entre le ciel, la Terre et l’homme. Les « survivances » de l’astrologie antique. L’initiation. Tome I : Les rites d’adolescence et les mystères. Actes du colloque international de Montpellier 11-14 avril 1991. Études rassemblées par Alain Moreau, Montpellier : Publications de l’Université Paul Valéry - Montpellier III, 1992 L’initiation. Tome II : L’acquisition d’un savoir ou d’un pouvoir. Le lieu initiatique. Parodies et perspectives. Actes du colloque international de Montpellier 11-14 avril 1991 7 Études rassemblées par Alain Moreau, Montpellier : Publications de l’Université Paul Valéry - Montpellier III, 1992 Les « Choéphores » d’Eschyle. Textes réuni par Alain Moreau et Pierre Sauzeau. Cahiers du GITA nº 10, Montpellier : Publications de l’Université Paul Valéry, 1997, 360 p Dans la collection « Cahiers du GITA » : Philomythia. Mélanges offerts à Alain Moreau. Textes rassemblés et édités par Pierre Sauzeau et Jean-Claude Turpin 8 HOMMAGE À JACQUELINE DE ROMILLY Jacqueline de ROMILLY a rejoint les champs élyséens à la rencontre de Thucydide le 18 décembre 2010 : elle nous laisse orphelins de sa pensée et de sa présence roborative dans nos luttes communes pour préserver et diffuser les humanités classiques. De nombreux hommages lui ont été rendus dans la presse : il est inutile de revenir sur l’importance de son décès pour tous ceux qui se passionnent pour la culture de la Grèce antique et contemporaine. Nous rappellerons juste dans ses grandes lignes le parcours de vie de ce professeur qui a su renverser les dernières barrières qui séparaient les hommes et les femmes attirés par les lumières antiques. Jacqueline David est née le 26 mars 1913 à Chartres ; son père, Maxime David, normalien, professeur de philosophie est mort en 1914. Sa mère Jeanne Malvoisin est devenue écrivain après la Grande Guerre. Elle suit ses études à Paris, d'abord au lycée Molière, où elle est lauréate du concours général de latin et deuxième prix en grec ancien en 1930. Après sa khâgne au lycée Louis-le-Grand, elle est admise à l'École normale supérieure de la rue d'Ulm (promotion 1933). Élève de l'helléniste Paul Mazon, elle est reçue à l'agrégation de lettres en 1936. Elle se marie en 1940 avec Michel Worms de Romilly, dont elle divorce en 1973. D’origine juive par son père, elle est suspendue de ses fonctions par le régime de Vichy en 1941, et alors obligée de se cacher. Enfin, elle obtient son doctorat ès lettres en 1947. Après avoir enseigné un temps au lycée, Jacqueline de Romilly devient professeur à l'Université de Lille, puis à la Sorbonne de 1957 à 1973. En 1973, elle obtient la chaire de la Grèce au Collège de France, où elle est la première femme professeur. En 1975, elle est élue à l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres au fauteuil de l'helléniste Pierre Chantraine : elle est la première femme élue dans cette académie, qu'elle préside en 1987. En 1989, elle devient la deuxième femme, après Marguerite Yourcenar, à entrer à l'Académie Française : elle est élue au 7ème fauteuil, occupé précédemment par André Roussin, le même jour que le commandant Cousteau. Elle reçoit Hector Bianciotti en 1997, puis est déléguée à la Séance publique annuelle des Cinq Académies en 1994 et en 2008. Elle devient « doyenne d’âge » de l’Académie Française à la mort de Claude Lévi-Strauss en 2009. Obtenant la nationalité grecque en 1995, elle est nommée « ambassadrice de l'hellénisme » en 2000. En 1992, elle fonde l'association de Sauvegarde des Enseignements Littéraires, dont elle reste ensuite présidente d'honneur. Elle préside l'association Guillaume Budé, puis en devient présidente d'honneur. Ayant seulement reçu le baptême en 1940, Jacqueline de Romilly a achevé sa conversion au catholicisme en 2008, à quatre-vingt-quinze ans. Elle meurt à 97 ans, presque aveugle et sans enfant ni famille, à l'hôpital Ambroise-Paré de Boulogne-Billancourt, le 18 décembre 2010. Jacqueline de Romilly disait d'elle-même ne pas avoir eu, « bien sûr », la vie qu'elle souhaitait : « Avoir été juive sous l'Occupation, finir seule, presque aveugle, sans enfants et sans famille, est-ce vraiment sensationnel ? Mais ma vie de professeur a été, d'un bout à l'autre, celle que je souhaitais. » Citée par Le Figaro, le 19 décembre 2010 9 Voici une bibliographie succincte des œuvres de madame de Romilly assortie de quelques commentaires à l’usage des plus jeunes d’entre nous : Thucydide et l'impérialisme athénien, la pensée de l'historien et la genèse de l'œuvre, thèse de doctorat, 1947 ; 1951 ; Belles-Lettres, 1961 : incontournable ! Histoire et raison chez Thucydide, Belles-Lettres, 1956 ; Belles Lettres, 1967, coll. Études anciennes La Crainte et l'angoisse dans le théâtre d'Eschyle, Belles-Lettres, 1958 ; 1971 L'évolution du pathétique, d'Eschyle à Euripide, PUF, 1961 ; 1980 Nous autres professeurs, Fayard, 1969 : réflexion intéressante mais un peu dépassée aujourd’hui, quoique ... La Tragédie grecque, PUF, 1970 ; 1982 : il faut l’avoir dans sa bibliothèque quand on enseigne le grec. Le Temps dans la tragédie grecque, Vrin, 1971 : à lire dès qu’on s’intéresse au théâtre grec et à sa réception. La Loi dans la pensée grecque, des origines à Aristote, Belles-Lettres, 1971 Problèmes de la démocratie grecque, Hermann, 1975 ; Plon, Agora, 1986 La douceur dans la pensée grecque, Les Belles Lettres, 1979 ; Pluriel, 1995 : à lire pour soi et pour enseigner. Précis de littérature grecque, PUF, 1980 ; Quadrige, 2002 ; PUF, 2007, coll. Quadrige Grands textes : à se procurer de toute urgence pour enseigner mais aussi pour sa propre culture. L'Enseignement en détresse, Julliard, 1984 ; 1991 : un pamphlet à lire, surtout en ce moment, même si certains propos et postures ne sont pas ou plus les nôtres. « Patience, mon cœur » : l'essor de la psychologie dans la littérature grecque classique, Belles-Lettres, 1984 ; Plon, Agora, 1994 : un de ses plus beaux livres, peutêtre... Homère, PUF, 1985 ; Que sais-je? La Modernité d'Euripide, PUF, 1986 Sur les chemins de Sainte-Victoire, Julliard, 1987 ; de Fallois, 2002 : une récréation agréable. Les Grands Sophistes dans l'Athènes de Périclès, de Fallois, 1988 La Grèce à la découverte de la liberté, de Fallois, 1989 La construction de la vérité chez Thucydide, Julliard, 1990 ; Juliard, 1999, coll. Ouverture à cœur, de Fallois, 1990 Écrits sur l'enseignement, de Fallois, 1991 Pourquoi la Grèce ?, de Fallois, 1992 ; LGF, 1994, poche Lettres aux parents sur les choix scolaires, de Fallois, 1994 Rencontre avec la Grèce Antique, de Fallois, 1995 Alcibiade ou les dangers de l'ambition, de Fallois, 1995, 2 cartes, 282 p. ; Tallandier, 2008, coll. Texto, : très intéressant pour comprendre Alcibiade et la pensée grecque antique. Hector, de Fallois, 1997 : très beau livre. Le Trésor des savoirs oubliés, de Fallois, 1998 ; LGF, 1999, poche 10 Pour l'amour du grec avec Jean - Pierre Vernant, Bayard Culture, 2000 La Grèce antique contre la violence, de Fallois, 2000 : pour nourrir notre réflexion sur les problèmes de notre temps et de notre métier. Héros tragiques, héros lyriques, Fata Morgana, 2000 Au Louvre avec Jacqueline de Romilly et Jacques Lacarrière, Somogy, Éditions d'art, Louvre : Service culturel, 2001 : à faire acheter au CDI ! Dictionnaire de littérature grecque ancienne et moderne, PUF, 2001 : à posséder dans sa bibliothèque. Sous des dehors si calmes, de Fallois, 2002 Une certaine idée de la Grèce, de Fallois, 2003 ; LGF, 2006, poche La Grèce antique : Les plus beaux textes d'Homère à Origène, Bayard Centurion, 2003 De la Flûte à la Lyre, Fata Morgana, 2004 Les Grands Sophistes dans l'Athènes de Périclès, LGF, 2004, poche, coll. Références L'Invention de l'histoire politique chez Thucydide, ENS, 2005, coll. Études de littérature ancienne L'Élan démocratique dans l'Athènes ancienne, de Fallois, 2005 Jacqueline de Romilly raconte l'Orestie d'Eschyle, Bayard Centurion, coll. La mémoire des œuvres, 2006 La tragédie grecque, PUF, coll. Quadrige, Grands textes, 2006 Les Roses de la solitude, 2006 ; LGF, 2007, poche : émouvant. Dans le jardin des mots, 2007 ; LGF, 2008, poche : vivifiant et souvent amusant, pour les cours de collège ... Petites leçons sur le grec ancien, avec Monique Trédé-Boulmer, Stock, 2008 ; LGF, 2010, poche : à lire absolument pour soi et pour ses élèves. Le Sourire innombrable, de Fallois, 2008 ; LGF, 2009, poche : très beau. La Grèce antique : Les plus beaux textes d'Homère à Origène, Bayard Centurion, 2003 avec Fabrice Amedeo, Actualité de la Démocratie Athénienne, 2009 Les Révélations de la mémoire, de Fallois, 2009 ; LGF, 2010, poche La grandeur de l'homme au siècle de Périclès, de Fallois, 2010, coll, Littérature éd. grecque : son testament intellectuel et spirituel, très émouvant. Traductions de Jacqueline de Romilly : Thucydide, La Guerre du Péloponnèse, édition bilingue français-grec, Belles Lettres (1re éd. : 1953-1972), 2009, coll. Classiques en poche : Tome 1, Livres I et II ; Tome 2, Livres III, IV, V ; Tome 3, Livres VI, VII et VIII 11 JACQUELINE DE ROMILLY ET LA CNARELA La CNARELA et les associations qu’elle rassemble s'associent à la peine des proches de Jacqueline de Romilly et tient à lui rendre hommage en rappelant son intervention déterminante à nos côtés lors de l'appel lancé au cours de la réunion tenue à l'EHESS le 15 mai 2004. Marie-Hélène Menaut, alors présidente de la CNARELA, nous rappelle ici les circonstances de cette intervention. En 2004, devant les attaques portées contre le latin et le grec dans l’enseignement secondaire et au concours du CAPES, la CNARELA a initié l’APPEL pour le latin et le grec. Huit associations ont participé à l’élaboration d’un texte commun qui a recueilli 70 000 signatures : Association Guillaume Budé, Association pour l’encouragement des études grecques en France, l’AFPLA-prépa, l’APLAES, l’APL, Sauvez les Lettres et la SEL . Cet Appel a eu pour point d’aboutissement une réunion publique de réflexion et de débat à l’EHESS le 15 mai 2004. Mme Jacqueline de Romilly a présidé la séance. Elle a pris la peine de se déplacer et a prononcé une allocution simple et percutante dont le dernier mot était de nous encourager à affirmer dans notre vie quotidienne la valeur de formation du latin et du grec pour les jeunes et de garder « espoir ». Son engagement à cette occasion a entraîné une diffusion importante dans les médias, des soutiens que nous n’aurions pas eus sans son intervention , des messages de personnalités telles que Mme Hélène Carrère d’Encausse, de Monsieur Jean d’Ormesson , de Monsieur Jacques Friedel ( Académie des Sciences), de Monsieur Gilbert Dagron ( Académie des Inscriptions et Belles Lettres et professeur honoraire au Collège de France).On peut lire ces interventions toujours d’actualité dans le recueil résumant cette action édité par les Belles Lettres /CNARELA : Appel pour le latin et le grec 70 000 signatures. Nous avons obtenu gain de cause en 2004. Le meilleur hommage que nous puissions rendre à Jacqueline de Romilly est de continuer à nous battre pour la diffusion de la langue et de la culture grecques auprès du plus grand nombre de lycéens et d’étudiants à un moment où elles sont de nouveau en danger. Marie-Hélène Menaut Vice-présidente de la CNARELA Présidente de la CNARELA en 2004 12 ALLOCUTION DE MADAME JACQUELINE DE ROMILLY ECOLE PRATIQUE DES HAUTES ETUDES EN SCIENCES SOCIALES LE 15 MAI 2004 Mes amis, Je me réjouis de vous voir tous ici, venus nombreux. En fait, c'est une vraie chance que tous les signataires qui se sont manifestés ne soient pas venus, car nous serions alors plus de soixante mille personnes présentes, et cela poserait quelques problèmes. La rencontre d'aujourd'hui, organisée principalement par la CNARELA, réunit les membres des sept associations qui se sont mises ensemble pour protester contre les mesures dramatiques prises récemment à l'égard du latin et du grec. Il s'agit donc avant tout d'une crise. Mais je voudrais le dire nettement : il s'agit aussi de dépasser cette crise. Je pense que tous ceux qui ont été mêlés de très près à l'action vous parleront de cette crise, vous diront comment, brusquement, nous avons appris que, rectorat après rectorat, toutes les classes de grec qui n'atteignaient pas un nombre d'élèves suffisant étaient supprimées ; qu'en plus ce calcul du nombre d'élèves avait été fait, par mauvaise foi ou ignorance, de façon inexacte et que, dorénavant, le latin dans certains cas, et le grec, seraient groupés dans un ou deux établissements par rectorat. Et puis on a appris qu'il y aurait une règle, et qu'il fallait tant d'élèves, mais cela changeait selon le rectorat, ici dix, là douze : un véritable gâchis ! Alors nous sommes entrés en bataille. C'était trop. Le résultat est que, après bien des interventions, nous avons été largement suivis. Nous avons été suivis dans la presse, par des journaux de tous bords et, personnellement, j'ai été très aidée par le Figaro, et par le magazine Lire : il y a eu un véritable écho, dans tous les journaux de Paris et de province, et la pétition a été rédigée, et les adhésions n'ont pas cessé d'arriver : chacun s'est donné un mal énorme. Résultat : on a retardé les mesures : on a dit que pour le moment, on allait refaire les calculs et que l'on verrait. C'est tout. C'est déjà un petit avantage. Mais est-ce que vous mesurez combien le projet est immoral, combien il est désastreux ? Comment voulez-vous que réagissent des élèves, pour qui on a déjà pris tant de mesures, compliquant le fait de s'inscrire, tant pour le grec que pour le latin, si on leur dit : "C'est supprimé", "non, ça va être rétabli", "peut-être ce sera rétabli", "ce n'est pas certain, vous pouvez toujours aller voir ailleurs...". Les mesures prises n'ont cessé de vouloir décourager les élèves et ces hésitations, ces menaces ne font que les décourager encore davantage. Nous ne sommes pas satisfaits de ces premiers résultats : il nous faut mieux. Il faut reconnaître que la crise que je viens d'évoquer était déjà le résultat d'une longue série de crises et qu'elle a été suivie par d'autres. J'ai l'impression, depuis quelques années, de n'avoir pas cessé de protester. Juste avant ces suppressions dans le secondaire, nous nous battions pour un poste de grec à la Sorbonne, arbitrairement supprimé, et encore une fois, par une sorte de jeu de mots. Et nous sommes intervenus, nous nous sommes agités et, pour finir, les choses ont été en partie réparées. Mais depuis, cela continue : les postes diminuent, on parie d'une réforme du CAPES, qui consisterait à supprimer les épreuves écrites de latin et de grec; on parle aussi d'une réforme des classes de Troisième. Bref, Je pense que cette dernière mesure, contre laquelle nous nous sommes élevés, qui suscitait notre alliance et votre présence, ne doit pas seulement être annulée, mais doit générer enfin un sursaut, un mouvement de reconnaissance de l'importance de ces études dans la formation de l'esprit et de leur rôle dans la culture française, afin que tout ne soit plus fait non plus pour les 13 décourager et les rendre difficiles. Ce n'est pas seulement une question d'une très légère dépense conforme à la tradition que nous réclamons : c'est vraiment une prise de conscience et un effort et une action. Chacun de nous, dans sa sphère, peut participer à cette action : tous ensemble nous le pouvons mieux encore. Et le moment est venu. Chacun sait que dans l'édition, dans la presse, on voit se traduire un vif intérêt pour le latin et le grec. Partout on nous demande, sauf dans l'enseignement ! Là on nous chasse et on nous rejette : cela doit cesser. Les arguments, je ne les citerai pas, vous les connaissez. Et ils sont si évidents ! Il faut vraiment être de mauvaise foi pour ne pas comprendre ce que représente pour des jeunes cette initiation à des langues à la fois si proches de la nôtre, et si différentes. Cette initiation les oblige à faire attention, à essayer de comprendre, à se rendre compte des raisons pour lesquelles ils se sont trompés ; ils apprennent ainsi à gagner lentement, progressivement, le sens ! Et ce sens les mène à un contact plus étroit avec des textes qui sont encore simples, souvent concrets, souvent riches de rêves et de légendes, mais où se dessinent si fermement les valeurs qui s'inventaient alors et qui sont encore aujourd'hui le fondement de nos sociétés. Et j'ajouterai que ces valeurs ne sont pas spécifiquement françaises : elles ont l'avantage de pouvoir s'adapter à des élèves partis d'autres cultures et elles ont l'avantage d'être, dans une très large mesure communes aux divers peuples de cette Europe que nous essayons aujourd'hui de constituer et de consolider. Les arguments ne manquent pas : ils sont divers et se retrouvent à divers niveaux. Chacun peut les employer selon sa sensibilité, et le niveau de l'enseignement qui est en jeu : ils sont tous vrais et tous forts. Il est certain, en tout cas, que le contact avec les textes, à quelque niveau que ce soit, construit peu à peu la personnalité morale des élèves et leur donne cette armature intérieure qui, si visiblement, fait défaut aujourd'hui. Il est temps de parler, et de parler haut. Il est temps d'obtenir une reconnaissance officielle du rôle de ces études. Il est donc temps qu'une propagande soit faite par chacun d'entre nous et par nous tous ensemble et par les hommes, de quelque bord qu'ils soient, qui comprennent les choses et voudront nous aider. Je fais partie d'une association qui s'appelle L'Elan nouveau des citoyens. Eh bien, j'aimerais que surgisse un élan nouveau des défenseurs de nos études, des amis de la culture, des gens qui sont indignés de voir refuser, pour de pauvres raisons d'économie et par incompréhension, des études qui ont si clairement montré depuis longtemps leur valeur de formation pour les jeunes. Il faudra donc qu'à partir d'aujourd'hui, dans les manifestations et dans les négociations qui auront lieu avec ce ministère, mais aussi dans notre vie quotidienne, nous l'affirmions sans réserve. J'ai parlé d'une crise et nous nous sommes réunis pour une circonstance grave, où nous étions menacés de mort. Mais ce moment d'extrême danger peut être le début d'une renaissance. Oui, une renaissance. Si nous le faisons, ce sera si beau ! Et nous pouvons le faire. Et mon dernier mot, dans cette lutte pour éviter un désastre, ce sera !e mot d'espoir. Merci. Jacqueline de Romilly 14 HOMMAGE À CLAUDE NICOLET Claude NICOLET est décédé le 24 décembre 2010 à Paris : cet historien français, spécialiste de la Rome antique, des institutions et des idées politiques a enseigné dans les universités de Tunis, de Caen, puis de Paris-I, avant d’être nommé directeur d'études émérite à l'École pratique des hautes études en 1977. Élu membre de l'Académie des inscriptions et belleslettres en 1986, il fut le directeur de l'École française de Rome de 1992 à 1995. Jean-Claude CARRIÈRE de l’ARTELA lui rend cet hommage : Le 24 décembre, six jours après l’helléniste Jacqueline de Romilly, un autre immense savant, un très grand latiniste, nous a quittés à l’âge de quatre-vingt ans : Claude Nicolet. C’est un grand deuil pour tous les humanistes et antiquisants et une grande douleur pour ses amis. Le trajet du savant est remarquable : normalien (1950), agrégé d’histoire (1954), maîtreassistant à Tunis et à Caen (1959-1969), professeur à Paris et directeur à l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (1969), membre de l’Académie des inscriptions et belles lettres (1986), directeur de l’Ecole Française de Rome (1992-1995), enfin professeur et directeur d’études émérite. A vrai dire, une liste aussi squelettique et aussi incomplète éclaire mal une existence d’autant plus riche que le savant a aussi été, dans la ligne de A. M. Desrousseaux, de Fernand Robert, Pierre Lévêque, J.-P. Vernant et d’autres, un homme engagé : « républicain de gauche, d’une famille radicale et tout ce qu’il y a de plus laïc », comme il se définissait lui-même dans un entretien1. Jeune agrégé professeur de lycée, il entre en rapport, en 1956, avec Pierre Mendès-France et devient rédacteur en chef des Cahiers de la République (1956-57, 1961-63). Il se présente même à la députation, mais essuie un échec. Ami de J.-P. Chevènement, il est chargé de mission au MEN (1984, 1995), au ministère de la défense (1989-91), au ministère de l’intérieur (1997). Le spécialiste du métier de citoyen à Rome, lui-même citoyen aux engagements multiples, manifeste un souci constant des idéaux républicains et de l’apprentissage de la citoyenneté à l’école. Il travaille sur la réception de l’Antiquité à l’époque moderne. Il se passionne pour la singularité du pacte politico-social républicain en France, fondé sur un complet refus de la transcendance et reposant sur un système de valeurs rationnelles et laïques. Son œuvre scientifique est de première importance pour le contenu et la méthode. Il ne s’agit pas de recopier ici sa longue bibliographie. Rappelons seulement que sa thèse, L’ordre équestre à l’Epoque républicaine, 312-43 av. J.-C. (2 vol., 1966, 1974) a fortement éclairé la nature de cet ordre : les chevaliers n’étaient pas seulement des gens d’affaire, mais des propriétaires fonciers constituant une sorte de noblesse militaire provinciale et une élite de réserve pour le Sénat, en quelque sorte cooptée, en nombre clos (le second tome constitue une très précieuse prosopographie). Qui n’a pas utilisé son ouvrage sur les Gracques (1967) ou Le métier de citoyen dans la Rome républicaine (1976) , qui n’a jamais consulté les deux tomes de la Nouvelle Clio aux PUF, Rome et la conquête du monde méditerranéen (1977, 1978) ? Passionnante aussi est sa réflexion historique sur la représentation romaine de l’espace, L’inventaire du Monde, Géographie et politique aux origines de l’empire romain (1988). 15 Son engagement civique a été, lui aussi, jalonné d’ouvrages : sur Pierre Mendès-France (1959), sur l’Idée républicaine en France (1982/1994). Assez récemment encore, en 2003, a paru, chez Perrin, La fabrique d’une nation, La France entre Rome et les Germains. Une anecdote finale, afin de personnaliser ce portrait très académique. Il la racontait volontiers, car ce radical qui ne cachait nullement son athéisme, même devant des autorités religieuses romaines, prétendait assumer une (demi-)judéité (peut-être incertaine). Un jour, en prenant un pot avec lui, trois autres grands savants, Ernst Badian, Emilio Gabba et Pierre Vidal-Naquet, autre Marseillais, soutenaient en plaisantant qu’il fallait être d’origine juive pour être un parfait historien. Et Nicolet : mais moi aussi le nom de mon père était Cittanova et il descendait d’une famille d’armateurs juifs de Livourne (à Marseille, pendant la guerre, précisait-il, il avait pris le nom de son oncle grâce au préfet de police Francfort – lequel avait été son professeur et avait fait naître sa vocation d’historien, mais cela est une autre histoire). Le sévère Emilio Gabba lui rétorqua que les Juifs de Livourne n’avaient jamais été de vrais Juifs. Mais tout le ferme caractère et l’humour engagé du savant historien et du politique radical que fut Claude Nicolet se montrent au vif dans sa revendication amusée. J.-C. CARRIÈRE 1 Voir, sur Wikipédia, le lien vers le très significatif « Entretien avec Corinne Martin et Thierry Paquot » (6 déc. 2002) 16 Compte rendu de l’Assemblée Générale de l’AGAP du 9 octobre 2010 La séance est ouverte à 10 h15, salle 02 de la MMSH (Aix-en-Provence), en présence de : Paulette BERNARDI, Jean-Pierre CÈBE, Anne-Marie CHAZAL, Arielle CHOPARD, Florence CLAPIZ, André GILLES, Fabienne HERMARY, Chantal MATRAY, Christine et Jacques MAUGER, Stéphanie PÉTRONE et Pascale PEYRONNET Excusés : Nicolas ANTOMARCHI, Anne BALANSARD, Christian BOUDIGNON, Pascal BOULHOL, Yvette BRIOT, Arlette DEBOST, Gilles DORIVAL, Jean-Michel IMBERT, Hélène JOUCLA, Nicole PAULI, Dolorès et Didier PRALON, Georges SIGNORET, Edmée SUCAMELI, Christiane URVOY, Gaëlle VIARD. Approbation du compte rendu de l’AG de 2009 Ce compte rendu a été diffusé sur le site internet de l’AGAP (section « Vie de l’association »). Il est approuvé à l’unanimité. Compte rendu financier Le budget de l’AGAP était établi par année universitaire, ce qui pose problème par rapport aux règles comptables actuelles. Il a donc été décidé de passer à une gestion par année civile (toujours assurée par Edmée Sucamelli et Gaëlle Viard). En conséquence, le rapport financier 2009-2010 ne pourra être établi qu’au cours du premier trimestre 2011. Il sera communiqué à ce moment-là. Quoi qu’il en soit le bilan est largement positif, avec un excédent significatif (de l’ordre de 11000 euros début septembre), mais avant règlement des frais importants du Bulletin. L’AGAP dispose maintenant d’une carte bancaire et d’une assurance de ses moyens de paiement auprès de la Caisse d’Epargne, les règlements par chèque étant dans certains cas problématiques. Faute de subventions, toutes nos ressources viennent des cotisations. Il reste donc indispensable que chacun pense à renouveler son adhésion. Bulletin d’adhésion 2010-2011 ci-joint et dans le bulletin 2010-2011 ainsi que sur le site web : http://agap.mmsh.univ-aix.fr L’ordinateur utilisé par l’AGAP à la MMSH est hors d’usage. Anne-Marie Chazal propose l’achat d’un ordinateur portable qui servira d’une part à la gestion de l’association et d’autre part à la prise de notes dans les réunions auxquelles participe l’AGAP. Après discussion, le choix sera fait entre un ultra portable (« netbook ») et un portable classique, à compléter dans les deux cas par un disque externe de sauvegarde. 17 Compte rendu moral Anne-Marie Chazal rappelle les activités de l’année écoulée. Comme chacun le sait, la situation des langues anciennes est actuellement très délicate. • L’AGAP a participé (Anne-Marie Chazal, Pascale Peyronnet) aux journées de la CNARELA les 26, 27 et 28 octobre 2009 à Besançon ; chaque association devait demander une entrevue à chaque recteur d’académie. Comme la majorité des associations, l’AGAP n’a reçu aucune réponse. • Le stage organisé par l’AGAP (dans le cadre de la formation continue gérée par le Rectorat) Le théâtre antique a bénéficié d’une excellente organisation par Valérie BONET. L’association a reçu des lettres de remerciements suivies de réinscriptions et d’inscriptions nouvelles à l’AGAP. Le compte rendu établi par nos collègues de Manosque (Jean-Loup et Nicole MARTIN, Martine CASANOVA et Mireille TOURREAU) et mis en page par Valérie BONET sera publié dans le Bulletin de l’AGAP ainsi que sur le site web. • L’assemble générale de la CNARELA a été marquée par l’émotion suscitée par la disparition de Bernard VALETTE, président de Thalassa, dont l’activité infatigable pour la défense dans langues anciennes et la découverte des cultures antiques a donné vie à THALASSA. Un hommage lui sera rendu dans le prochain bulletin. • Des discussions difficiles ont eu lieu pour préparer des motions contre la réforme des lycées et celle du CAPES de lettres classiques, et tout particulièrement contre « l’épreuve orale pour devenir un bon fonctionnaire ». Ces discussions ont continué par courrier électronique entre les associations après l’AG, certains jugeant les motions originales trop virulentes. La CNARELA était partagée quant à la démission du jury du CAPES. Depuis quelques discussions ont eu lieu avec le ministère, mais les avancées sont minimes, le problème reste entier. Anne-Marie CHAZAL rappelle qu’une compilation des discussions et des positions arrêtées par la CNARELA a été envoyée aux membres de l’association sous la forme d’une « Lettre aux adhérents » par courrier électronique au mois de mars. L’envoi a été fait dans 4 formats différents (Word 2003, Word 2007, OpenOffice, PDF). Ces documents sont également disponibles depuis mars sur le site de l’association. • Le Rallye 2010 a été marqué par une première ouverture aux classes de seconde. Aux côtés de nombreuses enseignantes, nous avons eu le plaisir de voir participer quelques enseignants, venant de tous les départements de l’académie. Au total 10 établissements publics, 4 établissements privés, 25 rallyes à corriger, 452 élèves dont 427 latinistes et hellénistes et 25 élèves 6e en français. Le tout conclu par une belle fête de fin d’année, avec de fort jolis lots (livres d’art, DVD, bandes dessinées…) à côté des traditionnels coupes et tee-shirts. Le palmarès est sur le site web depuis le mois de juin. On le retrouvera dans le Bulletin avec le sujet et le corrigé. 18 • • • Une discussion s’engage sur le Rallye. Anne-Marie CHAZAL suggère que le questionnaire de cette année était peut-être un peu trop spécialisé, avec des questions sur l’archéologie qui n’étaient pas accessibles à tous. Pascale Peyronnet indique qu’un effort sera fait pour rendre les questions accessibles avec l’utilisation d’outils disponibles sur internet ou courants dans les établissements. Elle propose de rendre le rallye accessible aux professeurs d’histoire-géographie. Fabienne Hermary demande s’il faut envisager de modifier le règlement qui impose actuellement l’adhésion à l’AGAP pour participer au Rallye. Rentrée 2010. L’association manque de retours du terrain pour faire un bilan précis de la situation. Un appel pressant est adressé aux adhérents : RENVOYEZ A l’AGAP UNE INFORMATION SUR LES DIFFICULTÉS RENCONTRÉES ! Ecrivez à : [email protected] D’après des indications fragmentaires, il semble que parfois la rentrée se soit déroulée sans problème, mais des situations difficiles ont été signalées. En lycée à Gap, Anne-Marie Chazal ne dispose que de 2 heures de latin à chaque niveau au lieu des 3 réglementaires : l’emploi du temps des élèves n’en permet pas davantage. A Sisteron, l’emploi du temps d’un établissement a dû être entièrement refait 10 jours après la rentrée… L’enseignement d’exploration en seconde présente des difficultés considérables et probablement insurmontables, comme le montrent les appels angoissés sur les listes de diffusion professionnelles. Il semble placé aux mêmes horaires et dans les mêmes groupes que les latinistes « standard » qui ont suivi des cours depuis la 5e du collège. Les contacts avec l’Inspection Pédagogique Régionale (par courriel) sont difficiles actuellement. Des problèmes techniques auraient été rencontrés. Le Conseil d’administration ayant été renouvelé l’an dernier et ses membres étant élus pour 3 ans, il n’y a pas lieu de voter à ce sujet. En ce qui concerne le Bureau, Pascale Peyronnet est seule candidate à la succession de Fabienne Hermary, qui a accompli cette année encore un travail considérable (gestion des adhésions et remise en ordre des fichiers). On procède au vote. 16 voix pour (dont 7 mandats), 1 abstention, 1 voix contre, au motif que Pascale Peyronnet « est trop précieuse à la tête de la commission Rallye pour assumer en plus le secrétariat». Composition du Conseil d’administration : Christiane ALPHONSE Anne BALANSARD Dominique BAUDOUIN Anne-Marie BERNARDI Paulette BERNARDI Marie-Christine DUFLAU Brigitte FRANCESCHETTI Anne FROIDURE Anne-Marie GARCIN Antoine HERMARY 19 Christine MAUGER Jacques MAUGER Jacques MILLET Nicole PAULI Françoise PELTIER Valérie BONET Pascal BOULHOL Emmanuèle CAIRE Jean-Louis CHARRIÈRE Anne-Marie CHAZAL Arielle CHOPARD Suzanne DELEUZE Gilles DORIVAL Fabienne HERMARY Claude HERNANDEZ Carine LAURORA-MICONI Gérard LEYDIER Albert MACHIN Jocelyne MARTIN-GOBERT Pierre MARTIN Chantal MATRAY Lucien PERNÉE Anne PETRUCCI Pascale PEYRONNET Dolorès PRALON-JULIA Didier PRALON Edmée SUCAMELI Jean-Victor VERNHES Gaëlle VIARD Aline VIDIL Composition du bureau : Présidente : Anne-Marie CHAZAL, Vice-présidents : Didier PRALON, Emmanuèle CAIRE, Pascal BOULHOL, Anne BALANSARD Secrétaire : P. PEYRONNET Trésorière : Gaëlle VIARD Vice-Trésorière : Edmée SUCAMELI Responsable du site Internet : Jacques MAUGER Questions diverses • • • Les Journées CNARELA de Lyon à la Toussaint : Anne-Marie CHAZAL y représentera l’AGAP. Le stage AGAP : il portera sur « L’homme et l’animal » et aura lieu le 13 et 14 janvier 2011 à la MMSH. L’organisation du stage est pratiquement terminée (il reste un intervenant à confirmer). IMPORTANT : un professeur non inscrit peut encore appeler la DAFIP pour se faire ajouter sur la liste des participants. La rétribution des intervenants et le remboursement de leurs frais par la DAFIP se faisant avec difficulté, le principe est adopté d’une compensation de frais par l’AGAP en cas de nécessité. Une vive discussion est lancée par Arielle CHOPARD sur le « manque d’information des adhérents » pendant l’année 2009-2010. Il est fait allusion à un courriel envoyé par Brigitte FRANCESCHETTI à un certain nombre d’adhérents sur l’inefficacité de l’association, mais la plupart des présents ne sont pas au courant. Sur le plan technique il apparaît que Brigitte FRANCESCHETTI a utilisé la fonction « Répondre à tous » sur la convocation à l’AG envoyée par Anne-Marie CHAZAL. Cette convocation ayant été envoyée en plusieurs « paquets » pour éviter un filtrage opéré par certains fournisseurs d’accès ou certains logiciels clients des destinataires, une partie seulement des adhérents ont reçu cette réponse de Brigitte FRANCESCHETTI. La discussion porte sur les moyens d’améliorer le dynamisme de l’association et les outils à utiliser étant donné la grande dispersion géographique des adhérents. Diverses solutions sont possibles. Jacques MAUGER rappelle l’existence d’une plateforme de travail collaboratif disponible sur le site de l’AGAP, mais qui n’a pas encore été utilisée. L’accès est protégé par des mots de passe individuels. Tout 20 • • • • adhérent intéressé peut demander l’attribution d’un mot de passe par un courriel à l’AGAP. Une réunion est programmée le 17 novembre à 18 h à la MMSH sur ce sujet. D’ici là, la discussion doit se poursuivre par courriel. Cette réunion sera aussi l’occasion de présenter des solutions pour la frappe des textes grecs. Tout adhérent peut participer à la réunion. Enfin, il faut rappeler que tous les membres du Bureau sont des bénévoles et que l’activité de l’association ne peut être que le résultat de l’activité de l’ensemble de ses membres. Les critiques ne peuvent être admises que si elles viennent de personnes qui acceptent de prendre en charge une partie du travail commun. Le rallye 2010 est évidemment en cours d'organisation. Les bonnes volontés seront les bienvenues, car Pascale PEYRONNET sera accaparée par bien d’autres tâches. Pour l’instant, seule Florence CLAPIZ a accepté de se joindre à la commission Rallye, qu’elle en soit remerciée. Anne-Marie CHAZAL lance un appel aux adhérents pour qu’ils adressent à l’AGAP des contributions à caractère pédagogique. De telles contributions seront présentées dans le compte rendu du stage 2011 (voir le Bulletin). Elle demande aussi que les adhérents s’impliquent davantage dans les activités de l’Association pour les Journées de l’Antiquité (AJA) dont il est rappelé qu’elle est une émanation de l’AGAP. Françoise Hermary demande si l’AGAP peut financer des activités de l’AJA. La question va être étudiée. Pascale PEYRONNET souhaite que l’AGAP envisage d’accueillir en Arles en 2012 ou en 2013 l’Assemblée générale de la CNARELA (à la Toussaint). Elle signale qu’en 2012 une grande exposition « Rodin et l’Antiquité » sera organisée par le Musée de l’Arles Antique. Une deuxième Assemblée générale pour l’année scolaire 2010-2011 est envisagée au printemps 2011. La séance est levée à 12 heures 20. Le secrétaire de séance : Jacques MAUGER Cette assemblée générale fut suivie d’un très agréable repas dans un restaurant de la place des Cardeurs à Aix : L’Épicurien. Loin de nous l’idée de faire de la publicité mais le nom de cet établissement était un appel trop fort pour que nous y résistions ... AMC 21 COMPTE RENDU DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE Samedi 29 mai 2010 de 13H30 à 15H30 Lycée Saint-Sernin Place Saint-Sernin 31000 TOULOUSE ORDRE DU JOUR 1. Approbation du compte rendu de l’Assemblée Générale du 16 janvier 2010 ; 2. Informations à propos d’EUROCLASSICA : août 2011 à Paris ; 3. Journées d’Octobre de la CNARELA 2010 et 2011 ; 4. Point des actions dans le Supérieur ; 5. Point sur la réforme du lycée ; 6. Point sur le collège : Diplôme National du Brevet ; classes bilangues et sections européennes ; 7. Bilan des journées inter-académiques 2010 ; 8. Point sur la préparation de la rentrée 2010 ; 9. Questions diverses. 13 associations présentes : AGAP (Aix-Marseille), ARDELAC (Créteil), ARELABOR (Bordeaux), ARELAB (Besançon), APLG (Nantes), ARELACLER (Clermont-Ferrand), ARELAM (Montpellier), ARELAS (Strasbourg), ARTELA (Toulouse), GELAHN (Rouen), ALPLA (Nancy-Metz), ARELACOR (Corse), THALASSA. 8 associations représentées : ADLAP (Amiens), AUSPEX (Reims), ARELAN (Nice), ARELAG (Grenoble), APLAG (Guadeloupe), Connaissance hellénique, ARELAD (Dijon), ARELALIM (Limoges). 21 présentes ou représentées sur 28 : le quorum est atteint. Sylvie Pédroaréna commence par remercier vivement M. Joël Olive, proviseur du lycée Saint-Sernin, ainsi que Mme Sylvie Lavigne, proviseur-adjoint, qui nous ont accueillis chaleureusement dans les murs de leur établissement. Elle remercie également Mme Louise Monti, professeur du lycée, qui s’est chargée de l’organisation. Des remerciements sont adressés également aux organisateurs des Assises des Lettres. Sylvie Pédroaréna précise que la CNARELA s'associe pleinement à ces journées, dont l'initiative revient à Jean-Claude Carrière, vice-président de l'ARTELA. On procède à un tour de table. Sylvie Pédroaréna présente en particulier Lionel Sanchez, représentant de THALASSA : elle lui demande de transmettre ses remerciements à Claire Valette, qui a tout fait pour que Thalassa continue à être représentée à la CNARELA. L’ordre du jour est adopté. 1. Approbation du compte rendu de l’Assemblée Générale du 16 janvier 2010. Avant de procéder à l’adoption du compte rendu de l’Assemblée Générale précédente, Sylvie Pédroaréna signale deux modifications : a) une erreur de date s’était glissée concernant la tenue de la conférence annuelle d’EUROCLASSICA : elle aura lieu en août 2011 et non en août 2010 comme il est écrit dans le compte rendu. 22 b) À la suite des propos rapportés dans le compte rendu, l’Inspection Générale a fait savoir son mécontentement : après un échange de courriers entre M. Patrice Soler et Sylvie Pédroaréna, la situation s’est éclaircie et la volonté d’entretenir des relations sereines avec l’Inspection générale a été réaffirmée par la CNARELA. Nous reproduisons en annexe I le dernier courrier de M. Patrice Soler dont la lecture a été faite lors de l’assemblée générale. Le compte rendu – ainsi amendé – est adopté à l’unanimité. 2. Informations à propos de la conférence annuelle d’EUROCLASSICAen août 2011 à Paris. Les dates retenues pour cette manifestation sont les suivantes : 26 et 27 août 2011. Organisation : C’est Marie-Hélène Menaut qui pilote l’organisation des journées. Elle représentera d’ailleurs la CNARELA à l’Assemblée Générale d’Euroclassica qui se tient cette année à Madrid où elle prendra des contacts. L’association Pallas est chargée de l’organisation. Marie-Hélène Menaut va se mettre en relation avec cette association très prochainement pour évoquer le budget et l’organisation prévisionnels. Programme : Il est prévu de consacrer la première journée à des interventions autour du thème suivant : « La pédagogie des langues anciennes à la française ». Les membres des ARELA peuvent proposer des communications (elles devront être en anglais). Les noms de Dominique Augé et Mireille de Biasi ont été mentionnés. Lors de cette première journée aura lieu aussi l’Assemblée Générale d’Euroclassica : il faut prévoir une durée de trois heures. Le lieu prévu est la Sorbonne. Des visites seront organisées le deuxième jour : on évoque la visite des Thermes de Cluny, une visite-conférence à l’Académie française ; ou encore une visite du département des Antiquités du Louvre. Une visite de la crypte archéologique est aussi proposée. 3. Journées d’Octobre de la CNARELA 2010 et 2011. • Le CD des Journées d’Octobre de Nice a été envoyé au Ministère. Sylvie Pédroaréna lit la lettre de remerciement écrite par le ministre Luc Chatel. • Rappel : Les prochaines journées d’Octobre auront lieu à Lyon les 25 et 26 octobre 2010 sur le thème « De l’eau au vin : commerces et échanges en Gaule romaine ». Les deux journées se dérouleront à Lyon et à Saint-Romain-en-Gal. Le programme définitif est attendu dans les prochaines semaines. A venir : Les Journées d’Octobre de 2011 auront lieu à Clermont-Ferrand les lundi 24 et mardi 25 octobre autour du thème alléchant « Culture et transmission dans l’antiquité tardive ». Le premier jour sera consacré à des conférences : Les manuels scolaires de l’époque et les cours de rhétorique à la fin de l’empire ; Une conférence autour de Sidoine Apollinaire, « figure locale » ; Une conférence sur la Bible et le grec biblique ; Une conférence autour de l’arianisme ; Une conférence sur la disparition du grec en Occident. Notre Assemblée Générale aurait lieu en début d’après-midi. Après le repas nous assisterons à la projection du film Agora. Le deuxième jour s’organiserait comme suit : Conférence autour du film Agora vu la veille ; 23 Commentaire sur les transmissions des savoirs scientifiques ; Conférence sur les tablettes de défixion. Visites : 14h : musée archéologique de Clermont pour y admirer en particulier les ex-voto à but thérapeutique ; Puis direction Lezoux pour aller voir le nouveau musée de la céramique. Enfin, le troisième jour est proposée l’ascension du Puy de Dôme ! 4. Journées inter-académiques de l’année. Elles se sont déroulées cette année à Paris, Nantes, Toulouse et Lyon. Elles avaient pour thème les nouveaux programmes de collège. L’organisation était sensiblement la même partout : - une intervention d’un Inspecteur Général organisateur de ces Journées, centrée autour de l’inscription des programmes de langues anciennes dans le socle commun ; - plusieurs interventions scientifiques ; - ateliers. Les comptes rendus de ces journées devraient être mis en ligne prochainement sur le site du Ministère. 5. Journées de l’Antiquité : bilan de l’année. • ARELAMontpellier : organisation, entre autres, d’un café-théâtre antique où ont été lus ou représentés des textes sur le thème « fureur et déraison »; participation active de personnes qui ne sont pas membres de l’ARELAM. Bilan positif ; • Toulouse : ateliers de cuisine romaine à destination des étudiants et du personnel administratif de l’Université du Mirail ; exposition sur ce thème à la Bibliothèque universitaire centrale. Bilan positif ; • Bordeaux : les premières Journées de l’Antiquité ont eu lieu du 8 mars au 26 mars 2010. De nombreuses manifestations étaient destinées aux scolaires (ex : théâtre dans les lycées) ; il y a eu beaucoup de conférences, de concerts, de promenades ; la venue de la legio augusta octava a été très remarquée. Bilan : tout ce qui était grand public a connu un vif succès. Les conférences qui visaient le public plus restreint des professeurs de langues anciennes ont été moins fréquentées ; • Strasbourg : une journée pour les lycéens de classes préparatoires ; organisation d’un cycle de conférences sur le thème au programme : Le pouvoir du discours ; • Corse : la collègue représentant l’ARELACorse expose le travail qui a été fait pendant l’année en relation avec le Musée d’Aleria : les élèves et leurs professeurs ont composé une nouvelle qui sera prochainement mise en ligne sur le site de l’ARELACorse et/ou du rectorat. IMPORTANT : N’OUBLIEZ PAS DE TRANSMETTRE LES COUPURES DE PRESSE CONCERNANT VOS JOURNEES DE L’ANTIQUITÉ en format .pdf à Sylvie Pédroaréna : elles seront publiées sur le site de la CNARELA. 24 6. Point des actions dans le Supérieur. • Concernant les nouvelles épreuves du CAPES : les nombreuses actions menées par la CNARELA et/ou les associations amies (les motions, les pétitions, les comptes rendus des audiences…) ont été mises en ligne sur le site de la CNARELA. À noter : des annales zéro concernant les nouvelles épreuves des concours sont disponibles à l’adresse suivante : http://www.education.gouv.fr/cid49096/exemples-de-sujets.html. S’y trouvent également les annales de la nouvelle « épreuve » Agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable. Action en cours : des démarches sont actuellement faites par les membres du jury du CAPES de Lettres Classiques pour obtenir une audience au Ministère, afin de demander que l’épreuve orale d’explication de texte ait lieu soit en français soit en langues anciennes (latin ou grec) : le candidat tirerait au sort. Le candidat, lors de la deuxième épreuve orale (épreuve sur dossier), serait alors interrogé dans la langue (français ou langues anciennes) qui n’a pas été tirée au sort lors de la première épreuve orale. La CNARELA s’associe à cette demande et soutient les démarches du jury du CAPES de Lettres classiques. Sylvie Pédroaréna propose d’écrire une motion qui aille dans ce sens. Les représentants des ARELA mandatent le bureau pour écrire cette motion. • Forum des sociétés savantes. La prochaine réunion a lieu le samedi 5 juin 2010. C’est Hélène Frangoulis qui représentera la CNARELA. Il sera notamment demandé que les candidats à l’agrégation pour la session 2011 puissent s’inscrire en étant simplement titulaires d’un M1 et aient la possibilité de ne valider leur M2 qu’après leur réussite au concours. 7. Point sur la réforme du lycée. Sur EDUSCOL est annoncé que le programme de langues anciennes publié au BO de 2007 est valable à la rentrée prochaine pour l’enseignement d’exploration comme pour l’enseignement facultatif… Il n’y a donc pas de programme spécifique pour l’enseignement d’exploration. La réforme n’a rien changé concernant le logiciel qui permet de saisir les vœux des élèves en lycée général (AFFELNET) : les enseignements facultatifs ne sont toujours pas pris en compte. Il faut donc être particulièrement vigilant à la rentrée et s’assurer que tous les élèves qui avaient choisi de suivre un enseignement de langues anciennes ont pu le faire. Il est nécessaire aussi de se procurer la carte des langues de l’académie, établie par le rectorat chaque année ; c’est elle qui fait foi. Il serait souhaitable également que chaque ARELA fasse le point sur l’enseignement des langues anciennes proposé dans son académie : dans quel lycée est proposé le latin et /ou le grec en enseignement d’exploration, en enseignement facultatif ? Quelles sont les conséquences de la réforme ? N’OUBLIEZ PAS DE TRANSMETTRE LE COMPTE RENDU EVENTUEL DE L’AUDIENCE AUPRES DU RECTEUR CONCERNANT LA REFORME DES LYCEES. 8. Point sur le collège : Diplôme National du Brevet ; classes bilangues et sections européennes. Sylvie Pédroaréna rappelle qu’elle a envoyé une lettre au ministère, à la DGESCO, demandant que – pour cette année – soit accordée aux élèves de 3ème la possibilité de cumuler les points de l’option de langue ancienne et ceux de l’histoire des arts. Le courrier n’a obtenu aucune réponse. 25 Sections bilangues et classes européennes : il semble urgent d’évoquer le problème à la rentrée. La concurrence semble rude entre ces classes et les langues anciennes au collège. Sylvie Pédroaréna précise que la CNARELA va demander dès septembre une audience à la DGESCO. Ce sera l’occasion de faire le point sur le secondaire. Point sur la préparation de la rentrée 2010. Attention : il faut être vigilant sur les départs en retraite : c’est souvent l’occasion de supprimer un poste ou de le transformer en poste de lettres modernes. Par ailleurs, on peut rappeler que de nombreux postes ont été bloqués pour les futurs « stagiaires ». Pour la rentrée 2010 : n’hésitez pas à signaler les divers problèmes. Dans un premier temps : prévenez les IPR et le recteur de votre académie. Dans un second temps, signalez ces problèmes à la CNARELA qui préviendra M. Roser au Ministère. 9. Questions diverses. • ARELABOR : Des lycées non latinistes ont fait un film intitulé « Tous les chemins mènent au latin ». Ce film a eu beaucoup de succès. Des collègues proposent de refaire le film, ce qui permettrait de le vendre. Une co-production avec la CNARELA est envisagée. Une projection du film lors des Journées d’Octobre de Lyon est envisagée également. • Fédération des Œuvres Laïques : Sylvie Pédroaréna a bien envoyé un courrier pour évoquer l’augmentation importante du nombre de postes au CAFEP. • Epreuve « Agir en fonctionnaire » : Jeannette Boulay avait pris l'initiative d'alerter et de contacter Stéphane Hessel qui avait proposé qu’on lui transmette le texte que venait de rédiger Odile Mortier-Waldschmidt afin de lui donner une diffusion plus grande. Après quelques modifications, le texte intitulé « Non à la mise au pas des fonctionnaires » et accompagné d'une vingtaine de signatures éminentes (Heinz Wissmann, R. Aubrac, entre autres) a paru une première fois sur le site de l'Appel des Appels. Par ailleurs et parallèlement, le contact avait été établi avec Mediapart et le blog de Claude Lelièvre où le texte a été relayé. 26 COMPTE RENDU DE L'ASSEMBLÉE GÉNÉRALE Mardi 26 octobre 2010 de 9h30 à 11h00 À Chaponost ORDRE DU JOUR 1. Approbation de l’ordre du jour. 2. Approbation du compte rendu de l’Assemblée Générale du 29 mai 2010. 3. CAPES de Lettres Classiques. 4. Bilan de la rentrée dans le supérieur (mastérisation…). 5. Bilan de la rentrée 2010 dans le secondaire. 6. Comptes rendus des audiences. 7. Euroclassica (Paris, août 2011). 8. Questions diverses. 16 associations présentes : AGAP (Aix-Marseille), ARDELAC (Créteil), ARELABOR (Bordeaux), ARELABretagne, ARELAB (Besançon), APLG (Nantes), ARELACLER (Clermont-Ferrand), ARELAM (Montpellier), ADLAP (Amiens), AUSPEX (Reims), ARELAN (Nice), ARELAS (Strasbourg), ARTELA (Toulouse), ARELAL (Lyon), PALLAS (Paris) et Thalassa. 8 associations représentées : GELAHN (Rouen), ARELAG (Grenoble), APLAG (Guadeloupe), Connaissance hellénique, ALPLA (Nancy-Metz), APCELA (Poitiers), ARELAD (Dijon), Athéna. 24 présentes ou représentées sur 28. Le quorum est atteint. **************** Mme Nathalie Vincent, conseillère municipale, adjointe au maire, chargée de la culture et du patrimoine à la mairie de Chaponost, nous souhaite la bienvenue à la salle communale : la commune, fière de son aqueduc gallo-romain, est ravie de nous accueillir. Mme Vincent nous adresse tous ses encouragements dans la défense que nous menons pour les langues anciennes. Sylvie Pédroaréna demande à l’adjointe au maire de bien vouloir transmettre les remerciements de la CNARELA à la mairie de Chaponost pour la mise à disposition de cette salle. Elle remercie également chaleureusement l’ARELAL, en la personne de son président Jean-Paul Dugand, pour l’organisation très réussie de ces Journées d’octobre. C’est ensuite à Thalassa – représentée par Claire Valette et son assistante Margareth Gabriel – que Sylvie Pédroaréna exprime notre reconnaissance pour l’aide apportée à l’organisation de ces journées (prêt d’un car) et pour la distribution de brochures qui proposent notamment des voyages scolaires permettant de visiter Lyon et Saint-Romain-en-Gal. On procède ensuite à un tour de table où chaque représentant des ARELA se présente. 1. Approbation de l’ordre du jour. L’ordre du jour est approuvé. 2. Approbation du compte rendu de l’Assemblée Générale du 29 mai 2010. Le PV de la dernière assemblée générale est approuvé à l’unanimité. 27 3. CAPES de Lettres Classiques : Sylvie Pédroaréna commence par un rapide historique de la situation : la CNARELA a, dès le début, refusé la réforme du concours ; elle a participé à plusieurs audiences, a rédigé des motions allant dans ce sens, a soutenu et publié les motions du jury du CAPES de Lettres classiques et, avec des personnalités du monde universitaire, d’autres associations et sociétés savantes, a également signé la lettre rédigée par le président du jury du CAPES en juin dernier. À l’oral, un tirage au sort entre français et langues anciennes y était proposé pour l’épreuve d’explication de texte, l’épreuve sur dossier devant alors porter sur la discipline qui n’aurait pas été évaluée lors de la première épreuve orale. Cette dernière lettre n’ayant pas reçu de réponse avant la fin des épreuves orales du concours, 20 membres du jury sur 36 ont démissionné ; les enseignants qui n’ont pas démissionné ont fait savoir qu’ils désapprouvaient la réforme, mais qu’ils restaient dans le jury afin de veiller sur les conditions de recrutement des nouveaux enseignants. Rappel des épreuves du « nouveau » CAPES de LC (session 2011) : Ecrit 1° Composition française. Durée : six heures ; coefficient 3. 2° Epreuve de langues et cultures de l'Antiquité comportant : Durée : cinq heures ; coefficient 3. Partie A : 12 points : une version en langue ancienne (latin ou grec) consistant en la traduction d'un passage, choisi dans un texte de deux à trois pages fourni en édition bilingue (à l'exception du passage à traduire). La langue ancienne est choisie par le candidat au moment de l'inscription ; et la réponse à une question d'ordre littéraire, culturel ou historique portant sur l'ensemble du texte fourni. Partie B : 8 points : une version en langue ancienne dans la valence qui n'a pas été choisie par le candidat pour la artie A de l'épreuve, consistant en la traduction d'un texte. Oral 1° Leçon portant sur les programmes des classes de collège et de lycée : Durée de la préparation : trois heures ; durée totale de l'épreuve : une heure (exposé : quarante minutes ; entretien : vingt minutes) ; coefficient 3. L'épreuve porte sur un texte de langue française. Elle consiste en une explication de texte assortie d'une question de grammaire référée aux programmes des classes de collège ou de lycée. La méthode d'explication est laissée aux choix du candidat. La présentation de la question de grammaire prend la forme d'un développement organisé en relation avec les programmes La leçon est suivie d'un entretien avec le jury au cours duquel le candidat est invité à justifier ses analyses et ses choix. 2° Epreuve sur dossier comportant deux parties : 14 points sont attribués à la première partie et 6 points à la seconde. (Durée de la préparation : trois heures ; durée de l'épreuve : une heure ; coefficient 3.) Première partie : exposé prenant appui sur un dossier. (Présentation n'excédant pas vingt minutes ; entretien avec le jury : vingt minutes.) Seconde partie : interrogation portant sur la compétence « Agir en fonctionnaire de l'Etat et de façon éthique et responsable ». (Présentation dix minutes, entretien avec le jury : dix minutes.) 28 Le Ministère a réagi fin septembre dans une lettre adressée au Président du jury en acceptant de modifier la première épreuve orale selon la proposition énoncée dans la lettre de juin 2010. Contrairement à ce qui a été dit sur France Culture par Mme Josette Théophile, DRH au Ministère de l’Éducation Nationale, cette mesure prendra effet seulement à la session 2012 pour des raisons juridiques : ni les étudiants, ni les professeurs en effet n’ont été avertis suffisamment tôt de ce changement. Pour la session 2011, l’épreuve sur dossier – qui pourra porter sur une langue ancienne évaluera les connaissances linguistiques des candidats. Ce changement - certes important n’est pourtant pas suffisant à nos yeux : • A l’oral, l’épreuve « Agir en fonctionnaire de l’Etat » ne convient pas. Il faut que soit spécifié que les sujets seront limités à la sphère disciplinaire. D’autre part, le poids de cette épreuve (6 points) est trop important et doit diminuer. Sur ce sujet, il est décidé d’agir dans le cadre du Forum des Sociétés où Hélène Frangoulis représentera la CNARELA, le 27 novembre prochain. L’idée de contacter d’autres jurys est lancée ; il est proposé aussi de contacter des personnalités pour essayer de faire fléchir les instances dirigeantes : les noms de Michel Serres ou Marc Fumaroli sont prononcés… • À l’écrit, l’épreuve écrite de langues anciennes pose également problème : outre sa difficulté, le fait qu’il y ait une matière dominante et une matière secondaire est gênant pour un CAPES qui doit être trivalent. Il est nécessaire de demander une redéfinition de cette épreuve : il faut au moins rétablir l’égalité entre les deux langues en abandonnant les notions de « majeure » et de « mineure ». On envisage aussi de demander la suppression de la question de commentaire puisque l’explication de texte de langue ancienne a été rétablie à l’oral. Il est décidé d’attendre le déroulement des épreuves écrites du CAPES de cette session qui ont lieu début novembre et de reparler du contenu des épreuves en janvier, lors de la prochaine AG. Lors de l’émission La Fabrique de l’Histoire diffusée le jeudi 7 octobre 2010. Celle-ci peut être écoutée à l’adresse suivante : http://www.franceculture.com/emission-la-fabrique-de-lhistoire-histoire-de-la-culture-classique-44-2010-10-07.html Toutes les réformes en cours dans le supérieur concernant la formation des enseignants semblent menacer sérieusement le recrutement par concours. Le bureau demande alors à être mandaté pour écrire une motion concernant le CAPES et rappeler l’attachement de la CNARELA au recrutement des enseignants par un concours national : cette décision est adoptée à l’unanimité. Sylvie Pédroaréna rappelle que le CAPES de Lettres classiques est en outre menacé par les projets de fusion avec le concours de Lettres modernes, projets qui sont loin d’être abandonnés. Il est nécessaire que les ARELA sensibilisent les collègues du secondaire en passant l’information sur la réforme du CAPES qui, par ricochet, nous concerne tous. Plusieurs collègues rappellent que la spécificité de notre enseignement est de plus en plus menacé : de plus en plus de collègues de formation Lettres modernes sont appelés à remplacer des collègues de Lettres classiques : cette situation, qui peut exceptionnellement se produire, ne doit pas être pérennisée, d’autant plus qu’à partir de la session 2011, les collègues candidats au CAPES de Lettres modernes n’auront plus la possibilité de passer une langue ancienne à l’écrit. Il est alors décidé d’écrire une MOTION pour rappeler notre attachement à la spécificité de notre enseignement. 29 Odile Mortier-Waldschmidt intervient : il est nécessaire de se battre pour obtenir des aménagements - c’est le moins que nous puissions faire -, dans ce nouveau CAPES, sur les deux points qui viennent d’être évoqués (épreuve orale « Agir en fonctionnaire… » et épreuve écrite de langues anciennes). Mais il faut dès maintenant se poser la question : que ferons-nous si, comme il est probable, le ministère reste sourd à nos demandes ? Les membres des ARELA-CNARELA membres du jury devront-ils accepter de faire passer le CAPES dans sa forme actuelle, que la CNARELA condamne ? La question vaut la peine d’être posée, car il en va de notre crédibilité. Et Odile Mortier-Waldschmidt de donner l’exemple du jury de l’agrégation de philosophie : huit de ses membres ont démissionné le 18 octobre dernier à cause de leur désaccord avec l’épreuve « Agir en fonctionnaire… ». Agnès Orosco (ADLAP Amiens) regrette le manque de précision des informations données au cours de l’été au sujet de la démission de certains membres du jury du CAPES. Sylvie Pédroaréna évoque la différence de stratégie des membres du jury, stratégie qui n’était pas la même mais qui avait le même but. Certains membres d’ARELA, donc de la CNARELA, ayant choisi de démissionner et d’autres non, il n’était possible que de dresser un état des lieux, d’autant plus qu’un vote à ce sujet n’était pas faisable en plein été. Sylvie Pédroaréna rappelle également que son choix était personnel et n’engageait pas la CNARELA. Elle ajoute que la question posée par Odile Mortier-Waldschmidt demande réflexion. Florence Garambois (ARELAL) fait part de la baisse importante des inscrits au Capes de Lettres classiques dans les Universités. Nous ne pourrons pas savoir avant la session prochaine si elle n’est due qu’à la situation transitoire de cette année. 4. Bilan de la rentrée dans le supérieur (mastérisation…) : Hélène Frangoulis prend la parole pour évoquer la dispersion des étudiants de M1 entre Master enseignement et Master recherche. De plus, toutes les universités n’ayant pas adopté des mesures transitoires, les étudiants titulaires d’une licence se retrouvent cette année dans l’impossibilité de passer le concours, même s’ils ont été admissibles en 2010. D’autre part, les épreuves placées début novembre ne sont pas en adéquation avec le calendrier universitaire : ce calendrier oblige les étudiants à subir une préparation très concentrée dans le temps. Le bureau est mandaté pour rédiger une motion concernant la formation des enseignants et les conditions inadmissibles dans lesquelles les stagiaires accomplissent leur année de stage. L’idée de Sylvie Nourry-Namur (PALLAS-Paris) de présenter les différentes motions proposées au cours de cette AG sur un même document avec un préambule est adoptée : ce préambule expliquera que nous ne sommes pas dupes et que nous voyons bien que toutes ces réformes vont dans un seul et même sens. Florence Garambois évoque ensuite la mutualisation des moyens entre les Universités de Saint-Étienne, de Lyon II et de Lyon III : les enseignants ont appris le 10 septembre que la licence de Lettres classiques (qui comptait 7 étudiants inscrits alors que le président parlait d’un « seuil » non atteint de 10 étudiants) fusionnerait avec celles de Lyon ; cette décision est d’autant plus mal comprise que la maquette proposée par les enseignants avait été évaluée A+ par l’instance nationale d’évaluation des maquettes ; trois jours après, les étudiants apprenaient que le Master de Lettres classiques fermait aussi : les enseignants ont ensuite été sommés par les présidents des universités - dont le pouvoir décisionnaire a été fortement accru avec la LRU, on en voit là le terrible exemple - de faire des trois licences de 30 Lettres classiques une seule licence. 35 enseignants chercheurs sont concernés par cette « mutualisation ». D’autre part, d’autres matières, comme l’allemand ou l’arabe notamment, sont touchées de la même façon et d’autres universités pourraient être très prochainement appelées à faire de même… Marie-Hélène Menaut fait remarquer que de plus en plus, les langues anciennes sont associées aux langues dites « rares », ce qui ne correspond pas à leur importance, notamment dans le secondaire. Il faut être très vigilant. Florence Garembois communiquera les éléments concernant cette mutualisation entre Lyon et Saint-Étienne afin que la CNARELA puisse réagir. On demandera aux ARELA d’alerter les universitaires sur cette menace et de faire remonter toutes les informations sur le sujet, afin d’envisager les actions qui s’imposeront. 5. Bilan de la rentrée 2010 dans le secondaire. Au collège Lors de cette rentrée, on note, dans toutes les académies, une concurrence accrue des classes « bilangues » et des sections européennes ; en outre, cette concurrence entre ces sections et les langues anciennes n’est pas la même dans tous les établissements car l’autonomie des chefs d’établissement a été renforcée : Sylvie Pédroaréna rappelle qu’il y a compatibilité entre ces sections et les langues anciennes. Aucun texte ne mentionne une impossibilité. Il faut le rappeler aux collègues et leur demander d’être vigilants. La demande d’audience auprès de M. Blanquer, directeur de la DGESCO, va être renouvelée. S. Pédroaréna rappelle la procédure quand une difficulté se présente dans une académie : • l’ARELA envoie un courrier aux IPR et au rectorat (le courrier accompagné d’une démarche des parents a plus de poids) • l’ARELA fait une copie de ce courrier à la CNARELA • la CNARELA transmet alors au MEN et aux Inspecteurs généraux. Concernant le Diplôme National du Brevet, la langue ancienne n’entrera pas en concurrence avec l’Histoire des Arts cette année. Les Inspecteurs généraux l’ont confirmé. Au Lycée Le bilan de la réforme semble prématuré. Nous n’avons pas assez de données précises ; il faudra attendre les chiffres communiqués par la DGESCO en janvier. On note cependant d’ores et déjà deux dominantes : • l’effondrement du grec. • Les lycées de centre-ville semblent avoir moins souffert que les lycées ruraux. Sylvie Pédroaréna annonce que contact va être pris avec le directeur de l’ONISEP, Pascal Charvet. Les Inspecteurs généraux nous ont encouragés à le rencontrer. En effet, il est nécessaire que la brochure d’entrée en 2nde soit plus claire, plus lisible et surtout soit éditée plus tôt que l’an dernier : la mise en place tardive de la réforme l’avait empêché. Il sera également demandé s’il est possible d’envisager de rééditer une plaquette spéciale « langues anciennes au lycée et dans le supérieur ». Enfin, le logiciel AFFELNET sera évoqué : pourquoi le logiciel ne prend-il pas en compte les options facultatives ? Il est rappelé qu’il faut être vigilant sur la manière dont est rédigée la fiche d’inscription en lycée. Des exemples des problèmes dus à la mise en place de la réforme sont ensuite mentionnés, comme, par exemple, à Lyon ou encore à Nice. 31 6. Comptes rendus des audiences. Le compte rendu de la réunion avec les Inspecteurs généraux, Mme Klein et M. Soler, sera très prochainement envoyé aux ARELA. Outre ceux déjà évoqués au fil de l’assemblée générale, les points suivants ont été abordés : - La CNARELA a été reçue dans le cadre du rapport sur les langues et cultures de l’Antiquité qui a été commandé aux Inspecteurs généraux par le Ministère. - Les Inspecteurs généraux nous ont encouragés à rencontrer M. Charvet (directeur de l’Onisep), M. Blanquer (directeur de la DGESCO), les IA-IPR de nos académies, malgré leur emploi du temps chargé. - La nouvelle banque d’épreuves littéraires au concours d’entrée des Écoles normales supérieures a été également évoquée : il est nécessaire de faire passer l’information aux collègues. Les informations sur ce point sont dans le compte rendu. - Les publications des ARELA sont très intéressantes, il faut les « relooker » pour les diffuser davantage ; Mme Klein nous a mis en contact avec le CNDP. Nous devons rencontrer la directrice du CNDP et réfléchir aux modalités d’une éventuelle collaboration. On pense à une édition du Florilège et d’un catalogue des publications des ARELA. Il est donc nécessaire que les ARELA envoient à Florence Turpin ([email protected]), sous forme numérisée, les meilleurs articles de leurs bulletins 2009-2010 avant l’AG de janvier 2011. 7. Euroclassica Les journées EUROCLASSICA auront lieu en août 2011 à Paris : les 25, 26 et 27 août 2011. Les demandes de subventions sont en cours Programme : 25 août : atelier autour du certificat européen pour le latin et pour le grec ; les autres degrés (à l’exemple du Vestibulum envoyé dernièrement aux ARELA) Soirée : promenade sur la Seine. 26 août : matinée : parcours d’enseignement du latin et du grec en France ; trois interventions sont envisagées. Après-midi : AG d’Euroclassica. Soirée : visite en nocturne du département des Antiquités du Louvre. 27 août : excursion à Versailles et promenade dans les jardins sur le thème des Métamorphoses d’Ovide sous la conduite d’Annie Collognat. Il est demandé aux ARELA de faire parvenir quelques-unes de leurs publications qui seront distribuées gracieusement aux membres européens. 8. Questions diverses - Pour éviter les délicates questions de droits, Sylvie Pédroaréna demande aux ARELA d’envoyer plutôt une publication papier aux ARELA et de garder l’envoi numérique pour leurs adhérents. Il ne faut pas oublier d’envoyer un exemplaire à chaque membre du bureau. - A la demande d’une ARELA, la CNARELA va se renseigner pour savoir comment être reconnue d’utilité publique. L’idée serait que si la CNARELA est ainsi estampillée, les ARELA en profitent également. - L’organisation des Journées d’octobre 2012 sera évoquée lors de l’Assemblée Générale du 15 janvier 2010 à Paris. Pour mémoire, les Journées d’octobre 2011 seront organisées à Clermont-Ferrand. Pour le bureau de la CNARELA, La secrétaire, Claire Laimé-Couturier 32 ANNEXE - MOTION Consciente que les diverses réformes concernant le système éducatif dans l’enseignement secondaire (réforme du lycée) comme dans l’enseignement supérieur (« mastérisation », réforme du CAPES, formation des enseignants-stagiaires) sont le fruit d’une entreprise cohérente de sape du système éducatif français et notamment de l’enseignement des Langues anciennes, la CNARELA, réunie en Assemblée Générale le 26 octobre 2010, à Chaponost (69), a adopté à l’unanimité les motions suivantes : Devant les difficultés d’organisation et de préparation au CAPES que provoque la « mastérisation », la CNARELA affirme son attachement à un recrutement des enseignants par un concours national. C’est en effet la garantie d’une égale qualité de l’enseignement sur tout le territoire. Elle demande instamment que la réforme soit revue et que le calendrier des épreuves soit modifié afin de faciliter la préparation du concours. Alors que de plus en plus souvent, l’enseignement du latin est confié à des professeurs de Lettres modernes, la CNARELA réaffirme la spécificité des enseignants de Lettres classiques. Eux seuls ont été formés à enseigner français, latin et grec, en établissant des liens entre ces trois disciplines. De plus, à partir de la session 2011, le CAPES de Lettres modernes ne comportera plus d’épreuve de Langue ancienne. Comment alors les candidats reçus pourraient-ils assurer un enseignement en latin ou, a fortiori, en grec ? La CNARELA dénonce les conditions scandaleuses d’entrée dans la profession des nouveaux enseignants reçus à la session 2010 du concours. Outre une charge de travail excessive, comme c’est le cas pour tous les stagiaires, les recrutés en Lettres classiques rencontrent souvent un problème supplémentaire : ils sont encadrés par des tuteurs de Lettres modernes. Leur formation pédagogique en Langues anciennes est de ce fait inexistante. Nous exigeons que les stagiaires en Lettres classiques soient confiés à des tuteurs spécialistes de Lettres classiques. 33 COMMUNIQUÉ DU FORUM DES SOCIETES SAVANTES DE JUIN 2010 Menaces persistantes sur les concours de recrutement des enseignants Le Forum des Sociétés Savantes a pris position à plusieurs reprises sur les conséquences de la réforme dite de mastérisation des concours d’enseignants, notamment en novembre 2009 (« Réformons la Réforme ») et en février 2010 (« Mastérisation : de mal en pis »). Les craintes que nous exprimions s’intensifient et nous conduisent à préciser nos vives inquiétudes quant aux nouvelles modalités de recrutement des enseignants de l’enseignement secondaire et à leurs effets pervers sur l'enseignement supérieur. L’arrêté du 28 décembre 2009 introduit dans les concours une nouvelle épreuve « Agir en fonctionnaire de l’Etat et de façon éthique et responsable » dont le référentiel est défini dans un arrêté du 19 décembre 2006. Les exemples de « sujets zéro » mis en ligne sur le site du Ministère de l'Education Nationale et les « pistes de réponses attendues » réclament des connaissances juridiques, psychologiques, sociologiques et administratives considérables (voir l’annexe 2). Le corpus de savoirs évoqués, aussi large que mal défini, interdit une évaluation objective des candidats. De plus, l’épreuve se greffe artificiellement sur une épreuve disciplinaire préexistante. Le candidat se voit remettre à la fois un sujet disciplinaire et un questionnaire portant sur cette « compétence ». Comment en faire une évaluation rigoureuse à partir d’attendus aussi disparates ? De nombreux professeurs, gênés par la nature non-disciplinaire et potentiellement idéologique de cette épreuve, risquent de ne plus être volontaires pour participer aux jurys. Pour l’agrégation, l’adjonction de cette épreuve à l’une des épreuves orales disciplinaires pré-existantes induit une modification arbitraire du coefficient de celle-ci, préjudiciable aux équilibres établis de longue date entre les sous-disciplines d’un même concours. Qui plus est, le poids de la compétence « Agir en fonctionnaire de l'Etat » varie en pourcentage de la note finale du concours de 2,47% en lettres modernes à 8,33% en mathématiques, un comble pour l’évaluation d’une compétence non disciplinaire. Le décret du 28 mai 2010 et le guide SIAC du ministère de l'Education Nationale stipulent l’obligation de justifier du certificat de compétences en langues CLES2 et du certificat de compétences en informatique et internet pour enseignant C2i2e qui s'effectue devant des élèves, ajoutant à la confusion générale. Le Forum rappelle qu’une éventuelle évaluation faisant appel à des connaissances administratives trouverait beaucoup plus naturellement sa place à l'issue de l'année de fonctionnaire stagiaire pour la titularisation. Les professeurs agrégés sont destinés à l’enseignement secondaire mais aussi, selon leur statut, à l’enseignement supérieur. Les textes parus récemment sont susceptibles de modifier en profondeur la typologie du recrutement des futurs agrégés et les missions qui leur seront confiées. Le décret du 28 juillet 2009 stipule que « peuvent se présenter au concours externe les candidats justifiant de la détention d’un master ou d’un titre ou diplôme reconnu équivalent » ; le décret du 28 mai 2010 précise que la validité du diplôme s’apprécie à la date d’admissibilité du concours, tandis que les informations du site du ministère de l'Education Nationale évoquent la date de la rentrée suivante. Ne pourraient être admis que les candidats titulaires d’un master ou équivalent à cette date variable. Cette demi-mesure ne suffit pas à répondre à la demande du Forum de commutativité entre agrégation et M2 ; nous demandons que les candidats à l’agrégation titulaires d’un M1 puissent passer les 34 épreuves d’admission et aient la possibilité de valider un M2 après leur réussite au concours. Qui plus est, la note aux recteurs du 29 avril 2010 ne prévoit pas de report de stage pour cette année pour les reçus à l’agrégation ou au CAPES désirant suivre un M2. Dans certaines disciplines, ces restrictions s’ajoutent au découplage imposé par les programmes des concours entre préparation CAPES et agrégation, que le Forum a déjà dénoncé. Une diminution importante du flux de candidats à l’agrégation et une répercussion sur le nombre de futurs docteurs est à prévoir. On peut craindre que les meilleurs candidats renoncent à se présenter à l’agrégation ou inversement se détournent de la recherche. Il serait dommageable que les futurs jeunes chercheurs, souvent très spécialisés, ne puissent plus bénéficier de l’année de consolidation généraliste que constitue la préparation à l’agrégation. On peut s’attendre à ce que les futurs agrégés soient beaucoup plus orientés vers l’enseignement secondaire et que leurs contacts avec la recherche deviennent très ténus. Un retour en arrière, avec des professeurs de CPGE non docteurs, contredirait la volonté légitime de l’Inspection Générale de recruter, à ce niveau, des professeurs agrégés-docteurs. Enfin, la disparition ou la perte de poids de certaines disciplines des programmes des concours risque d’aboutir à leur disparition pure et simple de l’enseignement supérieur, du fait d’une logique purement comptable de recrutement d’enseignants-chercheurs selon l’effectif des étudiants concernés. Le Forum s'inquiète de l'évolution des concours et demande qu'une large réflexion sur ses conséquences sur l’ensemble de l’éducation nationale soit engagée dans les plus brefs délais. Annexe 1 - Exemples disciplinaires : Au CAPES de lettres modernes, la suppression de l’épreuve de langue ancienne ou moderne ne permet plus de constituer un vivier de professeurs de français capables d’assurer dans leur classe l’initiation au grec ou au latin. Au CAPES de lettres classiques, le latin et le grec sont absents des épreuves orales, ce qui ne permet pas d’évaluer comme il convient l’aptitude du candidat à expliquer à l’oral un texte en langue ancienne. Il faut donc que soit introduit pour l’épreuve de leçon un tirage au sort entre français et langues anciennes ; l’épreuve sur dossier porterait alors sur la discipline non évaluée lors de la première épreuve. A l'agrégation de mathématiques, les trois épreuves orales, algèbre-géométrie, analyseprobabilités, modélisation, étaient toutes affectées d’un coefficient 1. Les deux épreuves analyse-probabilités, modélisation et leurs coefficients sont inchangés, mais l’épreuve algèbre-géométrie est remplacée par une épreuve "algèbre-géométrie et compétence « agir en fonctionnaire de l'Etat »" à coefficient 2, avec un quart des points pour la compétence « agir en fonctionnaire de l'Etat ». Il est nécessaire qu'un équilibre entre algèbre et analyse soit retrouvé. Au CAPES de langues, la disparition des programmes en littérature et en civilisation et de toute référence à l'explication grammaticale soulève une grande inquiétude et une demande de constitution d'un large corpus de référence pour plusieurs années. Pour la littérature, cette orientation entre en contradiction par exemple avec l'introduction de Shakespeare dans l'enseignement de littérature étrangère en langue étrangère prévu dans le cycle terminal du lycée. Annexe 2 – Exemple de sujet zéro « Agir en fonctionnaire de l’État » Thème : exercice de la liberté pédagogique Référence à l’arrêté du 19/12/2006 : 35 « Il exerce sa liberté et sa responsabilité pédagogique dans le cadre des obligations réglementaires et des textes officiels » « Connaissance du rôle des différents conseils… » Situation : Dans un lycée de l’académie de Z, sur proposition du conseil pédagogique, le conseil d’administration a adopté pour l’année scolaire suivante un mode d’organisation de l’aide individualisée en seconde sur 27 semaines avec une mise en parallèle de deux classes afin de diversifier davantage et de mieux cibler les aides apportées aux élèves en difficulté. Deux professeurs de mathématiques qui depuis plusieurs années conduisaient dans leurs classes respectives les séances d’aide individualisée considèrent que cette organisation porte atteinte à leur liberté pédagogique, notamment en raison de son impact sur la complémentarité entre le travail en classe entière et le travail en formation plus restreinte. Ils disent ne pas se sentir liés par les orientations proposées par le conseil pédagogique et par les décisions d’organisation votées au conseil d’administration. Questions : - Comment analyser vous cette situation ? - Pensez-vous qu’un choix du conseil pédagogique ou du conseil d’administration peut s’imposer aux options pédagogiques individuelles d’un professeur ? - Quel est le champ précis d’exercice de liberté pédagogique ? - Sur quelles références législatives et réglementaires s’appuyer pour analyser cette situation ? - Dans une situation d’options différentes voire de désaccords en matière d’organisation des enseignements et de répartition des services, quels sont les compétences du conseil d’enseignement, du conseil pédagogique, du conseil d’administration, du chef d’établissement ? Quelques pistes de réponses attendues : - Les responsabilités des enseignants et l’exercice de la liberté pédagogique (livre IX du Code de l’éducation, partie législative, articles L.912-1 et L.912-1-1 (qui reprend l’article 48 de la loi du 23 avril 2005). - Les bases de l’organisation administrative des EPLE et les compétences des différents instances : livre IV du Code de l’éducation et notamment les articles relatifs aux rôles des différents conseils et instances dans la mise en oeuvre de l’autonomie pédagogique et éducative des établissements (L.421-2 à L. 421-5). Les textes cités sont disponibles sur le site de la SMF : http://smf.emath.fr Sociétés signataires : Association des Anglicistes pour les Etudes de Langue Orale dans l’Enseignement Supérieur, Secondaire et Elémentaire Assemblée des Directeurs d'IREM Association (pour l'Encouragement) des Etudes Grecques (en France) Association des Germanistes de l’Enseignement Supérieur Association des Historiens Contemporanéistes de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche Association des Historiens Modernistes des Universités Françaises Association des Linguistes pour l’Enseignement de l’Oral dans l’Enseignement Supérieur, Secondaire et Elémentaire Association des Linguistes Anglicistes de l’Enseignement Supérieur Association des Médiévistes Anglicistes de l'Enseignement Supérieur Association des Professeurs d'Histoire et de Géographie Association des Professeurs de Biologie-Géologie 36 Association des Professeurs de Biotechnologies, Santé, Environnement Association des Professeurs de Langues Anciennes de l'Enseignement Supérieur Association des Professeurs de Langues des IUT Association des Professeurs de Langues Vivantes Association des Professeurs de Lettres Association des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public Association des Professeurs de Musique et de Musicologie de l'Enseignement Supérieur Association des Professeurs de Philosophie de l'Enseignement Public Association des Sciences du Langage Association Française d'Etudes Américaines Association Française de Mécanique Association Française des Catalanistes Association Française des Enseignants Chercheurs en Cinéma et Audiovisuel Association Française des Russisants Association Française des Enseignants de Français Association pour la Recherche en Didactique des Mathématiques Commission Française pour l'Enseignement des Mathématiques Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes Femmes et Mathématiques Rassemblement National des Centres de Langues de l’Enseignement Supérieur Société Botanique de France Société d'Etude de la Littérature Française du XXe siècle Société d’Etude du XVIIe Siècle Société de Langue et Littérature Médiévales d’Oc et d’Oïl Société de Mathématiques Appliquées et Industrielles Société de Philosophie des Sciences Société des Anglicistes de l'Enseignement Supérieur Société des Etudes Latines Société des Etudes Romantiques et Dix-neuvièmistes Société des Hispanistes Français Société des Italianistes de l'Enseignement Supérieur Société des Langues Néo-Latines Société des Historiens Médiévistes de l’Enseignement Supérieur Public Société des Personnels Enseignants et Chercheurs en Informatique de France Société des Professeurs d’Histoire Ancienne de l’Université Société Française d’Etude du Dix-huitième Siècle Société Française d'Étude du Seizième Siècle Société Française d'Etudes Médio- et Néo-Latines Société Française de Littérature Générale et Comparée Société Française de Physique Société Française de Statistique Société Française des Etudes Japonaises Société Française Shakespeare Société Mathématique de France Union des Professeurs de Physique et de Chimie Union des Professeurs de Spéciales 37 RÉUNION DU FORUM DES SOCIÉTÉS SAVANTES DU 27 novembre 2010 (IHP). 1) Ouverture de la séance. Débat et votes sur la création d’une fédération des sociétés du Forum Plusieurs membres du bureau provisoire soulignent le besoin de constituer désormais une structure officiellement reconnue par les pouvoirs publics et regroupant de nombreuses sociétés (le Forum regroupe déjà une soixantaine de sociétés et plusieurs dizaines de milliers d’adhérents) afin de rechercher le consensus sur les questions qui concernent toutes les sociétés, et de peser sur les décisions. Il est donc proposé aux sociétés du Forum de constituer ensemble une fédération instituée qui leur permette, sinon de parler d’une seule voix, du moins de signer ensemble des textes, et de se prononcer face aux pouvoirs publics et aux médias sur les grandes questions touchant au fonctionnement de l’Education Nationale, de l'Enseignement Supérieur, de la Recherche et des Universités, notamment sur les réformes en cours, qui suscitent une vive inquiétude partagée par les enseignants et chercheurs de toutes disciplines. Les textes seront préparés par le Forum et systématiquement soumis à validation par chacune des sociétés. Les textes diffusés seront suivis des signatures des sociétés les ayant validés. Si le principe d’une institutionnalisation est acquis, un groupe devra rédiger ces nouveaux statuts, conformément aux cadres définis par la loi de 1901. Les objectifs de la fédération s’inspireront du texte de création du Forum. La structure devra être la plus légère possible. Il est proposé, pour intégrer les sociétés du secondaire qui nous ont rejoints, et pour remplacer le syntagme « sociétés savantes » mal perçu ou mal compris par de nombreux interlocuteurs, de changer le nom en Forum des Sociétés d’Enseignants et de Chercheurs (FSEC). Vote sur le principe d’une institutionnalisation du Forum : adopté à la majorité (20 pour et 1 NPPV). Une Assemblée Générale sera convoquée ultérieurement pour formaliser l’association. Vote sur le remplacement du nom « Forum des Sociétés Savantes » par « Forum des sociétés d’enseignants et de chercheurs » : adopté à la majorité (20 pour et 1 NPPV). Vote sur la constitution du bureau provisoire : adopté à l’unanimité (21 pour). Le bureau convoquera la première Assemblée Générale pour créer la structure. Accord sur la formation d'un « groupe constituant » désigné pour lancer la constitution de la structure et en rédiger les statuts, composé du bureau provisoire et de quelques autres volontaires. Composition du bureau : Eric Barbazo, Association des Professeurs de Mathématiques de l'Enseignement Public, Philippe Blanc, Association des Professeurs de Philosophie de l'Enseignement Public, Joëlle Ducos, Société de Langue et Littérature Médiévales d’Oc et d’Oïl, Hélène Frangoulis, Coordination Nationale des Associations Régionales d’Enseignants de Langues Anciennes, Anne-Florence Gillard-Estrada, Société des Anglicistes de l'EnseignementSupérieur, Valérie Girardin, Société Mathématique de France, 38 Jean-Yves Guillaumin, Association des Professeurs de Langues Anciennes de l'Enseignement Supérieur, Stéphane Jaffard, Société Mathématique de France, Michèle Leduc, Société Française de Physique, Christophe Mileschi, Société des Italianistes de l'Enseignement Supérieur, Jean Vignes, Société Française d'Étude du Seizième Siècle. 2) Mastérisation Problème du contenu des concours Exemplarité du CAPES de musique pour lequel le nombre de sujets possibles de l’épreuve « culture musicale et artistique » se trouve limité à une dizaine de par la restriction du programme à celui des collèges ; l’intitulé de l'épreuve de novembre 2010 était identique au sujet donné au CNED (les documents présentés étaient différents mais le sujet précisait que le candidat pouvait s'appuyer sur les références de son choix), Baisse de niveau constatée dans certains concours du CAPES, spécialement en SHS. Sur la nouvelle épreuve « Agir en fonctionnaire… » Le jury sera celui des épreuves disciplinaires. Pour le concours du CAPES, les sujets zéro diffusés au printemps dernier semblent être la règle. Pour l’agrégation, la plupart des rapports n’évoquent pas l’épreuve. Quelques jurys en ont donné leur interprétation. Le jury de l’agrégation de lettres modernes propose par exemple une épreuve du type mini-épreuve de didactique (réflexion sur l’utilisation de ce texte en classe, accompagné d’un groupement de textes). Par ailleurs, un bon nombre des universités a repris pour la préparation à cette épreuve les structures préexistant en IUFM. Quelques-unes ont mis en place des modules spécifiques, y compris pour l'agrégation. Problème : certains jurys comportent moins d’universitaires que d’autres ; l'importance du président du jury est remarquée. Effectifs : manque criant de candidats, par exemple 135 présents pour 185 postes au CAPES de lettres classiques. Les effectifs d'étudiants en Master Enseignement s'écroulent de façon très inquiétante dans de nombreuses disciplines. Certains présidents de jurys de concours se sont déjà inquiétés de la baisse du nombre d’inscrits aux concours et d'étudiants en master. CLES 2 (point abordé l'après-midi) Le report du CLES 2 à la session 2012 est rappelé. Il faudrait que la certification puisse être accordée par l’intermédiaire des enseignements déjà en place dans les Universités (les options pour non-spécialistes par exemple). Il faut éviter que l’enseignement des langues et civilisations étrangères ne se transforme en un enseignement proche de la méthode Assimil. Proposition d’action du Forum La remise en perspective des textes diffusés depuis la création du Forum serait un point d'appui. Un texte doit être écrit pour faire le point selon les disciplines sur les contenus des concours et sur l’épreuve « Agir… », puisque les pratiques sont différentes. Montrer le paradoxe d’un éclatement de cette épreuve alors qu’il y a eu présentation de sujets « zéro » communs à tous les concours pour une épreuve non disciplinaire. L’absence de visibilité de la carte des masters selon les disciplines et les universités induit une diversité de formations avec rupture de l’égalité entre étudiants. On peut craindre que les baisses d’effectifs ne conduisent à des suppressions de postes. Il faut relier cela à une baisse de la qualité du recrutement, 39 en contradiction avec la hausse du niveau de recrutement, de même qu’à l’absence de formation initiale pratique. Présenter par exemple un rapport auprès des commissions des Affaires Culturelles du Sénat et de l’Assemblée Nationale. 3) Stagiaires et formation continue Les professeurs stagiaires après le concours L’APMEP vient d'alerter le ministère sur les conditions difficiles imposées aux professeurs stagiaires depuis la rentrée et a demandé au ministère un état des lieux. Le rôle du Forum est plutôt de réfléchir sur les questions de fond qui se posent aux stagiaires : que vont-ils enseigner et comment ? Les « stages » des étudiants inscrits en master On constate une grande inégalité selon les académies et les disciplines. Par exemple, certaines universités ont refusé d'inclure le stage en responsabilité dans les maquettes pour ne pas transformer les étudiants de master en vivier de remplaçants. Dans certaines académies, les M1 ou M2 seront délivrés sans les stages prévus dans les maquettes faute de réponse adéquate du rectorat. On note que les stages en responsabilité avant le concours conduisent à mettre (seuls) devant les élèves des enseignants sans véritable formation pédagogique. Une réponse est toujours possible : c’est comme pour les vacataires... La formation continue Elle est de plus en plus sinistrée, dans toutes les disciplines ; de nombreux stages PAF sont supprimés ou maintenus avec des ordres de mission sans frais, ce qui les vide de leurs effectifs. Le prétexte avancé est souvent que le financement devait servir aux semaines de formation des stagiaires lauréats du concours 2010, même lorsque ces semaines de formation sont elles aussi supprimées. Il est utile de rappeler que la formation continue doit être une priorité nationale pour tous les personnels de l’Education Nationale, au moment où la dimension nationale de cette formation tend à disparaître. En particulier, l’INRP fait l’objet d’une dissolution et devrait être intégré à l’ENS-Lyon. L’APMPEP propose la création d’un Institut National de la Formation Continue (sur le modèle des IREM qui, depuis 40 ans en mathématiques, arrivent à associer enseignement supérieur et secondaire). Cet institut serait destiné au personnel enseignant et nonenseignant de l’Education Nationale. On remarque que cet Institut pourrait être perçu comme hégémonique. Il faut donc éviter toute structure pyramidale ; il faut identifier les réseaux qui existent déjà et les intégrer, identifier aussi les demandes des personnels enseignants et des autres personnels de l’Education Nationale et mutualiser les moyens déjà existants. Proposition d’action du Forum La remise en perspective des textes diffusés depuis la création du Forum serait un point d'appui. Rappeler la nécessité d'une formation des stagiaires post-concours, qui devait représenter 1/3 du service. Un texte sur les stages de masters et l’année de formation des lauréats au concours doit être écrit. Le texte de l'APMEP pourrait servir de base à un texte du Forum sur la formation continue. 4) Réforme des lycées La mise en place de la réforme en Seconde On constate des disparités importantes entre les établissements, et donc un risque de spécialisation des établissements. 40 La proposition du ministère d’étendre l’enseignement de la philosophie aux classes de Seconde et de Première Le risque est grand de faire apparaître la philosophie uniquement comme un regard sur les autres disciplines et non comme une discipline. Le nouveau conseiller aux affaires pédagogiques a suggéré à l'APPEP la création de « groupes de compétence », ce qui paraît incompatible avec la philosophie. Proposition d’action du Forum Le Forum doit rappeler le principe que chacun puisse bénéficier à la fois d’une formation scientifique et d’une formation humaniste équilibrées. 5) Enseignement supérieur et recherche Rôle attribué au nouveau CNU d'évaluation des enseignants-chercheurs La CP-CNU considère que c’est bien au CNU de tenir ce rôle. Cette évaluation étant dans le cahier des charges des futurs nouveaux membres du CNU, ils ne pourront pas le refuser s'ils s'y portent candidats. La politique de la chaise vide est également dangereuse. On note qu'en Allemagne, l’évaluation est faite par une agence d’évaluation privée. Quel sera le but de cette évaluation récurrente ? Le risque est qu’elle serve à une modulation des services. Elle risque aussi de démotiver les chercheurs mal notés. Cela peut aboutir à un effet pervers : le refus de toute charge administrative car les critères vont porter sur la recherche. Il est question dans certaines sections de quotas pour l'évaluation individuelle 25% A, 25% B, 50% C, avec des conséquences pour 4 ans. Enfin, quelle sera l’articulation entre l’évaluation des laboratoires par l’AERES et l’évaluation individuelle ? Pour l’instant, les critères sont très différents mais il semble impossible qu’il n’y ait pas de conséquence. Conséquences de la LRU Elle crée des dysfonctionnements pour les recrutements. Il était rare qu’un CA revienne sur un recrutement, c’est maintenant plus fréquent. Pour les redéploiements de postes, certaines disciplines seraient touchées en priorité. La question de la parité est abordée : selon les disciplines, il existe des jurys de thèse ou des comités de sélection exclusivement féminins ou masculins, une mixité devrait être la règle. Labex et Idex On se dirige vers un fonctionnement par projet de recherche, avec des financements temporaires. Les décisions scientifiques se font de plus en plus localement, les financements pérennes des laboratoires disparaissent. A cela s’ajoute la disparité des équipes, dans des structures nées de fusions artificielles : l’idée d’interdisciplinarité et d’interaction avec tout le monde n’a pas de sens et favorise les projets « bidon ». Proposition d’action du Forum Se renseigner auprès du CNU sur le calendrier et sur ce qui se prépare ; demander un RV au Ministère. Il est demandé a chaque membre du bureau qui est en contact avec des membres de CNU (et a a fortiori de la CPCNU) de prendre contact avec eux afin d'obtenir des informations sur ce point. Enquête dans les universités sur les dysfonctionnements de la LRU via les correspondants locaux d’associations membres du Forum. Puis demande de RV auprès de la commission de suivi de la LRU. Une prise de contact avec la CPU est aussi envisagée. 41 DEUXIÈME MOTION DU JURY DE CAPES DE LETTRES CLASSIQUES Les membres du jury du Capes de Lettres Classiques ont pris connaissance des conditions dans lesquelles le Ministère, par l’intermédiaire de monsieur Santana, a convoqué individuellement Mme S. Luciani, vice-présidente du jury, suite à leur première motion, fruit d’une concertation collective et argumentée, votée à une large majorité, soutenue par la 8ème section du CNU comme par toutes les associations de promotion des humanités classiques, et visant à dénoncer le caractère pernicieux de la réforme mise en œuvre par l’Arrêté du 28 décembre 2009 fixant les sections et les modalités d’organisation des concours du certificat d’aptitude au professorat du second degré, publié au Journal Officiel du 6 janvier 2010. Après avoir été informé de la convocation et de la teneur de l’entretien, le jury du Capes de Lettres Classiques tient à affirmer les points suivants : 1. Exprimer de façon publique et argumentée son opinion sur les réformes en cours est pour tout enseignant un droit, garanti à tous les citoyens par la liberté d’expression ; ce droit relève de la déontologie lorsque l’enseignant fait partie d’un jury habilité à apprécier les connaissances et compétences d’un candidat au métier d’enseignant. 2. Les membres d’un jury de concours national d’enseignement, quel que soit leur statut, ne sauraient être tenus pour des exécutants muets du Ministère, mais demeurent, collectivement et individuellement, soucieux de la qualité de la formation et du recrutement des enseignants ; seule cette qualité peut garantir la valeur des enseignements qui seront dispensés par les futurs admis au concours, et l’égalité des conditions d’accès aux connaissances et compétences que tout futur citoyen est en droit d’acquérir dans le cadre de l’école publique. Or c’est cette qualité que la réforme en cours met gravement en péril. 3. Les membres du jury de Capes de Lettres Classiques demandent à nouveau instamment l’ouverture de la concertation qui avait été promise par le Ministère comme préalable à la publication des arrêtés, et qui n’a pas eu lieu. Cette concertation doit porter notamment sur le calendrier et les modalités des épreuves écrites et orales du concours, dont ils continuent d’estimer qu’ils ne permettront pas, en l’état des textes, d’évaluer équitablement les candidats. À ce titre, les membres du jury renouvellent les remarques et propositions qui faisaient l’objet de la première motion. 4. Tant que les discussions n’auront pas abouti, les membres du jury de Capes de Lettres Classiques ayant approuvé et signé la première motion, forts de leur expérience en matière de recrutement des professeurs de lycées et collèges comme en matière d’enseignement, entendent persister dans leur intention et leur propos, et continueront de faire connaître, au Ministère comme à l’opinion publique, les raisons argumentées de leur opposition ferme à la réforme imposée sans concertation. 42 COMPTE RENDU DE LA RÉUNION À L’INSPECTION GÉNÉRALE Mercredi 13 octobre 2010 107, rue de Grenelle – Paris Mme Catherine Klein et M. Patrice Soler, Inspecteurs généraux des Lettres, ont reçu la CNARELA, représentée par Sylvie Pédroaréna, présidente de la CNARELA, Sylvie DavidGuignard, présidente de l’ARELAB (Besançon), et Claire Laimé-Couturier, membre du bureau de la CNARELA et présidente de l’APLG (Nantes). L’entretien a duré trois heures environ. Préambules Un « audit » des langues anciennes dans le secondaire Les Inspecteurs généraux rappellent pour commencer que cet entretien est en lien avec un travail qui leur a été confié par le Ministre de l’Éducation nationale : en effet, il leur a été demandé de faire un état des lieux de l’enseignement des « Langues et Cultures de l’Antiquité » dans le secondaire. Mme Klein et M. Soler seront les rapporteurs de ce rapport qui sera rendu en mai 2011. Dans le cadre de cet « audit », ils rencontreront les IA-IPR, des chefs d’établissement, des professeurs, des élèves et les représentants d’un certain nombre d’ARELA tout au long de l’année. Ils s’intéresseront à la politique des recteurs et des IA-DSDEN en la matière. Un premier entretien, très positif, a eu lieu avec le nouveau directeur de la DGESCO, M. JeanMichel Blanquer. Ils étudieront également les modalités de l’enseignement des Langues anciennes en Allemagne, en Italie et en Angleterre. Le bulletin de la CNARELA Un premier point concernant les bulletins de la CNARELA est abordé. M. Soler, lecteur très attentif de nos bulletins, déplore que le paragraphe concernant les journées interacadémiques de formation (dans le compte rendu de notre dernière assemblée générale) ait été si peu détaillé et parfois erroné : le travail effectué lors de ces journées a été très important et a demandé une grande organisation aux Inspecteurs généraux, aux Recteurs et aux IA-IPR ; nous aurions dû leur accorder davantage d’importance. Nous répondons que nous ne savions pas s’il nous revenait de le faire mais que nous étions prêts à relayer les informations. Pour ce qui est de ces journées, les interventions de Mme Klein et de M. Soler, les exposés des universitaires et les comptes rendus des ateliers seront très prochainement en ligne sur le site Eduscol : les documents ont été donnés le 1er juillet, mais il faut du temps pour qu’ils soient disponibles sur le site. Nous transmettrons l’information aux ARELA. Précisions sur l’entretien avec M. Blanquer Mme Klein et M. Soler nous font part ensuite de l’intérêt de l’entretien qu’ils ont eu la semaine précédente avec M. Blanquer, directeur de la DGESCO (Direction Générale de l’Enseignement Scolaire) – entretien qui entre aussi dans l’état des lieux qui leur est demandé. M. Blanquer suit de très près le dossier des langues anciennes - on sait son implication sur le terrain, quand il était recteur de l’académie de Créteil - ; M. Blanquer ne voit pas, en effet, les langues anciennes comme un enseignement mineur au regard de matières plus fondamentales ; les langues anciennes sont une source essentielle ; il ne veut 43 pas d’une conception « ultra-moderne » de l’enseignement qui sacrifierait les langues anciennes. Il donne une « légitimation », selon les termes de M. Blanquer, à ces matières auxquelles il trouve un intérêt réel, intellectuel et pédagogique ; il est également partisan de veiller à bien garder l’aspect « étude de la langue » de la discipline et de l’articuler nettement à l’enseignement de la culture antique. Il a fait plusieurs ouvertures et propositions, qui ne nous ont pas été rapportées, mais qui figureront dans le rapport. Les Inspecteurs généraux nous invitent à renouveler notre demande d’audience à M. Blanquer. Nous abordons ensuite la place des langues anciennes au collège, au lycée puis dans l’enseignement supérieur avant d’évoquer quelques questions diverses. I. Le collège Les nouveaux programmes : métanoia et poikilia M. Soler rappelle l’importance du préambule des nouveaux programmes : il est nécessaire de se l’approprier. Le professeur de Lettres classiques doit faire preuve de métanoia, c’est-àdire être capable d’opérer un mouvement de « conversion », par une attention aiguë portée aux usages de l'Antique dans nos sociétés « postmodernes ». Les langues anciennes sont à la fois partout et nulle part dans le socle des connaissances. Il s’agit donc d’établir un grand nombre de liens entre les mondes antiques et le monde d’aujourd’hui et de saisir toutes les occasions pour faire apparaître l’actualité des langues anciennes. Le professeur doit prouver aux élèves que les Anciens sont des médiations indispensables pour lire les mondes contemporains. Et M. Soler de citer le dernier livre de Jacques Huntzinger1, qui ouvre son ouvrage sur le concept de mare nostrum, objet d’étude du programme de seconde, ou encore l’essai de Thérèse Delpech2 : les professeurs de Lettres classiques doivent s’emparer de ce genre d’ouvrages, qui ne sont pas des ouvrages de spécialistes en langues anciennes, mais des ouvrages de réflexion plus large, qui font appel à des concepts propres à nos disciplines. Mme Klein se demande si, dans la formation universitaire, il n’y a pas un décalage plus grand pour les Lettres classiques que pour les Lettres modernes : le professeur de Lettres classiques doit s’approprier et entretenir tout au long de sa carrière une culture plus ouverte sur les langues et beaucoup plus ancrée dans le monde présent sans pour autant renier sa spécificité.Mme Klein annonce également qu’avec M. Blanquer a été évoquée la possibilité d’organiser un Plan National de Formation (PNF) sur les langues anciennes au collège et au lycée pour encourager les enseignants à ne pas se scléroser et leur permettre de varier leurs pratiques, en sortant du cadre trop étroit des manuels scolaires. Nous approuvons cette idée. Il nous est alors suggéré de faire des recensions de publications traitant moins de l’Antiquité même que mettant en avant aussi ses réutilisations dans l’histoire et de nos jours : M. Soler pensait au dernier livre de Lucien Jaume3 , ou encore à un article d’un journal allemand définissant la piraterie en partant de Cicéron. Bref, nous devons contribuer à la formation intellectuelle dans nos associations. 1 Jacques HUNTZINGER, Il était une fois la Méditerranée, Paris, CNRS, 2010. Thérèse DELPECH, Puissances de l’irrationnel, Paris, Grasset, 2010. 3 Lucien JAUME, Qu’est-ce que l’esprit européen ?, Paris, Flammarion, coll. « Champs Essais », 2009. 2 44 Sylvie Pédroaréna répond que c’est bien le rôle que la CNARELA souhaite tenir, que notre but est de poursuivre une réflexion de fond sur les langues anciennes, mais que malheureusement : - nous sommes de plus en plus obligés de passer du temps sur la défense des postes (lettres, démarches combatives de toutes sortes…) ; - les heures qui étaient allouées à ce genre de formations (académiques) se réduisent comme une peau de chagrin ! Dans certaines académies, les stages traditionnellement assurés par des membres des ARELA ne sont plus retenus. Il faut inviter et pousser les collègues, insistent Mme Klein et M. Soler, à dépasser les argumentaires convenus concernant les langues anciennes ; il faut mettre en perspective nos matières en les reliant à des concepts d’aujourd’hui et penser à un « affichage relooké » de nos disciplines. M. Soler insiste aussi sur l’importance des liens entre langues anciennes et langues vivantes qu’il faut faire valoir. Pour M. Soler, la poikilia, qui serait en quelque sorte le nom grec de la liberté pédagogique, est la première conséquence de la metanoia : le professeur doit en effet concevoir des séquences et des séances souples, passant aisément d'un aspect (étude de la langue latine) à un autre (la langue latine comme source des langues romanes), et cela de façon régulière pas seulement en apéritif de début d'année - sachant interrompre la séquence pour faire état d'un usage de l'Antique qu'il aura repéré dans les nouveautés du site Fabula4 , ou chez le libraire. Claire Laimé-Couturier pose alors le problème de la concurrence rencontrée avec les classes européennes et les classes bilangues : sont évoqués le danger qu’elles représentent pour les langues anciennes et la baisse notoire des effectifs constatée dans plusieurs établissements quand le cumul (langue ancienne et classe bilangue ou européenne) n’est pas autorisé alors que rien ne l’interdit ; chaque établissement mène une politique autonome dans ce domaine, comme pour l’ouverture de plusieurs groupes par niveau. Bien que l’autonomie des chefs d’établissement soit habituellement présentée comme positive, son corollaire est l’absence d’équité entre les élèves à qui des enseignements sont proposés ou non, selon l’établissement où ils sont scolarisés. Sur ce sujet, Mme Klein et M. Soler affirment l’importance du principe d’équité sur le territoire. Relations avec les IA-IPR à renforcer Mme Klein et M. Soler nous invitent à nous rapprocher des IPR de nos académies « au nom de l’utile et de l’honestum ». Il ne faut pas hésiter à les solliciter pour un entretien-bilan en début ou en fin d’année, malgré la charge de travail importante qui leur incombe. Il est nécessaire aussi de dialoguer avec les IPR de Lettres modernes sur lesquels nous pouvons compter. Pratiques innovantes Une mission des Inspecteurs généraux sera aussi de faire connaître des pratiques innovantes dans les académies : on nous demande de communiquer les exemples de ce genre de pratiques dont nous aurions connaissance. 4 http://www.fabula.org/ 45 Latin-Grec et DNB S. Pédroaréna demande à ce que soit bien reprécisée la question des langues anciennes au Diplôme National du Brevet pour la prochaine session – question qui avait posé problème l’an dernier avec l’introduction de l’option Histoire des Arts. Mme Klein et M. Soler indiquent qu’ils n’ont pas eu le temps d’aborder ce point avec la DGESCO. Il est aussi demandé que les élèves qui suivent un enseignement à la fois de latin et de grec puissent voir comptabilisés les points supérieurs à 10 de chacune des deux langues pour le brevet. Mme Klein et M. Soler prennent note et disent qu’il est possible de faire évoluer le logiciel de manière à prendre en compte les deux notes. II. Le lycée Bilan de la réforme ? S. Pédroaréna précise qu’il est difficile pour le moment encore de faire le bilan de la réforme des lycées : il serait bon d’attendre les chiffres donnés par la DGESCO en janvier. M. Soler demande la position de la CNARELA quant aux enseignements d’exploration. S. Pédroaréna répond : cet enseignement a semblé pouvoir offrir une chance de toucher de nouveaux élèves ; cependant, du fait du fréquent regroupement des élèves inscrits en option et en enseignement d’exploration, avec des programmes et des évaluations différents, la mise en œuvre s’avère très compliquée. Les Inspecteurs généraux ont reçu eux aussi plusieurs témoignages qui vont dans notre sens, à savoir que l’enseignement d’exploration d’une durée de trois heures a pu décourager des élèves, et qu’en outre, l’offre et la diversité des enseignements provoquent un recul de nos disciplines. S. Pédroaréna précise que cela semble encore plus vrai pour le grec. ONISEP La réforme, très tardive dans sa mise en place, avait empêché la parution en temps et en heure des brochures ONISEP : on a pu regretter un certain manque de lisibilité, précise S. Pédroaréna. Mme Klein et M. Soler sont d’accord et nous encouragent vivement à prendre contact avec M. Pascal Charvet, directeur de l’ONISEP. Il est nécessaire aussi de consulter les IA-IPR à ce sujet, en particulier sur la question de l’offre des enseignements d’exploration dans les établissements. Il serait souhaitable également de demander une nouvelle édition de la plaquette ONISEP qui exposait l’intérêt des langues anciennes. On nous conseille en outre de faire part à M. Charvet des problèmes de paramétrages du logiciel AFFELNET qui ne permettait pas la saisie des options facultatives à l’entrée en seconde : qu’en est-il pour cette rentrée ? La version en Terminale M. Soler attire ensuite notre attention sur le problème de la version à l’épreuve écrite du baccalauréat. Il est très difficile de trouver un texte de cinquante mots à la portée des élèves, de manière à ce que l’épreuve ne soit pas dissuasive ; souvent, la version fait tomber la moyenne à l’écrit. Certes, il faut maintenir cet exercice, mais en l’aménageant : il est nécessaire de réfléchir à cette épreuve. Nous sommes invités à exprimer notre avis sur cette question. CPGE, revalorisation de la filière L M. Soler évoque ensuite la question des débouchés de la filière L : il est essentiel de prévenir les collègues de la mise en place de la banque d’épreuves littéraires des Écoles Normales 46 Supérieures : désormais quand un élève passera l’un des deux concours – ENS-Ulm ou ENSLyon –, il pourra se porter candidat également dans une quarantaine d’autres écoles (comme c’est déjà le cas actuellement pour les concours des classes préparatoires aux écoles scientifiques et commerciales) : en effet, ses notes dans les matières littéraires (dont le latin et le grec pour Ulm notamment) seront prises en compte et il pourra se voir proposer une place dans des Écoles de traducteurs, au CELSA5 de la Sorbonne, dans une École de commerce ou dans un Institut d’Études Politiques. Ainsi, ce n’est plus 250 places dans les grandes écoles mais entre 800 et 1000 places qui sont offertes aux Khâgneux. M. Soler ajoute que la liste des sous-admissibles a été beaucoup rallongée : les candidats sérieux aux ENS, mais loin derrière les 225 reçus, se voient donc faciliter l’accès direct à des oraux partiels menant à ces débouchés variés. C’est une avancée considérable et un argument important pour la poursuite du latin et du grec en lycée. M. Soler nous annonce aussi que le rapport concernant les classes préparatoires littéraires établi l’an dernier est disponible : un exemplaire nous a été remis. M. Soler pense qu’il est nécessaire d’user d’un langage « direct et offensif » pour relayer ce genre d’informations. III. L’Université (CAPES et Master) Agir en fonctionnaire… S. Pédroaréna commence par revenir sur l’épreuve « Agir en fonctionnaire de l’État » et donne la position de la CNARELA, à savoir que cette épreuve ne doit pas promouvoir un quelconque « ordre moral ». Les Inspecteurs généraux répondent qu’elle évalue une compétence essentielle et qu’elle peut être articulée sur les préoccupations disciplinaires, notamment avec la lecture des textes : qu’est-ce qu’être un fonctionnaire responsable quand on propose un texte littéraire ? Il est nécessaire de s’interroger sur le choix des textes proposés aux élèves et sur la manière de les aborder : et M. Soler de donner l’exemple du Satiricon de Pétrone. CAPES S. Pédroaréna précise ensuite que la réintroduction des langues anciennes à l’oral du CAPES est une bonne chose mais que ce n’est qu’un moindre mal. Elle précise que la CNARELA va continuer à se battre pour demander un réaménagement de l’épreuve écrite : puisque l’explication de texte réapparaît à l’oral, il serait bon de supprimer à l’écrit le commentaire et de ne demander aux candidats qu’un exercice de traduction dans chaque langue ancienne. M. Soler répond qu’il est important d’évaluer – dès l’écrit du concours – les futurs professeurs en langues et cultures de l’Antiquité, qui doivent être capables de traduire et commenter un texte comme on le demande aux élèves de Terminale. Master S. David-Guignard prend ensuite la parole pour parler des problèmes liés à l’université et à la mastérisation des concours. Elle évoque la dichotomie entre Master d’enseignement et Master de recherche, préjudiciable dans des sections à petits effectifs comme les nôtres. Il est 5 CELSA : Centre d’Etudes Littéraires et Scientifiques Appliquées. L’information est disponible à l’adresse suivante : http://www.enseignementsup-recherche.gouv.fr/cid53038/denouveaux-debouches-pour-les-filieres-litteraires.html 6 47 nécessaire de ménager des passerelles entre les deux, pour permettre en particulier le redoublement des étudiants ayant échoué au concours. Elle témoigne de la difficulté pour les étudiants de préparer à la fois un mémoire de recherche et un concours, l’esprit de chacune des deux formations étant très différent. CAPES de Lettres modernes S. Pédroaréna déplore aussi la suppression de l’épreuve de langue ancienne au CAPES de Lettres modernes. C’est un véritable paradoxe puisqu’il est demandé de plus en plus souvent à nos collègues de Lettres Modernes d’assurer des remplacements ou des enseignements en latin. IV. Points divers Des ventilations de service un peu étranges… S. Pédroaréna évoque un problème technique concernant les VS dans certaines académies : les postes de certains enseignants de Lettres classiques se trouvent décomposés en langues anciennes et complément en Lettres modernes. Cette pratique peut sembler inquiétante quand on voit comment les enseignants de Lettres classiques sont amenés à exercer uniquement en langues anciennes sur plusieurs établissements. Mme Klein et M. Soler demandent que les documents leur soient communiqués. Publions ! M. Soler félicite grandement les ARELA pour la qualité de leurs publications et invite les associations à davantage les faire connaître et à procéder, quand cela est possible, à un « toilettage » de ces fascicules : présentation, mise en forme… Nous proposons d’envoyer à l’Inspection Générale un exemplaire de ces travaux. Mme Klein nous invite aussi à nous mettre en relation avec Claude Renucci, directrice du CNDP, et nous propose d’intervenir pour faciliter le premier contact. Euroclassica S. Pédroaréna annonce que la CNARELA organisera les journées Euroclassica en août 2011 et invite, de manière informelle, Mme Klein et M. Soler. Elle leur communique le sujet de l’épreuve du vestibulum, dont l’intérêt fait l’unanimité. M. Soler précise que dans les écoles européennes, dont il a la charge avec son homologue allemand, Euroclassica est bien représenté et que les élèves passent déjà des évaluations. S. Pédroaréna donne enfin aux Inspecteurs généraux un document intitulé « Échos des ARELA » dans lequel sont recensées les informations communiquées par les ARELA à propos de cette rentrée. Le plus souvent, les cas signalés ont été évoqués au cours de l’entretien. Nous remercions Mme Klein et M. Soler pour leur attention et le temps qu’ils nous ont consacré. Sylvie Pédroaréna, Sylvie David et Claire Laimé-Couturier Conclusion Cette entrevue, très constructive, nous a permis de nous faire entendre et d’évoquer l’ensemble des problèmes concrets que nous rencontrons sans jamais perdre de vue une réflexion de fond sur la place et l’évolution de nos disciplines, le tout dans un esprit d’ouverture. Nous avons trouvé une oreille attentive. On nous propose d’intervenir et d’être présents sur de nombreux fronts : nous saurons le faire ! 48 Informations complémentaires Depuis notre entrevue, Madame Klein a contacté Madame Renucci, Directrice de l’édition au CNDP, afin de faciliter une première démarche de notre part. De son côté, Monsieur Soler nous a écrit pour nous confirmer qu’à la session 2011 du Brevet, les Langues anciennes ne se trouveraient plus en concurrence avec l’Histoire des Arts. 49 COMPTE-RENDU DU STAGE AGAP-MMSH, AIX-EN-PROVENCE, 18 ET 19 JANVIER 2010 « LE THÂTRE ANTIQUE : Théories, lieux, représentation » rédigé par Jean-Loup MARTIN d’après ses propres notes et celles de Martine Casanova, de Nicole Martin et de Mireille Tourreau Lundi 18 janvier 2010 I Rôle du théâtre dans la vie sociale et politique à Rome par Dolorès PRALON, Maître de Conférences honoraire en langue et littérature latines (Aix-Marseille I) 1) Rôle du théâtre dans les jeux La civilisation romaine est parfois définie comme une "civilisation du spectacle" : spectacle du cortège des ancêtres lors des funérailles, (où les masques de cire des ancêtres, conservés généralement dans l'atrium, étaient revêtus par des comédiens), spectacle des célébrations religieuses ritualisées, des discours et plaidoiries, civils ou politiques, spectacles des jeux. Le but des jeux est de rétablir les liens entre les dieux et la cité. C’est aussi de rassembler toute la population, y compris les esclaves et les étrangers. Les jeux remontent à la plus haute antiquité de Rome : ils auraient été, selon la tradition, institués dès la fondation de la ville (Romulus et ses compagnons enlèvent les Sabines lors des jeux en l'honneur du dieu Consus). Après leur première célébration, ils furent inscrits dans le calendrier romain. Tarquin, premier souverain étrusque, institue les jeux les plus importants, les Ludi Romani en l'honneur de Jupiter, et en fixe la date au 13 septembre. Puis les jeux se multiplient, notamment lors de la seconde guerre punique, et leur durée se prolonge (les Ludi Romani duraient 15 jours à l'époque de Jules César) . A l'origine, ce sont généralement des jeux votifs qui sont peu à peu annalisés. Sous Marc-Aurèle, il y a 135 jours de jeux publics, au milieu du IVème siècle ap. J.C., ils occupent 175 jours de l'année. Parallèlement aux jeux réguliers, il existait des jeux privés et occasionnels : jeux funèbres, jeux votifs, jeux triomphaux. Les jeux publics sont organisés et présidés par les magistrats, qui, souvent, pour les financer, complètent les crédits alloués en puisant dans leurs ressources personnelles, afin d'offrir au peuple un spectacle somptueux : César se ruina lors des jeux qu'il offrit pour son édilité, 50 Les premiers jeux scéniques apparaissent en 364, après une épidémie de peste (cf. Tite-Live VII 2). Ils sont constitués au départ de danses exécutées par des danseurs étrusques, appelés "ludions" Le spectacle ainsi offert était censé conjurer le fléau. Puis, il fut intégré aux jeux réguliers du calendrier. En 240, Livius Andronicus, affranchi d'origine tarentine, compose, à la demande des magistrats, des pièces latines adaptées du théâtre grec. La mise en scène faisait appel à deux ou plusieurs acteurs et à un flûtiste. Ces jeux scéniques se situaient entre la procession liminaire et les jeux du cirque, composante obligée de la célébration des jeux. 204-207: Première période du théâtre latin —"le théâtre des scribes" (selon l'expression de F. Dupont). Livius Andronicus, Naevius et Plaute écrivent des pièces en latin, s'inspirant le plus souvent du théâtre grec, mais créent aussi des tragédies sur des sujets romains (ou tragédies "prétextes") : celles-ci, toutefois, semblent n'avoir obtenu qu'un succès limité. 207-150: Seconde période du théâtre latin — "le temps des poètes" : Ennius, Accius, Pacuvius, Térence produisent des pièces plus originales, moins tributaires de leurs modèles helléniques. Ils créent le genre de la comédie togata, dont il ne demeure que de rares fragments. À la fin de la république, les tragédies deviennent plus «rhétoriques». Elles furent peut-être écrites pour être lues et non représentées. Sous l’Empire, le goût pour le théâtre et la théorie dramatique demeure très vif, mais il n’y a plus ni production ni représentation dramatiques proprement dites. L'Art Poétique d'Horace, inspiré de la Poétique d'Aristote reste fort éloigné de la réalité contemporaine. Les spectacles représentés sont des pantomimes, genre apparu sous Auguste (et créé par deux affranchis, Pylade et Bathylle) : le sujet en est souvent mythologique, un seul acteur mime et tous les rôles, accompagné d'un orchestre et de chanteurs. C’est du très grand spectacle, assez proche du music hall. Au départ, les jeux scéniques font partie de cérémonies civiques dont l’un des buts est de manifester la cohésion et la bonne entente du peuple romain sous le regard des dieux tutélaires de la cité. Une procession ouvrait la cérémonie, et allait jusqu’au Capitole en passant par le forum, sous la conduite du préteur et de l’éditeur des jeux. Des jeunes gens dansaient au son des flûtes et ne devaient pas s’arrêter, même si la procession s’arrêtait. C'était une reprise rituelle de la première procession de 364, destinée à conjurer la peste. Pour Florence Dupont (L’Acteur roi, Le Théâtre latin), il s’agit là d’un rituel qui a pour fonction de faire passer le peuple du temps de la guerre à celui de l’activité politique et à celui de la paix, c’est-à-dire du negotium à l’otium; il accompagne et rend possible la réduction à l’état civil des soldats qui doivent abandonner leur furor guerrier (qui leur permet de remporter la victoire) pour revenir à un état plus pacifique nécessaire à la vie civique. Les Ludi Romani ont lieu en octobre, après les campagnes militaires. Pendant plusieurs jours, Rome oublie la guerre. La fonction de ce «ludisme» est de créer un espace de fiction, de rendre admissible, dans un contexte pacifique, la présence de guerriers. Les événements qui se déroulent sur scène sont dépourvus de toute réalité : c’est, soit un monde d’illusions, emprunté à la mythologie grecque (que l’on pourrait qualifier de «Grèce d’opérette») qui échappe à tout contexte politique ou guerrier, soit un ensemble complexe de situations rocambolesques. C’est un «théâtre-événement», fondé sur le jeu physique de l’acteur et pas du tout «intellectuel». La position adoptée par Florence Dupont a été discutée, voire refusée à maintes reprises. Car ces jeux ont d’abord une fonction intégratrice. Dénier toute «romanité» à la comédie latine, c’est faire bon marché de ses éléments proprement latins : ainsi, les personnages de la comédie latine débattent parfois de l'éducation à donner aux jeunes gens ; ces débats 51 reflètent plus ou moins directement les tensions de la société contemporaine, où s'affrontaient les tenants du mos majorum et ceux qui souhaitaient une plus grande ouverture au monde hellénique. Les premiers jeux scéniques se déroulaient dans un certain désordre. Les spectateurs étaient sans doute debout dans une aimable confusion. Mais, dès 67 avant notre ère, la loi Roscia theatralis fixa la «stratification» de la population dans les gradins. Les sénateurs étaient installés dans l’orchestra. Les chevaliers disposaient des quatorze premiers rangs des gradins. Le théâtre était aussi un lieu où pouvaient s’affirmer les antagonismes politiques. Les spectateurs intervenaient souvent pendant les représentations pour exprimer leurs préoccupations. Cicéron, dans le Pro Sextio 117, raconte que des spectateurs avaient perçu, dans une tragédie d’Accius (l'Eurysacès), un rapprochement possible avec l'attitude de Cicéron lors de la conjuration de Catilina et avaient applaudi l'orateur alors exilé. Les jeux sont souvent liés à l'actualité politique et sociale. L’éditeur cherche à s’attirer la gratitude du peuple. Le théâtre est un lieu d’échanges complexes. Au début de l’empire, le théâtre devient le seul lieu de confrontation du Prince et du peuple, puisque la démocratie n’est plus qu’un vain mot, qu’il n’y a plus qu'un simulacre d’élections et que le pouvoir est monarchique. Dans ce lieu, dans le cadre particulier d’un «jeu» scénique, le peuple peut exprimer ses demandes, ses désirs face à l’empereur ou à son représentant. C’est une sorte d’exutoire à toute fronde. L’empereur se réserve le droit d’accepter ou de refuser. Entre 20 et 17 avant notre ère, Auguste fait promulguer une loi, la lex Julia theatralis, qui réglemente l'attribution des places de théâtre suivant les catégories sociales (Cf Suétone, Vie d'Auguste, XLIV). Les sénateurs sont placés dans l’orchestra, les pères de trois enfants ont des places à part, les esclaves publics sont installés parmi la plèbe, car ils sont mieux considérés que les esclaves privés. Martial, au Livre V de ses Epigrammes, évoque fréquemment des litiges lors de l'installation des spectateurs. C'est là le signe que le peuple ne se satisfaisait pas de la répartition, et que la loi n’était pas toujours respectée. Le public est assis face à la statue impériale qui orne le mur de scène. 2) Lieux des spectacles dramatiques En Grèce, l'édification des théâtres est contemporaine de la production des textes dramatiques. A Rome, dans les premiers temps, bien que le théâtre fût fort apprécié, il n'existait pas de lieu spécifique : on construisait parfois des bâtiments provisoires en bois, ou bien on aménageait un espace pour le spectacle dramatique dans une partie du cirque, alors qu’en Grande Grèce et même dans le Latium, il existait des théâtres construits dès le II° siècle avant notre ère. Les spectateurs romains restaient donc debout. Le premier théâtre "en dur" à Rome fut construit par Pompée entre 61 et 55 avant J.C., date de son inauguration. Il n'en demeure aujourd'hui que des traces peu perceptibles. Le refus des théâtres construits était sans doute dû au désir d'éviter des rassemblements populaires non institutionnels, qui, dans une enceinte fermée, où les spectateurs étaient assis, auraient pu tourner à la sédition. C'était aussi le signe, émanant de la partie la plus conservatrice du sénat, d'un refus de l'hellénisation des moeurs. Le théâtre construit par Pompée contournait habilement la prescription sénatoriale : Pompée présentait son théâtre comme l' escalier d’accès au temple de Vénus Victrix, construit en l’honneur de ses victoires… et qui se trouvait effectivement au sommet de la cavea. Le mur 52 de scène mesurait quarante-cinq mètres de haut. Ce théâtre constituait véritablement une «ville dans la ville». Il était construit sur voûtes et non adossé à une colline (à la différence des théâtres grecs). Il était orné de nombreuses statues représentant les nations vaincues. Derrière le mur de scène, se trouvait un quadriportique construit autour d'un jardin, sorte de galerie d’art abritant de nombreuses statues à la gloire de Pompée, notamment l'imperator en personne, représenté dans la nudité héroïque et avec les attributs du cosmocrator, des femmes célèbres, personnages mythiques ou historiques (hétaïres, poétesses, héroïnes remarquables par leurs accouchements extraordinaires). G. Sauron (Quis deum, BEFAR 285, Paris 1994, p.249-314) a interprété cette mise en scène comme une sorte de «Descente aux Enfers» de Pompée, protégé de Vénus, la déesse tutélaire de l'amour, que de la fécondité, et du plaisir: Pompée y était figuré comme un nouvel Ulysse ou un nouvel Alexandre, conquérant du monde. Au fond du jardin se trouvait une nouvelle curie destinée à abriter les réunions du sénat (celle où, en 44 fut assassiné César). Tout ce décor était donc destiné à glorifier Pompée, et à assurer sa propagande. À partir d’Auguste, les théâtres se multiplient dans le monde romain, car ils deviennent un élément constitutif essentiel et indispensable du paysage urbain : dans l'Énéide, I Énée, débarquant à Carthage, voit se construire le théâtre de la ville fondée par Didon. 3) Conclusion Au départ, les jeux scéniques sont un spectacle offert par la cité à ses dieux tutélaires pour établir ou rétablir avec eux la paix nécessaire à la survie de la cité. Puis, avec le pouvoir monarchique, le théâtre devient peu à peu le lieu d’un face à face entre le peuple et le souverain. La nature des pièces représentées devient secondaire : Rome se donne en spectacle à elle-même, selon une hiérarchie voulue par le pouvoir. Ce type de monuments se répand rapidement dans les provinces. Dans le monde romain, le théâtre devient le moyen de diffuser une image de la Ville, que les autres cités cherchent à imiter, dans une émulation évergétique où s'exercent rivalités politiques et ambitions municipales. À l’époque flavienne, son importance décroît au profit de l’amphithéâtre, où sont mises en scène brutalement la violence et la contrainte exercées par le vainqueur des contrées nouvellement soumises. 4) Questions Jean-Pierre Cèbe souligne la relation entre le théâtre antique et la fête archaïque, la religion, la célébration des dieux. Le but du théâtre antique est effectivement de ramener la paix, mais aussi d’effacer toute souillure, toutes les impuretés commises par les hommes. Pour cela, il faut retourner au «chaos» primitif. Dans les Saturnales, les «petits» sont transformés en «grands», les esclaves en maîtres, avec intervention de masques. Entre la fin d’une année et le début d’une autre, se situe une période dangereuse. Le roi est remplacé par un saturnalicius princeps, un roi de pacotille, qui se permet de donner des ordres saugrenus. On assiste à un retournement de la situation sociale, comme dans la comédie antique et comme, bien plus tard, chez Molière. Voir les ouvrages de psychocritique: les fils réagissent contre la tyrannie des pères. Le principe de plaisir l’emporte sur le principe de réalité. Le pouvoir est donné à la jeunesse. Il y a une alliance entre mères, fils et esclaves contre les pères pour faire prévaloir le rire, l’amour, la fraternité, puis tout rentre dans l’ordre (cf. le théâtre de Plaute, mais pas celui de Térence). L’ethnologie est indispensable pour comprendre la réussite de 53 Plaute et l’échec de Térence. Les masques sont portés par des personnages venus du royaume des morts avant d'être renvoyés dans leur séjour propre (cf. la théorie de la fête chez les ethnologues). II Des Bacchanales de comédie ? Dionysos et le théâtre latin par Stéphanie WYLER, Maître de conférences en langue et littérature latines (AixMarseille I) 1) Les origines du théâtre romain Nous constatons un paradoxe: à partir de 240, le théâtre latin est éminemment inspiré par le théâtre grec, lequel est très «dionysiaque». Comment donc se fait-il que le théâtre latin n’ait pas «importé» Dionysos? Que reste-t-il de Dionysos dans les textes? Quelles sont les origines du théâtre romain? Cf Tite-Live, VII. En 365, à la suite d’une épidémie, on fait venir des danseurs étrusques, qui présentent des danses sacrées. La «juventus» romaine parodie ces danseurs étrusques et ajoute des mots. C’est l’origine de la «satura». Livius Andronicus était-il un esclave tarentin? campanien? En 240, libre, il introduit à Rome un théâtre sur le modèle grec, car le philhellénisme se répand au moment des guerres puniques et de la conquête de la Grande Grèce. Rome veut devenir une capitale hellénistique et avoir son théâtre à elle. Livius Andronicus est un Grec de Grande Grèce à qui les autorités demandent de composer des pièces de théâtre en latin. C’est un «professionnel» de l’adaptation d’œuvres grecques, qui commet quelques maladresses d’expression en latin, lesquelles sont des traces de langages italiques. Les «ludi scaenici» venaient des Étrusques. Le mot «histrion» viendrait de l’étrusque «hister» (l’acteur). «Persona» viendrait de l’étrusque «phersu». Le mot «scaena» désigne la scène et serait un mot grec déformé par l’étrusque. Tout un faisceau de présomptions conduirait à penser que le théâtre romain a un rapport avec la culture étrusque. Les Étrusques sont de fervents «dionysiaques». Dans la «pompa circensis» la plus ancienne, on trouve des satyres qui dansent. Il n’y a donc pas d’opposition entre les Étrusques et Dionysos. Alors pourquoi Dionysos est-il absent du théâtre latin? En fait les «ludi» sont religieux, mais ils sont placés sous la protection des divinités auxquelles ils sont consacrés. Par exemple les «ludi Romani» sont placés sous la protection de Jupiter, les «ludi apollinares» sous celle d’Apollon, les «ludi megalenses» sous celle de Cérès, les «ludi plebeis» sous celle de Jupiter et de la triade plébéienne Cérès, Liber et Libera, plus tard associée à Dionysos, Déméter et Koré : à Rome, Dionysos s’appelle Liber (et non Bacchus! En latin, le nom «Bacchus» n’apparaît qu’en poésie, avant de se répandre sous l’Empire). Mais dans les «ludi plebei», Dionysos n’est que l’un des dieux auxquels sont consacrés ces jeux. Les collèges d’acteurs ne sont pas non plus placés sous la protection de Dionysos, mais sous celle de différentes divinités. Le «Collège des Écrivains et des Histrions» se réunit dans le temple de Minerve, qui est la patronne des «tibicines» (joueurs de flûtes) et en général des 54 artisans. Or les métiers du théâtre sont des métiers d’artisans, y compris les écrivains. Les «Parasites d’Apollon» pratiquent le mime et la pantomime. Vraisemblablement il n’y a pas d’opposition entre Apollon et Dionysos (C’est Nietzsche qui a inventé cette opposition). Les technitai (professionnels) de Dionysos sont itinérants et ont pu jouer à Rome et en Campanie. 2) L’épisode des Bacchanales C’est Tite-Live qui le raconte (Chapitre XXXIX, 8 et suivants). Son récit est bâti sur le modèle de la naissance du théâtre, petite graine qui croît jusqu’à la débauche. Il en est de même pour les Bacchanales. Ce récit de Tite-Live est corroboré par une plaque de bronze trouvée en Calabre, sur laquelle est gravé un résumé du sénatus-consulte qui interdit les Bacchanales. En 186, un «Graeculus» (petit Grec) passe par l’Étrurie pour développer sa secte, les «Bacchanalia». Elle réunit des initiés qui pratiquent des cultes à mystères. Il arrive à Rome, où il s’associe avec une prêtresse campanienne. Le culte, de diurne, devient nocturne. Il devient aussi beaucoup plus fréquent (cinq fois par mois au lieu d’une seule). Il aboutit à de nombreuses débauches. Cette secte recrute des jeunes gens et refuse les vieux. Elle mélange les catégories sociales. Elle est accusée de commettre des crimes, des meurtres, des captations d’héritages. Elle connaît un énorme succès, y compris chez les fils et filles de bonne famille. Tite-Live raconte l’histoire romanesque d’un jeune homme qui est sauvé et qui se plaint au consul. Le consul organise une énorme répression contre les «Bacchanalia», mais pas contre les dieux. Cette répression sanglante s’étend à toute l’Italie. Sept mille condamnations sont prononcées, dont deux mille condamnations à mort, ce qui est énorme. C’est l’une des premières manifestations de l’impérialisme romain en Italie. Cet épisode correspond donc à une montée du «Dionysisme» à Rome, laquelle inquiète les autorités. On constate une méfiance à l’égard de ce type de «Dionysisme», ce qui peut expliquer que le théâtre grec n’arrive pas avec Dionysos dans le théâtre romain. Plaute est très intéressant car il a vécu à cheval sur deux périodes: avant et après cette affaire, avant et après 186. 3) Que reste-t-il de Dionysos dans les textes? a) Naevius Naevius a combattu comme soldat dans la première Guerre Punique. Il est bien implanté à Rome. Son épitaphe signale sa «superbia campania» (son «arrogance campanienne»). Est-il donc d’origine campanienne? Il est peut-être originaire de Capoue. Or en 216, Capoue trahit Rome en s’alliant à Hannibal. Naevius a été condamné en 204 ou 201, emprisonné, exilé à Utique, où il est mort, parce qu’avec son «arrogance campanienne» ou «capouane», il s’en serait pris, dans ses pièces, aux autorités. Mais cette raison est peu probable. Car le théâtre de Naevius est un théâtre «officiel». Il y a sans doute d’autres raisons. Ainsi, après la prise de Capoue, les Capouans étaient mal vus. Ou encore il y avait trop de «Dionysisme» dans son théâtre. Naevius est l’auteur d’un Lycurgue, peut-être d’après une tétralogie d’Eschyle. Lycurgue est un des rois mythiques qui se sont opposés à Dionysos. Naevius réclame la liberté pour le théâtre: «Si vous vous en prenez aux adeptes de Dionysos, vous allez voir ce qu’il va vous en coûter». Il y a un jeu de mots certain entre «Liber» et «libertas». Dans son théâtre, on peut voir une composante dionysiaque et «libertaire». D’où peut-être sa condamnation par les 55 autorités qui voyaient les Bacchanales se développer et craignaient la revendication d’une liberté de parole. Plaute l’a connu et a peut-être écrit en collaboration avec lui, mais il appartient à la génération suivante. Il fait allusion à Naevius. b) Plaute Avec Plaute on change de registre, on passe à la comédie. Plaute, lui aussi, a un rapport avec la Grande Grèce. On peut formuler deux hypothèses, mais elles sont incompatibles: - soit Plaute ne serait pas «Dionysiaque» et il condamnerait le «Dionysisme» par prudence ou par indifférence; - soit Plaute serait un «Dionysiaque» convaincu, mais le cacherait par prudence. Plaute aurait rempli onze pièces de «clins d’œil» aux initiés dionysiaques. Il est souvent question de Bacchantes chez Plaute: c’est un bon ressort de comédie. Dès qu’une femme est un peu excitée, on dit qu’elle est une «Bacchante»! Un certain nombre d’allusions reposent sur un double langage partagé entre l’auteur (Plaute) et le public: s’agit-il de signes de connivence avec le public? Dans les Ménechmes, un frère simule la folie pour se sortir d’une situation difficile. Dans le Mercator, vers 464-470, allusion aux Bacchanales et à Penthée. Dans le Miles gloriosus: une intrigue amoureuse, peut-être une allusion aux Bacchantes. Dans l’Aulularia, 406, la cuisine devient un antre où tout le monde est fou! Dans Amphitryon, allusion à une bacchante. Dans les Bacchides, il y a deux jumelles (dont le nom «tombe bien»!). Ce sont deux courtisanes qui séduisent un jeune homme, deux «bacchantes enragées». S’agit-il d’une allusion à l’affaire des Bacchanales de 186? Dans Casina, deux hommes (un maître et son esclave) convoitent la jeune Casina. Un jeune homme se déguise en jeune femme, qu’un esclave va tenter de violer. Or, dans les Bacchanales, il y a toujours des «phallus voilés» en terre-cuite, que l’on «dévoile». Quand Plaute écrit: «On n’est pas en train de jouer les Bacchantes», il fait allusion à Euripide. Cette phrase signifie en apparence: «On n’est pas un train de jouer une tragédie», mais c’est peut-être une allusion aux «Bacchanales». Plaute est-il ou non sympathisant du «Dionysisme»? Il est impossible de le dire. Peut-être en fait ne s’agit-il que d’un simple ressort dramatique. 56 Mardi 19 janvier 2010 III Théâtre juif, théâtre chrétien dans l’Antiquité par Gilles DORIVAL, Professeur de langue et littérature grecques (Aix-Marseille I) (Note: M. Dorival a fourni aux stagiaires le texte de son intervention, que nous avons utilisé complètement en y ajoutant nos propres notes à partir de ses commentaires oraux.) 1) Théâtre juif: l’Exagôgê d’Ézéchiel le Tragique Les dix-sept fragments et les deux cent soixante-neuf vers de l’Exagôgê qui subsistent forment les vestiges les plus importants de la tragédie hellénistique et du seul drame juif existant écrit en Grec (sauf si Nicolas de Damas avait composé une pièce sur Suzanne). Malgré cela, l’Exagôgê est souvent absent des ouvrages sur la poésie hellénistique, sur la tragédie, sur le judaïsme. Et quand il est présent, c’est souvent pour un jugement sévère: «Alexandrie Alexandrie a produit beaucoup de mauvais poètes. Parmi eux, le pire est Ézéchiel» (Cobet, 1866, en anglais). Mais les choses ont changé depuis l’édition du savant allemand Bruno Snell, Tragicorum Graecorum Fragmenta, 1971 (Bruno Snell est le meilleur connaisseur de la tragédie au XXe siècle), avec notamment les éditions de Howard Jacobson en 1983, de Carl R. Holladay en 1989, de Pierluigi Lanfranchi en 2006 (en français). Ce drame national nonGrec, qui concerne le peuple hébreu, a peut-être des parallèles: Dymas de Iasos a écrit une tragédie sur Dardanos, etc. L’Exagôgê est connu par l’historien païen Alexandre Polyhistor (actif vers 50 avant notre ère), Sur les Juifs (cité par Eusèbe de Césarée), par Clément d’Alexandrie (qui cite trente-neuf vers dans les Stromates) et par Eusèbe de Césarée (qui cite deux cent soixante-neuf vers dans sa Préparation évangélique, IX). Clément et Eusèbe se recoupent: on trouve chez ces deux auteurs les mêmes vers. On trouve également dix vers supplémentaires chez Méthode (IIIe ou IVe siècle) et Épiphane (fin du IVe siècle), mais ils ne proviennent peut-être pas de l’Exagôgê. Faut-il identifier Ézéchiel (dont le nom signifie «Dieu affermit») avec l’auteur tragique grec Théodecte (dont le nom signifie «Dieu accueille») qui est aussi inconnu qu’Ézéchiel? Ce Théodecte est mentionné par Aristée (IIe siècle avant notre ère): il a été frappé de cécité par Dieu pour s’être inspiré de scènes bibliques. En tout cas, il ne faut pas confondre Ézéchiel le Tragique avec Ézéchiel le Prophète. À quelle date l’Exagôgê a-t-il été écrit? Plus de vingt hypothèses ont été formulées! Selon Jacobson, la plus vraisemblable serait le IIe siècle et plus précisément la dernière partie de ce siècle. Ce texte nous vient d’Alexandrie. À quel public était-il destiné: les Juifs, les non-Juifs, les deux? (Vraisemblablement à la fois les Juifs et les non-Juifs). Il ne faut pas projeter sur Alexandrie les interdits des Sages, Rabbins des années 100 à 600 (interdits sur le théâtre que l’on a d’ailleurs exagérés). Les Juifs d’Alexandrie fréquentaient le théâtre. Les pièces étaient vues, à l’époque, aussi bien par des Juifs que par des non-Juifs. L’Exagôgê était-il destiné à des représentations sur scène ou à de simples lectures publiques? On hésite. Certes les changements de lieux sont très nombreux, mais cela n’empêche pas 57 forcément des représentations sur scène. C’était d’ailleurs peut-être une caractéristique du théâtre de l’époque. Le sujet en est la sortie d’Égypte sous la conduite de Moïse, d’après l’Exode, 2-15, qui est le deuxième des cinq livres du Pentateuque attribué à Moïse. Que signifie le titre? Le mot «exagôgê» désigne, chez Aristobule, conseiller du roi Ptolémée, personnage important (IIe siècle avant notre ère), et chez Philon (contemporain de JésusChrist), l’exode, qui est appelé «exodos» dans la Septante, chez Flavius Josèphe (I° siècle) et par les Chrétiens. Les sources de ce texte sont la Septante, mais Ézéchiel déborde le texte biblique. Il n’est pas facile de faire la part personnelle de l’auteur et la part midrashique. Les dix-sept fragments ont été classés en cinq groupes par Albert-Marie Denis (dans son Introduction à la Littérature judéo-hellénistique, 2000, pages 1201-1216), qui suit d’ailleurs l’ordre d’Eusèbe: 1) Monologue de Moïse: on y trouve évoqués l’arrivée de Jacob en Égypte avec soixante-dix personnes; l’oppression des Juifs par Pharaon; le sauvetage de Moïse, sauvé des eaux par la fille de Pharaon; le nom égyptien donné à Moïse, qui devient Moshé (ce n’est certes pas un nom hébreu, mais est-ce vraiment un nom «égyptien»?); l’éducation de Moïse par la mère à qui la princesse l’a confié; la fuite de Moïse en terre étrangère, en l’occurrence le Territoire de Madian ou Madiam, parce qu’il a tué un homme (dans cette pièce Madian est situé en Libye, alors que généralement on le situe vers le Sinaï); la rencontre de Moïse et de Sepphora, qui est l’une des sept filles de Ragouel ou Jethro, prêtre d’une ville de Libye, peuplée d’Éthiopiens. Puis dialogue de Sepphora. Puis dialogue de Sepphora et de Choum ou Chous, qui est sans doute le frère de Sepphora: Choum n’accepte pas le mariage de Sepphora avec l’«étranger» Moïse. Moïse a été marié deux fois. Sa seconde femme est une Éthiopienne. 2) Dialogue entre Moïse et Ragouel: Moïse raconte le songe où il a vu Dieu trôner au sommet d’une montagne. Dieu l’invite à s’asseoir sur le trône divin et lui remet les insignes royaux du pouvoir. Moïse contemple la terre, le ciel et les astres qui défilent en bon ordre. Ce songe est inconnu de la Bible et rappelle des songes tragiques, comme celui d’Atossa (Ἄτοσσα dans Les Perses d’Eschyle), mais aussi bibliques, comme ceux de Jacob avec le ciel ouvert, de Joseph qui voit le soleil, la lune et les étoiles, d’Isaïe. Ragouel interprète le songe comme l’annonce de la royauté de Moïse sur l’univers et de sa science astrale et prophétique, ce qui ne se trouve pas dans la Bible: Moïse est astrologue, astronome et prophète et même le plus grand des prophètes, mais la Bible ne mentionne jamais un pouvoir «politique» de Moïse. Les Pharisiens refusent la confusion entre rôle politique et rôle prophétique; d’où la suppression des livres des Maccabées dans la Bible juive. Moïse, qui appartient à la tribu de Lévi, avait été «mis de côté» pour des fonctions religieuses. Suit immédiatement un dialogue entre Dieu et Moïse sur le buisson ardent, sur Aaron, sur le signe du bâton devenu serpent, sur la lèpre de la main aussitôt guérie. 3) Dialogue entre Moïse et Dieu: Dieu donne ses ordres sur les plaies d’Égypte, réalisées par le bâton. 58 4) Récit du passage de la Mer Rouge par un messager égyptien rescapé (Les rôles de messagers sont nombreux dans la tragédie antique). 5) «Quelqu’un» (s’agit-il d’un éclaireur hébreu?) fait un rapport à Moïse en vue d’établir le camp aux douze sources et soixante-dix palmiers (les «phoinikes») de l’oasis d’Élim. Il décrit le roi des oiseaux (le Phénix en fait, mais le mot n’est pas employé) qu’il a vu dans le désert. Le même mot grec désigne le Phénix et le palmier. Il affirme que les armes des Hébreux, partis désarmés, sont les armes des noyés. Il s’agit en fait, dans ce fragment, de l’organisation du voyage du peuple dans le désert. À partir de ces cinq fragments, peut-on reconstituer la structure dramatique? L’Exagôgê est-il un drame en cinq actes, structure qui semble être apparue à l’époque hellénistique et que l’on connaît par comparaison avec Ménandre et Sénèque? Chez ce dernier, seul auteur latin dont subsistent des tragédies complètes, c’est la présence d’odes chorales qui marque les divisions entre les actes. Or on ne connaît aucun vers lyrique dans l’Exagôgê. Il est donc de difficile de suivre la reconstitution en cinq actes d’Holladay, qui a fait un travail utile et méritoire, mais discutable: Acte I: monologue de Moïse (vers 1-58), puis dialogue Moïse-Sepphora (59-65); ce dialogue a lieu avant leur mariage puisque Sepphora appelle Moïse «l’étranger». Acte II: dialogue Chous-Sepphora (66-67); ce dialogue est postérieur au mariage; rêve de Moïse (68-82); interprétation de Ragouel, beau-père de Moïse (83-89). Acte III: dialogue entre Moïse et Dieu auprès du buisson ardent (90-192). Acte IV: rapport du messager (193-242). Acte V: l’éclaireur décrit Élim (243-269). Jacobson est sceptique, à juste titre, sur la possibilité d’identifier cinq actes. Il propose une reconstitution dans laquelle il suggère de restituer des scènes. Par exemple: après le monologue, l’arrivée des filles de Ragouel et l’épisode des bergers qui les tourmentent et les brutalisent. Après le buisson ardent, un dialogue entre Moïse et Aaron, petit frère de Moïse: scène centrale, qui est longuement racontée dans la Bible. Puis la confrontation entre Moïse et Pharaon, etc. Jacobson propose de détacher les vers 175-192 de ce qui précède et d’y voir un dialogue entre Moïse et les Anciens. L’action de la pièce occupe un long temps (beaucoup plus de vingt-quatre heures!). Elle se déroule dans plusieurs lieux: trois au minimum (Madian, Égypte, Élim), peut-être quatre (si l’on ajoute l’Horeb, où se déroule l’épisode du buisson ardent) et même cinq (si l’on ajoute la maison de Ragouel), voire davantage. La pièce comportait-elle un chœur? Aucun vers lyrique n’a subsisté. L’hypothèse la plus fréquente est que le chœur aurait été constitué par les filles de Ragouel (au nombre de six). Mais peut-être la pièce ne comportait-elle pas de chœur. Combien fallait-il d’acteurs? Trois suffisent, selon Jacobson. Mais il a pu y en avoir quatre. Le théâtre hellénistique a connu une inflation du nombre d’acteurs. 2) Théâtre juif: la Passion du Christ du Pseudo-Grégoire de Nazianze a) Ce texte comprend 2602 vers iambiques. Il est attribué à Grégoire le Théologien (Grégoire de Nazianze). Il a été publié en 1542 à Rome: cette édition est mauvaise. 59 Ce texte a-t-il été réellement écrit par Grégoire de Nazianze? Son authenticité a été mise en doute dès la fin du XVIe siècle, car un homme aussi sérieux, aussi important que Grégoire ne saurait être l’auteur de cette «futilité» qui n’est qu’un centon d’Euripide; certains arguments stylistiques sont aussi pris en compte pour refuser cette attribution. À la fin du XVIIe siècle et jusqu’au milieu du XVIIIe siècle, on considère que ce texte est bien de Grégoire de Nazianze. La première édition critique est établie par un Allemand qui travaille en France, F. Dübner, en 1848. Il se prononce contre l’authenticité. C’est d’ailleurs l’opinion majoritaire, mais André Tuilier, auteur du volume de «Sources Chrétiennes» en 1969, est favorable à l’authenticité, car les vingt-cinq manuscrits sont unanimes sur ce point. André Tuilier avait consacré sa thèse à Euripide. Sa conviction est que «si ce n’est pas Grégoire qui est l’auteur, c’est quelqu’un qui ressemble beaucoup à Grégoire». De plus la pièce est sûrement ancienne: en effet Euripide n’est pas cité dans la tradition médiévale, mais dans la tradition des citateurs antiques et des papyri. Romanos le Mélode, qui vivait au VIe siècle, fait allusion à cette pièce. Elle est forcément l’œuvre d’un penseur, d’un théologien et d’un artiste: pourquoi pas Grégoire? Condisciple du futur empereur Julien, Grégoire de Nazianze était un ami de Basile, évêque de Césarée de Cappadoce, frère de Grégoire de Nysse. Il avait été élu évêque de Nazianze. C’est un notable de Cappadoce, un érudit, un philosophe, un grand poète, dont on possède environ dix mille vers, en particulier un poème intitulé Sur ma vie, autobiographie en vers, texte extrêmement intéressant mais très difficile. Depuis l’édition princeps, le titre est Χριστὸς πάσχων ou Christus Patiens (en latin), c’est-àdire Christ souffrant. Le genre littéraire est le «centon». Au départ le «centon» est un vêtement fait de morceaux de vêtements récupérés. Près de la moitié des vers proviennent de pièces d’Euripide: Hécube, Oreste, Hippolyte, Médée, Les Troyennes, Rhésos et Les Bacchantes, qui sont les pièces les plus lues à l’époque, mais aussi d’Eschyle: Agamemnon et Prométhée, et de Lycophron: Cassandre. Il y aurait même un vers d’Homère: le vers 2127 de la Passion du Christ viendrait d’Homère, Iliade, III, 342; mais le parallèle est ténu, et d’ailleurs ce rapprochement est une erreur d’André Tuilier, car un hexamètre dactylique ne peut pas être transformé en trimètre iambique. En revanche aucun vers ne provient de Sophocle. Cette pièce commence par un prologue de trente vers, qui a un sens et une portée dogmatiques, qui présente les souffrances de la Vierge Marie au moment de la Passion. Les personnages sont Marie, Jean et le chœur des femmes. Mais cette «préface» ne fait pas partie de la pièce. La Passion du Christ est en fait une trilogie. Ressemble-t-elle aux trilogies grecques classiques? On n’en sait rien. Cette trilogie comprend: - Passion et mort du Christ (vers 1-1133); - Christ au tombeau (vers 1134-1905); - Résurrection (vers 1906-2602). Le contexte général est celui d’une part du refus du théâtre par les chrétiens; il n’existe pas d’autre pièce chrétienne à l’époque patristique; d’autre part de la culture grecque considérée comme «propaideia», c’est-à-dire préparatoire à la culture chrétienne; la culture classique serait préchrétienne, mais en fait ces deux éléments sont contradictoires. 60 b) Analyse des vers 501-515. Ils sont prononcés par la Vierge Marie, nommée ici Θεοτόκος («Théotokos»), c’est-à-dire «Celle qui enfante Dieu». Marie est la mère de Dieu: cette affirmation se trouve ailleurs sous la plume de Grégoire de Nazianze bien avant les Conciles qui l’ont affirmé. Tous les vers ne proviennent pas d’Euripide. C’est en quelque sorte un «demi-centon», ce qui est très surprenant. Mais il est vrai que le «centon» n’est pas quelque chose de «mécanique». C’est beaucoup plus créatif qu’on ne le croit généralement. Pour les éditeurs d’Euripide, il est très intéressant de consulter Grégoire de Nazianze pour ne pas «délirer» dans leurs corrections au texte grec! 3) Questions En réponse à une question, M. Dorival précise que l’on ne sait rien de la tragédie hellénistique. M. Jean-Victor Vernhes demande si l’on a pu écrire du théâtre destiné uniquement à la lecture. M. Dorival répond qu’on l’a beaucoup dit de Sénèque. Quand on redonnait Eschyle, Sophocle, Euripide, qui ont souvent été représentés, cela se faisait peut-être sous forme de lecture publique, mais à vrai dire, on n’en sait rien. IV Théâtre et rituel en Inde par Sylvain BROCQUET, Professeur de linguistique et littérature comparée (AixMarseille I) (Note: M. Brocquet a fourni aux stagiaires un document recto-verso,comprenant notamment des tableaux, des définitions, une bibliographie,que nous avons utilisés.) Introduction Le théâtre indien est à la fois riche et prolifique. Il est méconnu en occident, ce qui n’a pas toujours été le cas. En 1905, Guillaume Apollinaire fait cadeau à Pablo Picasso d’un poème, dont il existe deux versions, la seconde annulant la première. Ce poème comprend deux quatrains. Il est intitulé Sakountala. Cette seconde version commence ainsi: «Quatre étoiles tournant aux cieux / Se ressemblent de même entre elles…». Sakountala est l’héroïne d’une pièce de théâtre du poète Kālidāsa intitulée Sakountala au signe de reconnaissance, qui date du IV° ou du V° siècle après Jésus-Christ. Elle a été traduite en 1789 par le savant anglais William Joyce. Goethe en a eu connaissance et en a dit: «C’est la plus belle œuvre littéraire que je connaisse». Cette œuvre connaît un grand rayonnement au XIX° siècle. Les écrivains romantiques de l’Europe entière l’ont admirée. C’est l’œuvre sanskrite la plus connue en occident. 61 Plan de l’exposé: I - Aspects historiques du théâtre indien. II - Les caractéristiques du théâtre indien. III - Les mythes de fondation. IV - La théorie qui comprend deux aspects: - structuration du geste théâtral; - théorie du «rasa», élément le plus important de l’esthétique indienne. V - Le théâtre, en Inde, est l’équivalent d’un sacrifice, d’un rituel. Il en a les mêmes effets, qu’il s’agisse du cosmos ou du salut individuel. I) Historique du théâtre indien. Le répertoire Le répertoire est prolifique. Pendant une période relativement brève, du I° au X° siècle après Jésus-Christ, on connaît plus de trois cent soixante pièces, dont plusieurs dizaines sont «représentables», les autres se présentant sous forme de fragments. Il est souvent difficile de dater ces textes. L’«Âge d’Or» va du I° au V° siècles. Les plus anciens textes datent des I° ou II° siècles après Jésus-Christ. Il n’y a aucun texte au III° siècle, ni au VI°. Au IV° siècle, il y a deux auteurs importants: Sūdraka et Kālidāsa; ce dernier est l’auteur de Sakountalā au signe de reconnaissance, le chef d’œuvre du théâtre indien. On peut citer d’autres auteurs: au VII° siècle Harşavardhana, qui est l’auteur de trois pièces, dont deux ont été publiés dans le volume de la «Pléiade» consacré au théâtre de l’Inde (qui rassemble dix-huit pièces); au VIII° siècle Bhavabhūti. À partir des X°-XI° siècles, on peut parler d’une relative décadence, du moins dans l’état actuel de nos connaissances. Quelques exemples de pièces de théâtre: au II° siècle après Jésus-Christ, Ūrubhańga (Les Cuisses brisées), attribué à Bhāsa; au IV°-V° siècles après Jésus-Christ, Abhijñānaśakuntala (Sakountalā au signe de reconnaissance) de Kālidāsa, qui raconte l’histoire de Sakountala élevée dans la forêt par un ascète et qui peut faire penser à Pelléas et Mélisande de Maurice Maeterlinck (où l’on retrouve l’histoire de l’anneau); au VII° siècle, Ratnāvalī de Harşavardhana, qui est une espèce de comédie. Le théâtre est un art de cour, patronné par les rois. Il exalte la souveraineté. Or, aux X°-XI° siècles, à cause des invasions successives, les royaumes hindous disparaissent ou du moins sont amoindris. La culture persane remplace la culture hindoue, surtout dans le Nord de l’Inde. Au XX° siècle, on écrit encore en sanskrit, mais ce sont des jeux de lettrés, d’érudits. Toutefois, des éléments antiques subsistent dans le théâtre d’aujourd’hui. Dans le Kerala, état le plus au Sud de l’Inde, deux traditions sont encore vivantes: la tradition du Kathakali, qui remonte au VI° siècle, et celle du Kuṭṭiyatam du X° siècle, héritage de pièces en sanskrit dans la langue d’aujourd’hui, qui est proche du Tamoul. On joue un seul acte d’une pièce, mais on l’enrichit. Une pièce peut être représentée sur cinq ou six jours, avec des interruptions. On peut comparer ces pièces aux pièces les plus longues de Shakespeare. Pour Lyne Bansat-Bourdon, si l’on voulait comparer le théâtre indien, qui associe texte, danse et musique, à quelque chose en Occident, il faudrait penser à l’opéra baroque. L’auteur est souvent un protégé du roi. Le prologue place la pièce sous la protection du roi et lui adresse des compliments. À la fin de la pièce, l’auteur exprime des vœux pour le roi. Les représentations ont lieu à la cour, au palais royal. Les sujets ont souvent trait à la problématique de la royauté; par exemple: qu’est-ce qu’un bon roi? Le personnage principal 62 est souvent un roi. Plusieurs auteurs de ces pièces sont des rois (On peut citer notamment Śūdraka). Sont-ils eux-mêmes écrivains? Ou bien avaient-ils des «nègres»? Un roi doit être écrivain et grammairien. Il doit être cultivé et même être un fin lettré: pour cela, il doit posséder les soixante-quatre formes d’art. II) Caractéristiques principales du théâtre indien 1) Il existe une très grande variété générique. Les traités recensent dix genres principaux, auxquels il faut ajouter dix genres secondaires. Les plus courants sont: a) nātaka: drame noble, mais pas tragique (le dénouement est heureux), le plus noble des genres dramatiques, mettant en scène des dieux ou des héros du temps passé, empruntés à une épopée, Mahābhārata, Rāmāyaņa, Purāņa. b) prakaraņa: «comédie de mœurs», mettant en scène des hommes au noble caractère. Le personnage principal est toujours un roi (et son entourage), mais un roi humain, c’est-à-dire qu’il n’est ni un dieu ni un héros d’épopée. Le sujet est souvent emprunté à la Grande Histoire (Bŗhatkathā) de Guņādhya, grand cycle narratif perdu mais connu à travers ses imitations. On y trouve aussi des scènes que l’on pourrait qualifier de «passages de vaudeville». c) nātikā: «comédie de harem», proche du prakaraņa, qui s’inspire également de la Grande Histoire (Bŗhatkathā) de Guņādhya. Il n’est pas toujours facile de distinguer nātikā et prakaraņa; c’est le prologue qui indique auquel des deux genres appartient la pièce. d) prahasana: «farce satirique», comédie bouffonne, comme celle de Mahendravarman qui met en scène des moines gourmands, cupides, peureux, veules, dont l’un est bouddhiste, mais il se moque aussi des brahmanes. e) ańka: pièce en un acte. 2) Il n’y a pas de tragédie. Le dénouement heureux est nécessaire. Toute pièce est l’expression et l’exaltation de l’ordre parfait de l’univers («dharma»). La pièce non seulement dit cet ordre mais l’enseigne. La leçon serait sans valeur si le dénouement était malheureux. Tout le théâtre est didactique, accomplit une œuvre édificatrice. C’est différent de la théorie d’Aristote, pour qui c’est la vision de la souffrance qui remplit la fonction didactique. Il y a quatre âges: - l’âge parfait; - deux âges intermédiaires: les héros essaient de rétablir l’ordre; - l’âge contemporain («âge de Kali»): le pire des quatre! La fonction du roi est de faire régner l’ordre, d’établir une bonne relation entre les dieux et le monde par l’intermédiaire des sacrifices. Le rituel ne peut se développer que si l’ordre social est respecté. Il faut que certains offrent des sacrifices, que d’autres les effectuent. Le roi, par l’exercice de l’autorité, doit rétablir le dharma, dont il est le garant. Le théâtre joue un rôle comparable. Le roi est l’appareil répressif, le théâtre est l’appareil idéologique. Pour les Indiens, l’univers perçu par les sens est une illusion. Les dieux recouvrent la réalité d’un «voile» qu’il faut déchirer, la Māyā. Pour les spectateurs, le dénouement a la fonction d’un dévoilement pour que la vérité soit révélée. 3) Hétérogénéité de chaque pièce. a) Hétérogénéité stylistique. Chaque pièce comporte des passages en vers très savants, raffinés, dans lesquels sont décrits l’univers, les impressions et sentiments, et des passages en prose, plus simples, qui servent au déroulement de l’intrigue. 63 b) Hétérogénéité linguistique. En Inde, la langue est associée au statut. Dans une pièce de théâtre, il peut y avoir trois ou quatre langues différentes suivant le statut social des personnages. Le roi, le brahmane, les ministres s’expriment en sanskrit, la reine dans une autre langue (car les femmes n’ont pas le droit de s’exprimer en sanskrit), les serviteurs dans une autre, le bouffon (qui est un brahmane dégénéré) dans une autre langue encore. c) Hétérogénéité générique. Dans beaucoup de pièces on trouve des passages «nobles» qui racontent les exploits des rois et des «passages de vaudeville» dans lesquels on verra par exemple le roi qui veut avoir une aventure avec une servante. On trouve le même mélange de genres chez Shakespeare ou dans le drame romantique. 4) Art complet au service d’un «spectacle total». Il faut faire «voir et entendre». Ce théâtre est à la fois littéraire, gestuel, musical, chorégraphique. Le texte n’est qu’une partie d’un ensemble. 5) Emprise extrêmement importante de la théorie. Le Nāţyaśāstra (attribué à Bharata) est un ensemble de prescriptions compilé au II° siècle. Toutes les œuvres s’y réfèrent et le respectent strictement. Il y a beaucoup de scènes de «théâtre dans le théâtre», de scènes de «critique littéraire», au cours desquelles on constate que telle scène est conforme au Nāţyaśāstra et telle autre non. 6) La théorie du «rasa». Au-delà du théâtre, cette théorie concerne toutes les formes d’art. Le «rasa» est la «saveur» d’une œuvre d’art, quelle qu’elle soit. Le théâtre est le modèle de toute création esthétique. En Occident, on considère que le théâtre est une partie de la littérature. En Inde, au contraire, la littérature est une partie du théâtre. III) Les mythes de fondation Le mythe de la fondation comprend plusieurs épisodes. Le premier livre du Nāţyaśāstra est consacré à l’une des deux légendes de fondation, le dernier livre à la suite de cette légende. Il s’agit de la légende de l’installation du théâtre sur terre. Nahuşa est invité chez les dieux. Un festin est donné. Les dieux aiment le théâtre et en font. Au cours de ces festivités, Nahuşa assiste à une représentation théâtrale qui l’émerveille, et qui suscite chez lui le souvenir qu’il a déjà vécu cette expérience quand il avait quatre ou cinq ans. En effet, enfant, il venait chez Purūravas, ex-époux d’Urvaśi. Désespéré, Purūravas est devenu fou et a abandonné le théâtre. Nahuşa demande aux dieux de faire descendre le théâtre sur terre. Dans l’Inde ancienne, il y a quatre catégories d’hommes: d’une part les brahmanes, les guerriers et les paysans qui constituent les Āryas, qui sacrifient aux dieux, et d’autre part les śudras, qui sont des serviteurs, qui ne participent pas aux sacrifices, qui n’ont pas le droit de parler sanskrit. Les dieux confient aux cent fils de Bharata, les Bharatides, la mission de descendre sur terre et d’enseigner le théâtre aux hommes. Les cent fils ont créé la comédie et se sont moqués des sages qui les ont condamnés à descendre sur la terre, pour y être des śudras. Ils pourront redevenir brahmanes. Sur terre, ils s’unissent à des femmes et engendrent une lignée d’acteurs. Les acteurs sont des śudras. Ils peuvent donc jouer tous les statuts sociaux. 64 Ce mythe apparaît comme l’accomplissement d’un dessein du dieu créateur Brahmā qui n’avait pas été achevé et qui est exposé au premier livre: faire que les hommes se comportent comme Rāma (héros d’épopée qui incarne la justice, le respect du dharma). Ceci se passe au deuxième âge du monde. Le dharma se dégrade. Les hommes se comportent mal et renaissent śudra. Ils sont éternellement victimes de l’illusion. Ils ne peuvent plus étudier. Donc ils ne peuvent pas progresser. Il faut donc les éduquer, les édifier: le seul moyen, c’est le théâtre, qui est à la fois didactique et divertissant («apprendre en s’amusant» comme dans… la pédagogie moderne!). Les śudras n’ont pas accès aux Vedas. Il faut un cinquième Veda, accessible à tous les hommes, pour restaurer le dharma. Les dieux disent: «Il faut connaître le malheur pour faire du théâtre». Donc les dieux sont incompétents. Il faut s’adresser aux hommes par l’intermédiaire des fils de Bharata. Le théâtre ainsi créé se développe d’abord chez les dieux pendant deux générations humaines (ce qui n’est rien pour les dieux). Brahmā fait appel à Bharata pour fixer le savoir théâtral dans un traité d’art dramatique. Siva va lui recommander d’introduire la danse. L’épouse de Siva va introduire une danse d’un autre type, une danse féminine. Le théâtre est d’abord transmis aux dieux. Les dieux euxmêmes écrivent. Brahmā est l’auteur de deux pièces de théâtre: Amŗtamanthana (Le Barattage de l’ambroisie) et Tripuradāha (L’Incendie de Tripura). Les représentations ont lieu dans un théâtre construit au ciel. Les acteurs sont les cent fils de Bharata et les apsaras, les nymphes célestes. Puis Saravastī, déesse de l’éloquence et de la poésie, écrit Lakşmīsvayamvāra (Le Mariage par libre choix de Lakşmī), joué par Urvaśi, qui commet un lapsus: au lieu de s’adresser au dieu des dieux, être suprême, elle nomme l’humain dont elle est amoureuse, Purūravas. Elle est alors chassée du ciel et rejoint sur terre celui qu’elle aime. IV) Architecture du théâtre, du «nāţyaveda» («savoir dramatique») Le théâtre est le cinquième véda, tiré des quatre premiers. Le théâtre implique que les êtres connaissent le bonheur et le malheur. Les dieux ne peuvent donc pas enseigner le théâtre puisqu’ils ne connaissent que le bonheur. 1) Chacun des quatre hymnes védiques est la source d’un aspect du théâtre. Le «nāţya» (c’est-à-dire art dramatique) est constitué de la représentation (prayoga) et du texte (itivŗtta). La représentation associe danse, chant, musique instrumentale et jeu de l’acteur. Le jeu de l’acteur associe: a) le jeu corporel (avec des gestes très précis), b) la diction, c) les costumes et le maquillage, d) le jeu émotionnel (source du rasa). Il n’y a pas de masque. C’est un maquillage extrêmement important qui permet de reconnaître les personnages. Il y a ce qui s’apprend et ce qui ne s’apprend pas. Ce qui ne s’apprend pas, c’est le «sattva», c’est-à-dire le «jeu émotionnel». Le «sattva», c’est en fait la vérité, la présence, c’est ce qui va différencier le grand acteur de l’acteur moyen, et ça ne s’enseigne pas. 65 2) Théorie du «rasa». a) Le «rasa» est la base unique de la poésie, de la création artistique en général. Le mot «rasa» désigne en fait le suc d’une plante; d’où, par métonymie, la saveur de cette plante. Il peut désigner tout liquide, et même l’eau. Dans le Nāţyaśāstra, en libérant les eaux emprisonnées par un serpent, Indra a également libéré les différentes saveurs esthétiques (rasa), les arts. Pour la signification du mot «rasa» dans l’ordre esthétique, cf Louis Renou, qui met en évidence le phénomène de transfert, d’identification. Le mot «rasa» désigne l’état subjectif du spectateur, par lequel les émotions endormies sont réveillées. Le spectateur reçoit en lui l’expérience émotionnelle originelle du poète. Le «rasa» implique un phénomène d’identification, de transmission. Le «rasa» n’est pas source de plaisir immédiat. Il faut une distanciation qui permette de sentir que cette émotion est universelle, propre à toute l’humanité. C’est différent de la «catharsis» aristotélicienne, par laquelle le spectateur s’affranchit des passions en les voyant développées sur scène et la souffrance qu’elles procurent, qui lui inspirent terreur et pitié. Le mot «rasa» désigne le plaisir littéraire, le plaisir esthétique que procure le partage d’une émotion, mais vécue comme un phénomène universel. D’où la dimension didactique du théâtre car le spectateur accède à l’universel. b) Le «rasa» se décline en huit «rasa». D’après le rasasūtra (Nāţyaśāstra, VI), «Le rasa naît de la combinaison des déterminants, des conséquents et des transitoires». C’est un phénomène de «cristallisation», associé à la théorie de la transmigration des âmes: chaque être a en lui une imprégnation psychique, la vāsanā (parfum), qui est enfouie en lui par son existence présente et par ses existences antérieures, qui est inconscient, susceptible d’être «actualisé» ou «cristallisé» par l’œuvre d’art en un état psychique stable. Les émotions constituent une sorte de trésor psychique dormant qui peut être actualisé par le théâtre, transformé en «émotion cristallisée». C’est une rencontre qui va provoquer un choc émotionnel, une expérience existentielle. Cette cristallisation est provoquée par une combinaison d’éléments complémentaires : Les déterminants (par exemple pour le rasa érotique, le déterminant est l’homme ou la femme, l’être aimé). Les conséquents (manifestations de l’émotion) sont une codification des gestes et des inflexions de la voix. Ils sont de deux sortes: les manifestations que l’on produit parce qu’on sait les faire, on les a apprises, et les manifestations que l’on produit spontanément. Les transitoires sont des émotions associées à l’émotion dominante. Par exemple, la jalousie va être associée au sentiment amoureux. Il y a donc une sorte de nœud émotionnel. Les transitoires sont à la base des intrigues. S’il s’agit d’une intrigue amoureuse, il y a une espèce de «carte du tendre»: rencontre, coup de foudre, séparation, union impossible, puis possible… V) Théâtre (représentation théâtrale) et rituel (en particulier rituel de salvation) Le théâtre est l’équivalent d’un sacrifice. Le sacrifice est l’acte par lequel les humains entretiennent un rapport avec les dieux qui permet à l’univers de perdurer. Les sages considèrent le théâtre comme un acte qui plaît aux dieux à l’égal du sacrifice. Le théâtre est le cinquième Veda, qui permet aux humains d’accéder à la vérité. Il est d’ailleurs le lieu d’un 66 rituel. L’hommage que l’on rend aux dieux avec des parfums et des fleurs ne leur plaît pas autant que le théâtre. Les hommes, devenus śudras, ne pouvaient plus sacrifier. Le théâtre a été inventé pour combler ce manque. C’est un hommage aux dieux. Toute représentation commence et se termine par une bénédiction. Le théâtre, à l’origine, est une célébration du roi des trente-trois mille dieux, Indra. 1) Dans le mythe de fondation, les représentations théâtrales devant les dieux ont eu lieu lors d’une fête en l’honneur du dieu des dieux. À la fin de la représentation, Indra donne en récompense aux acteurs son bâton, symbole de l’axe du monde. 2) Le théâtre (la salle de spectacle) est l’équivalent d’un temple (dans le mythe de fondation, c’est le même architecte, Viśvakarman, qui a construit le théâtre et le temple). Le théâtre est une représentation miniature de l’univers: il y a quatre piliers qui représentent les quatre catégories sociales. La salle, comme la pièce de théâtre, représente le monde. Le théâtre s’adresse à tous les hommes. 3) L’organisation de la représentation: a) les dix-sept préalables: on commence par quelque chose de purement rituel pour aboutir petit à petit au théâtre; c’est un chemin initiatique, comme celui du fidèle qui, dans le temple, approche progressivement du dieu; b) les deux prologues: le premier a une fonction rituelle, est assimilé à un sacrement (on demande aux dieux leur bénédiction). Ce sacrement est approprié à la dégustation du rasa, qui est offerte aux spectateurs. La représentation est donc perçue comme un sacrifice: on dit le monde. Le théâtre est révélateur du caractère illusoire de la réalité, puisqu’on peut la jouer sur scène. Ce qui se passe sur la scène est une illusion. Donc ce qui se passe dans le monde est une illusion. On trouve une conception analogue dans le théâtre baroque, chez Shakespeare (par exemple dans As you like it). Donc, en allant au théâtre, le spectateur va avoir un choc et se rendre compte du caractère illusoire de la vie. En effet il ne sait pas que le monde est illusion, et le rôle du théâtre est de dissiper cette ignorance. Le théâtre est le monde, mais aussi la révélation du caractère illusoire du monde. Indra, en tant que maître du théâtre, va libérer la conscience de l’illusion. Les émotions antérieures vont disparaître dans la contemplation de l’œuvre d’art. On fait une expérience psychique de nature mystique. Le théâtre est à la fois un lieu et un temps initiatiques. C’est le lieu d’une initiation collective et individuelle, d’une salvation, d’un processus psychique salvateur, mis en valeur par exemple dans Sakountalā. Sakountalā est une princesse élevée dans un ermitage par un ascète. Le roi passe, l’aime, lui remet un anneau. Elle est enceinte. L’ascète l’envoie à la cour, mais elle perd l’anneau et se fait chasser… Plus tard, un pêcheur est retrouvé avec cet anneau. Le roi voit l’anneau et se souvient de Sakountalā. Il retrouve finalement sa femme et son fils : son esprit a été pris dans les rets de l’illusion, puis s’en est libéré – d’où le dénouement heureux. Le rasa réveille des états émotionnels dormants, souvenirs de vies antérieures. Il provoque l’oubli du présent, l’abolition du temps. La perception immédiate nettoie le miroir de l’âme. C’est un dépassement de l’ego, de la subjectivité, du spatio-temporel, pour accéder à l’universel. L’expérience du rasa est purifiante. C’est bien une «catharsis», mais pas au sens 67 d’Aristote. Le spectateur est identifié à l’univers tout entier. C’est une expérience à la fois psychique et mystique, au-delà de l’esthétique. Le théâtre indien est relié à toute une conception philosophique du monde et de l’homme dans le monde. V Les espaces scéniques dans le théâtre grec et dans le théâtre romain par Jean-Charles MORETTI, Directeur de recherche CNRS-IRAA (Lyon) Que peuvent nous apprendre l’archéologie et l’architecture sur les pièces de théâtre antiques? I - LA GRÈCE 1) L’origine du théâtre grec. a) L’origine du théâtre grec se situe à l’époque archaïque, au VI° siècle avant Jésus-Christ, à une époque où se définissent la périodicité et les règles des grands concours. Les épreuves «musicales» (c’est-à-dire liées aux Muses) se déroulaient dans les théâtres. Les épreuves gymniques se déroulaient dans les stades. Les épreuves hippiques, dans les hippodromes. À l’époque archaïque, sont institués quatre grands concours sacrés, «stéphanites» (ainsi nommés car le prix était une couronne, en Grec: «στέφανος»): - à Olympie, concours uniquement sportifs, tous les quatre ans, on ne sait pas à partir de quand; - les Pythia de Delphes, tous les quatre ans, à partir de 582 avant Jésus-Christ; - à l’Isthme, tous les deux ans, à partir de 582 avant Jésus-Christ; - à Némée, tous les deux ans, à partir de 573 avant Jésus-Christ. Les Panathénées se déroulaient à Athènes à partir de 566. Le premier concours de tragédie a eu lieu en 534 à Athènes. Pour tous ces concours réguliers, on construit des édifices spécifiques: stades, théâtres, hippodromes… On assiste au développement d’une «architecture de spectacle». b) Les concours musicaux commençaient par des épreuves de hérauts et de trompettes. Il fallait qualifier le héraut qui annoncerait les noms des concurrents et ceux des vainqueurs et le trompettiste qui annoncerait le début des épreuves. Les Grecs n’ont retenu que deux instruments de musique pour les concours: la cithare, instrument d’Apollon, et l’aulos, instrument double avec deux chalumeaux en bois, avec double anche (dont le son était donc plus proche de celui du hautbois que de la flûte): le musicien soufflait alternativement dans un des deux tuyaux puis dans l’autre. Il y avait des citharèdes, qui chantaient en s’accompagnant eux-mêmes à la cithare; des chanteurs, les aulodes, qui chantaient en étant accompagnés par des aulètes (qui jouaient de l’aulos); des rhapsodes, qui psalmodiaient des 68 poèmes, notamment d’Homère, sans accompagnement musical, des auteurs d'éloges, de poèmes épiques ou parodiques. Il y avait des épreuves de chœur (avec aulos), en particulier des dithyrambes, par cinquante personnes (jeunes gens ou hommes), ce qui explique les dimensions des orchestras. Puis des «drames»: tragédies et drames satyriques, comédies, interprétés par des acteurs et par un chœur (avec un aulète). c) Au VI° siècle, les Grecs construisent, pour tous ces concours, des édifices: les «theatra» («θέατρον» au singulier, «θέατρα» au pluriel), dont le nom signifie «observatoires». Ce n’est pas le lieu où l’on joue des pièces de théâtre, mais le lieu d’où l’on voit, le lieu où sont installés les spectateurs, alors que le «stadion» («στάδιον») est bien le lieu où se passent les concours sportifs et l’hippodrome («ἱππόδρομος») celui où se passent les courses de chevaux. Sur les vases du VI° siècle, on ne trouve pas de représentation de théâtre, mais on trouve en revanche une représentation de courses de chars lors des funérailles de Patrocle; cette coupe représente des gradins où sont assis des spectateurs. À partir du V° siècle avant Jésus-Christ, les vestiges de théâtre sont visibles. On n’a plus le bâtiment de scène qui était en bois. Ces bâtiments se concentrent en Attique, à Athènes, dans une partie de la Béotie et au nord-est du Péloponnèse. Athènes est à l’origine du succès du théâtre. De nombreux théâtres nous sont connus par des vestiges et par des inscriptions. 2) Présentation de deux théâtres: Thorikos, Euonymon. a) À Thorikos («Θορικός»), se trouve le théâtre classique le mieux conservé du monde grec. Construit vers 450 avant Jésus-Christ, il comporte une orchestra à peu près rectangulaire, plus longue que profonde, des gradins et un mur de soutènement. À cette époque, on choisit une pente, plus précisément un lieu de rupture de pente, pour que l’orchestra soit horizontale, sinon il faut un mur de soutènement. L’orchestra est bordée par les gradins, mais aussi par un temple de Dionysos. Il y a également un autel dédié au même dieu. L’orchestra est donc le «parvis» du temple. Le bâtiment de scène était en bois, démontable. Il était monté pour chaque spectacle. Il y avait aussi une «scénothèque» où l’on stockait peut-être le bâtiment de scène démonté. b) Le théâtre d’Euonymon, près de l’aéroport d’Athènes, a été découvert récemment. L’orchestra est rectangulaire. Les gradins sont en trois volées rectilignes, avec des angles droits. Le bâtiment de scène est plus tardif, d’époque hellénistique. 3) Les caractéristiques des théâtres classiques: On connaît une dizaine de ces théâtres dans la région d’Athènes, ce qui permet de définir les caractéristiques du théâtre classique: - L’orchestra est plus longue que profonde. - Il y a une ou plusieurs volées de gradins rectilignes. - Il n’y a pas de bâtiment de scène en pierre. Le bâtiment de scène est en bois. - Il n’y a jamais d’autel au centre de l’orchestra. On en trouve quelquefois un en bordure. - Il n’y a jamais d’orchestra circulaire. L’orchestra est toujours rectangulaire ou en forme de polygone. 69 4) À Athènes. a) C’est le théâtre le plus anciennement connu par les textes. C’était un théâtre en bois (en fait des «échafaudages») sur l’Agora, qui s’est effondré vers 500. Il se trouvait au-dessus du sanctuaire de Dionysos Éleuthéreus, sur les pentes sud de l’Acropole. Mais il n’a jamais fait partie du sanctuaire (Cf Pausanias). Il était placé entre deux sanctuaires, ceux de Dionysos et d’Athéna. Il servait pour les Panathénées et pour les Dionysies. Il date du V° siècle. On le connaît mal par les vestiges, parce qu’il était en grande partie en bois et qu’il a été recouvert par d’autres théâtres de l’époque hellénistique et impériale. On ne connaît que des gradins de calcaire rectilignes. Des inscriptions figurent sur ces gradins: elles montrent qu’ils étaient réservés à certains magistrats ou prêtres, ce qui indique une société ordonnée en fonction du statut religieux ou social. Il reste aussi de nombreux fragments d’encastrements, de caniveaux. Les fouilles actuelles montrent qu’il y avait des gradins en bois en plus des gradins en pierre. b) Au V° siècle avant Jésus-Christ, les images sont d’un intérêt médiocre. Aucune ne montre l’architecture, très peu montrent des spectacles. À Athènes, quatre vases seulement montrent des chœurs de tragédies. Un vase représente peut-être un chœur des Oiseaux d’Aristophane. Il existe quelques représentations de troupes de drames satyriques. On ne connaît qu’une seule représentation d’architecture théâtrale sur un petit vase attique qui montre deux spectateurs assis sur des chaises et un acteur sur une estrade, jouant Persée et portant un justaucorps qui le fait paraître nu. Le vase de Pronomos, du nom d’un aulète thébain, montre l’ensemble des acteurs et du chœur satyrique autour des personnages de Dionysos et Ariane. À partir de la fin du V° siècle, on connaît de très nombreuses figurines, dont le «Groupe de New York», trouvé dans une tombe attique. Elles portent des costumes de comédie et sont intéressantes pour la gestuelle, mais ne donnent aucune indication sur les espaces scéniques. c) Tous les textes de théâtre que nous possédons ont été écrits pour une seule représentation, par quelqu’un qui avait sous les yeux le théâtre où ils allaient être joués et qui en connaissait les possibilités scéniques. D’où l’intérêt de réfléchir sur ces textes, en particulier sur un texte des Thesmophories d’Aristophane (vers 395): «Dès qu’ils [les spectateurs] quittent les échafaudages…». Donc à cette époque les spectateurs sont encore assis sur des gradins en bois («ἲκρια»). Vraisemblablement le premier rang de gradins était en pierre, les autres en bois. À Athènes, les gradins étaient sans doute disposés sur trois ailes. C’est en effet le plus grand théâtre de l’Attique. L’orchestra était relativement vaste: on y accédait par des «πάροδοι». Le bâtiment de scène était en bois et devait être démontable. On pouvait y créer trois ouvertures (trois portes). Sa «couverture» était sûrement en terrasse (Cf le début d’Agamemnon d’Eschyle: un veilleur est sur le toit. Cf aussi le début d’Ajax de Sophocle). On pouvait tourner autour de ce bâtiment: les acteurs pouvaient donc entrer d’un côté et sortir de l’autre. On en ignore la longueur. Il mesurait trois à quatre mètres de haut. C’était sans doute un édifice très simple, mais deux machines lui sont associées: - La «μηχανή» («mékhané»). Ce terme est assez vague et peut désigner toutes sortes de «machines»: bélier, grue et naturellement la grue scénique. Cf La Paix d’Aristophane (vers 173-175): «Misère! C’est que j’ai peur sans rire. Hé! Machiniste («Ὤ μηχανοποιέ»), fais bien attention, car je sens déjà une espèce de vent qui me tourne autour du nombril!…». Cf aussi Antiphane, auteur comique du IV° siècle, dont on ne connaît que des fragments. À propos 70 des poètes qui n’ont plus rien à dire, Antiphane (189 K-A, PCG, II) écrit: «Ensuite, lorsqu’ils [les poètes dramatiques] ne peuvent plus rien dire, mais qu’ils sont à bout de forces dans leurs pièces, ils lèvent la machine («μηχανή») comme un doigt («δάκτυλος»), et cela suffit aux spectateurs…» (En effet les sportifs levaient le doigt pour demander l’arrêt du combat quand ils «n’en pouvaient plus»). Il existait une sorte de ressemblance entre cette machine et un doigt: la «μηχανή» comprenait en effet un «bras» avec un contrepoids horizontal, associé à un treuil. Seule une branche de la «mékhané» devait passer au-dessus du toit. On pouvait lever ou baisser le bras et donc l’acteur qui y était installé. - L’«ἐκκύκλημα» («ekkukléma», «eccyclème») était une machine qui montrait ce qui était censé se passer à l’intérieur de la «σκηνή» («skênê»). Cf Les Acharniens d’Aristophane où Euripide dit: «Je vais prendre l’eccyclème, mais je n’ai pas le temps de descendre». Pollux, professeur de rhétorique à Athènes à l’époque de Commode, la définit ainsi, dans son Onomasticon (IV, 127-128): «Podium élevé sur des poutres, sur lequel se trouve un trône. Il montre les actions qui se sont accomplies en secret, dans les maisons.». Le mot «ekkukléma» n’est utilisé que pour le théâtre. Il implique à la fois l’idée de faire tourner en rond, que ce mouvement circulaire soit horizontal ou vertical, ainsi qu’un mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, comme l’indique le préfixe «ἐκ» ou «ἐξ» («hors de»). Donc on peut imaginer un «ekkukléma» sur roulettes ou bien un plateau tournant sur lui-même ou faisant pivoter un panneau. Ce dispositif était placé à chaque porte de la «σκηνή» (Ce principe a été repris par Ariane Mnouchkine pour Les Atrides). Dans ce type de théâtre, on ne peut pas masquer l’espace scénique, car il n’y a pas de rideau de scène (Celui-ci n’apparaît que chez les Romains). Les éléments apportés ou enlevés le sont soit par les acteurs soit par les membres du chœur. Sur un vase, on voit des satyres portant les éléments d’un trône qu’ils vont monter sur l’orchestra. Chez Aristophane, on trouve des allusions à des acteurs qui portent des éléments de décor sur l’orchestra. d) À la fin du IV° siècle, les édifices sont de plus grande ampleur, comme par exemple le «théâtre de Lycurgue» (achevé vers 325 avant Jésus-Christ), dont la construction a duré longtemps et qui a remplacé le théâtre du V° siècle. Lycurgue a été loué d’avoir réussi à terminer le chantier, mais quand a commencé la construction? est-ce à l’époque de Périclès? ou plus tard? (Les fouilles en cours actuellement le montreront peut-être). La construction de ce théâtre a sans doute duré quarante à cinquante ans. Les Athéniens parlaient de travaux qui traînaient en longueur. C’est un théâtre classique qui comprend des gradins en pierre et non en bois, semi-circulaires et non rectilignes. L’orchestra est plus profonde que large: elle associe un cercle et un rectangle. Il n’y a pas d’autel. À la base, se trouvent de très beaux trônes en marbre pentélique. Les gradins ne sont pas de simples degrés: ils sont plus élaborés et en particulier ils comportent des repose-pieds. Le bâtiment de scène avait sûrement un étage. Y avait-il des colonnes? Derrière ce bâtiment, se trouvait un portique. Donc on ne pouvait pas tourner autour. De chaque côté, des portes latérales permettaient de le traverser. 5) À Épidaure et à Délos. Il n’y a pas de transformation à l’époque hellénistique. a) À Épidaure, l’orchestra est circulaire. Toutefois le bâtiment de scène comporte deux niveaux, avec un petit portique, devant la «σκηνή» («skênê»). Dans le «προσκήνιον» («proskênion»), se trouvent une porte centrale double et deux portes latérales. En bas, il y a 71 une colonnade avec des «πίνακες» («pinakes»), c’est-à-dire des tableaux peints, et un «proskênion» de trois mètres de haut, auquel on accède par des rampes. À l’étage, un plancher avec une partie couverte et une partie découverte accessible depuis l’extérieur. L’étage comporte des baies donnant sur l’intérieur, visible de l’extérieur. L’action se passe souvent dans l’orchestra, mais aussi un peu sur le toit du «proskênion». Ce type de bâtiments va se développer en Asie Mineure, dans certaines colonies grecques, en Égypte, à Alexandrie. b) Le théâtre de Délos est achevé peu après le milieu du III° siècle avant Jésus-Christ. Le «proskênion» est accessible par un escalier. L’orchestra est un demi-cercle outrepassé. Des passages souterrains relient l’orchestra et le bâtiment de scène. Les acteurs jouent sur l’orchestra et utilisent peu la terrasse du «proskênion». II – LE THÉÂTRE LATIN (surtout le théâtre impérial) 1) Théâtre latin et théâtre grec. a) L’architecte latin Vitruve vivait à la fin du I° siècle avant Jésus-Christ, au début de l’époque augustéenne. Dans son De Architectura (livre V), il mentionne deux types de théâtre: le «theatrum Graecorum» et le «theatrum Latinum», alors que, jusque là, on n’en connaissait qu’un seul. Nicolas de Damas, contemporain de Vitruve, parle lui aussi de deux types de théâtre: le théâtre grec et le théâtre romain. Dans ce cas, le «théâtre romain» est sans doute en bois, et le «théâtre grec», en pierre, est sans doute le «théâtre de Pompée». Dans la seconde moitié du II° siècle après Jésus-Christ, Pausanias décrit le théâtre d’Épidaure (II, 27, 5). Lui aussi distingue deux types de théâtres. Pour lui, le «théâtre des Romains» est un «théâtre remarquable» qui surpasse tous les autres par l’ornementation («κόσμος»). Mais, pour «l’harmonie», quel architecte pourrait surpasser Polyclète? Pour Vitruve, il s’agit non seulement d’une distinction morphologique, mais aussi d’une distinction fonctionnelle (dans le type de spectacles) et d’une distinction sociale (en ce qui concerne le public). b) La distinction morphologique: Le théâtre grec est plus harmonieux que le théâtre romain. Chez les Romains, comme chez les Grecs, on part d’un cercle. Mais chez les Grecs on inscrit dans ce cercle trois carrés, qui délimitent dans les gradins sept secteurs, à diviser en deux. La tangente définit la limite du «proskênion». Le diamètre en définit la longueur. Les angles définissent les escaliers, au nombre de huit. L’orchestra grecque est plus vaste que l’orchestra romaine. La scène est plus en retrait. Seuls les acteurs jouent sur la scène. Chez les Romains, quatre triangles équilatéraux, inscrits dans le cercle, permettent de définir l’emplacement du front de scène, et l’estrade est plus profonde que dans le théâtre grec, car tous les artistes sont sur scène. Et l’on trouve six secteurs et non sept dans les gradins. En outre un bâtiment de scène est associé à la cavea. La possibilité de construire sur un terrain plat n’est pas considérée comme caractéristique. Vitruve n’insiste pas sur le fait que le théâtre latin est un monument unitaire, contrairement au théâtre grec qui est composé de plusieurs bâtiments. Le «front de scène» comporte trois 72 colonnades superposées (mais Vitruve ne précise pas s’il s’agit du théâtre romain ou grec ou des deux). c) La distinction fonctionnelle et sociale: Pour Vitruve, les spectacles romains et les spectacles grecs sont différents: le «theatrum Latinum» présente, dans des théâtres temporaires en bois, des spectacles de type latin, en langue latine, les «ludi Latini», qui sont différents des «ludi Graeci», ces derniers étant des pièces adaptées du Grec, jouées, en langue grecque, par des acteurs grecs. Lors des jeux séculaires augustéens, il y eut les deux. Dans le théâtre grec, il y a deux lieux scéniques: l’orchestra et la skênê. Dans le théâtre latin, il n’y en a qu’un: le «pulpitum», qui est une estrade basse devant le front de scène; l’orchestra n’est pas utilisée par les artistes, mais par… les sénateurs, qui y ont des places réservées! Ils sont assis sur des trônes en bois installés sur des gradins bas, séparés des autres par une balustrade. Cf le théâtre de Sabratha. D’après d’autres textes, notamment des textes de lois, en particulier la «Lex Julia theatralis», on sait que l’ensemble des gradins correspond à une répartition sociale très précise: de bas en haut, les sénateurs, les chevaliers, les esclaves, les femmes tout à fait en haut. Les esclaves sont mieux placés que les femmes! Le théâtre latin dérive du théâtre grec. Dans l’évolution du théâtre grec en Italie du sud et en Sicile, on peut voir comment s’est développé un théâtre différent qui se formalise dans la définition de Vitruve. 2) «Préhistoire» du théâtre latin. Aux VIII°-VII° siècles avant Jésus-Christ, le théâtre grec n’existe pas quand les Grecs commencent à coloniser l’Occident. Les colons ne partent pas avec leur «image» du théâtre. On sait néanmoins qu’à l’époque classique, existaient, dans certaines villes de l’Italie du Sud et de Sicile, des types de spectacles différents de ceux qui se sont développés en Grèce. Mais, à partir de l’époque classique, des théâtres sont construits en Grèce, en Italie du Sud, en Sicile. Dans l’Orient grec, à l’époque hellénistique, on trouve des théâtres d’un type comparable à celui d’Épidaure. Ce n’est pas ce type de théâtre que l’on trouve en Italie du Sud et en Sicile, comme le montrent les représentations que l’on trouve sur les vases phlyaques, produits à Tarente, Métaponte et Paestum: on y voit des scènes du théâtre attique, avec des inscriptions en ionien-attique alors que ce sont des cités doriennes. Des vases permettent des rapprochements avec des textes athéniens des V° et IV° siècles avant Jésus-Christ: - un vase produit à Tarente vers 380 avant Jésus-Christ, en relation avec Les Thesmophories d’Aristophane; - un cratère produit à Tarente en 380, qui montre des «chorégies», alors qu’il n’y a pas de chorégie en Italie du Sud; - un vase de Sicile, montrant un messager qui annonce à Œdipe la mort de son père. D’autres vases permettent des rapprochements avec des textes écrits en Sicile ou en Italie du Sud, en particulier un vase qui représente la naissance d’Hélène sortant d’un œuf: les acteurs sont sur une estrade, avec une porte et une fenêtre; c’est une scène comique à partir du mythe. Les estrades sont fréquentes: ce sont des estrades basses. Beaucoup de scènes sont des parodies de tragédies, ce que l’on nomme des «hilaro-tragédies», qui sont propres à l’Italie du Sud, de même que les mimes, alors qu’il y en a peu en Grèce. 73 En Grèce aussi, il y a eu des estrades pour des représentations ambulantes (Cf Platon, Lois, VII, 817c. Contemporain de ces représentations, Platon les condamne: «N’allez pas croire que nous vous laisserons venir chez nous, planter vos scènes et présenter des acteurs à la belle voix…»). Ces spectacles se sont développés en dehors des concours. Les bâtiments de scène représentés ont une estrade basse, lieu scénique principal, sur lequel débouchent des portes. Ce développement des estrades basses avec un mur percé de portes et de fenêtres, c’est ce que l’on trouve dans le théâtre latin. Certains édifices en Sicile et en Grande Grèce présentent certaines caractéristiques du théâtre latin de Vitruve, par exemple ceux de Ségeste ou de Solonte (en Sicile). À Ségeste, on trouve une orchestra semi-circulaire. À Solonte, on trouve une orchestra bétonnée, une estrade basse associée à un front de scène à trois portes avec des colonnes engagées doriques et ioniques. Le théâtre grec en Italie du Sud et en Sicile donne naissance peu à peu au théâtre latin. Pour arriver vraiment au théâtre latin, il faut encore qu’il y ait une cavea portée sur une structure creuse, un bâtiment de scène accolé à la cavea, un front de scène à ordres dégagés et superposés, ce qui apparaît pour la première fois à Pompéi. Le rôle de Rome est relativement réduit dans la genèse du théâtre latin. Les pièces de théâtre de Plaute et de Térence sont représentées sur des théâtres en bois, car le théâtre en pierre est interdit par le Sénat au milieu du II° siècle. Les premiers théâtres en pierre datent du I° siècle avant Jésus-Christ. On les connaît par Pline et par Ammien Marcellin, qui décrivent un théâtre construit en 58 avant Jésus-Christ: ce théâtre, qui contenait quatre vingt mille places, comportait trois rangs de colonnes en pierre, en bronze et en bois décoré. Deux éléments nouveaux interviennent: le velum et le rideau de scène. Le velum apparaît en 69 avant Jésus-Christ. Cicéron parle du rideau de scène en 56 dans le Pro Caelio. C’est à Rome que se développent le mime et la pantomime, qui sont les spectacles les plus importants de l’empire romain. Le théâtre en pierre à Rome n’apparaît qu’avec le théâtre de Pompée, sur le Champ de Mars, lequel est associé à un énorme quadriportique; le bâtiment de scène a peut-être été en bois au début. Il recevait les spectacles grecs. Le théâtre de Marcellus est inauguré en 10 avant Jésus-Christ. Il avait un front de scène rectiligne à colonnes, plutôt réduit, alors que la cavea était extraordinairement développée. Les théâtres que nous connaissons se développent surtout dans les provinces, juste après Vitruve, dans les dernières décennies du I° siècle avant Jésus-Christ. Par exemple le théâtre d’Arles, qui comprend des gradins bas pour les décurions; le front de scène n’était pas rectiligne et comportait des niches. On y trouvait des statues, liées au culte d’Auguste. Ce type de théâtre se développe dans tout l’empire, notamment à Orange, à Carthagène… Le rideau est au sol, sous le pulpitum. Il mesure trois mètres de haut. On le monte avant le spectacle. Pour les spectateurs qui sont en bas, il «masque» vraiment. Pour ceux qui sont en haut, il ne «masque» pas grand-chose. L’espace scénique se réduit pulpitum. De nombreuses ouvertures sont pratiquées dans le mur de scène du théâtre d’Orange. Les acteurs peuvent donc apparaître en différents endroits: le théâtre romain est un «art de l’étonnement». Ce genre de théâtre va se diffuser dans tout l’empire, mais il y aura quand même une certaine diversité. Le pulpitum et le front de scène ne sont pas diffusés partout. À Aspendos, on garde une grande orchestra. Les théâtres en Gaule sont beaucoup plus modestes. D’autres sont transformés pour des chasses, des combats de gladiateurs, des ballets aquatiques. En Asie Mineure, on va continuer à jouer dans l’orchestra (il y a donc deux lieux scéniques). 74 On trouve une grande variété de théâtres un peu partout dans l’empire romain: des théâtres latins, mais aussi des théâtres grecs dont l’histoire s’étend du VI° siècle avant Jésus-Christ au V° siècle après J.-C.. II – QUESTIONS 1) Mireille Tourreau demande comment fonctionnait le rideau de scène. Réponse: C’était un système assez complexe avec des mâts mobiles associés à des contrepoids. Sur le rideau il pouvait y avoir des «images». 2) Autre question: Que sont les «πίνακες» («pinakes»)? S’agit-il de décor, d’ornements? Réponse: Ces peintures étaient probablement ornementales et ne jouaient sans doute aucun rôle dans la représentation. VI Le théâtre d’Orange par Alain BADIE, Ingénieur CNRS-IRAA (Aix-en-Provence) Ia) Le théâtre d’Orange date de l’époque impériale. C’est, avec le théâtre d’Aspendos, l’un des mieux conservés du monde romain (du moins le bâtiment de scène; c’est moins vrai pour la cavea). C’est l’un des rares théâtres romains auxquels une monographie ait été consacrée dès le XIX° siècle (en 1856). Tout au long des XIX° et XX° siècles, les architectes ont travaillé sur ce théâtre pour le restaurer et pour l’étudier (aujourd’hui, ces deux activités sont dissociées). Ils avaient une visée patrimoniale et une visée d’étude: préserver le bâtiment, rendre praticable la cavea. Aujourd’hui on veut en faire un bâtiment fonctionnel et conserver ce qui ne dérange pas trop. Il est connu dès la fin du XVI° siècle. À cette époque, des maisons occupaient l’intérieur de ce théâtre, qui formait un quartier. Mais on voyait bien le mur de scène et on arrivait quand même à se faire une idée de la cavea. Louis XIV aurait dit: «La plus belle muraille de mon royaume, c’est le théâtre d’Orange». Au XIX° siècle, on l’a dégagé. Après la Révolution, on a le souci d’en faire un objet patrimonial. b) Augustin Caristie est un grand architecte qui travaille à Orange, sur le théâtre et sur l’arc de triomphe, de 1823 à 1856. Il était Grand Prix de Rome: c’est pourquoi Ingres a fait son portrait. Il a exercé des responsabilités dans tous les postes de direction du patrimoine. Il appartient à la génération qui précède celle de Viollet-le-Duc. Il a publié une monographie sur le théâtre d’Orange: il y présente l’état du monument après la destruction des maisons, avec la cavea dégradée, ainsi que l’état «initial» restitué. Aujourd’hui encore on procède ainsi: on présente d’abord l’état actuel, puis on essaie de retrouver l’état initial. Augustin Caristie fait des plans et dessine de nombreux détails: corniches en marbre, partie centrale du mur de scène, blocs errants… Son grand souci est d’inscrire ce bâtiment dans le corpus des 75 théâtres connus à l’époque pour lui rendre sa place dans l’histoire du théâtre romain, parmi d’autres bâtiments, qu’il dessine aussi. Les conditions de travail sont difficiles. Après l’avoir étudié, il passe, à la restitution. Il met en place le front de scène avec trois portes et les deux ordres superposés autour de la porte centrale, trois ordres ailleurs, les trois volées de la cavea, les portiques, la toiture sur la scène (mais elle ne protège pas de la pluie!). Au XVII° siècle, Perrault traduit Vitruve et accompagne cette traduction d’illustrations: on voit que la toiture ne recouvre pas la scène! Augustin Caristie a observé le théâtre. Il a repéré des encoches monumentales en haut du mur, des trous pour l’écoulement de l’eau, une «saignée» en oblique. À un endroit où la pierre a brûlé, est devenue rouge, il repère une empreinte plus claire. Tout cela l’amène à déduire qu’il y a une toiture, une charpente en porte-à-faux de quinze mètres, ce qui pose un grand problème dans l’Antiquité, ce qui en pose encore plus à Augustin Caristie. La seule chose qui correspond, ce sont les grues de l’époque. Tout au long de son texte, il expose ses déductions et ses doutes avec une grande humilité: il n’est pas sûr de la forme de la toiture et invite ses successeurs à reprendre la restitution du toit, car un toit en porte-à-faux est difficile à concevoir sans architecture métallique ou en béton. À partir de ses travaux, on reconstitue des toitures en porte-à-faux sur tous les théâtres, alors qu’il indiquait clairement qu’il n’était pas du tout sûr de la forme de la toiture. c) Au XIX° siècle, la cavea était très dégradée, envahie par l’herbe, comme le montre la maquette du Nîmois Auguste Pelet, en 1856. En 1873, Pierre-Honoré Daumet, architecte, fait de nouveaux relevés et de belles aquarelles dans le styles des envois de Rome. L’état est identique. Dans la seconde moitié du XIX° siècle, on a l’idée de faire des représentations théâtrales, alors qu’Augustin Caristie n’en parle jamais. La Comédie-Française a joué dans ce théâtre, dans l’état dans lequel il était à l’époque, sans gradins, avant sa restauration. Les politiques voient l’intérêt d’utiliser ce bâtiment. En 1892, Jean-Camille Formigé est chargé de reconstruire la cavea en se servant des travaux d’Augustin Caristie. Il travaille avec un matériel très proche de celui de l’Antiquité, comme le montrent les photographies prises sur le chantier. Les architectes du XIX° siècle sont plus proches des architectes antiques que les architectes du XX° siècle ne le sont de ceux du XIX° siècle! Ces photos montrent la première volée des gradins reconstruits, puis les deuxième et troisième; on y voit des traces des gradins antiques. La plus grande partie de la cavea telle qu’elle est aujourd’hui a été construite au XIX° siècle! Mais la reconstitution est assez sûre, il n’y a pas de grosses erreurs. En 1920, Jules Formigé, fils de Jean-Camille Formigé, restaure une partie des ordres dégagés du front de scène. En outre, il ajoute des gradins en bois entre les gradins en pierre pour augmenter la capacité d’accueil (l’impératif est donc économique!). Pour aller sur les deux volées, on ne peut pas monter par les gradins, on est obligé de faire le tour, ce qui est conforme à l’état antique, mais n’a pas été conservé aujourd’hui. En 1929-1931, Jules Formigé fouille la scène et dégage le rideau et des milliers de fragments. En 1950, Robert Amy, architecte qui travaillait aux Bâtiments de France avant de devenir un des premiers membres de l’IRAA-CNRS, fait de nouveau relevés et décrit des milliers de blocs. Il faut souligner, dans son cas, le lien entre étude et restauration. En 1982, Dominique Ronseray, architecte des Monuments Historiques, prévoit de construire une toiture, d’aménager les deux «basiliques» (pièces latérales), au-dessus desquelles il prévoit de bâtir un étage pour installer des loges. En fait, de plus en plus on veut en faire un 76 bâtiment «moderne» et fonctionnel. Les Monuments Historiques demandent son avis à Pierre Gros. Le projet de Dominique Ronseray est en partie abandonné, mais une toiture est quand même construite sans étude archéologique sur l’une des basiliques. En 1995, ce projet ressurgit, car la scène se dégrade. Mais cet argument est discutable, car en fait cette toiture ne protégerait que le sommet du mur. Les agents du CNRS n’ont découvert une partie de travaux qu’après leurs débuts. Certaines traces antiques ont disparu. II – Les travaux du CNRS se poursuivent de 1999 à 2009. Ils concernent la circulation dans la cavea, les toitures du bâtiment de scène, les ordres du front de scène, en profitant des découvertes des années 1930. Toute une série de plans et de coupes de la cavea a été établie, contredisant parfois les conclusions d’Augustin Caristie: par exemple, il avait vu un triangle pour la toiture, ce qui est une erreur. En fait, il y avait sans doute plusieurs toitures. On arrive aux premiers gradins par des couloirs latéraux, à la partie médiane de la cavea et aux gradins du haut par un escalier extérieur. De hauts murs empêchent de passer d’une volée de gradins à l’autre. Des gradins en bois ont été installés en 1930. Il y a des matériaux différents. Il y avait donc peut-être eu des restaurations dès l’Antiquité ou lors des différentes étapes du chantier. Pour construire l’auvent de quinze mètres, les architectes romains s’y seraient repris à plusieurs fois. Sur le front de scène, il y avait, au premier niveau, une frise représentant des Centaures et, au second niveau, une frise représentant des Victoires. Le premier niveau a la dimension de la «Maison Carrée» de Nîmes, le second niveau celle du temple de Vernègues: donc en somme ce théâtre a la dimension de deux temples superposés! En fait, on précise les travaux d’Augustin Caristie, on va plus loin que lui, mais dans la direction qu’il a lui-même indiquée. 77 VOYAGES DE MARCUS DANS LA PROVENCE ANTIQUE Quatrième promenade (concours 2009-2010) AVE, discipule ! Je suis Marcus et voici Kallistè, ma cousine ! Nous sommes toujours à Arles car, depuis le mariage de Fabia et Capito, nous goûtons la douceur de vivre auprès des nouveaux époux. Aujourd’hui, nous flânons autour de l’amphithéâtre, découvrons avec surprise les objets insolites proposés par les marchands ambulants en nous acheminant vers les quais qui bordent le Rhône. Kallistè n’arrête pas de me poser toutes sortes de questions : aide-moi à lui répondre ! 1. Quels sont les différents noms antiques connus de notre cité ? Noms de la cité Arelate Thelinè Origine supposée de ce nom Peut-être d’origine celtique, de *are = près et *lat- = étang ou marécage. Peut-être d’origine grecque : ce terme serait en rapport avec le grec ἡ θηλής = le sein. Signification supposée [lieu] entouré de marécages la nourricière 2. Comment nomme-t-on le Rhône dans l’Antiquité ? En grec, à quels autres mots ce nom ressemble-t-il ? Écrivez-les en grec et donnez leur traduction. Nom latin Rhodanus Nom en grec Rhodanos / ὁ Ῥοδανός Ce nom fait penser à l’adjectif ῥοδανός, ή, όν = souple, flexible ou au nom τὸ ῥοδόν, οῦ qui désigne la rose ... En provençal, on le nomme lou Rose ! Cf . Lou Pouèmo dou Rose de Frédéric Mistral 3. Ah ! voici Capito avec ses esclaves : ils vont chercher des provisions. Il nous invite à monter dans sa barque pour une expédition à travers les marécages qui nous mènera dans un endroit que vous nommez Barbegal. a. Comment nomme-ton exactement le bâtiment original que nous pouvons voir à cet endroit ? b. Explique la particularité de cette construction. c. Quelle denrée vient y chercher Capito ? a. Ce bâtiment est une meunerie hydraulique, un moulin qui utilise la force de l’eau pour faire tourner sa meule. b. Pour actionner la mécanique du moulin, les Arlésiens ont construit un aqueduc pour amener l’eau en amont du bâtiment construit sur la pente. Cette eau coule dans un bief qui permet d’actionner les roues à augets qui font tourner les meules en basalte dans les chambres de moutures. c. Capiton vient y chercher de la farine. 78 4. Complète le schéma avec le vocabulaire suivant : bief – escalier de service –goulotte – meule – roue à augets et donne-lui un titre : meule goulotte escalier de roue à augets bief ief Mécanisme du moulin de Barbegal Quand Capito a fini de charger sa cargaison, nous rentrons à Arles. Sur le quai règne une grande agitation car on décharge un navire en provenance de Bétique. Kallistè ne peut s’empêcher de poser encore des questions ... 5. Où se trouve la Bétique ? La province romaine de Bétique ou Hispania Baetica se trouve dans le sud de l'Espagne, et correspond à peu près à l’actuelle Andalousie. Elle tire son nom du Baetis, nom latin du fleuve Guadalquivir. 6. Quels sont l’étymologie et le sens du mot « amphore » ? Tu peux écrire le mot en grec si tu veux ... Le mot amphore est issu du grec amphiphoreus ou amphoreus, en grec ὁ ἀμφιφορεύς, έως ou ὁ ἀμφορεύς, έως qui est un grand vase à deux anses. Ce terme est composé de la préposition ἀμφί = autour et du nom ὁ φορεύς, έως issu du verbe φορεῖν, qui se dit en latin ferre et signifie porter, transporter (cf. transférer, en français). 7. Que contiennent en général les amphores venant de Bétique ? La Bétique était déjà célèbre pour son huile d’olive. 79 8. Comment peut-on connaître avec précision la provenance du contenu des amphores ? Pour fermer l’amphore, le marchand utilisait un bouchon de liège qu’il imperméabilisait avec un opercule de chaux sur lequel il appliquait son timbre ; il pouvait aussi peindre sa marque sur le col ou la panse de l’amphore avec une solution à base de noir de fumée. 9. Comment le chargement est-il fixé dans la cale du navire ? Dans la cale du navire, on rangeait d’abord les amphores à fond plat puis on installait les autres amphores verticalement, en les encastrant dans les cols de la rangée inférieure ; on les séparait par des bourrelets de paille ou de branchages attachés par des cordes pour les caler correctement et éviter la casse durant la navigation. 10. Quels sont les six produits les plus courants qu’on trouve dans les amphores transportées par bateau ? Les produits ainsi transportés sont essentiellement le vin et le vinaigre, l’huile, les sauces (le garum, notamment), les olives, les fruits, le miel, la résine et les conserves de poissons. 11. Comment utilise-t-on les amphores quand elles sont vides ? Donne deux exemples. Une fois vides, les amphores servent encore à stocker les produits domestiques comme les olives, l’huile, le vin ou l’eau douce. Mais, cassées au bout puis emboîtées, elles peuvent aussi devenir des canalisations ou des drains pour assainir le sol. Les pauvres s’en servaient aussi pour la sépulture des enfants, notamment. 12. Oh ! quelle merveille ! Quelle prouesse technique, là, sur le fleuve ! Qu’est-ce que c’est ? C’est un pont de bateaux. 13. Quel est l’intérêt et la particularité de cet ouvrage ? Ce type de construction a l’avantage de mieux résister aux crues brutales du fleuve grâce aux ponts levis qui assurent une liaison souple avec les parties en pierre. Il permet aussi le passage des navires de faible tonnage qui remontent le fleuve. Ce pont de bateaux a la particularité d’être un pont permanent destiné à un usage civil contrairement à ceux qui étaient mis en œuvre par le génie militaire pour faciliter la circulation des troupes. 80 14. Je ne peux m’empêcher de taquiner cette insatiable curieuse : j’ai déjà vu ce type de construction à Ostie ! Oui ! Mais où exactement ? Et sous quelle forme ? Marcus a pu admirer une mosaïque représentant un de ces ponts de bateaux sur le forum des corporations à Ostie, le port de Rome. Détail de la mosaïque du forum des corporations à Ostie (Ostia antica < ostium, ii, n. = entrée, embouchure) port à l'embouchure du Tibre, à 35 km au sud-ouest de Rome ; réputée pour ses marais salants et pour son port, qui accueillait les cargaisons de céréales, d'huile, de vin et de garum en provenance de tout le monde romain, sa situation était d'autant plus avantageuse, qu'à l'inverse des autres fleuves méditerranéens, le Tibre était navigable toute l'année. 15. Peux-tu citer les trois corps de métiers regroupés en corporations qui sont liés à une forme précise de navigation dans Arles et ses environs ? Précise la forme de navigation pour chaque corporation. Les trois corporations sont celles des nautes, ou nautae, des utriculaires ou utricularii et des naviculaires ou navicularii. La première corporation est celle des navigateurs fluviaux, qui circulent à bord de bateaux à fond plat, seuls capables d’affronter les caprices du fleuve ; ces barques, qui peuvent mesurer jusqu’à 15 mètres de long pour 3 à 4 mètres de large, sont mues à la voile ou aux rames. Les utricularii circulent sur des radeaux soutenus par des outres gonflées (<uter, utris, m. = outre) sur les rivières et les étangs qui jouxtent le fleuve. Quant aux navicularii, ce sont les armateurs qui financent l’achat des bateaux et contrôlent le trafic maritime ; ils sont les correspondants des services de l’annone* et, pour cela, ont en charge l’approvisionnement de Rome en blé et en huile. 16. Sur feuille supplémentaire, dessine deux modèles d’amphores retrouvées à *annona, ae, une f. < annus = production annuelle (aliments) > approvisionnement en denrées Arelate : • une amphore de Bétique de type Dressel 20B, • une amphore gauloise 5. N’oublie pas d’intituler chaque dessin ! 81 PALMARÈS DU RALLYE 2010 Niveau 3ème Niveau 6ème PRIX SPÉCIAL DU JURY EX AEQUO CLG Achille Mauzan GAP Mme Maryline Chappa 25 élèves CLG Louis Pasteur ISTRES Mme Mireille Martinez-Coudin 5 latinistes de 3ème C Niveau 5ème CLG René Cassin TARASCON Mme Maryline Jullian 2 latinistes de 3ème 5 et 3ème 6 CLG Louis Pasteur ISTRES Mme Mireille Martinez-Coudin 2 latinistes Niveau 2nde Niveau 4ème LYCÉE René Char AVIGNON M. Brice Courtin 3 latinistes CLG Albert camus MIRAMAS Mme Marion Isoard 27 latinistes de 4ème A B PRIX SPÉCIAL DU JURY LYCÉE Paul Arène SISTERON M. Nicolas Antomarchi 14 latinistes 7 hellénistes FÉLICITATIONS AUX LAURÉATS ! Merci à tous les élèves et à leurs enseignants qui ont éprouvé du plaisir à travers cette nouvelle aventure ! 82 SUJETS DU BACCALAURÉAT 2010 OVIDE, L'Art d'aimer. TEXTE Charme de la voix, charme de la poésie 5 10 15 20 25 30 35 Monstra maris Sirenes erant, quae voce canora Quamlibet admissas detinuere rates ; His sua Sisyphides auditis paene resolvit Corpora ; nam sociis inlita cera fuit. Res est blanda canor ; discant cantare puellae (Pro facie multis vox sua lena fuit), Et modo marmoreis referant audita theatris Et modo Niliacis carmina lusa modis. Nec plectrum dextra, citharam tenuisse sinistra Nesciat arbitrio femina docta meo. Saxa feras que lyra movit Rhodopeius Orpheus Tartareosque lacus tergeminumque canem ; Saxa tuo cantu, vindex justissime matris, Fecerunt muros officiosa novos ; Quamvis mutus erat, voci favisse putatur Piscis (Arioniae fabula nota lyrae). Disce etiam duplici genialia nablia palma Verrere : conveniunt dulcibus illa jocis. Sit tibi Callimachi, sit Coi nota poetae, Sit quoque vinosi Teia Musa senis ; Nota sit et Sappho (quid enim lascivius illa ?) Cuique pater vafri luditur arte Getae. Et teneri possis carmen legisse Properti, Sive aliquid Galli, sive, Tibulle, tuum, Dictaque Varroni fulvis insignia villis Vellera germanae, Phrixe, querenda tuae, Et profugum Aenean, altae primordia Romae, Quo nullum Latio clarius exstat opus. Forsitan et nostrum nomen miscebitur istis, Nec mea Lethaeis scripta dabuntur aquis, Atque aliquis dicet « nostri lege culta magistri Carmina, quis partes instruit ille duas, Deve tribus libris, titulo quos signat Amorum, Elige, quod docili molliter ore legas, Vel tibi composita cantetur Epistula voce ; Ignotum hoc aliis ille novavit opus ». O ita, Phoebe, velis, ita vos, pia numina vatum, Insignis cornu Bacche novemque deae. Ovide, L'Art d'aimer, Livre III, vers 311 à 348. Texte latin établi par Henry Bomecque, Les Belles Lettres, C.U.F., 1924. 83 TRADUCTION Les Sirènes étaient des monstres marins, dont la voix mélodieuse arrêtait les vaisseaux dans leur course, si rapide fût-elle. Le fils de Sisyphe1, en les entendant, fut sur le point de rompre les liens qui l'attachaient ; car ses compagnons avaient l'oreille bouchée de cire. C'est un charme qu'une voix mélodieuse: que les jeunes filles apprennent à chanter (à défaut de beauté, beaucoup de femmes ont eu leur voix comme entremetteuse) et qu'elles répètent tantôt les airs entendus dans nos théâtres de marbre, tantôt des chants du Nil avec leur rythme. (Texte de la version). Connaissez les poésies de Callimaque, celles du poète de Cos2, et celles du vieillard de Téos3 ami du vin. Connaissez également Sapho (est-il rien de plus voluptueux que ses vers?) et le poète qui nous représente un père dupé par les artifices du fourbe Géta 4. Vous pouvez avoir lu aussi les vers du tendre Properce, quelque chose de Gallus, ou tes œuvres, Tibulle, et la célèbre toison aux poils d'or, chantée par Varron 5, toison si fatale, Phrixus, à ta sœur, et les voyages d'Enée fugitif, l'origine de la haute Rome, chef-d'œuvre le plus éclatant qu'ait produit le Latium. Peut-être mon nom aussi sera-t-il mêlé au leur; peut-être mes œuvres ne seront-elles pas englouties sous les eaux du Léthé, et quelqu'un dira-t-il: « Si tu es vraiment une femme cultivée, lis ces vers où notre maître instruit les deux sexes 6, ou bien dans les trois livres, qu'il met sous l'invocation des Amours, choisis quelque poésie que tu liras d'une voix souple et tendre, ou bien déclame avec art l'une de ses lettres 7 : c'est un genre inconnu avant lui et qu'il a créé ». Que ce soit ta volonté, Phébus, et la vôtre, divinités sacrées qui protégez les poètes, Bacchus puissant dieu comu 8, et vous, troupe des neuf Muses. Ovide, L'Art d'aimer, Livre III, vers 311 à 348. Traduction: Henry Bornecque, 1924, revue par Philippe Heuzé, les Belles Lettres, 1994. Ulysse, dont la mère avait subi les violences de Sisyphe. Philétas, maître de Théocrite. 3 Anacréon 4 Ovide pense sans doute à Ménandre. 5 Il s'agit de Varron d'Atax, auteur d'un poème épique. 6 Ovide évoque ici sa propre œuvre. 7 Ovide évoque ici les Héroïdes 8 Les cornes sont un symbole de force. 1 2 84 PREMIERE PARTIE QUESTIONS (60 points) Vous traiterez les trois questions suivantes en rappelant chaque fois le numéro de la question à laquelle vous répondez. Les réponses, rédigées, s'appuieront sur le texte latin cité dans la langue. Question 1 (15 points) : Analysez les pronoms relatifs quae (vers 1), quo (vers 28), quis (= quibus) (vers 32), quos (vers 33), quod (vers 34) : antécédent, cas, genre, nombre, fonction. Quelle remarque grammaticale pouvez-vous faire à partir de l'observation des modes employés dans ces relatives ? Question 2 (15 points) : Vous comparerez et commenterez les traductions des vers 5 et 6 tant du point de vue lexical que grammatical : Res est blanda canor : discant cantare puellae (Pro facie multis vox sua lena fuit) Traduction l : Desaintange (1807) : « La douce mélodie a le don d'enchanter: Belles, dès votre enfance apprenez à chanter. La voix a sa beauté, que le coeur idolâtre ». Traduction 2 : Ch. Héguin de Guerle (1836) : « C'est une chose charmante qu'un chant agréable. Femmes, apprenez donc à chanter; il en est plus d'une à qui la beauté de sa voix a tenu lieu d'attraits ». Traduction 3 : H. Bomecque (1924) : « C'est un charme qu'une voix mélodieuse : que les jeunes filles apprennent à chanter (à défaut de beauté, beaucoup de femmes ont eu leur voix comme moyen de séduction) ». Traduction 4 : H. Bomecque (1924) revu par P. Heuzé (Les Belles Lettres 1994) : « C'est un charme qu'une voix mélodieuse : que les jeunes filles apprennent à chanter (à défaut de beauté, beaucoup de femmes ont eu leur voix comme entremetteuse) ». Traduction 5 : J. Gayraud (Mille et une nuits, 2000) : « C'est une chose charmante qu'une jolie voix: les femmes devraient apprendre à chanter; et d'ailleurs beaucoup d'entre vous, à défaut de beauté, ont séduit par leur voix ». Question 3 (30 points) : Vous montrerez que cet extrait de L'Art d'aimer constitue une histoire de la poésie ainsi qu'un éloge de son pouvoir. Puis, à partir du vers 29, vous examinerez plus particulièrement quelle place Ovide s'attribue dans cette histoire et cet éloge. 85 DEUXIEME PARTIE VERSION (40 points) Nec plectrum dextra, citharam tenuisse sinistra Nesciat arbitrio femina docta meo. Saxa ferasque lyra movit Rhodopeius 9 Orpheus Tartareosque lacus tergeminumque canem ; 5 Saxa tuo cantu, vindex 10 justissime matris, Fecerunt muros officiosa novos ; Quamvis mutus erat, voci favisse putatur Piscis (Arioniae 11 fabula nota lyrae). Disce etiam duplici genialia nablia palma 10 Verrere : conveniunt dulcibus illa jocis. 9 Montagne de Thrace, pays d’où Orphée était originaire. Il s'agit d'Amphion, qui vengea sa mère Antiope victime des outrages de son oncle et qui bâtit Thèbes en faisant mouvoir les pierres aux sons de sa lyre. 11 Arion, poète lyrique sauvé par un dauphin qu'il avait charmé par sa musique. 10 86 SOPHOCLE, Œdipe-Roi, 587-621 TEXTE 5 10 15 20 25 30 35 Κρέων Ἐγὼ μὲν οὖν οὔτ' αὐτὸς ἱμείρων ἔφυν τύραννος εἶναι μᾶλλον ἢ τύραννα δρᾶν, οὔτ' ἄλλος ὅστις σωφρονεῖν ἐπίσταται. Νῦν μὲν γὰρ ἐκ σοῦ πάντ' ἄνευ φόϐου φέρω, εἰ δ' αὐτὸς ἦρχον, πολλὰ κἂν ἄκων ἔδρων. Πῶς δῆτ' ἐμοὶ τυραννὶς ἡδίων ἔχειν ἀρχῆς ἀλύπου καὶ δυναστείας ἔφυ ; οὔπω τοσοῦτον ἠπατημένος κυρῶ ὥστ' ἄλλα χρῄζειν ἢ τὰ σὺν κέρδει καλά. Νῦν πᾶσι χαίρω, νῦν με πᾶς ἀσπάζεται, νῦν οἱ σέθεν χρῄζοντες ἐκκαλοῦσί με · τὸ γὰρ τυχεῖν αὐτοῖσι πᾶν ἐνταῦθ' ἔνι. Πῶς δῆτ' ἐγὼ κεῖν' ἂν λάϐοιμ' ἀφεὶς τάδε ; οὐκ ἂν γένοιτο νοῦς κακὸς καλῶς φρονῶν. Ἀλλ' οὔτ' ἐραστὴς τῆσδε τῆς γνώμης ἔφυν οὔτ' ἂν μετ' ἄλλου δρῶντος ἂν τλαίην ποτέ. Καὶ τῶνδ' ἔλεγχον τοῦτο μὲν Πυθώδ' ἰὼν πεύθου τὰ χρησθέντ' εἰ σαφῶς ἤγγειλά σοι · τοῦτ' ἄλλ', ἐάν με τῷ τερασκόπῳ λάϐῃς κοινῇ τι βουλεύσαντα, μή μ' ἁπλῇ κτάνῃς ψήφῳ, διπλῇ δέ, τῇ τ' ἐμῇ καὶ σῇ, λαϐών, γνώμῃ δ' ἀδήλῳ μή με χωρὶς αἰτιῶ. Οὐ γὰρ δίκαιον οὔτε τοὺς κακοὺς μάτην χρηστοὺς νομίζειν οὔτε τοὺς χρηστοὺς κακούς. φίλον γὰρ ἐσθλὸν ἐκϐαλεῖν ἴσον λέγω καὶ τὸν παρ' αὑτῷ βίοτον, ὃν πλεῖστον, φιλεῖ. Ἀλλ' ἐν χρόνῳ γνώσει τάδ' ἀσφαλῶς, ἐπεὶ χρόνος δίκαιον ἄνδρα δείκνυσιν μόνος · κακὸν δὲ κἂν ἐν ἡμέρᾳ γνοίης μιᾷ. Χορός Καλῶς ἔλεξεν εὐλαϐουμένῳ πεσεῖν, ἄναξ · φρονεῖν γὰρ οἱ ταχεῖς οὐκ ἀσφαλεῖς. Οἰδίπους Ὅταν ταχύς τις οὑπιϐουλεύων λάθρᾳ χωρῇ, ταχὺν δεῖ κἀμὲ βουλεύειν πάλιν. Εἰ δ' ἡσυχάζων προσμενῶ, τὰ τοῦδε μὲν πεπραγμέν' ἔσται, τἀμὰ δ' ἡμαρτημένα. 87 590 595 600 605 610 615 620 TRADUCTION Traduction de Paul Mazon, revue par Alphonse Dain (1958) - Edition Les Belles Lettres Accusé par Œdipe de comploter avec Tirésias pour s'emparer du pouvoir, Créon se défend. Pour moi, je ne suis pas né avec le désir d'être roi, mais bien avec celui de vivre comme un roi. Et de même quiconque est doué de raison. Aujourd'hui, j'obtiens tout de toi, sans le payer d'aucune crainte : (5) si je régnais moi-même, que de choses je devrais faire malgré moi ! Comment pourrais-je donc trouver le trône préférable à un pouvoir, à une autorité qui ne m'apportent aucun souci ? Je ne me leurre pas au point de souhaiter plus qu'honneur uni à profit.(10) Aujourd'hui je me trouve à mon aise avec tous, aujourd'hui chacun me fête, aujourd'hui quiconque a besoin de toi vient me chercher jusque chez moi : pour eux, le succès est là tout entier. Et je lâcherais ceci pour cela ? Non, raison ne saurait devenir déraison. (15) Jamais je n'eus de goût pour une telle idée. Et je n'aurais pas admis davantage de m'allier à qui aurait agi ainsi. La preuve? Va à Pythô tout d'abord, et demande si je t'ai rapporté exactement l'oracle. (19) Après quoi, si tu peux prouver que j'ai comploté avec le devin, fais-moi mettre à mort : ce n'est pas ta voix seule qui me condamnera, ce sont nos deux voix, la mienne et la tienne. Mais ne va pas, sur un simple soupçon, m'incriminer sans m'avoir entendu. Il n'est pas équitable de prendre à la légère les méchants pour les bons, les bons pour les méchants.(25) Rejeter un ami loyal, c'est en fait se priver d'une part de sa propre vie, autant dire de ce qu'on chérit plus que tout. (texte de la version, vers 27 à 35) Les numéros signalent les vers grecs correspondants. 88 PREMIÈRE PARTIE QUESTIONS (60 points) Vous traiterez les trois questions suivantes en rappelant chaque fois le numéro de la question à laquelle vous répondez. Les réponses, rédigées, s'appuieront sur le texte grec cité dans la langue. QUESTION 1 (15 points) Dans les vers 13 et 14, analysez les formes verbales précédées de ἄν. Transposez-les à la personne correspondante du pluriel. QUESTION 2 (15 points) Comparez les traductions suivantes des trois premiers vers. Vous vous intéresserez particulièrement à la traduction de σωφρονεῖν (v. 3), à celle du vers 2 et à la construction οὔτε … οὔτε. Laquelle de ces traductions, selon vous, traduit-elle le mieux la position de Créon ? Justifiez votre choix. Ἐγὼ μὲν οὖν οὔτ' αὐτὸς ἱμείρων ἔφυν τύραννος εἶναι μᾶλλον ἢ τύραννα δρᾶν, οὔτ' ἄλλος ὅστις σωφρονεῖν ἐπίσταται. Traduction de Leconte de Lisle (1877) Pour moi, certes, j'aime mieux faire ce que font les rois qu'être roi, et tout homme sage pense ainsi. Traduction de Paul Mazon, revue par Alphonse Dain (1958) Pour moi, je ne suis pas né avec le désir d'être roi, mais bien avec celui de vivre comme un roi. Et de même quiconque est doué de raison. Traduction de Robert Pignarre (1964) Pour moi, si j'aime à régner, je ne tiens pas au titre. Quiconque sait régler ses désirs raisonne de même. QUESTION 3 (30 points) Quelle conception de l'existence Créon fait-il apparaître dans ses propos? Vous inclurez dans votre réponse des références à d'autres passages de la pièce. Vous pourrez également faire référence à des œuvres culturelles et artistiques postérieures. 89 DEUXIÈME PARTIE VERSION (40 points) 30 35 Ἀλλ' ἐν χρόνῳ γνώσει τάδ' ἀσφαλῶς, ἐπεὶ χρόνος δίκαιον ἄνδρα δείκνυσιν μόνος · κακὸν δὲ κἂν ἐν ἡμέρᾳ γνοίης μιᾷ. Χορός Καλῶς ἔλεξεν εὐλαϐουμένῳ πεσεῖν, ἄναξ · φρονεῖν γὰρ οἱ ταχεῖς οὐκ ἀσφαλεῖς. Οἰδίπους Ὅταν ταχύς τις οὑπιϐουλεύων λάθρᾳ χωρῇ, ταχὺν δεῖ κἀμὲ βουλεύειν πάλιν. Εἰ δ' ἡσυχάζων προσμενῶ, τὰ τοῦδε μὲν πεπραγμέν' ἔσται, τἀμὰ δ' ἡμαρτημένα. _____________________________ 1 εὐλαϐουμένῳ πεσεῖν: traduire par: « aux yeux de qui veut éviter les erreurs. » 2 φρονεῖν : complète l'adjectif substantivé οἱ ταχεῖς 3 ταχύς : donner à l'adjectif une valeur adverbiale 4 οὑπιϐουλεύων = ὁ ἐπιϐουλεύων 90 615 620 EXTRA MUROS SCHOLAE UNE EXPÉRIENCE ORIGINALE LA CLASSE TRANSPLANTÉE À SAINT-RÉMY-DE-PROVENCE 4 jours pour découvrir le patrimoine de sa région (du 28 au 31 mars 2010). La classe patrimoine ou classe transplantée est un projet mené avec une classe de 6ème et encadré par les enseignants de français, de SVT et d’Arts Plastiques. À travers des activités pluridisciplinaires (histoire, géographie, développement durable, lettres, arts plastiques et histoire des arts), les élèves apprécient la richesse du patrimoine antique et contemporain de Saint- Rémy-de-Provence et de sa région. 1er jour : Les Trésors du Rhône. Afin de sensibiliser les élèves au patrimoine antique de leur région, nous avons longé les berges du Rhône, du pont de Trinquetaille jusqu’au Musée Départemental Arles Antique. Nous avons ainsi repéré le lieu des fouilles subaquatiques et découvert un Rhône aux eaux gonflées et verdâtres. Les élèves, répartis en deux groupes, ont déambulé à travers les collections permanentes du Musée sous la férule du professeur de SVT et ont visité l’exposition temporaire « César, le Rhône pour mémoire » en compagnie de leurs professeurs de Lettres et d’Arts Plastiques. Ce premier contact avec l’objet archéologique et son environnement permet aux élèves de réfléchir sur le rôle du Musée et les différentes façons de conserver le patrimoine antique. Avant d’arriver au lycée agricole de Saint-Rémy, nous avons fait une halte à Barbegal pour travailler sur les aqueducs et la meunerie antique. 2ème jour : L’eau et la forêt dans les Alpilles. Le matin au cœur du massif, les enfants se questionnent sur la présence de l’eau dans les Alpilles : y en a-t-il beaucoup ? Est-elle toujours présente ? Comment l’homme et les plantes l’utilisent-elle ? Un parcours avec une animatrice de l’association «Chemin Faisan» nous fait découvrir la richesse des cultures (grâce aux canaux d’irrigation) et la flore typique des Alpilles. Au bord du lac de Peiroou, les élèves découvrent un lieu artificiel créé par la main de l’homme au IVème siècle et qui sert aujourd’hui à alimenter en eau les fontaines de Saint-Rémy. Les élèves étudient le lac de Peiroou situé au cœur des Alpilles. L’observation de la végétation permet de comprendre l’adaptation des plantes à la sécheresse et amène naturellement à étudier le dispositif de lutte contre les incendies mis en place dans le massif. Les élèves sont partis à la recherche des différentes plantes velues, grasses, odorantes et autres feuilles vernies pour constituer un herbier et compléter des fiches pédagogiques. En rentrant vers le centre-ville, ils ont compris le rôle de l’eau dans les activités humaines à travers l’irrigation et ses traces laissées dans le paysage. 91 3ème journée : Saint-Rémy et l’eau. Les élèves ont étudié des aquarelles contemporaines du peintre Estève au Musée Estrine, situé dans le centre-ville de Saint-Rémy. Un atelier très ludique leur est proposé autour des fontaines pour leur permettre de créer eux-mêmes leurs propres aquarelles sous forme de carnet de dessins. Un parcours sur le thème de l’eau au XIXème au Musée des Alpilles met en valeur le rôle du Rhône et de la Durance pour la production des graines de semences. 4ème journée : L’eau dans l’Antiquité (Glanum). Les élèves deviennent des apprentis archéologues en manipulant la truelle, la brosse et le tamis dans un bac à fouilles créé par les animateurs du site de Glanum. Au préalable, une animatrice leur a expliqué la notion de coupe stratigraphique à travers une maquette qui superpose les différentes évolutions de la cité. Les élèves ont appris à se repérer à travers le carroyage et ont dessiné les objets trouvés dans leur espace de fouilles. Après deux heures de dur labeur, il est temps de faire le bilan des fouilles. Les questions fourmillent : quel est cet objet ? Découverte de l’archéologie dans le bac à fouilles. En quelle matière ? Pourquoi est-il placé là ? Peu à peu, les élèves ont construit des hypothèses et ont fini par délimiter un espace d’habitation avec une cuisine et une salle à manger. Nunc est bibendum. La classe et les enseignants sont invités à déguster un repas romain à la Taberna Romana avec une vue imprenable sur le site. Mireille Chérubini, notre coquus pretii, nous a expliqué les différents ustensiles utilisés pour manger et nous fait une démonstration avec une cochlear. Au menu, de la purée de pois-chiches (cicerona), du poulet (pullus) à la moutarde et au miel et des lentilles, des douceurs (dulcia) et la fameuse potio Valetudo. Felix convivium. L’après-midi, toute l’équipe reprend le chemin de Glanum pour une visite orientée sur l’utilisation de l’eau dans cette cité : la source sacrée (le nymphée) ; la fontaine ; le puits à dromos ; le bassin de la maison des antes (impluvium) ; les thermes. Les élèves ont appris in situ quelques notions d’architecture antique et de civilisation. Leur professeure de Lettres Classiques n’a pu s’empêcher de faire une initiation très modeste à l’épigraphie latine pour les conforter dans leur choix de l’option latin en 5ème. Observation des restes des temples géminés. CLG YVES MONTAND, ALLAUCH (13). Mme Pascale PEYRONNET, professeur de Lettres Classiques et responsable du projet. 92 INFORMATIONS DIVERSES ET ANNONCES Nous vous rappelons que l’AGAP soutient et participe activement aux journées de l’Antiquité organisées par l’AJA dont la nouvelle présidente est Gaëlle VIARD depuis l’assemblée générale du 12 janvier 2011. Nous ne saurons trop vous inciter à adhérer à l’AJA et à organiser, autant que vous le pouvez, des journées de l’Antiquité dans vos établissements. Voici l’adresse du site de l’AJA sur lequel vous trouverez un bulletin d’adhésion et une fiche d’inscription pour les journées de l’Antiquité : http://sciencesantiquite.mmsh.univ-aix.fr/aja/aja_accueil.htm De même, nous vous rappelons que Connaissance Hellénique, qui fait partie de la CNARELA, est une association qui propose à tous les publics un enseignement de grec de qualité. L’association publie une revue trimestrielle que vous pouvez vous procurer pour 3,50€ : Ὁ Λύχνος . Nous vous recommandons particulièrement la « Petite chronique linguistique sur les mots grecs du français populaire » de Christian BOUDIGNON qui éclaire de nombreux mystères de notre langue ... Nous vous rappelons aussi que, pour recevoir le bulletin de l’AGAP sous forme informatique ou sous format papier, il faut être adhérent à notre association : un bulletin d’adhésion se trouve en annexe. Nous souhaitons élargir la composition de nos commissions qui sont réduites, depuis quelque temps, à la portion congrue. Il faudrait reconstituer une commission chargée de recueillir les informations dans les collèges et les lycées de notre académie, une commission chargée de recenser les textes officiels et il faudrait aussi que certains de vous nous rejoignent pour élaborer les rallyes : il faut des volontaires pour l’élaborer et pour le corriger ! Enfin, notre association est dotée d’une plateforme collaborative qui, pour le moment, ne fonctionne qu’avec les membres du bureau qui s’y sont inscrits ; n’hésitez pas à nous réclamer un mot de passe pour y accéder : vous pouvez y dialoguer avec les membres actuels du bureau et entre vous, y déposer des documents, des billets d’humeur et vous informer sur les activités de l’AGAP. Enfin, nous souhaitons améliorer la communication entre tous les membres de l’association : n’hésitez pas à écrire à l’adresse de l’AGAP ou à mon adrélec : [email protected] ou [email protected] Pensez à vous rendre sur le site des différentes ARELAs pour vous informer des nouveautés des différentes académies : leurs adresses se trouvent sur la quatrième de couverture de ce bulletin. Anne-Marie Chazal 93 Festival Européen Latin et Grec (FELG) C'est parti pour un 7ème Festival ! Il va se dérouler à Paris, les jeudi 17 et vendredi18 mars 2011, de 18h à 23h, et le samedi 19 mars toute la journée (10h-18h), à la SORBONNE, péristyle et grand salon les jeudi et samedi, grand amphithéâtre le vendredi soir. Pour le vendredi 17 mars, de 9h 30 à 17h, THEÂTRE DEJAZET. Parrainage S.E.L., patronage et partenariat Mairie de Paris, partenariat LE POINT Etudiants. Comme eût dit Magritte "Ceci n'est pas vraiment du latin et du grec", c'est le FESTIVAL DU PATRIMOINE HUMANISTE DANS L'ANCIEN ET LE NOUVEAU MONDE. Il s'agit en effet de préciser ce qui fait de l'Europe, ce petit morceau au bout de l'Asie comme le disait Emmanuel Berl, un continent à lui seul. Pourquoi cette obsession de la démocratie, du dialogue - lié au théâtre et à la représentation -, ce besoin de philosophie que n'ont pas d'autres civilisations ? Pourquoi l'Europe est-elle mère des sciences et surtout des techniques ? Pourquoi ces notions si spéciales d'utopie, de conquête de la nature (y compris pour l'écologie), de pédagogie, de libération des femmes, voire de laïcité ou sécularisation ? Et en Europe-même, pourquoi de tels clivages entre pays du Nord avec leur Weltanschauung ou Way of Life, et pays du Sud avec leurs points de vue ? Pourquoi ces nuances de la langue qui font qu'ich liebe dich, I love you, Ya vas lioublous'apparentent au désir (libet), je t'aime et ti amo au sentiment, te quiero à la conquête (quaero). Ou que le Polonais Kocham Che s'apparente, comme le Breton da garout a ran, au latin Carus, "chéri" ? 94 Jeudi 17 Mars 2011, grande "Soirée spéciale Justice" avec Procès des Humanités ! Le Vendredi soir 18 Mars 2011 : SOIREE CONCERT EXCEPTIONNELLE, suivie d'une représentation théâtrale, dans un lieu prestigieux : le Grand Amphithéâtre de la Sorbonne 95 Samedi 19 Mars 2011, des Académiciens français, des Sciences, de Médecine vous donnent rendez-vous, avec la merveilleuse linguiste Henriette Walter, auteur de tant de livres, et le directeur de la troupe des Avocats du Barreau de Paris qui monte un "Cabaret drôlatique latino-grec" en français. ET AUSSI : le "Point Métier/Curriculum" ("ça va l'CV?") avec grands témoins ayant réussi dans le monde de l'industrie avec cursus littéraire sera dirigé par Bertrand Carroy de Crescendo - formation continue en entreprise. Avec participation de jeunes gens de l'opération Phénix orchestrée par Bernard Deforge, conseiller Pricewaterhouse Cooper. Et celle de Marcel Botton (Agence Nomen)dans une saynète spéciale. Le FELG est aussi au programme la même semaine du Printemps des Poètes et de la Semaine de la Langue Française et de la Francophonie, dont les 10 mots retenus sont tous ... d'origine grecque ou latine ! Patronages : Mme la Commissaire européenne à la culture ; en France, MM. les Ministres de la Culture et de l'Education Nationale, Mme la Ministre de l'Enseignement Supérieur, M. le délégué général à la langue française et aux langues de France. Et peut-être, si nous y parvenons, le Dimanche 13 Mars 2011 nous lancerons l'Antique Parade, avec chars et costumes, défilé des dieux, des héros, des mythes, des animaux légendaires, de la Chimère et du Minotaure en son labyrinthe, avec hoplites, gladiateurs et défilé de mode, arrêts poésie ou vaticinations de la Pythie qui dira l'avenir. Avec appel à tous les collèges, lycées, grandes écoles et universités de France, de Navarre et d'Europe pour y participer ! Ainsi que les chocolats Leonidas ou la crème Nivea ... l'imagination est au pouvoir et nous rendrons le Latin (et le Grec) au Quartier latin ! Que les collèges, lycées, universités, grandes Ecoles qui voudraient participer au Festival proprement dit ou à l'Antique Parade ou aux deux veuillent bien nous contacter assez tôt. bulletin-d-inscription-imprimer1.pdf (imprimer et nous l'envoyer par poste). Et rappelez-vous : sans vos suggestions et vos participations, le Festival ne serait pas ce qu'il est. Contactez-nous le plus vite possible pour participer avec vos élèves à cette 7ème année - l'âge de raison et l'entrée dans le monde de Tintin ! Nous attendons vos interventions, votre participation, en particulier pour la parade. 96 POLITIQUES 02/12/2010 À 00H00 L’excellence, ce faux ami de la science Par PHILIPPE BUTTGEN Chercheur au CNRS, BARBARA CASSIN Chercheur au CNRS L’ «excellence» est en train de tuer la science. Primes d’excellence, chaires d’excellence, équipements d’excellence, laboratoires d’excellence, initiatives d’excellence, périmètres d’excellence, pôles d’excellence. Attention, un «laboratoire d’excellence» n’est pas un laboratoire, c’est un monceau de laboratoires qui obéit à une logique de pouvoir maquillée en logique scientifique : la logique d’excellence. La manière forte a échoué ; ce dont le pouvoir ne voulait plus est toujours là. La manière douce va peut-être réussir. On finance, on arrose, en perpendiculaire aux anciennes structures, et on empile. Prenons l’appel à projets qui promet des «initiatives d’excellence» pour les universités françaises. C’est à l’occasion d’un emprunt d’Etat, le «grand emprunt», à peu près aussi grand que notre président. Nous lisons des phrases insensées en novlangue, comme celleci : «Une Initiative d’excellence assure la promotion et le développement d’un périmètre d’excellence et impulse autour de lui une dynamique de structuration du site par la mise en œuvre d’actions de recherche et de formation innovantes dans le cadre d’une gouvernance rénovée et performante.» Le bégaiement revient dans la célébration infantile du «niveau» : «Les candidatures, qui seront évaluées par un jury international de très haut niveau, devront faire la démonstration de leurs forces actuelles, mais également de leur niveau d’ambition pour l’avenir et de leur capacité à mettre en œuvre leur stratégie.» Abîmes de l’intelligence gouvernementale : Valérie Pécresse confiait récemment à Libération que «l’excellence, c’est le meilleur». L’excellence est le nom d’un truisme énorme et d’un désastre scientifique. De très bons laboratoires, d’excellents laboratoires, se sont déchirés, ont dissous leurs équipes, changé leurs programmes, exclu des chercheurs, en ont débauché d’autres, rien que pour entrer dans un «laboratoire d’excellence». Pour le beau titre de «Pôles d’excellence», les universités se regroupent dans des monstres d’inefficacité qui n’ont rien à envier aux combinats de jadis. Les projets qu’elles rédigent ont la grâce d’un dictionnaire des idées reçues, on y parle de nanotechnologies et des défis du futur, des mots qui plaisent aux sous-préfets. Tout cela se passe depuis moins de six mois, sous l’attentive férule des ministères, dans une panique et une opacité jamais vues : six mois pour préempter dix ans de recherche ; dix ans de hiérarchies figées. L’excellence s’expédie. Peu importe que les excellents d’aujourd’hui ne le soient pas demain. Ce qui compte, c’est que le pouvoir ait la haute main sur l’excellence. Les experts, les jurys, les critères et les grilles n’ont aucune importance ; personne ne fait semblant d’y croire. L’excellence se décrète là où il convient. On sait déjà à peu de chose près qui seront les heureux gagnants. La France sarkozyste est un pays où l’agitation du pouvoir crée la qualité de la science. Les scientifiques, transformés en hommes de dossiers inutiles 97 pleins de work package,track records, deliverables et dissemination, désespèrent, tandis que les officines de rédaction, traducteurs en globish et consultants managers, prospèrent. L’excellence est un nom de code. On parlait déjà de plans sociaux pour ne pas parler de licenciements. L’euphémisme évolue. Il adopte maintenant le superlatif : excellent, le meilleur. Mais il ne s’agit jamais d’identifier des singularités, où qu’elles soient. Il s’agit de virer le grand nombre, downsizer. L’excellence est le plan social de la science. La panique du grand emprunt part d’une histoire longue, celle de la mise en coupe de l’université européenne par l’«économie de la connaissance». On a persuadé les chercheurs et les universitaires qu’ils n’ont pas d’autre choix que de répondre à ces appels à projets qui opèrent, comme à l’école, comme à l’hôpital, comme ailleurs, la restructurationdéstructuration de leur milieu de travail. Quand vous n’avez plus rien ou presque depuis longtemps, la loterie est votre dernier espoir. Bien sûr, la loterie appauvrit le gros des joueurs. Déjà, dans les laboratoires et les universités, les budgets baissent et les faillites commencent. Il faut rembourser un emprunt dont les revenus n’ont pas encore été versés. Les perdants de l’excellence cotisent pour les gagnants. Ce qui est maintenant en cause, c’est notre métier de chercheurs et l’idée que nous nous en faisons. Ceux qui ânonnent «l’excellence, c’est le meilleur», ceux qui nous font remplir à longueur de journée des grilles encore plus verrouillées qu’eux, ceux-là ont-ils quoi que ce soit à nous dire de la science ? Quel rapport entre leur excellence et le travail, la découverte, la rigueur, l’ouverture, l’esprit et l’invention ? Combien de temps continuerons-nous à ne plus faire ce à quoi nous consacrons nos vies ? Les Grecs, les Arabes et nous (collectif, Fayard, 2009). Il n’y a pas de rapport sexuel (avec Alain Badiou, Fayard 2010) 98 SOMMAIRE Éditorial p.1 Hommages à Bernard VALETTE, Alain MOREAU, Jacqueline de ROMILLY et Claude NICOLET p.3 Compte rendu de l’Assemblée Générale de l’AGAP du 9 octobre 2010 p.17 Compte rendu de l'Assemblée Générale de la CNARELA du 29 mai 2010 p.22 Compte rendu de l'Assemblée Générale de la CNARELA du 26 octobre 2010 p.27 Communiqué du Forum des Sociétés savantes de juin 2010 p.34 Réunion de Forum des Sociétés savantes du 27 novembre 2010 p.38 2ème motion du jury de CAPES de Lettres classiques p.42 Compte rendu de la réunion à l’Inspection Générale du 13 octobre 2010 p.43 Compte rendu du stage de l’AGAP 2010 : Le Théâtre antique p.50 Rallye 2010 : corrigé et palmarès p.80 Sujets de latin et de grec du baccalauréat 2010 p.85 Extra muros scholae - Une expérience originale : la classe transplantée à Saint-Rémy-de-Provence p.93 p.95 Informations diverses et annonces 99 Association pour la promotion et la défense du Grec et du latin à Aix et en Provence (association loi de 1901 dans le but de promouvoir les Cultures DEMANDE D’ADHÉSION POUR L’ANNÉE 2010-2011 À renseigner et à retourner à A.-M. CHAZAL 26 rue du Guil 05000 GAP Je soussigné(e) NOM (M., Mme, Melle) : ………………………………...................................................................…….. Prénom : ……………………………………...............................................................…..................….... Adresse personnelle : ………………………………..................................................................................... N° de téléphone personnel : ………………………………………….. Adresse électronique (écrire très lisiblement s.v.p.) : ……........……………………………...................… Pour les enseignants : Discipline : ………………………………………..........................................................….. Établissement : ………………………………………….................................................................................................................... Adresse postale : ............................................................................................................................................................................... Adresse électronique de l’établissement (important) : ......................................................................................... Pour ceux qui ne sont pas enseignants : Profession : ……………………………………........................................................…….. désire adhérer à l’AGAP / renouvelle mon adhésion à l’AGAP* *Barrer la mention inutile. et joins à cet effet un chèque d’un montant de : • 30 euros : membre bienfaiteur, adhésion d’un couple actif • 22 euros : membre actif • 7 euros : première adhésion • 5 euros : membre actif, tarif étudiant à l’ordre de Mme la Trésorière de l’A.G.AP. Fait à ........................................................................................... le ........................................................................ Signature : N.B. Si vous voulez recevoir votre carte annuelle, joignez à votre règlement une enveloppe timbrée à vos nom et adresse. Merci. Vos données personnelles ne seront pas transmises à l’extérieur de l’association. Conformément à la loi n° 78-17 du 6janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès et de rectification que vous pouvez exercer auprès de l’ AGAP . AGAP-CNARELA MMSH 5 rue du Château de l’Horloge 13094 AIX-EN-PROVENCE CEDEX 2 [email protected] – http://agap.mmsh.univ-aix.fr 100 C.N.A.R.E.L.A Coordination Nationale des Associations Régionales des Enseignants de Langues Anciennes Présidente : Sylvie PEDROARENA, 11 rue Champ Saint-Pierre 39170 SAINT-LUPICIN [email protected] ADLAP (Amiens) : Agnès OROSCO, 3 rue du Cul-de-Sac, 80800 Vaire-sous-Corbie - [email protected] AGAP (Aix-Marseille) : Anne-Marie CHAZAL, MMSH, 5 rue du Château de l’Horloge, 13094 Aix-en-Provence Cedex 2 - [email protected] [email protected] http://agap.mmsh.univ-aix-marseille.fr ALPLA (Nancy-Metz) : L. PAGÈS, 30 rue Saint-Lambert, 54000 Nancy - [email protected] APCELA (Poitiers) : M. COZIC, 15 square du Bois Gaillard, 17290 Aigrefeuille d'Aunis - [email protected] www.apcela.org APLAG (Guadeloupe) : Patricia SABLIER, Lycée de Providence, 97139 Les Abymes - [email protected] APLG (Nantes) : Faculté des Lettres, Chemin de la Censive du Tertre, B.P. 81227, 44312 Nantes Cedex 03 – Correspondante : Claire LAIMÉ-COUTURIER, Le Bourg, 72600 Contilly - [email protected] http://pagesperso-orange.fr/aplg ARDELAC (Créteil) : Mireille KO, 44 avenue de Stalingrad, 93230 Romainville - [email protected] ARELABOR (Bordeaux) : Sylvie BERTON, 4 rue du Maréchal Maunoury, 33200 Bordeaux, [email protected] www.arelabor.fr ARELAB (Besançon) : ARELAB, B.P. 241, 25016 Besançon Cedex ; Siège social : 30 rue Mégevand 25000 Besançon - Sylvie PEDROARENA, 11 rue Champ Saint-Pierre, 39170 Saint-Lupicin ARELABretagne (Bretagne) : Benoît JEANJEAN, 38 allée des Lilas, 29800 Landerneau - [email protected] www.arela-bretagne.levillage.org ARELACLER (Clermond-Ferrand) : Danielle NADAL, [email protected] ; bulletin à adresser à Emmanuelle LACHAUME, 32 route de Paris, 63200 Le Cheix - [email protected] http://arelacler.free.fr ARELACORse (Ajaccio) : Sandrine COLOMBANI, Immeuble Pacrosi, rue Sylvestre Frasseto, 20000 Ajaccio [email protected] arelacor.corsicadream.net ARELADijon (Dijon) : Corine CHERRIER-CHAUDAT, 3bis rue de la Prévôté, 21000 Dijon [email protected] ARELAG (Grenoble) : Dominique AUGÉ, 210 rue du Clos Saint-Jacques, 73000 Chambéry - [email protected] http://arelag.free.fr/index.htm APLAAL(Lille) : Laurie LEFEBVRE, 62 rue de l'abbé Bonpain, 59700 Marcq-en-Baroeul - [email protected] ARELALIM (Limoges) : C. 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