MAI 2009
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GÉRARD BÉRUBÉ
L
année 2008, malgré son ciel
assombri, ne s’annonce pas
exceptionnelle en matière de
plaintes et d’enquêtes. Selon une
compilation effectuée à près d’une
semaine de la fin de la période de
l’exercice s’étendant d’avril 2008 à
avril 2009, l’Autorité des marchés
financiers (AMF) a reçu quelque
1350 plaintes, comparativement à
1115 plaintes pour la période du
1er avril 2007 au 31 mars 2008. « Il s’agit
d’une hausse annuelle de 21 %. Cela
peut paraître énorme de prime abord,
mais sur une base historique, on reste
dans la moyenne des quatre à cinq der-
nières années », commente Sylvain
Théberge. Le porte-parole de l’orga-
nisme québécois de réglementation
des valeurs mobilières indique, à titre
de comparaison, qu’en 2006-2007, dans
la foulée du scandale Norbourg, le
nombre de plaintes avait bondi à 1850.
Un nombre accru d’appels a été
enregistré avant les Fêtes de fin d’an-
née, un accroissement qui ne peut
être dissocié de cette morosité s’étant
emparée des marchés financiers
l’automne dernier. « Il n’y avait pas
que des plaintes. Il y avait également
des demandes de renseignements.
N’oublions pas que cette période coïn-
cide également avec l’introduction
des comptes d’épargne libre d’impôt
(CELI) », nuance M. Théberge.
LES MARCHÉS BAISSENT,
LES PLAINTES AUGMENTENT
L’effet de marché s’est davantage fait
ressentir auprès des conseillers de plein
exercice et des firmes encadrées par
l’Organisme canadien de réglementa-
tion du commerce des valeurs mobiliè-
res (OCRCVM). « Dans un contexte de
marchés boursiers difficiles, le nombre
de plaintes a tendance à augmenter.
D’ailleurs, de septembre à janvier, nous
avons reçu quatre fois plus de plaintes
que d’ordinaire, alors que de février à
mars, nous avons observé un retour à la
Ding, dong,
c’est l’inspecteur !
Linspection par
les organismes
de réglementation
fait partie du
paysage des cabinets.
Que l’exercice se fasse
à l’improviste ou sur
une base annuelle,
il sinscrit dans un
esprit de prévention et
de bonne conformité.
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normale », commente Carmen Crépin,
vice-présidente de l’organisme, division
du Québec.
LE TRAITEMENT DES PLAINTES
À l’AMF, plus de la moitié des plaintes
retenues prendra le chemin de la
médiation. Ce service, volontaire, est
généralement bien accepté et amène à
des conclusions satisfaisantes pour les
deux parties. La plainte peut aussi
prendre le chemin de l’inspection et,
éventuellement, de l’enquête et de
l’inspection surprise. Selon les statisti-
ques de 2007-2008, 10 % des plaintes
engendrent une enquête formelle.
L’inspecteur prend connaissance du
dossier : il vérifie la nature et le bien-
fondé de la plainte. S’il y a là matière à
soupçonner une fraude, l’Autorité dis-
pose d’une panoplie d’outils pouvant
forcer le cabinet à corriger le tir, voire
à cesser ses activités. « Il faut qu’il y ait
de fortes raisons de croire qu’il existe
un problème majeur », souligne
M. Théberge. Le cas échéant, et même
si l’AMF dispose d’une liberté d’ac-
tions, ce rôle est renforpar le Bureau
de décision et de révision en valeurs
mobilières, qui se présente comme
étant un tribunal administratif fonc-
tionnant en toute indépendance.
Règle générale, lorsqu’une plainte
mène à l’inspection, tout se règle rapi-
dement. « Nous n’arrivons pas avec
nos gros sabots. Nous convenons que
la réglementation se révèle parfois
assez lourde et qu’il peut arriver que
les cabinets tournent les coins ronds,
sans méchanceté. » Au demeurant,
l’exercice peut toutefois se conclure
par l’imposition d’une pénalité, et de
poursuites dans les cas lourds. Le bilan
des dernières années fait ressortir une
centaine de recours judiciaires ou
quasi judiciaires, annuellement.
Sur ce dernier point, l’AMF précise
qu’elle dédommage les victimes de
fraude, de mauvres dolosives ou de
détournement de fonds lorsqu’elles
font affaire avec les personnes et entre-
prises autories à exercer en vertu de la
Loi sur la distribution de produits et
services financiers. Un consommateur
peut ainsi être indemnisé pour un mon-
tant maximal de 200 000 $ par
réclamation, et ce par l’intermédiaire
des sommes accumulées dans le Fonds
d’indemnisation des services financiers.
Ce fonds est financé par les cotisations
obligatoires annuelles versées par les
cabinets et les représentants.
L’INSPECTION SURPRISE
La durée de l’inspection varie de quel-
ques jours à plusieurs mois, selon la
complexité du cas et le degré de colla-
boration des conseillers concernés.
« Évidemment, on ne parle pas ici de
dossier complexe à la Mount Real »,
renchérit Sylvain Théberge, qui ajoute
du même souffle que l’objectif, « c’est
de résoudre le problème et non [d’infli-
ger] des pénalités ou des poursuites ».
À ce suivi des plaintes s’ajoutent les
démarches faites dans le cadre du pro-
gramme d’examen et d’information
continue de l’AMF. On agit alors à
l’improviste, en scrutant des questions
pointues, l’objectif n’étant pas de déce-
ler les fraudes mais, plutôt, d’assurer
l’efficacité du marché. Cet exercice
permet d’apporter, au besoin, les cor-
rectifscessaires à la transparence et
à la divulgation des informations. Le
cabinet visé par l’enquête surprise est
déterminé au hasard. « On procède par
échantillonnage. Et l’on change régu-
lièrement les critères de sélection
afin d’éviter de devenir prévisi-
ble. » La matrice dite de risque va
notamment tenir compte du nom-
bre de plaintes reçues durant
l’année, de la taille de l’équipe du
cabinet, des produits distribués et
des inspections passées. Les coûts
inhérents à ces inspections sont
absorbés à même les budgets de
l’AMF, des budgets grossis par les
pénalités administratives.
Le porte-parole de l’AMF
ajoute que la section inspection et
enquête de l’Autorité, soit l’équipe de
« mise en force de la loi », était celle qui
avait connu l’expansion la plus rapide
au sein de l’organisme au cours des
quatre à cinq dernières années, avec
une équipe de 30-40 personnes passant
à 90-100. « Les budgets ont suivi », ren-
chérit M. Théberge.
L’INSPECTION ANNUELLE
L’ex-Association canadienne des cour-
tiers en valeurs mobilières
(ACCOVAM), devenue l’OCRCVM
après la fusion avec les Services de
réglementation des marchés, inspecte
tous les cabinets une fois l’an. On
dénombre environ 208 courtiers de
plein exercice au Canada, dont
36 ayant leur siège social au Québec.
L’ex-ACCOVAM-Québec, qui abrite
Ding, dong, cest l’inspecteur !
Types de plaintes reçues à l’OCRCVM
TYPE 2004 2005 2006 2007 2008 2009
(au 31
mars)
Opérations non autorisées ou discrétionnaires 316 354 327 289 433 98
Placements inappropriés 204 250 236 125 188 60
Déclarations trompeuses 115 109 117 121 170 41
Problèmes liés au service 124 111 63 63 60 24
Violation des règles universelles d’intégrité du marché 23 30 18 28 61
Autres 558 470 569 607 620 151
TOTAL 1340 1324 1330 1233 1532 374
Source : site Web de l’Organisme canadien de réglementation du commerce des valeurs mobilières (OCRCVM).
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une cinquantaine de personnes,
concentre ses activités de surveillance
aux sièges sociaux, quoiqu’« on a fait
plus d’inspections de succursales en
2008 », souligne Mme Crépin.
L’exercice couvre tant la confor-
mité financière que la conformité des
ventes. Le premier volet s’appuie sur
la réception des résultats financiers.
Lorganisme d’autoréglementation
veut s’assurer que le capital est régula-
risé en fonction du risque et qu’en cas
de faillite, le cabinet dispose de suffi-
samment de capital pour couvrir la
position des clients. « S’il y a urgence,
le processus est rapide, la priorité étant
la protection des comptes clients »,
insiste Carmen Crépin. Elle rappelle
qu’advenant le pire, le Fonds canadien
de protection des épargnants offre pour
chaque compte une garantie maximale
d’un million de dollars.
Le deuxme aspect de l’inspection
annuelle touche à la conduite des affai-
res. L’organisme s’intéresse plus
spécifiquement aux systèmes et aux
contrôles en place, tout en étendant les
rifications aux comptes clients et au
pupitre de gociation. L’on s’en doute,
une attention particulre est portée aux
formulaires d’ouverture de compte, à la
fixation des objectifs de placement et à
latermination du deg de torance
au risque du client. « On ne saurait trop
insister sur l’importance d’une mise à
jour régulre des données du dossier du
client », poursuit Mme Crépin. Le prin-
cipe de la bonne connaissance du client
(know-your-client) est roi et maître.
« Nous avons élaboré un outil pour
déterminer le risque
que présente le cabinet
et pour circonscrire la
conduite des affaires, et
ce tant pour les sièges
sociaux que pour les
succursales », renché-
rit la vice-présidente,
qui précise que son
organisme se réserve
également le droit à des
inspections surprises.
Chaque plainte reçue
par l’OCRCVM est
examinée séparément.
Quant aux coûts de l’inspection
annuelle, les heures sont facturées au
membre visité. On peut parler d’une à
deux semaines de travail, soit
de 80 à 100 heures, pour chacun des
deux aspects liés à la conformité. Si
l’exercice génère un dossier discipli-
naire, une amende peut en découler.
Si une insuffisance de capitalisation est
décelée et qu’un avertissement est
émis, il peut s’ensuivre une pénalité
sous forme d’une contribution accrue
au Fonds canadien de protection. En
clair, les dérogations peuvent coûter
cher alors qu’une bonne conformité
devient synonyme de frais stables.
AJUSTER LE TIR
Cela dit, Mme Crépin insiste sur le
fait que « l’inspection se fait dans un
esprit de prévention et d’amélioration
de la conformité ».
Une approche que confirme
James McMahon, président de Force
Financière Excel. La succursale de
Québec a reçu la visite des inspecteurs
l’an dernier. L’activité fonds d’investis-
sement du groupe a eu droit aux
mêmes honneurs en 2007. « Notre
numéro a été pigé », lance à la blague
M. McMahon, en référence à la
méthode de sélection de l’AMF. Les
échanges ont été très cordiaux.
Les inspecteurs ont passé environ
quatre jours à regarder les processus et
la façon de faire d’Excel. « Ce fut très
positif. Ils regardent nous sommes
conformes, nous le sommes moins.
Lorsque des recommandations sont
émises, on voit avec eux comment et
l’on doit ajuster notre tir, nos processus. »
L’exercice a permis à M. McMahon de
constater que les inspecteurs n’étaient
pas pour « chercher des puces », mais
qu’ils pouvaient se montrer rigides sur
certains aspects. « Par exemple, dans les
activis de fonds d’investissement, ils
ne sont pas très souples lorsque la ques-
tion de la conformi est en jeu. Mais ça
va, c’est normal. C’est même sain. »
Ding, dong, cest l’inspecteur !
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Dans un contexte de
marchés boursiers
difficiles, le nombre
de plaintes a tendance
à augmenter.
Carmen Crépin, vice-présidente de l’OCRCVM
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