De la sexualité à la féminité: féminisme, expérimentation sexuelle et la pratique du 'self help' en Belgique dans les années 1970 Vanessa D’Hooghe [email protected] Lorsque le Women Overseas for Equality, réunion de féministes expatriées en Belgique, éclôt à Bruxelles, il se fera la courroie de transmission de pratiques et de savoirs féministes entre l’Europe et les Etats-Unis. En 1973, il importe le self-help gynécologique. Cette pratique consiste à se retrouver entre femmes afin de découvrir son corps, plus particulièrement son sexe, en dehors de toute dimension médicale ou sexuelle. Parfois à l’aide de matériel gynécologique, mais aussi du bout des doigts, ces femmes s’observent mutuellement et découvrent, souvent pour la première fois, comment est fait le corps d’une femme... L’idée fait son chemin en Belgique et un groupe, «Médecine-femmes», va notamment continuer dans cet esprit. Le but de ces femmes qui participent aux séances de self-help est de se ré-approprier leur corps et leur sexualité. Elles partent à la recherche de ce qu’elles sont, en dehors de toute domination masculine et avant toute altération culturelle ou de société (but, pression ou discours). Il s’agit, en soi, de l’exploration d’une terre inconnue - ce qui suscite beaucoup d’angoisses, tant la sexualité féminine est alors connue au travers d’un discours androcentrique, délibérément entourée d’un mystère entretenu et bien veillé par la société, inextricablement liée à la notion de séduction, et se départit rarement de la fonction maternelle. Cette découverte du corps, qui aurait pu avoir lieu dans l’intimité d’une salle de bain ou d’une chambre à coucher, se fait collectivement afin d’aboutir à un nouveau langage, qui contre le discours dominant sur la sexualité et dépasse les catégories intégrées (frigides, libérées ou normales, homosexuelles ou hétérosexuelle ?). Cette communication propose d’aborder la pratique de self-help sous l’angle de la redéfinition de l’identité de genre. La tentative de ces femmes de s’imposer comme auteures de leur identité sexuée sera replacée dans le contexte de la nouvelle vague du féminisme belge, mais aussi dans l’histoire de la médecine et de la sexologie. Le self-help apporte également sa pierre à l’histoire de l’internationalisation du mouvement féministe. Cette recherche s’inscrit dans le cadre d’une thèse de doctorat qui a pour but d’investiguer les mouvements qui ont pu se produire à l’intérieur des concepts de féminité et de masculinité hétérosexuels pris comme essences et modèles, dans un cadre chronologique large afin d’interroger l’impact de ce qu’on a appelé la «révolution sexuelle» sur les identités sexuées. Vanessa D’Hooghe Vanessa D’Hooghe est licenciée en Histoire depuis 2007 (ULB). Depuis 2008, elle est assistante en Faculté de Philosophie et Lettres de l’ULB et prépare une thèse de doctorat sur le réaménagement des identités sexuées entre 1945 et 1980 sous la direction de Valérie Piette. Attachée à l’Unité de Recherche Transversale en Etudes de Genre: SAGES - Savoirs, Genre et Sociétés (ULB).