Psychopathologies rencontrées sur l`île de Mayotte entre 1998 et

L’Encéphale (2008) 34, 123—131
Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com
journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep
MÉMOIRE ORIGINAL
Psychopathologies rencontrées sur l’île de
Mayotte entre 1998 et 2004
Psychopathologies encountered on the island of
Mayotte between 1998 and 2004
C. Charbonniera, C. Massoubreb,, D. Szekelya, R. Airaulta, F. Langc
aCentre de santé mentale, 94, rue du Commerce, 97600 Mamoudzou, Mayotte
bService des urgences psychiatriques, hôpital Bellevue, 25, boulevard Pasteur, 42100 Saint-Étienne, France
cDépartement hospitalo-universitaire de psychiatrie, hôpital Bellevue, 25, boulevard Pasteur, 42100 Saint-Étienne, France
Rec¸ule6d
´
ecembre 2005 ; accepté le 26 d´
ecembre 2006
Disponible sur Internet le 24 octobre 2007
MOTS CLÉS
Mayotte ;
Psychiatrie ;
Ethnopsychiatrie ;
CIM 10 ;
Afrique
Résumé Avant 2001, les soins psychiatriques sur l’île de Mayotte étaient assurés par des mis-
sions venant de la Réunion. Depuis cette date, une organisation de la santé mentale a été
mise en place progressivement, même si la culture mahoraise, mêlant pratiques musulmanes
et traditions animistes, laisse encore une large place aux tradipraticiens. Il s’agit ici d’une
étude rétrospective portant sur 1212 dossiers de psychiatrie visant à répertorier les diffé-
rentes psychopathologies sur l’île de Mayotte entre 1998 et 2004 selon la CIM 10. Ont été
comparés les dossiers avant et après l’ouverture du centre de santé mentale ainsi que les diag-
nostics psychiatriques des Comoriens et des expatriés. Les résultats montrent une évolution
des pathologies rencontrées entre 1998 et 2004. Il convient de noter un nombre de tentatives
de suicide beaucoup plus faible que dans les pays occidentalisés. Les particularités culturelles
sont également prises en compte dans la discussion de ces résultats. Les résultats de cette
étude confortent les impressions ressenties par les praticiens et montrent les effets de la poli-
tique de santé mentale sur l’île tout en pointant les axes de développement possibles dans ce
domaine.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Auteur correspondant.
Adresse e-mail : [email protected] (C. Massoubre).
0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2008.
doi:10.1016/j.encep.2006.12.004
124 C. Charbonnier et al.
KEYWORDS
Mayotte Island;
Psychiatry;
Ethnopsychiatry;
ICD 10;
Africa
Summary Before 2001, psychiatric care on the island of Mayotte was ensured by missionaries
from the Reunion Island. A mental health system has since been gradually installed, although
the culture in Mayotte, mixing practicing Muslim women and traditional animists, still leaves a
broad place for traditional healers. This paper presents a retrospective study of 1212 psychiatric
case reports, aimed at indexing the various psychopathologies according to the CIM 10, on the
island of Mayotte between 1998 and 2004. The files, before and after the opening of the mental
health centre, were compared with those of the psychiatric diagnoses of the Comorians.
The results show an evolution in the chronic pathologies treated in the Comorians: delirious
disorders, and the organic, major, mental disorders in the first psychiatric files have given
way to depressive episodes and somatoform disorders. Nevertheless, an underlying prevalence
of depression and addiction persist. It is interesting to note the reduced number of suicide
attempts, far lower than in western countries: one suicide attempt per annum for 375 inha-
bitants in metropolitan France, whereas, in this study, one suicide attempt in Mayotte was
reported for 2504 inhabitants.
The cultural characteristics are also taken into account in the discussion of these results.
Thus, if there are more demonstrations with somatic expression in the Comorians, related to
a stronger implication of the body in situations of psychological faintness: 1.75% of hysterical
conversion in the Comorians versus 0.99% in Mayotte, this does not mean a more histrionic
personality in this population: 1.8% of Comorians, against 1.98% in Mayotte.
The results of this study consolidate the impressions felt by the experts and show the effects
of the mental health policy on the island. Thus, the assumption of responsibility of chronic
psychotics made it possible to improve their quality of life, and to decrease the number of
medical evacuations that decreased from 17 to three, between 2001 and 2004. However, this
study also underlined the possible axes of development in this field, namely the assumption
of responsibility of psychiatric emergencies with a crisis centre, and the development of a
specialized pedopsychiatric assumption of responsibility. Indeed, in the first six months of 2004,
35% of the patients were 0—20 year-old.
© L’Encéphale, Paris, 2008.
Introduction
Mayotte est une île de 374 km2située au nord-ouest de Mada-
gascar. Elle appartient à l’archipel des Comores qui inclut
également la Grande-Comore, Anjouan et Mohéli. Malgré son
statut actuel de collectivité départementale franc¸aise, il a
fallu attendre 2001 pour qu’une structure de prise en charge
psychiatrique y soit créée. Les seules informations dispo-
nibles à ce sujet concernent une étude de 1993 portant sur
58 cas, effectuée lors d’une mission psychiatrique venant de
la Réunion [16], donc antérieure à la mise en place d’une
organisation de la santé mentale sur l’île.
La population mahoraise prend ses origines du peuple
bantou ayant émigré de la côte orientale de l’Afrique. Par
la suite, les populations islamisées venues de Perse vont ins-
taurer un système de sultanat. Cette population mahoraise
est essentiellement musulmane ; bien que disposant d’une
culture qui lui est propre, son mode de vie est très influencé
par l’Afrique orientale, les autres îles des Comores et l’île
de Madagascar géographiquement proche. Une vision tradi-
tionnelle de la maladie y est encore très présente. Ainsi, les
cérémonies de possession à but thérapeutique, en particu-
lier les patrosi mahorais et les trumba malgaches, sont une
pratique très courante sur l’île [13].
L’utilisation d’une classification internationale telle que
la CIM 10 [7], dénuée de critères ethnologiques [8], doit
être vue comme un outil d’aide au repérage de la psychopa-
thologie qui doit ensuite faire l’objet d’une analyse tenant
compte des particularismes culturels. L’ethnopsychiatrie a
souvent recours à des cas cliniques pour illustrer son propos.
Nous avons voulu ici utiliser «cet ailleurs », africain par son
mode de vie et franc¸ais par son administration, pour faire
se rencontrer deux concepts parfois considérés comme anti-
nomiques : la psychiatrie transculturelle et les statistiques.
Cela dans le but de faire ressortir des caractéristiques glo-
bales correspondant à une pratique locale de la psychiatrie.
Population et médecine à Mayotte
Mayotte comptait 160 265 habitants au dernier recensement
de juillet 2002. Les Mahorais de souche, dont 98 % sont des
musulmans [11], balancent entre un islam très présent dans
sa pratique quotidienne et des croyances animistes venant
d’Afrique et de Madagascar reposant sur des traditions
orales [9]. Les deux se mélangent tout comme se mélangent,
dans un autre domaine, la pratique des médecines tradition-
nelle ancestrale et occidentale plus récemment.
La conception traditionnelle de la maladie à
Mayotte
Il faut voir la maladie comme un modèle explicatif cultu-
rellement construit, c’est-à-dire un concept et non une
chose [20]. L’individualisme et le dualisme corps/esprit,
naturel/surnaturel, visible/invisible ne font pas référence
ici [12]. La maladie n’est pas systématisée par la concep-
tion organique du corps humain. La médecine traditionnelle
Psychopathologies rencontr´
ees sur l’ˆ
ıle de Mayotte entre 1998 et 2004 125
prend tout problème, physique, mental ou familial, dans
son ensemble et se concentre sur l’origine extérieure de
ce désordre [2]. Cette origine peut être liée à Dieu, aux
sorts, aux esprits ou au mauvais œil, la jalousie collective
engendrant le mal [14].
Le parcours thérapeutique est alors jalonné par diffé-
rents thérapeutes traditionnels, appelés fundis «ceux qui
savent »en shimaoré.Lefundi mwalimu (maître guérisseur)
identifie l’origine du mal. S’il s’agit d’une maladie de Dieu,
inscrite dans le parcours de vie, il donnera un traitement
pour les symptômes à base de plantes et amènera parfois
les patients à consulter la médecine occidentale. S’il pense
qu’il s’agit du mauvais œil, ou d’un mauvais sort jeté sur
la personne, il conseillera de consulter un fundi wa shioni
(maître coranique) qui soigne avec des sourates, élaborera
des amulettes et des contre sorts afin de stopper le mal.
Dans le cas d’une possession, il orientera plutôt vers un fundi
wa djini (maître des esprits) qui déterminera l’origine de
l’esprit en question et proposera des cérémonies à effectuer
pour faire alliance avec l’esprit (adorcisme) ou éventuel-
lement le faire sortir du corps du malade (exorcisme)
[6].
De cette présentation très schématique, il faut ainsi gar-
der à l’esprit qu’un tiers des femmes adultes sont un jour
ou l’autre considérées comme possédées à Mayotte [5].
La médecine occidentale à Mayotte
La densité médicale était de 56 médecins pour 100 000 habi-
tants en 2002, contre 154 à la Réunion et 202 en métropole
[11]. Il y a deux hôpitaux à Mayotte, auquel on peut ajouter
l’ouverture d’un hôpital sud en mai 2005. Ilyaunscanner,
pas d’IRM et certaines spécialités telles que la neurologie
ne sont pas présentes sur l’île. Par ailleurs, un réseau de 19
dispensaires et 13 maternités, sous la responsabilité d’un ou
plusieurs médecins généralistes, est réparti dans l’île.
Mayotte et la psychiatrie
Les prémisses
Il faudra attendre 1984 pour voir la première mission psy-
chiatrique venant de la Réunion poser le pied à Mayotte.
Cette mission de quinze jours, composée de deux psy-
chiatres, une psychologue et un infirmier, concluait dans une
note succincte qu’il fallait redouter la création d’une unité
de type non traditionnelle de prise en charge de la santé
mentale à Mayotte.
Il en ressortait une volonté de considérer les pratiques
traditionnelles à part entière dans la prise en charge psy-
chiatrique, ce qui est effectivement nécessaire, mais non
suffisant dans un cadre plus général de santé publique.
En 1993, sous l’impulsion des Dr Reverzy et Mauvisseau,
est rédigé un rapport de mission de 360 pages faisant suite
à une mission psychiatrique de quinze jours à Mayotte [16].
Les conclusions de ce rapport envisagent, cette fois, la
création d’un dispositif de santé mentale publique conc¸u
avec les logiques étiologiques et thérapeutiques de la
culture mahoraise, communautaire, pluridisciplinaire, en
articulation cohérente avec les tradipraticiens.En 1995, le
Dr Ramlati, médecin généraliste mahoraise ayant fait un
stage de psychiatrie à Saint-Paul sur l’île de la Réunion, est
affectée à la prise en charge des patients psychiatriques
de l’île. Devant l’ampleur de la tâche et le manque de
moyens, elle démissionne en 1997. Par la suite, elle par-
ticipera à une certaine médiatisation de l’enfermement
des patients psychiatriques via ,entre autres, un reportage
télévisé diffusé sur la chaîne locale. Cela influera sur la
décision politique de création d’une structure psychiatrique
locale.
Cette problématique de maltraitance des patients
psychiatriques était déjà pointée par le rapport cité
précédemment, insistant sur la persistance de conduites
archaïques d’exclusion et d’enfermement à domicile. Elle
représente aujourd’hui un phénomène marginal à Mayotte
[14,16], mais encore très courant dans les autres îles des
Comores.
Entre 1997 et 1998, trois missions ont été effectuées.
La constitution de dossiers médicaux contenant des obser-
vations psychiatriques est alors mise en place. La première
série de la présente étude débute à partir de ces données.
La mise en place d’un centre psychiatrique à Mayotte
C’est en septembre 2001 que le Dr Airault, psychiatre pra-
ticien hospitalier, est recruté comme chef de service pour
organiser une politique de santé mentale cohérente sur l’île.
Très rapidement, une équipe se met en place. Tout d’abord,
un Mahorais est engagé comme traducteur en novembre de
la même année, suivi en janvier 2002, d’une psychologue,
d’une infirmière et d’une secrétaire. En juin 2002, le centre
de santé mentale s’installe dans ses locaux actuels, rue du
Commerce, au centre de Mamoudzou, en dehors des murs
de l’hôpital général. Un Shidjabou, cérémonie de protec-
tion musulmane, y est effectué le 22 septembre 2002 par
quatre religieux. L’équipe s’étoffe encore avec l’arrivée
d’un deuxième médecin sur un poste d’assistant en août
2002, puis de deux infirmières, ainsi que deux traductrices
supplémentaires en juillet 2003. En octobre de la même
année, un deuxième psychologue est recruté. En novembre
2004, le premier interne vient renforcer cet effectif, alors
composé de trois postes de médecin, deux praticiens hospi-
taliers et un assistant.
L’organisation de la santé mentale
Dès le début, l’accent est mis sur la constitution d’un réseau
avec la création de consultations de liaison psychiatrique
dans les hôpitaux de Mamoudzou, où se trouve aujourd’hui
le centre de santé mentale et de Dzaoudzi sur Petite terre.
Par la suite, des visites hebdomadaires de détenus à la
maison d’arrêt de Majicavo s’organisent. À cela s’ajoutent
des consultations dans les dispensaires et des visites à
domicile, afin de faire le point avec les médecins généra-
listes sur les patients psychiatriques les plus lourds, dans
le but de prévenir les rechutes. De manière plus générale,
l’existence de soins psychiatriques gratuits au sein d’une
structure sociale africaine n’est pas une chose très com-
mune, car comme dans tous les pays pauvres, on privilégie
souvent les soins dits primaires dans les sociétés africaines
[10].
Le lien avec les structures traditionnelles existantes [4]
Nous ne ferons ici qu’effleurer cette question récurrente
à tous les ouvrages traitant d’ethnologie et de médecine.
126 C. Charbonnier et al.
L’idée directrice est la suivante : mieux se connaître pour
comprendre l’intérêt de travailler vers un but commun, mais
où chacun reste dans son rôle.
Cela passe tout d’abord par la mise en place d’un réseau,
ce qui signifie connaître certains tradipraticiens, aller les
voir travailler, assister à des traitements et à des cérémonies
de possessions. Parallèlement, cela signifie faire venir des
tradipraticiens pour leur faire découvrir notre lieu de travail
et notre fac¸on de travailler.
En effet, la vision qu’ont les Mahorais de la psychiatrie
est tout aussi fantasmatique que celle que nous avons, nous,
des pratiques traditionnelles et des cérémonies de posses-
sion. Elle est parfois aussi vécue comme la faillite des modes
traditionnels de prise en charge [18].
Considérons ainsi la mise en place chez un patient
d’un traitement antipsychotique sans tenir compte de
l’environnement social de la maladie : aux yeux de la
communauté, le patient restera possédé par un esprit mau-
vais tant qu’une cérémonie n’aura pas eu lieu. Le patient
se verra alors renvoyer l’image de sa propre «folie »par la
communauté, d’autant plus fortement qu’il n’aura pas eu de
traitement traditionnel. Cela constituera un frein important
à l’amélioration clinique du patient [19].
Gardons à l’esprit que les pratiques traditionnelles sont
en place depuis plusieurs siècles sur l’île de Mayotte, alors
que la médecine psychiatrique, elle, y est présente depuis
moins de dix ans. Le rôle du psychiatre consistera à donner
un accord tacite pour ce genre de pratiques, les démarches
étant entamées dans le même temps que la prise en charge
psychiatrique. Ces démarches sont laissées le plus souvent à
l’initiative de la famille, les tradipraticiens étant connus de
tous. Cependant, le médecin peut parfois être à l’initiative
de l’intervention d’un ou plusieurs tradipraticiens. Cela
avait été évoqué dans le cadre de crises de possessions
répétées chez des jeunes dont le lycée était construit sur
l’emplacement d’un village d’esprits.
En outre, si la psychiatrie est pour l’instant gratuite à
Mayotte, ces pratiques traditionnelles ont un coût. Il faut
en tenir compte pour ne pas orienter des patients vers des
soins qu’ils ne pourraient pas assumer financièrement.
L’intervention des tradipraticiens apporte donc une dyna-
mique positive dans la prise en charge sociale et familiale
de la maladie, que ce soit dans un cadre névrotique,
mais également, comme nous l’avons vu précédemment,
pour certaines psychoses. Inversement, pour des patients
psychotiques aux pathologies bruyantes, certains tradi-
praticiens demandent aux familles de faire appel à la
médecine occidentale, ce qui constitue alors une alter-
native aux pratiques d’enfermement qui existaient par le
passé.
En résumé, la connaissance de la culture, voire de la
langue mahoraise, représente toujours un atout dans la prise
en charge psychiatrique, mais aussi somatique, des patients.
Les traducteurs mahorais jouent ici un rôle essentiel, et ces
liens que nous décrivons existent déjà, mais pourraient être
renforcés par des rencontres dans les cas les plus problé-
matiques. Par ailleurs, s’il s’agit d’une aide précieuse à
la compréhension des mécanismes de la maladie et à leur
prise en charge, elle doit être considérée comme complé-
mentaire de notre pratique médicale qui reste, elle, sur
des schémas de fonctionnement psychique et somatique à
l’occidentale.
Population et méthode
Population : deux séries ont été étudiées
La première série
Elle contient les dossiers numérotés de 1 à 612, couvrant
une période allant de janvier 1998 à mars 2002. Parmi ces
dossiers, douze étaient inexploitables.
Elle correspond aux premiers dossiers élaborés lors du
passage des missions psychiatriques venant de la Réunion et
à ceux créés après l’instauration de la psychiatrie à Mayotte,
en septembre 2001, mais avant l’ouverture du centre de
santé mentale qui interviendra le 1er juin 2002.
La deuxième série
Elle contient les dossiers numérotés de 2232 à 2832, soit 600
dossiers ayant été créés dans la période allant du 1er janvier
2004 au 30 juin 2004 et recouvrant six mois d’activité du
service.
La psychiatrie est alors présente de manière permanente
depuis plus de deux ans à Mayotte et dispose de locaux de
consultations sous la forme d’un centre de santé mentale
depuis un an et demi.
Méthode
Il s’agit d’une étude descriptive rétrospective menée sur
deux échantillons de même taille, étudiés à deux périodes
différentes.
Nous avons effectué le recueil de données à l’aide des
dossiers papier entrés dans un logiciel mis au point par le
service informatique de l’hôpital de Mamoudzou à Mayotte.
Ces données ont ensuite été exploitées avec le logiciel Excel.
Pour chaque dossier traité, les données suivantes ont été
entrées dans le logiciel :
Date de naissance
Classement par tranche d’âge des patients.
Sexe
Proportion homme/femme : ratio.
Pays d’origine
La première source d’immigration à Mayotte est représentée
par les Comoriens des îles voisines appartenant à la Fédéra-
tion islamique des Comores. Nous avons voulu savoir dans
quelle proportion cette population consulte le centre de
santé mentale. La nationalité franc¸aise regroupe les Maho-
rais de souche et les métropolitains expatriés.
Par ailleurs, les termes comoriens et expatriés employés
dans cette étude vont, eux, concerner un autre type de
répartition, plus culturel : sont ici considérés comme Como-
riens les Mahorais franc¸ais, ainsi que les Comoriens non
franc¸ais pouvant tous deux s’identifier en terme d’état civil
par rapport au prénom du père qui remplace le nom de
famille. Le groupe des expatriés regroupe les métropoli-
tains, les Réunionnais et les autres étrangers occidentalisés
pour la plupart, identifiés par le nom de famille. Il s’agit
donc des expatriés non comoriens.
Psychopathologies rencontr´
ees sur l’ˆ
ıle de Mayotte entre 1998 et 2004 127
Étiologie traditionnelle des troubles
Ce n’est pas l’existence d’un lien dans l’esprit du patient
entre sa pathologie et les croyances locales qui est étudiée
ici, mais bien son évocation face à un médecin, étranger à
cette culture, et le fait que ce dernier en fasse mention dans
le dossier médical.
Les tentatives de suicide
Nous avons complété les données de l’étude par des données
annuelles.
Les évacuations sanitaires vers la Réunion
Les chiffres des trois dernières années sont mentionnés ici.
Diagnostics CIM 10 [7]
L’absence de diagnostic psychiatrique concerne les patients
pour lesquels il n’y a pas eu de traitement ou de prise en
charge psychothérapique suite à la première consultation.
Résultats
Sexe
Le ratio homme/femme est de 1,15 dans la première série
et passe à 0,89 dans la deuxième. Soit une légère pré-
dominance masculine (53,5 %) dans la première série, qui
s’inverse dans la deuxième (52,9 % de femmes).
Répartition par classe d’âge
Le Tableau 1 montre les données relatives à la répartition
par classe d’âge.
Répartition par pays d’origine
Les données de la première série, étant incomplètes, n’ont
pas pu être exploitées. Le Tableau 2 donne le pourcentage
de consultants selon leur nationalité.
En utilisant le mode de répartition décrit dans le para-
graphe «pays d’origine », les Comoriens représentent 83,9 %
des patients et les expatriés représentent ici 16, 1 % des
consultants.
Tableau 1 Pourcentage de consultants par classe d’âge
dans les deux séries.
Classe d’âge (ans) 1re série :
1998—2002 (%)
2esérie :
janvier—juin 2004 (%)
0—10 1,64 6,3
11—20 13,46 29,09
21—30 33,33 28,53
31—40 27,25 17,76
41—50 12 9,79
51—60 8,37 5,73
61—70 2,95 1,68
71—80 0,5 0,56
81—90 0,5 0,56
Tableau 2 Pourcentage de consultants selon leur
nationalité.
Nationalité Pourcentage de
consultants (%)
Franc¸aise 64
Comorienne autre que franc¸aise 35
Étrangères autres 5
Inconnue 1
Étiologie traditionnelle des troubles
Elle est retrouvée chez 9,5 % des patients (sur l’ensemble
des patients des deux séries). Ce chiffre monte à 13 % si on
exclut les métropolitains et les étrangers non comoriens.
Les tentatives de suicide
On dénombre 86 tentatives de suicide entre septembre 2001
et septembre 2002, 48 l’année suivante et 26 sur les six
premiers mois de l’année 2004.
Les évacuations sanitaires
De septembre à septembre, ilyaeu17évacuations sani-
taires pour l’année 2001—2002, huit pour la même période
en 2002—2003 et trois entre 2003 et 2004.
Les diagnostics
Le Tableau 3 indique les différents diagnostics rencontrés et
le Tableau 4 montre les trois diagnostics les plus fréquents.
Analyse, discussion
Date de naissance
Dans la première série, on note 60 % de patients entre 20 et
30 ans.
Dans la deuxième série, on note que 35 % des patients ont
entre zéro et vingt ans.
Dans les deux séries, la prévalence des personnes âgées
reste faible : moins de 4 % des patients dans les deux séries
ont 61 ans et plus.
Une prise en charge pédopsychiatrique spécialisée, sou-
vent absente dans les pays pauvres [15], devra donc être un
des axes prioritaires du développement de la santé mentale
à Mayotte.
Sexe
Majoritaires dans la première série, les hommes deviennent
minoritaires dans la seconde. On peut relier ces chiffres
aux diagnostics qui, pour la première série, comportaient
une majorité de pathologies psychotiques, à prédominance
masculine, alors que dans la deuxième série, les troubles
anxieux et dépressifs, à prédominance féminine, devenaient
majoritaires.
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