CONDITIONS CLIMATIQUES ET COMPÉTITIONS CYCLISTES @ L'Harmattan, 2007 5-7, rue de l'Ecole polytechnique; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com [email protected] [email protected] ISBN: 978-2-296-03540-9 EAN : 9782296035409 Jean-Paul BOURGIER Gérard STARON CONDITIONS CLIMATIQUES ET COMPÉTITIONS Atmosphères CYCLISTES de courses Préface de Jean-Marie Leblanc L'Harmattan Jean-Paul Bourgier et Gérard Staron sont docteurs en géographie et professeurs agrégés au lycée Claude Fauriel de Saint-Etienne. Autres ouvrages des auteurs: Jean-Paul Bourgier, Cours Fauriel, lieu mythique du Tour de France à Saint-Etienne, Feurs, éd. Claude Bussy, 2002 Gérard Staron, L 'hiver dans le Massif central, Publications de l'Université de Saint-Etienne, 1993 Gérard Staron, Le ciel tomberait-il sur nos têtes?, Lyon, Aléas éditeur, 2003 Remerciements Merci à Jean Bobet, Yann Courbon, Eric Dubois, Philippe Fetter, Dominique Garde, Jean-Marie Leblanc, Jérôme Pineau, Pierre Rivory pour leurs conseils et leurs témoignages. Que Gérard Salmon, président-fondateur de la «Vélocithèque », reçoive le témoignage de notre profonde gratitude pour l'aide documentaire et finale qu'il a bien voulu apporter à la préparation de cet ouvrage. PREFACE Voici un livre qui ne va pas vous apprendre I'histoire du cyclisme, ni la vie des grands champions, ni les techniques d'entraînement ou les tactiques de la compétition. Les passionnés de vélo ont tout le loisir de faire ample moisson de connaissances, dans ces différents domaines, tant il s'est publié d'ouvrages - souvent excellents - au fil des années. Il est vrai qu'aucun autre sport ne donne lieu à une littérature aussi foisonnante, aussi variée, et le plus souvent captivante. Or, ces pages qui suivent, je les ai dévorées parce qu'elles ont tout d'abord le channe de l'inédit car leur thème n'avait jamais fait l'objet de la moindre approche, par qui que ce soit. Ensuite, parce que leur contenu est passionnant, car fort instructif. Le mérite de lean-Paul Bourgier et Gérard Staron n'est pas mince, en effet, d'avoir pris le parti d'innover en se lançant dans ce qui n'est pas seulement un ouvrage didactique - ce qui serait peut-être un peu rébarbatif - mais à une explication de courses, un peu comme au collège on fait des explications de textes. Et la clé de ces explications? La météorologie. Surprenant non? Ils partent, nos deux amis, du constat suivant: « Les routiers sont confrontés aux conditions météorologiques, qui peuvent perturber le déroulement des compétitions. Les très fortes chaleurs, mais aussi et surtout le vent, le froid, la pluie glaciale ou d'orage, entraînent des événements extrêmes pour la pratique du vélo, en particulier aux grands moments de l 'histoire ». Qui a vécu la fantastique victoire de Bernard Hinault dans la neige et le froid du Liège- Bastogne- Liège 1980 (dont son organisme a conservé des marques) comprend tout à fait cela, et s'incline. Ce n'est bien entendu qu'un exemple, qui dit assez l'influence du contexte climatique dans un sport de « pleine nature» comme l'est le cyclisme. Alors, conjuguant leur passion pour le vélo et leurs connaissances climatologiques, les deux auteurs nous font une analyse magistrale de la manière dont le temps, et en particulier le vent, peut peser sur le déroulement d'une course. « Notre conviction, disent-ils, est que les lieux et les conditions climatiques constituent une entrée novatrice restée à ce jour trop timide... Le cyclisme porte très haut le rôle de la géographie ». La notre, de conviction, et cela tombe bien, est la même. Combien de fois n' a-t-il pas fallu expliquer à des journalistes peu au fait de la pratique cycliste, ou mal intentionnés - allez savoir! - que les coureurs ne méritaient pas d'être sévèrement taxés de passivité durant la première semaine du Tour de France 1996 qui se déroula sous la pluie et par vent de face. Ou bien encore que si Mario Cipollini avait battu le record de vitesse dans une étape du Tour (50,355 km/h sur les 194 kilomètres de Laval à Blois en 1999), ce n'était pas forcément le fait du dopage, mais plutôt d'un fort courant de nordouest qui propulsa ce jour-là le peloton sur un parcours de début de Tour dépourvu de difficultés. Avec méthode, avec une pertinence et une objectivité de bon aloi, les auteurs relèvent et décortiquent la plupart des excentricités du baromètre et de l'anémomètre qui ont joué des tours aux coureurs et aux organisateurs du Tour, du Giro et de la Vuelta, mais aussi du Dauphiné Libéré, de Paris-Nice et des classiques d'Europe du Nord. Ce livre réhabilite la part de la raison ou si vous voulez de la rigueur scientifique là où, parfois, l'ignorance et la précipitation additionnées conduisent à l'excès et à l'erreur, dans l'interprétation des faits et des performances. Ceux qui ont la charge d'organiser les compétitions, ceux qui les commentent, ceux qui élaborent les stratégies de leurs coureurs et plus largement ceux qui veulent mieux comprendre le cyclisme tireront profit de ces pages documentées - car Bourgier et Staron ont leurs références et connaissent leurs classiques!qui donnent un éclairage nouveau à certains épisodes du passé et de mieux interpréter certains autres à venir. Car ce n'est pas demain que les «bordures» disparaîtront dans le vélo et c'est là encore un effet des éléments naturels qui apparaît largement dans ce livre. C'est comprendront! tellement - important - ceux qui ont couru me qu'on se devait pour une fois, de parler de la pluie et du beau temps dans le vélo. Merci à nos deux complices de l'avoir fait avec autant de compétence et de clarté. pédagogues Jean-Marie LEBLANC 8 INTRODUCTION A la fin du XIXème et au début du XXème siècles, les compétitions cyclistes sur route, très fréquemment créées par des journaux d'informations générales ou sportives, se multiplient. Les épreuves d'un jour, Bordeaux-Paris, Liège-Bastogne-Liège, ParisRoubaix, précèdent la création des grands tours nationaux, comme le Tour de France en 1903, le Tour de Belgique en 1908 et le Tour d'Italie en 1909. Pratiquant un sport de pleine nature s'il en est, les cyclistes routiers, à la différence de leurs collègues pistards, sont confrontés aux conditions météorologiques, qui, au-delà des situations courantes, difficiles à apprécier et que nous qualifierons de favorables par défaut, peuvent perturber le déroulement des compétitions. Les très fortes chaleurs, mais aussi, et surtout, le vent, le froid, la pluie glaciale ou celle d'orage, la neige, entraînent des événements extrêmes pour la pratique du vélo et participent directement aux grands moments de 1'histoire du cyclisme qui intéressent cet ouvrage. Les faits célèbres abondent et font entrer des lieux et des moments précis dans la mémoire collective, alors que les champions deviennent des héros face aux éléments naturels déchaînés. Sur la route du Tour de France, en 1926, l'étape des quatre cols pyrénéens figure panni les plus dantesques; en 1959, la traversée du Cantal sous une chaleur étouffante favorise les desseins d'Henri Anglade et de Federico Bahamontes ; en 1996, la neige sur la route des cols de l'Iseran et du Galibier entraîne une réduction du kilométrage de l'étape. Le déroulement d'autres courses par étapes est également perturbé par les conditions climatiques. L'histoire de Paris-Nice est jalonnée de remises en cause partielles ou totales d'étapes. Le 10 mars 2004, Le Puy-en- Velay accueille «la course au soleil », mais la neige qui recouvre la montagne forézienne empêche les coureurs d'atteindre la cité ponote. Sur une ligne d'arrivée désertée par le peloton, Jean Bobet reçoit le prix « Louis Nucera » couronnant son ouvrage consacré à la carrière d'Octave Lapize. En d'autres lieux, l'histoire du cyclisme est riche d'épisodes climatiques sévères. Au Tour d'Italie 1956, Charly Gaul est courageux dans la neige et le froid du Monte Bondone. Lors des courses d'un jour, les conditions climatiques marquent également muscles et esprits. En 1909, sur la route de Milan-San-Remo, le col du Turchino est enneigé. De multiples éditions de Liège-Bastogne-Liège se sont déroulées sous la neige et dans le froid, sans oublier de mythiques Paris-Roubaix et Tour des Flandres. Le présent ouvrage n'a pas vocation à énumérer, à récapituler les épisodes de courses cyclistes rendus célèbres par de rudes conditions météorologiques. Cela serait un travail fastidieux qui ne ferait que reprendre, en les classant, des faits connus du plus grand nombre. En revanche, parce que nous sommes amenés à évoquer régulièrement dans notre enseignement le rôle des conditions naturelles sur le développement des activités humaines, nous avons privilégié l'étude de moments de I'histoire du cyclisme pour lesquels nous disposions de références météorologiques précises. Notre conviction est que, dans l'enseignement des sciences humaines, l'étude du déroulement d'événements sportifs, les lieux concernés et les conditions climatiques constituent une entrée novatrice restée, à ce jour, trop timide. Dans cette perspective, le cyclisme porte très haut le rôle de la géographie. Aussi nous a-t-il fallu rechercher les relations entre la circulation des masses d'air, les types de temps, le relief et la progression du peloton cycliste lancé sur les routes essentiellement européennes en intégrant les résultats 2006. La météorologie utilise pour apprécier ces éléments des observations effectuées selon des normes internationales. Ces dernières ont pour but essentiel de pouvoir comparer les différentes mesures sur l'ensemble de la planète. Correspondent-elles au ressenti du cycliste en compétition sur la route? Les températures sont prises dans un abri ventilé, de couleur claire, pour ne pas accumuler la chaleur, situé entre 1,5 et 2 mètres audessus d'un sol engazonné pour avoir la meilleure appréciation de l'état de l'air. Des températures prises au soleil, contre un mur ou sur la route, sont très différentes et non comparables d'un point à un autre. La couleur sombre de la chaussée accumule la chaleur, ce qui accroît cette dernière sensation lors des canicules de l'été au point de faire fondre parfois le goudron. La vitesse du coureur donne un ressenti différent de la température mesurée, en particulier dans les ascensions et les descentes des cols. Même par temps calme, le déplacement du vélo accentue la sensation du froid en cas de gel. Dans les statistiques, on distingue les températures minimales, qui se produisent le plus souvent en fin de nuit, mais aussi les températures maximales qui, 10 sauf cas particulier, ont lieu dans le courant de l'après-midi. Dans la mesure du possible, nous avons retenu ces dernières qui correspondent aux heures des compétitions. Les précipitations se mesurent en I, millimètres mais le caractère glissant de la chaussée correspond-t -il toujours à la quantité mesurée? Existe-t-il une corrélation entre l'importance et l'intensité de l'averse et la probabilité de risque pour le cycliste? Les mesures de neige différencient la chute qui peut très bien ne pas tenir au sol, de l'épaisseur du manteau nival prise naturellement sur un terrain qui ne subit aucune intervention humaine. Une chaussée dégagée permet le déroulement d'une course alors que des murs de neige se situent de part et d'autre de la route après le passage des services de l'Equipement. La fusion de ce manteau peut provoquer des trainées humides sur la voierie. Cette situation a été observée lors de Paris-Nice au sommet du col de la République après de grands hivers comme celui de 1970-1971, mais aussi dans les cols au-dessus de 2000 mètres comme le Gavia ou le Stelvio en Italie, le Galibier en France. Une chute de neige peut rendre une chaussée très glissante sans tenir au sol. Parmi les mesures inadaptées, un jour d'orage est celui où l'on entend le tonnerre ou l'on voit un éclair. La course peut très bien ne pas être gênée si elle échappe à la pluie ou à la grêle qui concerne des secteurs géographiques très limités. De même, le brouillard correspond à une visibilité inférieure à un kilomètre. Ce seuil est tellement large que les différences de densités de la formation nuageuse rendent son action négligeable ou gênante. Le vent pose aussi un problème en raison de ses nombreuses unités: le nœud au niveau international et dans les pays anglophones, le mètre par seconde, unité officielle en France, le kilomètre par heure utilisé usuellement2. Heureusement que l'échelle Beaufort ne concerne que les milieux maritimes, de quoi constituer un «vrai sac de nœuds» ! La mesure s'effectue au sommet d'un mât situé à 10 mètres du sol pour éviter les influences locales qui agissent pourtant le long d'une route où circule le peloton. Qu'est-ce qui gêne le plus une course cycliste: la vitesse moyenne sur 10 minutes qui correspond à la mesure officielle ou la rafale maximale de la journée dont la durée est ponctuelle? Une épreuve cycliste n'est-elle pas dépendante à la fois I 2 1 millimètre de précipitations 1 noeud = approximativement = 1 litre tombé sur 1 mètre carré. 0,5 mis et 1,8 km/ho Il d'une action de continuité du vent et de ses excès instantanés? Selon Michel Hontarrède, la rafale maximale équivaudrait environ à 1,5 à 1,7 fois la valeur de la vitesse moyenne sur 10 minutes3. L'analyse de l'imprévu climatique accordera une place majeure au vent, météore le plus influent sur le déroulement des courses cyclistes. Les fortes chaleurs et les pluies spatialement plus ponctuelles ont un rôle important. Quel passionné, attentif à l'histoire du cyclisme, n'a pas en mémoire la chute de Luis Ocana sous l'orage dans la descente du col pyrénéen de Menté, privant certainement le coureur d'une victoire dans le Tour de France? Le champion espagnol appréciait, comme beaucoup d'autres, la chaleur. En revanche, Flamands, Bataves et Vikings sont très à l'aise dans le vent. Les facultés de chacun seront également prises en compte. Le calendrier cycliste épouse globalement le rythme des saisons. Les premières compétitions parcourent les littoraux méditerranéens. Puis les courses remontent en latitude en même temps que les températures vers les plaines de Flandre et les montagnes ardennaises. Des plateaux du Bassin parisien à ceux de la Manche espagnole, des sommets des Alpes à ceux de la Sierra Nevada, un voyage fait de surprises et d'efforts intenses. L'analyse des conséquences des phénomènes météorologiques, leur part dans l'explication des résultats des compétitions, n'exclut pas de saluer les hommes, champions de premier plan et sans grade, dont l'attitude en course pèse en priorité sur le déroulement de celle-ci. Déluges et chaleur torride condamnent les uns, font émerger les autres au tableau d'honneur de la légende des cycles. Que le rappel de quelques uns des exploits de ces héros des temps modernes soit une invitation à évoquer des moments essentiels d'un sport figurant parmi les plus exigeants qui soient: la fougue d'Henri et Francis Pélissier traversant une Beauce enneigée lors de Paris-Tours 1921, le talent de Gino Bartali dans la traversée des Alpes en 1948, le panache de Louison Bobet dans « son jardin» surchauffé de la Casse Déserte sur le versant sud du col d'Izoard, celui d'Eddy Merckx dans le froid des Trois Cîmes du Lavaredo lors du Giro 1968, la volonté de Bernard Hinault dans les bourrasques de neige balayant les Ardennes belges... Bon vent pour nous accompagner dans la roue des «Géants de la route ». 3 Michel Hontarrède, Rafale et vent moyen, Trappes, Met Mar, n0199, 2003, p. 3-6. 12 Première partie L'imprévu climatique sur la route des coureurs Chapitre 1 Quand Eole souffle favorablement: courses poussées Certaines courses, en particulier des étapes de grands tours, se sont déroulées à des vitesses exceptionnelles, parfois supérieures à 50 km Ih. Les étapes contre la montre peuvent atteindre des vitesses encore plus élevées. A l'inverse, certaines courses battent des records de lenteur. En quoi le vent est-il impliqué dans ces vitesses très variables? 1.1. Les courses en Hene : des records de vitesse parfois anciens Nous ne relatons dans les pages qui suivent que des épreuves en ligne dont le kilométrage est suffisant, de l'ordre de 150 km, pour attester du caractère exceptionnel de l'événement. En France, nous aurions pu retenir l'étape Tournon-Valence, de l'édition 1973 de Paris-Nice, courue à 53,023 km Ih de moyenne, mais sur seulement 19 km, la distance la plus réduite pour une course en ligne sur Paris-Nice. Nous relaterons les raisons d'une aussi courte distance dans le chapitre traitant de la « course au soleil ». 1.1.1. Le record du monde en Tunisie en 1964 Le record du monde de l'étape la plus rapide doit être à rechercher dans le Tour de Tunisie 1964, épreuve réservée aux amateurs qui attirait, à l'époque, de nombreux coureurs de premier plan. Cette édition, comportant 13 étapes, a été disputée par 18 équipes de 6 coureurs qui représentaient des pays de l'Europe et du Maghreb. Certains leaders accompliront ensuite une brillante carrière professionnelle: le Suédois Gosta Petterson vainqueur final et premier du Giro 1971, Lucien Aimar avec une équipe de France composée de Chappe, Lemeteyer, Desvages, Gutty et Bazire, et enfin Walter Godefroot dont on connaît le palmarès comme coureur puis comme directeur sportif. Entre Gafsa et Gabès, le 30 mars, les coureurs atteignent une moyenne de 53,375 km/h sur une distance de 150 km. Jacques Marchand signale une tempête saharienne avec un vent de sable: « un décor assombri et encrassé de poussière jaune »4. A l'arrivée à Gabès, les coureurs ont 1 heure 30 d'avance sur l'horaire prévu. Il y a eu des bordures. Aimar crève deux fois, doit chasser en vain pour se rapprocher du groupe de Godefroot. Le Belge gagne l'étape et arrive avec 3 minutes d'avance en compagnie de Gosta Petterson. L'analyse de la situation atmosphérique montre qu'une descente froide est arrivée jusqu'en Afrique du Nord au niveau de l'Algérie. Dans ce cas, il se passe toujours un mécanisme décomposé en trois épisodes. Lors du premier, l'air froid, qui traverse la Méditerranée, se recharge en humidité sur cette mer aux eaux tièdes. Ensuite, il dépose ses pluies sur les côtes de l'Afrique du Nord, et enfin atteint les régions désertiques au-delà des chaînes de l'Atlas. En entrant en contact avec un milieu chaud et sec et en redescendant vers le désert, un vent violent se met en place. Il n'a aucune difficulté à soulever les éléments fins qui se trouvent à la surface du sol et qui ne sont pas retenus par une végétation ouverte, faite seulement de quelques touffes d'alfa. Encore faut-il que ce flux soit dans l'axe de la course? Ce 30 mars, la course se trouve dans le sud de la Tunisie, la partie la plus aride du pays, et sa trajectoire globalement ouest-est relie l'intérieur du désert à la côte. Le courant atmosphérique s'établit entre la dépression froide, qui s'est installée sur la Méditerranée et qui déborde sur les côtes du Maghreb, et l'anticyclone qui revient au centre du Sahara. Entre les deux, il ne pouvait que s'établir un vent d'ouest. Il est accéléré par la descente des reliefs de l'Atlas, car la forte densité de l'air froid accentue sa vitesse. Le couloir, entre cette chaîne de montagne et le cœur du Sahara, canalise le flux atmosphérique. Enfin, à l'est, le golfe de Gabès joue un rôle d'attraction. Les coureurs sont très fortement poussés dans l'axe de la trajectoire de la course. 4 L'Equipe, 31 mars 1964. 16 Tour de Tunisie 1964 - L'étape poussée Gafsa - Gabès L'anticyclone saharien s'est reconstitué et a repoussé la descente froide L'étape poussée u__u u l'étape freinée de la course du vent Position des anticycJones A Position des dépressions 17 D Si le Tour de Tunisie 1964 possède l'étape la plus rapide, la veille de cette dernière, les coureurs roulent à 25,14 km/h de moyenne entre El Kef et Gafsa et se présentent sur la ligne d'arrivée avec deux heures de retard sur l'horaire. Les caractéristiques climatiques sont globalement semblables. On est toujours dans le cas de cette descente froide qui atteint l'Afrique du Nord. Elle provoque une réaction sous forme de vent de sable. L'orientation générale de la course change car, entre El Kef et Gafsa, elle plonge vers le sud entre les chaînons de l'Atlas tunisien et le désert. L'orientation des vents a aussi changé en raison du basculement des centres d'action. La dépression froide, qui descend, a fortement pénétré sur le continent africain au niveau du Maroc et de l'ouest de l'Algérie. Elle a même provoqué la mise en place d'une dépression très provisoire sur le Sahara. Au même moment, on remarque la présence d'un petit anticyclone sur la Méditerranée orientale et la Libye. Le sud tunisien est donc concerné par un flux en provenance du sud qui remonte vers le nord et arrive face à la course. La vitesse ne peut pas être justifiée, ce jour-là, par une apathie des coureurs. Des cassures se produisent dans le peloton. Les conditions sont tellement dures dans ce désert par vent de face que Georges Chappe, tellement assoiffé, doit s'arrêter pour boire dans un hôtel du bord de la route et accuse un retard de 17 minutes à l'arrivée. Une descente froide d'origine polaire, qui arrive jusqu'au désert, est un phénomène connu qui amène une instabilité génératrice de pluies et de vents de sable. Si ce type de temps est très important pour le milieu désertique par l'humidité et parfois les inondations qu'il apporte, il ne dure pas, seulement le bref temps du passage de l'air en provenance des hautes latitudes, ce qui explique les changements atmosphériques rapides. Ces descentes froides peuvent poursuivre leur route jusqu'à l'Equateur et ont été suivies au travers du Sahara jusqu'au Cameroun. A vingt-quatre heures près, les trajectoires différentes des étapes d'une course et des flux atmosphériques qui évoluent, ont généré une course freinée entre El Kef et Gafsa avec un fort vent de face de direction méridienne contraire, et une course poussée entre Gafsa et Gabès avec un zéphyr d'ouest dans le dos. 1.1.2. Le record d'Europe en Espagne et en 1963... En prenant seulement en compte les grands tours professionnels, c'est la 10èmeétape de la Vuelta de 1963 qui détient la 18 moyenne la plus élevée. Elle relie les villes de Saragosse et de Lerida dans le fond du bassin de l'Ebre. Jean Stablinski, porteur du maillot « arc-en-ciel» de champion du monde et membre de l'équipe « SaintRaphaël» de Jacques Anquetil, l'emporte en couvrant les 144 km en 2h 47' 35", soit à 51,566 km/ho Le 10 mai, alors que la Vuelta se court au printemps, plusieurs facteurs contribuent à accélérer le vent favorable aux coureurs. D'abord, de Saragosse à Lerida, la première partie du parcours s'effectue selon une orientation nord-ouest sud-est jusqu'au désert des Monegros. C'est dans ce secteur que la course est la plus rapide avec 55 kilomètres parcourus dans la première heure. Il est vrai que les coureurs ont dans le dos un flux éolien particulièrement accéléré par les conditions météorologiques générales, puisque ce courant de nord-ouest, qui pousse la course, se situe entre un anticyclone centré sur l'Atlantique au large du Portugal et une dépression froide située, le 10 à 0 heure, sur les îles britanniques et, le Il à 0 heure, sur le nord de la France. Dans la journée, ce vent de nord-ouest n'a pu que se renforcer à cause de l'approche du centre des basses pressions. la elta 1963, "Saragosse (9 mai) ; e-Lerida (10 mai) avec le du vent. 19 Une seconde raison explique la violence du vent. Le bassin de l'Ebre canalise et donc accélère les flux atmosphériques. Une troisième contribue à l'augmentation de leur vitesse: la descente d'un air frais à partir des hauteurs des confins pyrénéens et cantabriques en direction des zones chaudes et semi-désertiques du centre du bassin de l'Ebre. En aval, la Méditerranée, mer chaude, attire l'air froid. On retrouve le même mécanisme signalé antérieurement en Tunisie. Ce vent, le cierzo, est l'équivalent dans l'Espagne du nord du mistral et de la tramontane en France. Un petit zéphyr de nord-ouest peut se transformer en un flux violent. Il entre dans cette catégorie de flux atmosphériques qui sont accélérés par des axes de relief à proximité de la Méditerranée. Seule différence, en France il s'agit de vents de nord franc, alors qu'en Espagne l'orientation est nord-ouest. Les conditions géographiques des littoraux septentrionaux méditerranéens, avec leurs montagnes qui plongent vers une mer aux eaux profondes, tièdes ou chaudes, génèrent, de l'Espagne à la Turquie, des vents violents. Chaque fois qu'une masse d'air, en provenance de plus hautes latitudes, ose s'aventurer vers ces rivages, surtout si l'accès est canalisé par des couloirs, les flux atmosphériques s'accélèrent. Les autres raisons de cette vitesse exceptionnelle sont liées aux conditions de course. Jacques Anquetil et sept de ses équipiers, à l'exception de Guy Ignolin, animent un groupe de 30 coureurs avec l'aide des équipes «Kas» et «Faema ». Ensemble, ils souhaitent distancer Manzaneque et Perez-Frances, leaders de l'équipe « Ferrys », grande rivale des autres formations espagnoles. La suite de la course continue à bloc, alors qu'à partir des Monegros, l'orientation du vent n'est plus aussi favorable. En effet, pour remonter jusqu'à Lerida, le parcours prend une orientation ouest-est, qui correspond à un vent de :x arrière. La course est poussée alors que des cassures pourraient alimenter la rubrique «bordures» du Tour d'Espagne. Le groupe de Perez-Frances arrive avec un retard de 3' 20" sur Jean Stablinski, qui gagne l'étape, et Jacques Anquetil porteur du maillot amarillo. La rivalité entre les équipes espagnoles favorise le champion français. Il renouvelle en Espagne, sur la Vuelta de 1963, son exploit du Tour de France de 1961 : posséder le maillot de leader d'un grand tour, du soir de la première journée jusqu'à la victoire finale. La veille, le 9 mai 1963, la course est déjà très rapide, entre Pampelune et Saragosse, avec une vitesse de 45,698 km/ho Ceci 20