Gilles Daveau

publicité
Gilles Daveau
Illustré par Clément Luzeau
Mis en page par Emmanuel Daveau
2011
SAMA ÉDITIONS
Introduction
À qui s’adresse le manuel de cuisine alternative ?
Sensibles aux questions d’environnement, d’agriculture, de santé, ou
aux enjeux planétaires, beaucoup aimeraient changer leur façon de
manger, sans se ruiner ni renoncer aux saveurs. Mais il n’est pas si simple
d’adopter avec plaisir les produits sains ou complets, ou bien de manger un
peu moins de viande sans déséquilibre.
Ce manuel est destiné à ceux, néophytes ou déjà sensibilisés, qui veulent
passer à l’acte ou mieux s’y retrouver. Il est conçu en trois parties. Dans la
première, il présente une vision d’ensemble des enjeux précisant pourquoi
et comment se nourrir autrement. Dans la deuxième, il fournit une feuille de
route et des repères nutritionnels pour faire évoluer son alimentation de façon
souple et progressive. La dernière partie est consacrée à l’apprentissage de
méthodes de cuisine alternative qui valorisent les produits végétaux et de
qualité d’une façon simple et adaptée au quotidien.
L’auteur : une expérience pédagogique et culinaire unique
Cette approche pratique est issue des cours de cuisine et des formations
que Gilles Daveau anime depuis 1987. Une pédagogie nourrie par vingtdeux années d’expérience professionnelle comme restaurateur et traiteur,
spécialiste de cuisine végétarienne gourmande à base de produits issus de
l’agriculture biologique. Il a élaboré, mis en pratique et décliné des centaines
de recettes de cuisine maison, à base de produits frais, dans son restaurant
nantais l’Arbre de Vie de 1988 à 1998. Puis c’est l’entreprise Gilles Daveau, Traiteur
Bio qui a proposé à plus grande échelle, jusqu’en 2010, ses recettes 100 % bio et
© Sama éditions, 2011.
5
LE MANUEL DE CUISINE ALTERNATIVE
Introduction
certifiées, entre plats cuisinés, repas et cocktails événementiels. Depuis il se
consacre totalement à la pédagogie, notamment comme formateur pour
la restauration collective (cantines scolaires, restaurant d’entreprise, etc.).
C’est pour contribuer aux évolutions alimentaires qui s’imposent à
nos modes de vie qu’il a choisi de mettre en avant, par la cuisine, les
approches biologiques et végétariennes : pour ce qu’elles apportent en
qualité et en diversité aux habitudes alimentaires modernes, sans qu’il
soit question de régime ou de privation.
Cuisiner pour se nourrir autrement
Il faut souligner le rôle très particulier de la cuisine, au quotidien, pour
favoriser une véritable alternative alimentaire. Bien sûr, on peut manger
autrement, suivre des préconisations nutritionnelles sérieuses et choisir
des produits sains sans pour autant cuisiner. L’industrie agro-alimentaire et
la grande distribution nous ont, pour beaucoup, persuadés qu’elles nous
délivreraient de ces tâches ingrates, archaïques voire dégradantes : faire les
courses, éplucher, laver, cuire, ranger, faire la vaisselle et nettoyer la cuisine.
L’ère de la communication, la société des loisirs, mais aussi les rythmes de
la vie moderne ont fini par nous convaincre que le temps de la cuisine, au
quotidien, était du temps perdu. Pour le confirmer, seule la gastronomie
des chefs, avec tous ses superlatifs paraît digne d’intérêt, mais tellement
loin du « qu’est-ce qu’on mange aujourd’hui ? » qu’il faut dire et redire.
Dans la cuisine de tous les jours, les mots-clés ne sont pas ceux de la
gastronomie : il nous faut du bon, du simple, du rapide, de l’économe et
aussi se maintenir en bonne santé. Cette pratique n’est pas seulement
utilitaire ; elle nous forme, nous transforme et réunit ceux qui partagent
la préparation, la table, le rangement. C’est aussi dans le moment passé
à confectionner le repas que s’invente cette autre alimentation. Faire son
marché de produits frais, les cuisiner soi-même, peut devenir un temps à
forte valeur qui libère et rend autonome ; et ce qui n’est pas dépensé en
plats préparés permet de choisir de meilleurs produits.
C’est pourquoi ce livre, après avoir exposé les repères pour se nourrir
autrement, pose les bases pratiques d’une cuisine alternative vraiment
en phase avec le quotidien. Plus que des recettes, il propose des modes
de préparation simples, faciles à décliner, qui peuvent s’accorder avec nos
vies, nos moyens, nos besoins de changement. Et il souligne les savoir-faire
culinaires qui valorisent les goûts pour que l’on ait du plaisir à évoluer.
6
La cuisine végétarienne complémentaire
des cuisines traditionnelles.
Bien que la place trop importante des protéines animales dans nos
modèles alimentaires soit de plus en plus remise en cause, la notion
d’alimentation végétarienne reste rébarbative. Il n’est cependant pas
question dans ce livre de végétarisme, mais plutôt de diversifier nos sources
de protéines, un enjeu planétaire majeur. Les repères pour varier ces
protéines sont très clairement abordés dans la deuxième partie.
Il existe dans les cuisines végétariennes de tous les pays un répertoire
de savoir-faire particulièrement riche pour consommer moins souvent, ou
plus raisonnablement, une viande de meilleure qualité, plus coûteuse, issue
de filières durables, en alternance avec des repas basés sur les protéines
végétales très peu chères. Ces pratiques végétariennes permettent
aussi de découvrir des méthodes pour cuisiner sous diverses formes les
7
LE MANUEL DE CUISINE ALTERNATIVE
Introduction
céréales complètes, les associer avec les légumineuses dans des plats très
aromatiques. C’est l’occasion de renouveler les idées de préparation pour
plusieurs dizaines de légumes de saison ou de retrouver toute la diversité
des ingrédients végétaux, dont les graines et fruits oléagineux par exemple.
Voilà tout particulièrement ce qui manque aujourd’hui aux habitudes
alimentaires de nos pays riches. Il n’est pas nécessaire pour autant de
devenir végétarien, même si ce choix reste respectable, légitime, et qu’il
peut, avec attention, être véritablement équilibré.
C’est donc pour compléter, enrichir et diversifier nos modes d’alimentation,
qu’il est intéressant aujourd’hui de goûter à ces cuisines végétariennes. Elles
peuvent rencontrer nos propres traditions culinaires pour que s’inventent
de nouvelles alimentations, bonnes, saines, durables. Certains parlent de
cuisines mixtes ou à tendance végétarienne. L’important est d’apprendre
à mieux intégrer les végétaux dans la cuisine de tous les jours, et pas
seulement comme des ingrédients secondaires à la viande. Voilà pourquoi
ce manuel de cuisine alternative se consacre tout particulièrement à la
valorisation des produits végétaux et à leurs modes de préparation issus
des cuisines du monde. Les recettes proposées dans la Partie III peuvent se
décliner dans des repas avec ou sans viande.
Se nourrir autrement c’est aussi évoluer vers des produits issus
d’agricultures éco-responsables ou plus simplement durables. Durables
pour les agriculteurs et les populations rurales, durables pour les ressources
naturelles et l’environnement, durables pour ceux qui en consomment les
produits. L’agriculture biologique et l’agriculture biodynamique sont des
modes de production spécifiques qui répondent tout particulièrement à
ces critères. Leurs procédés et leur production sont contrôlés et certifiés par
des labels tels que le logo AB français ou la feuille verte européenne pour
l’agriculture biologique, ainsi que le label Demeter pour la biodynamie.
Leur spécificité est souvent résumée à la non utilisation de produits
chimiques de synthèse (engrais, traitements pesticides, herbicides,
fongicides). Mais il s’agit essentiellement d’approches différentes de l’agriculture basées sur la biologie des organismes et des sols et qui entretiennent
les mécanismes de la vie à tous les stades de l’exploitation, notamment par :
-- la gestion des matières organiques : fumures et compostage, équilibrage
et entretien de l’humus et de la vie des sols ;
-- l’utilisation d’engrais verts, les associations ou les rotations de cultures
en alternant par exemple la culture de céréales avec des prairies de
graminées et légumineuses mélangées ;
-- le choix de variétés rustiques, et de conditions de cultures et d’élevage
favorisant la résistance aux parasites et aux maladies par la prévention ;
-- la lutte biologique intégrée (prédateurs contre parasites) et les moyens
mécaniques (binage, sarclage) plutôt que les méthodes chimiques ;
-- la prise en compte des rythmes biologiques, des cycles, des saisons.
Ces agricultures se caractérisent donc par une approche plus globale
et complexe du vivant. Leur impact ne se limite pas à la seule sécurité des
aliments. Elles montrent que d’autres façons de produire sont possibles, avec
d’autres conséquences qui dépassent largement la seule absence de résidus
de traitements et la réduction des nitrates dans l’environnement selon un
constat établi par l’agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA).
Cultiver ainsi permet en effet :
-- la production d’aliments mieux pourvus nutritionnellement, comportant
plus de matière sèche, de micronutriments ;
-- la non-dissémination de polluants chimiques et d’OGM dans la terre,
l’air, les eaux, favorisant ainsi la prévention des risques sanitaires indirects
pour la population et la préservation de la biodiversité ;
-- la valorisation des filières locales et la limitation des transports ;
-- un développement rural plus cohérent s’attachant aux territoires,
aux terroirs, aux savoir-faire et patrimoines culturels locaux ;
-- des solutions à long terme pour nourrir l’ensemble de la planète comme
le montre une étude de la FAO publiée en 2007.
Les recettes culinaires de ce manuel ont été conçues et réalisées avec des
ingrédients issus de l’agriculture biologique disponibles auprès de producteurs de proximité et dans les magasins spécialisés bio où l’on peut trouver
l’essentiel des produits frais et d’épicerie. Les coopératives bio ainsi que
d’autres distributeurs nationaux ou locaux contribuent de façons diverses
à développer les productions locales en établissant des partenariats. C’est
une alternative préférable aux pratiques de la grande distribution pour
l’avenir des filières de qualité.
Bien entendu cette cuisine fonctionne aussi avec des produits plus
conventionnels si, pour diverses raisons, l’approvisionnement bio est
difficile. La diversité des céréales, légumes secs, produits spécifiques, tels que
les dérivés du soja, les purées oléagineuses, les laits ou crèmes végétales, les
algues, reste plus facile à trouver et moins chère dans le réseau spécialisé,
une partie des produits étant de plus vendus en vrac, sans suremballage.
8
9
L’agriculture biologique
LE MANUEL DE CUISINE ALTERNATIVE
Ne voyez pas dans le choix du bio une contrainte, mais une des ressources
possibles pour s’engager vers une qualité durable, une démarche qui
soutient la vie au sens propre, autrement dit bio-logique (bio : vie ; logique :
en accord avec). Les AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture
Paysanne) et leurs paniers hebdomadaires, les marchés de proximité ou la
vente à la ferme, sont des ressources également accessibles. Ces circuits
courts permettent aux citadins de mieux connaître les agriculteurs, leurs
pratiques et d’établir une relation de confiance. D’autres produits de qualité
labellisés, porteurs du label rouge par exemple, constituent déjà des engagements de progrès intéressants quand l’offre bio n’est pas disponible ou
vraiment trop chère. Il faut toutefois rester vigilant en ce qui concerne des
appellations plus floues comme celle d’agriculture raisonnée.
Acheter des produits sous label qualité bio quand c’est possible, prendre
l’habitude de les cuisiner soi-même et autrement, c’est bien plus que de
se protéger soi-même et les siens : c’est contribuer à encourager d’autres
agricultures encore minoritaires, pour une planète et une vie qui durent.
Partie I
SE NOURRIR AUTREMENT, POURQUOI ?
Une démarche ouverte
Ces quelques préalables se sont avérés nécessaires pour comprendre la
démarche que propose ce manuel. Celui-ci traitera au fil des pages d’alimentation ou d’agriculture durables, de produits de qualité, de cuisine
alternative, de cuisine des végétaux : des notions, des pratiques, des outils
qui contribuent à faire évoluer les modes de vie. À vous de les essayer, de les
adapter, et de créer votre propre façon de vous nourrir autrement.
10
Nous serons bientôt 7 milliards d’habitants sur cette planète, soit deux
fois plus qu’en 1960, une population qu’il faut nourrir. La production
agricole a considérablement augmenté. Malgré cela, plus d’un milliard
d’humains (1 000 000 000 individus) sont encore sous-alimentés. Pour
ceux qui mangent à leur faim, le devenir de l’environnement, de la santé
publique, de même que l’évolution de l’économie agro-alimentaire posent
bien des questions. Il apparaît que notre modèle alimentaire, en voie de
mondialisation, n’est simplement pas durable.
Bien des alternatives et des réponses émergent aujourd’hui afin d’éviter
l’épuisement des ressources et de la biodiversité, et pour pallier aux effets
de la malbouffe. Des campagnes, des controverses, des débats interrogent
nos modes de consommation et nous scrutons l’avenir alimentaire de la
planète. Il est question d’agriculture éco-responsable, de circuits courts, de
commerce équitable, d’OGM, de lutte contre le diabète et l’obésité, etc.
Les médias s’emparent de cette crise, la relaient et l’amplifient. Il en
ressort habituellement la crainte de l’insécurité alimentaire, de risques
11
Téléchargement