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Plongée réussie dans les Mystères d’Osiris à l’IMA
L’Institut du Monde Arabe réussit une magnifique exposition de rentrée avec Osiris, mystères
engloutis d’Egypte jusqu’à la fin du mois de janvier. Le parcours retrace l’épopée des villes
côtières du delta du Nil qui ont disparu du fait de la montée des eaux et d’accidents sismiques
au Haut Moyen Age. Elle réussit magistralement, sans être indigeste, à mêler la présentation
d’une exposition d’archéologie sous-marine, de rites religieux, des échanges culturels entre
Egyptiens (les héritages) et Grecs, Levantins ou encore Romains… Pédagogie et mystère se
nouent admirablement.
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Les mystères d’Osiris
Osiris est l’un des principaux Dieux de la pléthore fournie par la mythologie égyptienne. Une
grande partie du parcours reflète combien il fut important jusqu’à la fin de l’antiquité, en
traversant les millénaires de l’histoire de cette civilisation : l’Ancien Empire émerge vers 2800
av. J.-C. et la christianisation du IIIe – IVe siècle sonne la fin des anciens cultes. Plusieurs
salles sont dédiées au Dieu et à son mythe : frère de Seth, celui-ci conspire contre lui et le fait
enfermer dans un cercueil. Le corps découpé est finalement récupéré par Isis, sa sœur – femme
qui par amour recompose et permet sa Renaissance puis le début de la civilisation elle-même.
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La société égyptienne, dirigée par la centralisation politique et religieuse autour de pharaon,
revit chaque année ce mythe comme en témoigne le calendrier religieux et les fêtes de la
renaissance durant lesquelles des processions et des simulacres de ce mythe sont répétés :
ainsi des effigies d’Osiris sont enfermées dans un cercueil qui, à germination, célèbrent le
début des semailles et la perpétuation de la société et par-là, du monde. La dimension
reproductrice et sexuelle est évidemment très présente dans le rituel. L’exposition reflète donc
l’importance des découvertes sur la vie religieuse et politique (les deux étant irrémédiablement
liés) permise par les fouilles archéologiques de Franck Goddio puisque rappelons-le, cette
exposition a le mérite de présenter pour la première fois en France une part de ses découvertes
sous-marines effectuées avec l’Institut européen d’archéologie sous-marine (IEASM) depuis
plus de deux décennies. Les eaux ont en effet pu conserver ce que des tombes impériales
n’avaient pu, des traces des pratiques religieuses et de la culture matérielle des Egyptiens.
Une religiosité de l’Antiquité tardive
Si l’essentiel de l’exposition est consacré logiquement au personnage d’Osiris, les
explorations sous-marines ont mis au jour aux confins du delta du Nil des textes à caractère
religieux dynastiques importants, comme le décret de Canope que tout historien de l’antiquité
connaît. A l’époque lagide, Ptolémée III associe sa fille aux mythes d’Isis et d’Osiris pour en
faire une déesse. La princesse Bérénice est alors divinisée par amour via une association aux
divinités traditionnelles. Le décret illustre donc à la fois le pouvoir religieux du pharaon, le
fonctionnement juridique de la société (des stèles ponctuent la vallée du Nil, colonne vertébrale
de l’Empire) et une certaine évolution des sensibilités. En effet, et c’est un tout petit bémol que
l’on émettra sur l’exposition, celle-ci ne met peut-être pas assez en valeur les modifications
profondes des sensibilités et représentations de cette fin d’antiquité en Egypte et qui se fait
particulièrement jour ici. Certes Osiris a un côté « humain » et son mythe comporte des aspects
dramatiques voire émouvants, et le parcours insiste sur cet aspect. Mais cet affleurement de
l’humain, du sensible dans les mythes est propre à ces siècles et nouveau par rapport aux
périodes du Moyen Empire ou de l’Ancien Empire durant lesquels, la plupart du temps, les
figures religieuses comme politiques sont d’un hiératisme impressionnant. On ne peut qu’être
saisi par la statue d’un prêtre païen du 1er siècle, en fin de parcours, portant un agneau et dont
une incroyable douceur émane de sa posture comme de son visage : de prime abord, on
croirait à une représentation de bon pasteur chrétien… Le caractère éminemment dramatique de
cette piété autour d’Isis notamment est un caractère fondamental de la religion tardive des
Egyptiens. La magnifique scénographie de l’exposition, tamisée et apaisante, renforce ces
impressions.
L'exposition "Osiris, mystères engloutis d'Egypte" par LePoint
Une vue de l’histoire égyptienne par ses marges
Enfin, l’exposition retrace avec pédagogie et clarté les métissages qui président à la fin de
l’histoire de l’Egypte. En effet, à partir du VIIIe siècle avant J.-C. particulièrement, la civilisation
égyptienne est confrontée à des invasions plus nombreuses et durables et est en contact plus
fréquents avec le reste du Bassin méditerranéen. Jusque ici, le Levant constituait l’essentiel
des contacts. Désormais, les Grecs et les Romains et les nouveaux Etats d’Orient s’imposent
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dans les rapports extérieurs et vont jusqu’à conquérir la vallée du Nil elle-même.
Les fouilles de Franck Goddio sont ainsi centrées sur les emporions, ports et comptoirs de
commerce, des Grecs du Delta et sur la nouvelle capitale de la dynastie lagide, d’origine
grecque donc puisque succédant à la conquête d’Alexandre. Ces villes sont Canope, Héraclion
et surtout Alexandrie. Au cours de cette période, cette partie du Delta devient en effet le centre
de gravité de la puissance des pharaons. Les textes hiéroglyphiques gravés dans la pierre, les
temples et autres matériaux retrouvés témoignent de ces métissages culturels, économiques
mais aussi religieux de l’ère lagide et romaine de l’Egypte, voire même des débuts du
christianisme (à partir du IVe siècle essentiellement). Les Grecs associent ainsi Osiris à
Dionysos, Hercule est implanté durablement, et les bricolages vont jusqu’à former par
amalgames de panthéons de nouveaux dieux comme Sérapis dont les statues évoquent
l’hellénisation et la romanisation de l’Egypte du delta. Cette Egypte est encore une fois bien
différente mais toujours dans la filiation des cultes datant de plusieurs millénaires.
Au fond, à côté des pièces majestueuses, tantôt monumentales, tantôt plus intimes,
c’est cette interrogation et cette fascination qui demeure : la remarquable plasticité et la
permanence de la religion traditionnelle des Egyptiens au cours des siècles et que seule la
christianisation allait définitivement effacer, peu avant l’engloutissement des cités elles-
mêmes… Une belle mise en abîme.
Visuels :
1 : Affiche de l’exposition © IMA
2 : Simulâcre de « Osiris végétant », Musée égyptien du Caire - Christoph Gerigk © Franck
Goddio/Hilti Foundation
3 : Tête de prêtre, époque ptolémaïque, Port oriental d'Alexandrie, Égypte © Franck Goddio/Hilti
Foundation
4 : Livre de l'exposition; Franck Goddio et alii, Paris, 2015, Flammarion.
Informations détaillées prix - horaires :
15,50 € : Tarif normal 12,50 € : CE, groupes de 20 personnes ou plus, enseignants (pass
éducation) 10,50 € : 12-25 ans, demandeurs d’emplois, RSA
Mardi, mercredi, jeudi : 10h-19h Vendredi : 10h-21h30 Samedi et dimanche : 10h-20h
Accès métro Jussieu, Cardinal-Lemoine, Sully-Morland Bus : 24, 63, 67, 86, 87, 89 Accès
handicapés facilité Parking Maubert-Saint-Germain 39, bd Saint-Germain
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