Une nouvelle espèce de Cladochaeta de l`Equateur inquiline des

85
UNE NOUVELLE ESPÈCE DE
CLADOCHAETA
DE L’ÉQUATEUR INQUILINE DES
NYMPHES
DE
CEPHZSUS ERYTHROCEPHALUS
[DIPTERA, DROSOPHZLZDAE; HOMOPTERA, APHROPHORZDAEJ
PAR
Léonidas TSACAS”
**
&
Guy
COUTURIER***
*
Laboratoire de Biologie et Génétique Evolutives, CNRS, 1 route de la Terrasse, F-91198 Gif-sur-Yvette Cedex
**
Laboratoire d’Entomologie, Muséum national d’Histoire naturelle, 45, rue Buffon, F-75005 Paris
***
Antenne ORSTOM, Laboratoire d’Entomologie, Muséum national d’Histoire naturelle, 45, rue Buffon,
i
F-75005 Paris.
SUMMARY
Cladochaeta ptyelophila
Tsacas sp. n. living in the spittle ïnasses
of
the Aphropkorid
Cephisus
erythrocephalus
Walker, is described and illustrated. Sonie data
on
its biology are coinpared with those
of
other species
of
Cladochaeta
living in the spittle inasses
of
the Cercopids
Clastoptera.
Mots-clés
:
Diptera, Drosopliilidae, Cladoehaeta, Diathoneura,
Taxinomie, nouvelle espèce,
biologie, gîte larvaire, stades préimaginaux.
ASHBURNER
(1981)
a publié un article au titre
G
Entomophagous and Othe5
Bizarre Drosophilidae
B,
consacré aux espèces intimement liées
à
d’autres insectes
ou
animaux divers. Dans cet article l’auteur cite le genre
Cladochaeta
et donne un bon résumé
de ce qui est connu
sur
la biologie des larves des espèces du genre, inquilines des nymphes
des Cercopidae (Homoptera) de la région néotropicale.
Dans le présent travail nous présentons une nouvelle espèce de ce genre qu’un de
nous
(G.
C.) a eu l’occasion d’observer et de récolter en Equateur.
I
CIadocltaeta ptyelophila
Tsacas n. sp.
(Fig.
1
à
9)
Holotype
$
et
paratypes,
2
$6
et
3
99,
Equateur, Province de Oriente, San Pablo de Kantesiya
(W
16‘
S,
76”
28‘
IV),
alt. environ 200 m, avril 1985, larves dans l’écume d’Aphrophoridae sur
Manihot esculenta
(G.
Couturier réc.).
MNHN Paris. Cette localité se situe dans .une zone de forêt
mise en réserve sur le rio Aguarico, affluent du
rio
Napo,
à
environ
30
km au Sud-Est de Shushufíndi.
Dans cette région une communauté d’Indiens Sionas cultive le manioc et le maïs sur brûlis.
Espèce d’un brun clair avec sur les ailes des taches brunes semblables
à
celles de
C.
boniplandi
Malloch, elle est caractérisée par les 2 paires de longues soies situées sur chacun des 2 derniers tergites
et les
4
longs
((
bâtonnets
))
de l’épandrium.
ri
1,
[
MALE.
Tête
jaunâtre. Front brunâtre, large, couvert d’une pruinosité argentée, largeur de la tête
:
largeur du front
=
2. Triangle ocellaire mal délimité, sans pruinosité, situé environ aux 2/5e de la
Revue
fr.
Ent.,
(N.S.), 1993, 15
(2)
:
85-90.
NOG
3d.634
a%
A
cote
t
8
86
h-
I
hauteur du front. Orbites plus sombres, étroites non divergentes de la marge de l'œil,
or2
qoitié
moins longue que la
or1
et située
à
l'extérieur et légèrement en avant de celle-ci. Carène absente. Une
forte et courte vibrisse. Joues étroites, œil
:
joue
=
15.
Antennes, flagellum sans poils, allongé, L
:
1
=
1,4,
arista avec
4
à
5
branches supérieures et 1 inférieure, en plus de la fourche terminale.
Thorax
brun clair, un peu plus sombre sur les pleures. Scutum luisant avec
6
rangées
d'ac,
scutellum avec une très légère pruinosité, soies scutellaires basales et apicales légèrement convergen-
tes. Indice des katépisternales
:
0,5,
la soie katépisternale intermédiaire piliforme, courte. Haltères
jaunes. Pattes jaunes. Ailes jaunâtres, longues, étroites, L
:
1
=
2,8,
avec des bandes brunes du même
type que celles des ailes de
C.
bomplundi
(VILELA
&
BÄCHLI,
1990,
fig.
143A),
indice c
=
2,2.
Abdomen
brun.
Fig.
1
à
2,
Cladoehaetaptyelophila
Tsacas n.
sp.,
mâle.
-
1,
épandrium et organes annexes en vue caudale.
-
2,
id.
en
vue
latérale. Echelle
:
0,l
mm.
Appareil génital mâle
(Fig.
1
à
4).
Epandrium étroit avec les lobes ventraux courbés vers
l'intérieur. I1 porte sur sa moitié postérieure une courte pilosité et sur son tiers inférieur de
nombreuses soies de longueur très inégale.
I1
porte également
à
la mi-hauteur et près du bord
postérieur
4
((
bâtonnets
D,
2
de chaque côté, un peu moins longs que le double de la hauteur de
l'épandrium. Surstyles allongés,
à
extrémité élargie et portant une touffe de poils serrés, près de leur
base ils portent également un groupe de
3
à
4
courtes et fortes soies
à
extrémité courbée vers l'apex
des surstyles. Cerques proéminents en grande partie couverts de pilosité et de nombreuses soies de
longueur modérée. Hypandrium plus long que large, concave dans sa partie basale
il porte
2
expansions latérales, une de chaque côté. Phallus
:
distiphallus très large, comprimé latéralement,
l'extrémité en forme de bec.
FEMELLE.
Semblable au mâle, aile
:
L
:
1
=
2,6,
pas de longues soies sur les deux derniers tergites.
Ovipositeur
(Fig.
5
à
6).
Les
2
valves, couvertes de courte pilosité, sont réunies
à
leur base et
élargies
à
leur extrémité
elles portent quelques soies. Epiprocte large
à
sa base, en vue latérale,
à
apex pointu, hypoprocte de la même longueur et, toujours en vue latérale, beaucoup plus étroit.
,'
P'
87
Fig.
3
à
6,
Cladochaetaptyelophila
Tsacas n.
sp.,
mâle et femelle.
-
Mâle.
-
3,
hypandrium, phallus et organes
annexes en vue ventrale.
-
4,
id.
en vue latérale. Femelle.
-
5,
ovipositeur
et cône anal en vue latérale.
-
6,
id.
en vue caudale, soies et poils non figurés. Echelles
:
0,l
mm.
MENSURATIONS.
-
Mâle.
Longueur du corps
:
2,2
mm
;
longueur de l'aile
:
2,4
mm.
-
Femelle.
Longueur du corps
:
2,5
mm
;
longueur de l'aile
:
2,4
mm.
NYMPHE (Fig.
7
à
8).
De couleur claire elle est d'une longueur totale de 4,2 mm. Fusiforme,
en
we
dorsale, elle apparaît en vue latérale sous une forme plus compliquée, son extrémité antérieure
est fortement déprimée, puis elle s'élargit brusquement jusqu'au premier segment abdominal. Par la
suite sa largeur diminue progressivement jusqu'à son extrémité postérieure. Elle porte ventralement
sur sa partie antérieure ou médiane de tous les segments,
à
partir du
2e
thoracique, une aire de
reptation munie de nombreuses dents de taille inégale. De chaque côté de l'avant dernier segment
existent
2
longues soies et
à
l'extrémité du corps 2 touffes de soies moins longues. Les cornes
respiratoires sont développées (indice des cornes
=
16)
portant une demi-douzaine de filaments
chacun. Un matériel plus abondant serait nécessaire pour compléter cette courte description.
RÉPARTITION GÉOGRAPHIQUE. Equateur, Province de Oriente.
Etymologie. Du grec
x~uhov,
salive, et
cptho-,
qui aime.
88
TAXINOMIE.
La position de cette espèce dans le genre
Cladochaeta
n’a pas été évidente au départ,
le
dessin
des taches alaires ressemblant trop,
à
la fois,
à
celles de
Cladochaeta bomplandi
Malloch et de
Diathoneura taeniatipennis
Duda espèce type de ce dernier genre. De plus une ambiguïté entoure la
définition de ces deux genres dont les espèces types ne sont connues que par des femelles. WHEELER
&
TAKADA (1971), figurent un mâle originaire de Cuba identifié, par eux, comme
Cladochueta
nebulosa
Coquillett, espèce type du genre, sans commentaire justifiant cette identification. Cepen-
dant, ils constatent la difficulté de tracer les limites entre
Cladochaeta
et
Diathoneura.
VILELA
&
BÄCHLI (1990) écrivent
((
...
male specimens of the type-species of
Cladochaeta
and
Diathoneura,
namely
C. nebulosa
and
D. taeniatipennis,
respectively, are
so
far unknown
...
D.
VILELA (comm.
pers.) rectifie cette appréciation et la remplace par
N
male specimens of
D. taeniatipennis
(type species
of the genus
Diathoneura)
is unkown
D.
La possession des deux sexes de
C.
ptyelophila
nous a facilité le classement de cette espèce
dans le genre
Cladochaeta.
Son gîte larvaire, la masse spumeuse des sécrétions d’Homoptères, comme
c’est le cas de trois autres espèces du genre conforte ce point de vue. Les terminalia femelles sont très
proches de ceux de
C.
bomplandi
et de même structure que ceux de
C. infumata
Duda,
C.
paradoxa
(Lamb) et quelques autres espèces du genre (VILELA
&
BÄCHLI, 1990). Le mâle possède également
des caractères propres et très caractéristiques comme les longues soies des 2 derniers tergites et les
4
bâtonnets de l’épandrium.
C.
ptyelophila
est proche de
C.
bomplandi
par les taches alaires et les terminalia femelles, mais
si les taches alaires sont presque identiques, l’ovipositeur diffère nettement par sa forme, comme c’est
également le cas de l’épiprocte (VILELA
&
BÄCHLI, 1990, fig.
5
A,
B). Elle en diffère aussi par un
certain nombre d’autres caractères comme la couleur du front, la carène, la largeur des joues, le
rapport L
:
1 de l’aile etc. Le fait que le mâle de
C.
bomplandi
n’est pas connu nous prive d’une
comparaison qui mettrait sans doute en évidence plus clairement encore la réalité de ces deux espèces
et en même temps leurs affinités.
BIOLOGIE
Les larves de
Cladochaeta ptyelophila
Tsacas n. sp. ont été obtenues
à
partir d’un manchon
d’écume de nymphes de
Cephisus erythrocephalus
Walker (Homoptera, Aphrophoridae), comme il a
été déjà mentionné (Fig. 9). Les larves de
C.
erythrocephalus
sont grégaires et plus de 100 larves et
nymphes étaient groupées dans un amas spumeux de plus de 20 cm de long. Plusieurs colonies de
C.
erythrocephalus
ont été observées dans ce champ sur manioc. La plante-hôte de cet Homoptère était
jusqu’alors inconnue, mais il est prématuré d’en conclure que
M.
esczilenta
soit la seule plante-hôte
de
C.
erythrocephalus.
Les émergences des adultes de
Cladochaeta
ont eu lieu au laboratoire en avril
1985.
Les stades préimaginaux de
C.
ptyelophila
se déroulent dans la masse spumeuse des sécrétions
de
Céphisus erythrocephalus
(Aphrophoridae). I1 est remarquable de signaler que c’est la première fois
qu’on trouve une espèce du genre
Cladochaeta
colonisant les masses spumeuses d‘un Homoptère
appartenant
à
un autre genre que
Clastoptera
et
à
une autre famille que les Cercopidae.
L’oviposition n’a pas été observée, il paraît raisonnable de penser qu’elle s’effectue dans le
manchon spumeux où les jeunes larves vivent très nombreuses. La pupaison
se
fait sur place, on
trouve les pupariums, fixés sur le végétal après l’éclosion de la mouche. La durée des stades
préimaginaux, de la ponte
à
l’éclosion de la mouche, n’est pas connue.
Nous
ne connaissons pas non
plus le régime alimentaire des larves, il est possible qu’elles se nourrissent de divers microorganismes
qui se développent dans cette masse spumeuse (bactéries, levures...).
Les relations entre les nymphes des Cercopidae et les larves de
Cladochueta
ont suscité des
discussions depuis fort longtemps. BAERG (1920) est le premier
à
avoir effectué des observations
minutieuses sur le couple
Cladochaeta inversa
Walker (comme
Drosophila)
et
Clastoptera obtusa
Say
et n’ayant pas trouvé des nymphes de I’Homoptère mortes
ou
sérieusement blessées par les larves de
Cladochaeta
conclut que
((
Its seems to be parasitic only in
so
far that it utilizes the excess of the sap
drawn from the plant tissues by the spittle insect and in that it uses the spittle insect as a means of
transportation
H.
LAMB (1919) et WILLIAMS (1923) considèrent que la larve de
Cladochueta
paradoxa
est un parasite qui
((
...
undoubtedly kills some of the nymphs
))
(WILLIAMS, 1923). Dans
le cadre d‘une recherche de lutte biologique contre
Clastoptera undulata,
nuisible au Cacao, introduite
accidentellement dans les îles Bermudes, une étude sérieuse a été entreprise sur ce sujet. Ce n’est qu’en
89
1965 que BENNETT publie les résultats d'une expérimentation sur
Cladochaeta
spp. (sous le nom de
Clastopteromyia)
vivant dans les masses spumeuses de
Clastoptera
spp. Cette étude lui a permis de
conclure que les
Cladochaeta
étaient inquilines dans les masses spumeuses de
Clastoptera.
Pour ce qui
concerne les relations
Cladochaeta ptyelophilalCephisus erythrocephalus
nos observations ne permet-
tent pas de conclure. Cependant, tout tend
à
montrer qu'il s'agit, ici également, d'un cas
d'inquilinisme, puisque toutes les larves et nymphes de l'homoptère restent vivantes et actives, sans
trace de cadavre laissant
à
penser
à
une éventuelle prédation.
Fig.
7
à
8,
la nymphe (exuvie nymphale) de
Cladochaeta ptyelophila
Tsacas n.
sp.
-
7,
vue latérale.
-
8,
vue
Fig.
9,
manchon d'écume de
Cephiszis erythrocepkalus
Walker sur tige de manioc, dans lequel se développent les
dorsale. Echelle
:
1
mm.
larves de
Cladochaeta ptyelophila
Tsacas n. sp. (d'après une photographie en couleur).
La comparaison entre nos observations et celles de BAERG
(1920)
sur
Cladocliaeta inversa
(Sturtevant), montre une différence sur le point suivant
:
chez
C. inversa
on trouve
1
rarement
2
larves
par nymphe de
Clastoptera,
en revanche on trouve de très nombreuses larves de
C. ptyelophila
dans
les manchons de
Cephisus.
Cette différence s'explique par le mode de vie des hôtes, les nymphes de
Clastoptera
vivant chacune séparément tandis que celle de
Cephisus
sont grégaires, plus de 100
individus par manchon d'écume, ainsi on trouve un nombre du même ordre de larves de
ptyelophila
dans le même manchon. Par contre dans les deux cas la pupaison a lieu dans la masse spumeuse ou
à
proximité.
REMERCIEMENTS
Nous remercions les Docteurs
P.
Broomfield, The National History Museum de Londres et
M. Boulard du Muséum national d'Histoire naturelle
à
Paris pour l'identification de l'Aphrophoride.
Tous nos remerciements vont également
à
Mme M. T. Chassagnard pour l'exécution des dessins des
genitalia de la nouvelle espèce, ainsi qu'A M.
G.
Hodebert pour les dessins des figures
7
à
9.
1 / 6 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !