L`ECG est-il utile en l`absence de symptômes cliniques? Données

DOI : 10.1684/med.2013.0996
STRATÉGIES
Jean-Pierre Vallée
Pierre Gallois
Yves Le Noc
Société Française
de Documentation
et de Recherche
en Médecine Générale
jeanpierre.val-
Mots clés : ECG ;
diabète de type 2 ;
évaluation
des risques ;
facteurs de risque ;
prévention primaire ;
maladies
cardiovasculaires ;
sujet âgé
Des données pour décider en médecine générale
La prévention cardiovasculaire est l’une des préoccupations essentielles et difficiles
pour les professionnels des soins primaires, pour de multiples raisons. Cette évalua-
tion au plus près du risque cardiovasculaire permet un choix décisionnel adapté au
patient concerné. Mais le choix des moyens (ou des outils) utilisables ne relève-t-il pas
parfois du caractère systématique du « principe de précaution » si souvent avancé
depuis quelque temps ? L’ECG de repos ou d’effort fait partie de ces examens
banals et quasi systématiques à propos desquels il y a peu de place au doute... Pour-
tant, une revue systématique de l’agence américaine US Preventive Services Task
Force (USPSTF) et le guideline qui en découlait, en 2011 et 2012 [1, 2] rappelaient que,
chez un patient asymptomatique, l’ECG n’apporte aucune information significative sup-
plémentaire par rapport à la seule clinique. Chez un homme adulte asymptomatique,
les « chances » de trouver une maladie coronarienne sévère sont évaluées à environ
0,5 %. La prévalence du risque d’événements coronariens, de l’ordre de 5 à 25 % chez
un patient asymptomatique, est telle que la plupart des résultats positifs sont des faux
positifs qui pourraient engendrer des examens invasifs non nécessaires [3]. Il n’y a
donc aucune indication à l’ECG sous quelque forme que ce soit (au repos ou à l’effort)
dans ce cas... Mais peut-on éviter la fascination de la « machinerie médicale », chez
les patients comme chez les médecins ?
Abstract: Is the ECG useful in the absence of clinical symptoms? Evidence Data 2013
Many patients are asymptomatic until a first major coronary event. The traditional clinical evaluation of risk factors
may help predict cardiovascular risk in the longer term, but very imperfectly. ECG “screening” is no exception
to the general reflection on the risk/benefit ratio of screening.
Among patients with type 2 diabetes, we do not know how to select those who are at high cardiovascular risk;
even if we knew, the actions anyway affect all diabetics. The resting ECG recommended in case of asymptomatic
diabetes should logically address a nostalgic past... Clinical examination and history are both key to the decision.
In patients with hypertension, the recommended first-line ECG monitoring keep a “relative” indication for the
diagnosis of left ventricular hypertrophy, but what is good for diabetes is also for hypertension: the clinical
examination remains the key decision.
For elite athletes, for whom the challenge is to prevent sudden death during competitions, no further examination
has made any “evidence” of sufficient quality concerning its “predictive” value in this field.
In 2013, there is therefore no evidence that the practice of ECG “screening” for asymptomatic subjects, consi-
dering resting or stress ECG, improves clinical outcomes in the medium or long term.
Key words: Aged; Cardiovascular diseases; ECG; Primary Prevention; Risks Assessment; Risk Factors; Type 2
diabetes
L'ECG est-il utile
en l'absence de symptômes
cliniques ?
Données factuelles 2013
Ces dossiers sont issus de textes publiés chaque semaine depuis quelques années
dans Bibliomed. Actualisés si nécessaire en fonction des données les plus récentes,
ils ne résultent pas d’une revue systématique de la littérature, mais d’une veille
documentaire en continu des principales revues médicales publiant des études fon-
dées sur les preuves, ou des recommandations en résultant. Ils ont pour ambition
de fournir au médecin généraliste une actualisation des données sur les questions
pertinentes pour leur pratique retenues par le comité de rédaction.
Les questions auxquelles répond ce dossier ont fait l’objet de 4 publications de Bibliomed : 698 du 14 mars 2013, 702 du 18 avril 2013, 705
du 9 mai 2013, 710 du 13 juin 2013.
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septembre 2013MÉDECINE
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Nous envisageons dans cet article l’utilisation « courante » de l’ECG (dit de routine ou de dépistage), y compris chez les
sujets âgés, les patients diabétiques ou hypertendus, et même les sportifs de haut niveau, où les positions américaines et
européennes divergent fortement. Il n’y a toujours pas d’essais sur l’effet de ces examens sur le devenir clinique des
patients. Selon les conclusions d’un éditorialiste du National Heart, Lung, and Blood Institute américain commentant la
méta-analyse de l’USPSTF [4] : « compte tenu de l’absence persistante de preuves, les cliniciens ne doivent pas intégrer le
dépistage par ECG de repos ou d’effort dans leurs pratiques, sauf dans le cadre d’essais cliniques »...
ECG et risque cardiovasculaire de l'adulte asymptomatique
Il y a en France près de 150 000 décès cardiovasculaires annuels dont près de 40 000 par cardiopathie ischémique [5]. De
nombreux patients sont asymptomatiques jusqu’à un premier événement coronarien majeur. L’évaluation clinique tradition-
nelle des facteurs de risque peut aider à prédire le risque cardiovasculaire à plus ou moins long terme, mais très imparfaitement
[6]. De nombreux électrocardiogrammes (ECG) de repos ou d’effort sont réalisés en « dépistage » chez des patients asympto-
matiques. Une méta-analyse [1] et un guideline [2] de l’agence américaine USPSTF et, pour la population plus âgée, le suivi d’une
cohorte américaine [7], montrent que cette habitude est infondée et pas si anodine qu’il n’y paraît au premier abord.
Qu'ajoute l'ECG à l'évaluation clinique ?
Dans la revue systématique de la Task Force américaine [1],
aucun des essais contrôlés randomisés et cohortes prospec-
tives (en anglais) indexés entre 2002 et 2011 sur Medline et
Cochrane ne montrait que la réalisation d’un ECG de repos ou
d’effort permettait de classer le risque cardiovasculaire
comme élevé, moyen ou faible, mieux qu’avec les facteurs de
risque traditionnels. 63 études prospectives évaluaient la va-
leur prédictive des anomalies de l’ECG après ajustement pour
les facteurs de RCV traditionnels. Les anomalies de l’ECG de
repos (segment ST ou onde T, hypertrophie ventriculaire gau-
che, bloc de branche ou déviation gauche de l’axe) ou d’effort
(abaissement du segment ST lors de l’effort, incompétence
chronotrope, anomalies de récupération, réduction de la capa-
cité d’effort) étaient associées à un risque relatif accru (es-
timé entre 1,4 et 2,1) mais aux conséquences mineures pour
les anomalies de l’ECG de repos, limitées pour celles de l’ECG
d’effort, donc aux implications cliniques peu claires. Aucune
étude n’a évalué les effets adverses des tests ou interven-
tions ultérieurs, par exemple des angiographies (0,6 à 2,9 %)
réalisées après ECG d’effort. Les auteurs ajoutent qu’aucune
étude n’a comparé les résultats cliniques ou l’utilisation de
traitements préventifs après dépistage vs aucun dépistage. Il
est donc impossible à partir de ces données d’établir un ratio
bénéfice/risque de ces ECG de dépistage...
L'ECG est-il plus utile chez la personne âgée ?
Une cohorte de 2 192 Américains de 70 à 79 ans (âge moyen
73,5 ans ; 55 % de femmes ; 41 % de noirs) a été suivie 8 ans
[7]. Cette cohorte faisait partie des 3 075 sujets vivant à domi-
cile de la Health, Aging, and Body Composition Study, après
exclusion de ceux qui avaient des antécédents cardiaques. À
l’ECG standard de début d’étude, 23 % avaient des anomalies
majeures, 13 % des mineures. En 8 ans, il y a eu 351 événe-
ments cardiovasculaires : 96 décès (sur les 602 de toutes cau-
ses), 101 infarctus, 154 hospitalisations pour angor ou revas-
cularisations coronaires. Les anomalies majeures et mineures
du début étaient associées à un risque cardiovasculaire relatif
accru, après ajustement pour les facteurs de risque cliniques,
respectivement 1,51 (1,20-1,90) et 1,35 (1,02-1,81), mais inté-
grer ces anomalies au calcul de risque cardiovasculaire
n’améliorait que de moins de 1 % le calcul traditionnel. Un
deuxième ECG à 4 ans montrait que 208 participants avaient
des anomalies non identifiées au début et 416 des anomalies
persistantes, avec un risque relatif respectif de maladie coro-
narienne ultérieure de 2,01 (1,33-3,02) et 1,66 (1,18-2,34),
sans que cela modifie le score de risque clinique.
Àquoi sert alors de faire ces ECG ?
L’USPSTF distingue 2 cas selon le niveau de risque cardio-
vasculaire évalué cliniquement. Chez les adultes asympto-
matiques à RCV faible (< 10 % à 10 ans), il est recommandé
de ne pas faire d’ECG de repos ou d’effort (grade D). Certai-
nes anomalies sont associées à un risque accru d’événe-
ments coronariens sévères, mais l’ECG n’apporte aucune in-
formation susceptible de modifier le calcul habituel du risque
cardiovasculaire et de prendre des mesures particulières,
donc de réduire l’incidence des maladies à venir. Les risques
induits (interventions exploratoires invasives, revascularisa-
tions inutiles, etc.) sont équivalents ou dépassent les hypo-
thétiques bénéfices attendus. Chez les adultes asymptoma-
tiques à risque cardiovasculaire modéré (10 à 20 %) ou élevé
(> 20 %), les données actuelles sont insuffisantes pour éva-
luer la balance bénéfices/risques : l’USPSTF ne peut donc
faire de recommandation pour ou contre.
Que conclure pour notre pratique ?
L’ECG « de dépistage » n’échappe pas à la réflexion gé-
nérale sur le dépistage. L’intérêt de dépister les signes an-
nonciateurs ou précurseurs de pathologies à venir semble
« intuitivement évident ». Pourtant, ce dépistage peut moti-
ver des examens complémentaires ou des traitements par-
fois responsables d’effets adverses potentiellement graves.
Rien ne permet de supposer que, parce qu’un examen tel
que l’ECG révèle certains risques, l’intégrer dans les prati-
ques les réduise. Prédire n’est pas prévenir...
Le calcul du risque cardiovasculaire reste la base de nombreu-
ses décisions thérapeutiques, notamment préventives.
L’examen clinique et l’anamnèse en restent les deux clés.
L’ECG n’apporte rien de plus... Donc, pas d’ECG « de prin-
cipe » chez un patient asymptomatique, y compris âgé.
314 MÉDECINE septembre 2013
STRATÉGIES
Des données pour décider en médecine générale
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Faut-il faire un ECG annuel en cas de diabète asymptomatique ?
L’USPSTF américaine ne peut répondre à cette question en 2012 [2], alors que la HAS française recommande l’ECG dans
son guide ALD du diabète de la même année [8]. La controverse grandit, essentiellement pour 2 raisons : 1) nous ne
savons pas comment sélectionner parmi les patients atteints de diabète de type 2 asymptomatique ceux qui sont à haut
risque cardiovasculaire ; 2) même si nous le savions, les mesures à prendre concernent de toutes façons tous les diabéti-
ques : mode de vie, contrôle médicamenteux des facteurs de risque d’athérosclérose, contrôle de la glycémie... Selon les
récentes analyses de l’USPSTF [1], de l’American Diabetes Association (ADA) [9] et du NICE anglais [10], et un essai
randomisé [11, 12], l’ECG de repos préconisé en cas de diabète asymptomatique devrait logiquement relever d’un passé
nostalgique...
Risque coronarien du diabétique
asymptomatique
Il est plus élevé qu’en population générale, mais les conclu-
sions de la revue systématique de l’USPSTF [1] incluaient
également des patients diabétiques : dans 2 études évaluant
l’ECG d’effort chez les diabétiques, un sous ou sus-décalage
de ST à l’effort était associé à un risque doublé de décès
coronarien ; dans une autre, le risque de mortalité toutes cau-
ses était plus faible (RR 0,65) s’il y avait meilleure adaptabilité
à l’effort chez des femmes ayant une intolérance au glucose
ou un diabète non diagnostiqué. L’ADA souligne que l’éva-
luation classique à partir des différents facteurs de risque ne
permet pas de déterminer parmi les diabétiques asympto-
matiques lesquels sont à risque élevé [9]. Mais comme
l’USPSTF,l’ADA conclut que les différents tests de dépis-
tage, y compris les plus modernes (comme le scoring du
calcium dans les artères coronaires), ne permettent pas plus
clairement une stratification du risque et peuvent conduire à
des tests invasifs à risque : la balance bénéfices/risques de
la démarche reste incertaine chez des patients asymptoma-
tiques. Le guideline du NICE, un peu plus ancien, compare
différentes méthodes de calcul de risque [10]. Il conclut au
final que tous les patients diabétiques doivent être considé-
rés comme à risque cardiovasculaire élevé sauf s’ils sont
« normotendus, de poids normal, non fumeurs, sans microal-
buminurie, à profil lipidique normal, et sans antécédents car-
diovasculaires personnels ou familiaux ».
Que faut-il donc évaluer et comment ?
L’ADA et le NICE recommandent, chez tous les patients at-
teints de diabète de type 2, d’évaluer au moins une fois par an
(les antécédents de pathologie coronarienne familiale préma-
turée étant supposés connus) les facteurs de risque cardio-
vasculaire cliniques et biologiques : hypertension, surpoids,
tabagisme, dyslipidémie, micro- ou macro-albuminurie, à trai-
ter selon les besoins, conformément aux recommandations.
L’ECG (de repos ou d’effort) n’a pas sa place dans cette éva-
luation annuelle.
«Moins, c'est mieux »...
Les publications de l’essai randomisé DIAD (Detection of Is-
chemia in Asymptomatic Diabetics) [11, 12] apportent deux
informations complémentaires. Ces 1123 patients sans au-
cun signe ou antécédent de coronaropathie, avaient un ECG
de repos normal à l’inclusion en 2000-2002. Après randomi-
sation dépistage vs pas de dépistage, 522 ont eu une ima-
gerie (scintigraphie de stress) qui a montré chez 113 (22 %)
une ischémie inductible [11]. À la scintigraphie de contrôle,
3 ans plus tard, plus de la moitié de ceux qui avaient une
ischémie à l’inclusion ne l’avaient plus, et 90 % de ceux dont
la scintigraphie était normale à l’inclusion n’en avaient tou-
jours pas. Pendant ces 3 ans, le traitement médical avait été
intensifié (statines, aspirine, IEC) chez les patients qui
s’étaient améliorés.
Une 2epublication de l’essai [12] rapportait le taux cumulé à
5 ans de 2,9 % d’événements cardiaques, soit 0,6 % par an :
7 infarctus non mortels et 8 décès cardiaques dans le groupe
dépisté vs 10 et 7 (HR 0,88 ; 0,44-1,88, p = 0,73). Dans les
2 groupes, il y a eu durant l’étude une intensification signifi-
cative et équivalente de la prise en charge des risques. Au
total, l’incidence des événements cardiovasculaires a été fai-
ble et non influencée par le dépistage.
Que conclure pour notre pratique ?
Le premier point est plutôt « rassurant » pour nos pa-
tients atteints de diabète : même dans l’étude DIAD réali-
sée en Amérique du Nord, zone géographique à fort risque
cardiovasculaire, celui-ci n’a pas eu l’évolution dramatique
crainte chez des patients recrutés dans des centres de dia-
bétologie. Un traitement bien adapté et personnalisé a eu des
résultats favorables et le « non-dépistage » n’a pas eu d’ef-
fets délétères propres.
Le second nous ramène aux conclusions de l’USPSTF :
examen clinique et anamnèse restent les deux clés de la
décision. Des études surtout nordiques, il est vrai, pays éga-
lement à risque cardiovasculaire de base élevé, ont montré
que le diabète de type 2 définissait de facto une situation de
prévention secondaire. Le NICE propose une approche prag-
matique simple des patients à risque cardiovasculaire élevé,
chez qui l’ECG de repos annuel est à l’évidence inopérant/
insuffisant (reste à définir les modalités et le rythme d’un
« bon » dépistage !). Pour les autres, il est sans intérêt.
315septembre 2013MÉDECINE
STRATÉGIES
Des données pour décider en médecine générale
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Àquoi sert l'ECG «de routine »chez un patient hypertendu ?
Tous les guidelines actuels sur l’HTA, quelles que soient leur origine ou leur méthodologie, font du dépistage de l’hy-
pertrophie ventriculaire gauche (HVG) l’un des critères essentiels de l’évaluation du risque cardiovasculaire [13]. De
nombreuses études ont montré, notamment à partir du suivi de la cohorte de Framingham, que l’HVG multipliait le risque
du patient hypertendu par 5 à 10, autant que s’il avait des antécédents d’infarctus du myocarde [14]. Pour ce qui est de
l’ECG (recommandé par tous) se posent donc les questions d’une part de son efficacité diagnostique et de ses limites,
d’autre part de son intérêt pour le suivi sous traitement.
HVG et ECG
Tous les guidelines font référence à l’ECG pour le diagnostic
de l’HVG lors de la découverte de l’HTA comme un outil pro-
longeant simplement l’examen clinique de 1re intention (sauf
pour les Polonais) [13], débat très ancien pour ce qui
concerne la médecine générale. L’HVG, que traduit une dé-
viation axiale gauche ou un bloc de branche sur l’ECG de
repos, a été associée à un risque cardiovasculaire assez équi-
valent (il est en fait multiplié par un facteur 1,5-1,6) dans les
15 études sélectionnées dans la méta-analyse de l’USPSTF
[1]. Comme pour le risque coronaire, les auteurs concluaient
que les implications cliniques de cet accroissement du risque
n’étaient pas claires. Par ailleurs, une méta-analyse de 21 étu-
des (5 608 patients atteints d’HTA primaire) concluait que les
critères ECG retenus pour l’HVG électrique n’étaient pas suf-
fisants pour exclure une HVG clinique (sensibilité moyenne
de 0,10 à 0,21 selon les critères, spécificité de 0,89 à 0,99)
[14]. L’implication clinique immédiate est que l’ECG n’ap-
porte pas beaucoup plus que l’évaluation habituelle des fac-
teurs de risque. D’autres examens peuvent apporter des don-
nées utiles au choix thérapeutique pour certains patients à
RCV faible à modéré. Chez les patients à RCV élevé, quels
que soient les résultats de ces examens, l’essentiel est que
les interventions nécessaires à une réduction du risque
soient réalisées (tabac, dyslipidémie, poids, etc.) [14].
Échographie indispensable ?
Tous les guidelines actuels recommandent l’échographie en
complément de l’ECG [13]. Le principal obstacle est son coût
(l’association ECG/Écho est facturée en France environ
100 e), mais une récente étude de modélisation à partir de
2 500 essais a montré que le ratio coût-efficacité par rapport
à l’ECG seul en faisait une alternative crédible (dans le sys-
tème de santé américain) : le surcoût immédiat évite une
baisse de qualité de vie et une augmentation des coûts de
traitement ultérieurs résultant d’un retard diagnostique [15].
Une 3eméthode d’évaluation de l’HVG, l’IRM, considérée
comme Gold Standard, reste du domaine d’indications très
spécifiques ou de la recherche clinique [16].
HVG, un risque modifiable ?
La réduction de l’HVG a été chiffrée pour les antihyperten-
seurs dans une méta-analyse [in 16] : - 13 % (sartans), – 11 %
(antagonistes calciques), – 10 % (IEC), – 8 % (diurétiques),
–6%(β-bloqueurs). La plupart de ces patients ayant besoin
d’une plurithérapie, le rôle de chaque médicament a sans
doute peu d’importance, pourvu que soient réduits même
modérément, les facteurs de RCV présents [14]. L’étude
LIFE a montré que chez ces patients, traiter l’HTA était as-
socié à une réduction de la morbi-mortalité cardiovasculaire,
indépendamment de la pression artérielle obtenue ou du mé-
dicament utilisé. Dans une sous-cohorte où l’HVG était suivie
par échocardiographie, les patients qui obtenaient une réduc-
tion plus importante de la masse ventriculaire sous traite-
ment avaient des taux de morbidité et de mortalité toutes
causes moindre, ce qui suggère que cette surveillance pour-
rait permettre d’ajuster le choix, les doses, ou les ajouts de
médicament, hypothèse qui reste à vérifier [16]. Il faut sur-
tout retenir que le traitement de l’HTA et la régression de
l’HVG ne vont pas systématiquement de pair.
Que conclure pour notre pratique ?
L’ECG recommandé en première intention et en suivi chez
le patient atteint d’HTA garde pour le moment une indication
« relative » pour le dépistage de l’HVG. Positif, des examens
complémentaires s’imposent ; négatif, on peut conclure... à la
même exigence si le risque cardiovasculaire évalué incite à la
prudence. On ne saurait mieux dire – comme le font tous les
guidelines actuels – que la découverte et le suivi d’une HTA
nécessitent une évaluation couplée ECG/échographie.
Il est plus difficile de répondre au pourquoi et quand.In-
discutablement, l’HVG est un facteur aggravant du risque car-
diovasculaire. Le savoir lors de la découverte de l’HTA ne peut
qu’inciter à traiter et prendre au sérieux les éventuelles remi-
ses en question du mode de vie (mais en quoi des examens
sont-ils nécessaires ?). Le vérifier au fil de l’évolution (et à
quel rythme ?) pour mieux ajuster le traitement reste à ce jour
une simple hypothèse.
Examen clinique et prise en compte de chacun des fac-
teurs du risque cardiovasculaire restent les deux clés de
la décision initiale et du suivi.
316 MÉDECINE septembre 2013
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Sports de compétition : faut-il faire un ECG systématique ?
La question ne concerne que les athlètes participant en équipe ou individuellement à des compétitions de haut niveau :
ils visent l’excellence sportive, ont un entraînement systématique régulier ; leur appareil cardiovasculaire est soumis à
des contraintes susceptibles d’entraîner arrêt cardiaque et mort subite notamment en cas d’anomalie cardiaque préexistante.
Les recommandations européennes et américaines [17-20] sont diamétralement opposées chez de jeunes sportifs asymp-
tomatiques, comme le montre un récent débat entre cardiologues américains et européens [18].
Arrêt cardiaque subit du jeune sportif
Les American Academy of Pediatrics,American College of
Cardiology,American Heart Association,etHeart Rhythm So-
ciety ont proposé conjointement un état des lieux solidement
référencé sur ce drame mortel s’il n’est pas traité immédia-
tement. Il peut avoir des causes structurelles ou fonctionnel-
les (génétiques ou non, retrouvées à l’échographie ou à l’au-
topsie), électriques (anomalies ECG) ou iatrogènes (drogues
illicites ou médicaments) [17]. Les 3 causes les plus fréquen-
tes sont les cardiomyopathies hypertrophiques, les anoma-
lies coronariennes et les myocardites [18]. Il y a consensus
sur le chiffre de 0,3 % d’incidence annuelle des 2 côtés de
l’Atlantique [18, 19], risque 2 à 3 fois plus élevé chez les jeu-
nes sportifs que chez leurs homologues non sportifs [17].
Dans la plupart des cas, la cause immédiate de l’arrêt cardia-
que est une tachyarythmie ventriculaire, mais certaines aryth-
mies (torsades de pointes par exemple) peuvent être brèves
et spontanément résolutives, provoquant des syncopes ou
présyncopes ou des pseudo-crises convulsives, avec le ris-
que d’erreur ou de retard diagnostique que cela suppose [17].
Y a-t-il des symptômes cliniques d'alerte ?
Aucun outil d’évaluation n’a été validé. Il y a accord d’experts
sur le fait que 4 types d’antécédents semblent plus péjoratifs :
deux personnels (évanouissement ou crise convulsive sans
avertissement à l’effort ou à différents stimuli auditifs ; es-
soufflement ou douleur à la poitrine à l’effort), deux familiaux
(décès avant l’âge de 50 ans, inexpliqué ou d’origine cardiaque
par cardiomyopathie, syndrome de Brugada ou autre).
ECG de repos «de dépistage », oui ou non ?
Oui, disent l’European Society of Cardiology et l’International
Olympic Committee selon les données de l’étude de cohorte
de jeunes athlètes italiens de 12 à 35 ans à Venise
(1979-2004) [20] : le dépistage mis en place en 1982 a fait
passer le taux de morts subites de 3,6 pour 100 000 person-
nes-années à 0,4, sans changement dans la population gé-
nérale non dépistée [in 20], progrès dû surtout au diagnostic
des cardiomyopathies.
Non, selon la National Collegiate Athletic Association améri-
caine (qui réunit les grandes associations sportives des USA)
[18]. En dehors de signes d’appel cliniques, le dépistage ex-
pose à un nombre important de faux positifs, donc à des
tests supplémentaires, interventions médicales et possibles
conséquences nuisibles [18].
Par ailleurs, l’ECG ne peut dépister certaines affections
sans traduction électrique, par exemple coronariennes, ni
éviter des accidents de type commotion cardiaque (choc trau-
matique sur la paroi thoracique en regard de la zone cardia-
que). La prévention de la mort subite d’origine cardiaque re-
pose en partie sur la prévention primaire (prédépistage
clinique ±ECG), mais aussi secondaire : la présence de dé-
fibrillateurs sur les terrains de sport, permettant une défibril-
lation immédiate, a montré son efficacité [17, 20].
Implications médicolégales
En France, aucun texte réglementaire officiel ne mentionne
l’ECG à propos des habituels certificats de « non contre-in-
dication » à la pratique sportive laissés à la discrétion du mé-
decin. Seul, le bilan des quelques 10 000 sportifs de haut
niveau est très encadré : médecin diplômé en médecine du
sport, 2 examens cliniques annuels, 1 ECG de repos annuel,
1 ECG d’effort tous les 4 ans, 1 échographie durant la car-
rière sportive [21]. Il n’existe pas de textes réglementaires
aux USA, où chaque organisation fixe ses propres règles [19].
Les débatteurs américains de 2012 insistent sur la néces-
saire discussion des effets adverses du dépistage, négligée
selon eux par les Européens, et sur les incertitudes épidé-
miologiques [18]...
Que conclure pour notre pratique ?
Malgré l’enjeu considérable de la prévention des morts subi-
tes sur les terrains de sport, le dépistage n’est « simple »
que dans les textes réglementaires... Même la découverte
fortuite d’anomalies génétiques chez un sportif asymptoma-
tique et les bilans complexes qui suivent (y compris chez les
proches) ne suffisent pas toujours à prédire/prévenir la mort
subite [22].
Entre le scepticisme américain (sur l’incertitude pronostique
des données disponibles, y compris génétiques) et la fermeté
européenne (apparemment très « principe de précaution »),
aucune « preuve » de qualité suffisante ne permet de pré-
coniser un quelconque examen pour stratifier le risque
d’une pratique sportive de haut niveau. Il est sans doute
bien difficile de faire partager cette incertitude lorsqu’un dé-
pistage positif débouche sur une interdiction de stade ou une
injonction de fin de carrière sportive...
Liens d’intérêts : Les auteurs déclarent ne pas avoir de lien
d’intérêts en rapport avec cet article.
317septembre 2013MÉDECINE
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