toboggan - L`Estive

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Coproduction
et
Création
Dossier d’accompagnement pédagogique
TOBOGGAN
Texte et Mise en scène Gildas Milin
Du mardi 13 au vendredi 30 novembre 2012
Du mardi au samedi à 20h, dimanche 25 à 16h
Relâche les lundis et dimanche 18
Salle Gignoux
Tournée 12-13 : Lille, Théâtre du Nord, du 7 au 13 décembre • Foix,
Scène Nationale de Foix et de l'Ariège, du 29 mars au 6 avril • Amiens,
Maison de la Culture, les 8 et 9 avril • Lorient, Centre Dramatique
National-CDDB, les 11 et 12 avril • Paris/Saint-Denis, Théâtre Gérard
Philipe, Novembre 2013…
Contact Relations publiques : Quentin Bonnell • Tel : 03 88 24 88 47
• [email protected]
Site internet : www.tns.fr • Réservations : 03 88 24 88 24
©Franck Beloncle
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Celui qui est exclu ne peut pas repartir de là où il est tombé…
De là où il a commencé à glisser… Il reprend de plus bas… Forcément…
Parce que stop… Ça glisse trop… Toboggan…
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Coproduction
et
Création
Toboggan
Texte et mise en scène Gildas Milin
Scénographie Gildas Milin, Françoise Lebeau • Typographie David Poullard • Dessins
Elvire Caillon • Lumières Gildas Milin, Eric da Graça Neves • Son Samuel Pajand •
Costumes Elisabeth Kinderstuth • Assistant Jérôme Boivin
Bord de plateau
à l’issue de la représentation
• Jeudi 15 novembre
Théâtre en pensées
avec Gildas Milin
et Magali Mougel du
département Arts et spectacle
de l’Université de Strasbourg
• Lundi 26 novembre à 20h
TNS, Salle Gignoux
Du théâtre à l’écran
BATTLE ROYALE
de Kinji Fukasaku
2001, 114’
• Dimanche 18 novembre
à 16h au Cinéma Star
Projection suivie d’une
rencontre avec Gildas Milin
Tarif spécial 5,50 €
sur présentation de la carte
d’abonnement du TNS
ou d’un billet pour Toboggan.
Atelier critique
avec Barbara Engelhardt,
journaliste
et Gildas Milin
Avec
Rodolphe Congé
Catherine Ferran
Michèle Goddet
Claude Lévêque
Anna Lien
Christian Mazzuchini
Guillaume Rannou
Alain Rimoux
Enquêteur
Louve
Moto
Naojima
La jeune fille
Butor Etoilé
La victime
Loup
Du mardi 13 au vendredi 30 novembre 2012
Du mardi au samedi à 20h, dimanche 25 à 16h
Relâche les lundis et dimanche 18
Salle Gignoux
Production et production déléguée Les bourdons farouches
Co-production Théâtre National de Strasbourg, Maison de la Culture d'Amiens, avec le concours du
CentQuatre (Paris). Ce spectacle bénéficie du soutien de la DRAC Ile-de-France au titre de l'aide à la
production. Le texte a reçu l'aide à la création du Centre National du Théâtre. Avec le soutien du
Fonds SACD Théâtre.
Contact production / diffusion : Les bourdons farouches • [email protected]
• Tél : 09 63 05 94 66 / 06 30 60 17 76
> Les décors et les costumes ont été réalisés par les ateliers du TNS.
> Remerciements à Clémence Azincourt, Françoise Chevaillier,
Daniel Migairou et Chen Yang.
• Jeudi 29 novembre à 19h
Librairie Quai des Brumes
Toboggan est publié par les
éditions Actes Sud-Papiers,
octobre 2012
Rencontre-signature
de Gildas Milin
• Samedi 24 novembre
de 15h à 17h
Librairie Quai des Brumes
Vidéo sur www.tns.fr
« Gildas Milin présente Toboggan »
L’action se passe dans un futur proche. La population est vieillissante. Les aides
sociales n’existent plus. Le système des retraites s’est effondré. De plus en plus de
personnes âgées sont sans moyen de subsistance. Un groupe de séniors décide de
former un « gang de vieux ». Ils ont un objectif : se faire arrêter pour passer un
maximum de temps en prison et, ainsi, manger à leur faim et recevoir des soins.
Pour cela, ils sont bien décidés à tuer. « Derrière sa noirceur, Toboggan est une
comédie », dit Gildas Milin.
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
SOMMAIRE
I.
La Genèse de Toboggan
1. Le projet……………......................................................................................................p.6
2. Synopsis de la pièce……….…………………………………………….………..…………..…...............p.8
3. Les personnages……………………………………..……..………..……………………………………………p.9
4. Extraits…………………………………………………………………………………………………………….……..p.10
5. La délinquance sénile ou le « crime gris »………………………………………………….………....p.15
 Quelques définitions……………………………….………………………………………………..……..p.15
 Le crime gris au Japon………………………………………………………………………………….….p.18
 Le boom annoncé de la délinquance des seniors…………………………………….……….p.19
 Crime gris : la police française se prépare pour 2025………………………………….……p.21
 Quand les seniors deviennent criminels, entretien avec Laurence Ubrich….…….p.22
 Le cas de James Verone…………………………………………………………………………………..p.23
II.
Toboggan : Du texte au plateau
1. Note de mise en scène…………………………………………….……………………………….…..……..p.24
2. Une fiction comme laboratoire de la globalisation………………….…………..……………..p.27
3. Le rapport au spectateur…………………………………………………………..………………………….p.29
 Un Laboratoire des sentiments……………………………………………………………….………p.29
 Cette assemblée de spectateurs n’est pas une masse de consommateurs….....p.30
4. Les répétitions ………………………………………………………………………………………………………p.32
 Les Dispositifs mis en place lors des répétitions……………………………….………………p.32
 Dissociés-associés……………………………………………………………………………………………p.36
 Activer un souvenir : dissocier pour associer……………………………………………………p.37
 Photos de répétitions………………………….…………………………………………………………..p.38
5. Les costumes……………………………………………………………….………………………………………..p.40
6. La scénographie………………………………………………………………………………………….…………p.45
III.
Annexes
 L’équipe artistique………………………………………………………………………………………….p.49
 Rencontres autour du spectacle……………………………………………………………………..p.53
 Dans le même temps………………………………………………………………………………………p.54
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
I. La Genèse de Toboggan
1.
Le Projet
Un phénomène de société, qui est d’abord né au Japon, se propage aujourd’hui dans
l’ensemble des pays développés : des personnes âgées, pour qui les différentes aides
sociales, pensions ou retraites disparaissent, se mettent à envisager la prison comme un
« nouvel Eldorado social »…1 Pourquoi ? Parce qu’en prison, elles sont assurées de pouvoir
manger trois repas par jour, de recevoir un minimum de soins en cas de maladie, de pouvoir
parler à des gens, personnels spécialisés, etc. Du jour au lendemain, des personnes âgées
dans le besoin volent, agressent, tuent, espérant être emprisonnées.
Quand on leur pose la question : « Pourquoi avez-vous commis ces crimes ? » Elles
répondent majoritairement : « Je voulais qu’on s’occupe de moi. »
Si l’on s’accorde à penser, avec raison, que le mode de vie des générations précédentes peut
avoir un impact sur la santé et la vie des générations suivantes – comme on s’accorde à
penser que les déséquilibres ou les traumatismes qui ont été vécus sans être réglés au sein
de champs morphiques familiaux ou collectifs de générations précédentes seront vécus ou
plutôt revécus (à leur dépens) par les générations suivantes – les implications sociales et
éthiques découlant de ces faits, concepts et observations sont probablement déterminantes
et considérables.
La pièce de théâtre Toboggan interroge donc un symptôme « socio-généalogique »
international qui débute avec l’abandon planifié par les pays développés de leurs diverses
politiques sociales (préconisé par l’Accord Général sur le Commerce des Services, créé dès
1994 dans le cadre de l’OMC) touchant, dans un premier temps, un peu partout sur le globe,
des « populations de séniors » – et pose les questions suivantes : l’exclusion et le désintérêt
d’une société pour les personnes âgées peuvent-elles ne pas avoir d’impact sur les
générations jeunes et à venir ?
Tout comme on parle de « fantôme générationnel » (en médecine générationnelle)
constitué des secrets, non-dits, actes inavouables, traumatismes, restés refoulés dans les
générations précédentes et qui rejaillissent sur les générations suivantes, ne peut-on parler
aujourd’hui de l’élaboration d’un gigantesque « fantôme social » menaçant les générations
jeunes et à venir ?
1
Au cours de ses vingt dernières années, au Japon, le nombre de personnes de plus de soixante-cinq ans arrêtées pour vol,
agression, meurtre, a été multiplié par presque six (multiplié par deux, rien que ces cinq dernières années), ces personnes
âgées représentant aujourd’hui près de vingt pour cent de sa population carcérale.
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
La motivation du projet est de permettre à l’ensemble des générations (les spectateurs)
d’entrevoir ces questions, par le biais de la fiction, et d’y trouver des outils pour ne plus
exprimer à leurs dépens des programmes nés dans des générations précédentes ou passées.
C’est à la fois par la prise de conscience et la verbalisation, mais aussi par le langage de
l’inconscient, celui des signes, des symboles sollicités, puis, agencés dans la représentation,
et par une mise en jeu spontanée, vivante, de nos configurations sociales que peuvent
émerger des remèdes aux maux de nos sociétés. C’est bien le théâtre qui peut permettre à
nouveau aux générations en devenir de s’appuyer sur les générations précédentes afin
« d’aller de l’avant ».
Carte par Elvire Caillon
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
2.
Synopsis de la pièce
Dans un futur proche, des personnes âgées se sont organisées sur leur « territoire » pour
faire en sorte d’être repérées par le « Centre de Déclaration des Agressions, des Crimes et
Délits ».
Ce groupe de personnes âgées, dont la plupart sont malades physiquement (cécité, surdité,
fibromyalgie, polyarthrite, maladie d’Alzheimer…), est un véritable gang.
L’objectif du gang : intégrer ensemble une « prison moderne », spécialement conçue pour
« personnes âgées récidivistes ». À la clef, de la nourriture, des soins, et surtout le personnel
spécialisé, c’est-à-dire des relations humaines avec de « vraies personnes vivantes ».
Au début de l’action, ils viennent de capturer un homme d’une trentaine d’années, un
employé de la sécurité en service sur leur « Zone d’Échanges ». Ils entreprennent de le tuer
ensemble pour pouvoir bénéficier ensemble de la plus lourde peine possible. Ce qui est
impossible à réaliser pour chacun d’entre eux devient, à plusieurs, un projet à leur portée. La
règle « loyale » qu’ils se sont fixée : tuer cet homme à main nue, sans armes, sans objets,
sans outils, quelles que soient les difficultés rencontrées. Cet épisode n’est que le début de
leur Odyssée inédite…
Dans cette traversée existentielle, il leur faudra notamment croiser et essayer de
comprendre leur pire ennemie : la jeunesse.
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
3.
Personnages
Louve : femme de soixante-treize ans, ancienne employée agricole, puis ouvrière
métallurgiste, puis agent de nettoyage, etc. Atteinte de la maladie d’Alzheimer, elle perd
aussi l’ouïe et la vue.
Loup : homme de soixante-dix ans, ancien sportif professionnel, puis animateur de camp de
vacances, puis agent récréatif, etc.
Naojima : homme de soixante-neuf ans, ancien agent de sécurité, puis comptable, puis
agent commercial pour une banque, etc.
Moto : femme de soixante-huit ans, ancienne assistance sociale, puis directrice d’un centre
social privé, puis sans emploi. Elle est atteinte de fibromyalgie et de polyarthrite
spongiforme.
Butor Étoilé : homme de soixante et un ans, ancien employé municipal, ancien gardien de
parc pour enfants, animateur dans un poney club. Il est atteint de troubles autistiques
légers, il est presque aveugle.
La Jeune Femme : femme entre vingt et trente ans, sans emploi.
Wladimir Zant : enquêteur, entre trente et quarante ans.
L’Homme battu : agent de sécurité.
Des miliciens privés, ils n’apparaissent jamais sur scène.
Hybrides par Elvire Caillon
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
4.
Extraits
Scène 1
Le soir descend. Périphérie d’un parc. Pluie. Béton, terrain vague, ordures, désert.
Des femmes, des hommes sont en train de frapper, extrêmement violemment, à coup de pied
et de poing, un homme à terre (un agent de sécurité en fonction sur la zone). Ces femmes et
ces hommes sont des personnes âgées.
Louve. Stop ! (Un temps. Tous reculent. Ils se remettent à frapper l’homme à terre.) Stop !
Stop ! (Ils reculent. Ils se remettent à frapper.) Stop !
Naojima. Frappe ! Frappe !
Loup. Frappe-le ! Oui frappe-le !
Louve. Stop !
Un temps. Ils se remettent à frapper.,
Loup. Tue-le ! Tue-le ! Vas-y ! Tue-le… !
Naojima. Tue-le ! Tous ! Allez ! Tous ! On y va… !
Loup. On le tue ! On le tue !
Naojima. Allez tous ! Tout le monde !
Moto. Stop ! Non ! Non ! Non ! Stop ! Stop !...
Butor Étoilé. Le choc… ! Le choc… ! Ah… ! (Chuchotant pour lui-même.) Le choc du futur…
Naojima. (à Butor Étoilé.) Ferme-la… !
Un temps.
Louve. Stop !
Un temps. Légère pluie. Les personnes âgées ont arrêté un instant de frapper l’agent de
sécurité. Il est toujours à terre. Tous respirent avec difficulté.
Loup. Frappez-le ! (S’adressant d’abord à Moto.) Reprends-le… Allez frappe-le ! Allez !
Saloperie ! Vas-y putain… ! Allez maintenant… ! C’est quoi ce merdier-là ?! Qu’est-ce qu’on
fout là maintenant… ! On le frappe tous maintenant ! Encore putain ! On le frappe tous on le
reprend on le reprend ! Allez tous ! Tout le monde ! Tous ensemble ! Allez un effort ! Ça
travaille ! Ça travaille ! Moto ! Toi aussi ! Toi aussi ! Vas-y… !
Moto. (se relevant difficilement) Non ! Non !
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Loup. Toi aussi ! Je te tue ! Je te jure ! Allez… ! Ou je te tue !
Naojima. Oui !
Moto. Ah ! Aïe ! Aïe… ! Je me fais mal… Je peux pas !
Louve. Stop !
Un temps. Ils sont essoufflés. Ils se remettent à frapper.
Loup. Tout le monde toi aussi Moto ! Tu peux ! Tu peux… Toi aussi !
Naojima. Oui !... Frappe ! Saigne-le ! Frappe ! Frappe !
Moto tombe au sol. Elle est au bord de l’évanouissement.
Moto. Mais je ne peux pas… ! Ça me fait mal ! Ah ! Aïe ! Mal j’ai mal ah ! Je suis en train de
mourir je suis en train… Je me fais mal... Je suis en train de me faire mal… ! Je suis en
train... !
Loup. T’es pas en train… !
Louve. Qu’est-ce qu’elle a… ? En train de mourir… ?
Naojima. Frappe ! Frappe ! Frappe encore ! Lève-toi… !
Moto. Non !
Louve. Elle est morte… ?
Butor Étoilé. Oui… ! Oui… !
Loup. Ta gueule Butor Étoilé… ! Louve… regarde-moi… ! Louve… Comment tu veux qu’elle
soit morte… ?! Mais qu’est-ce que tu racontes… ? Mais c’est pas vrai !... Mais… Pourquoi tu
dis n’importe quoi… ?!
Louve. Le sang Loup ! C’est le sang de qui… ?
Loup. Rappelle-toi… ! Ta tête… Regarde… ! Comment tu veux ?! Elle est debout ! Elle
parle… ! Elle est pas morte… !
Louve. Stop !
Tous s’arrêtent, reculent.
Loup. Pourquoi on recule ?! Pourquoi on recule… ?! Non… ! On avance ! On le défonce !
Défonce ! On le défonce maintenant ! On arrête les conneries… ! Défonce ! Vas-y ! Allez !
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Allez ! Allez ! Tous ensemble ! Encore ! Encore… Et tout le monde maintenant tout le monde
allez on y va… Qu’est-ce qu’on attend là ?!
Louve. Stop ! Stop ! Stop !
Loup. Mais on le fait souffrir là ! Pourquoi on s’arrête tout le temps comme ça ?!
Louve. Parce qu’on n’en peut plus… Stop ! J’ai dis ! Stop… !
Moto. Je peux plus respirer…
Un temps.
Loup. Allez !
Moto. Non… !Pas allez ! Pas allez… ! J’ai frappé… ! J’ai frappé ! Je peux plus… ! Je veux
plus… ! J’ai pas… ! J’ai pas… ! C’est une maladie que j’ai, c’est une vraie maladie ! Ça me fait
trop mal… J’ai une fibromyalgie moi ! Et j’ai une polyarthrite spongiforme, moi… ! Tu
comprends ça ! Ça veut dire que quand je le frappe, c’est à moi que ça fait mal… Connard !
Rien que bouger ça me fait mal… Loup ! Tu comprends ça, Loup… ?! Me déplacer ça me fait
mal, alors le frapper le frapper… Le frapper ça me fais mal ! (elle geint et pleurniche.) Ça me
fait plus mal à moi ! Plus qu’à lui quand je le frappe… ! Beaucoup plus ! Tu comprends ça ?!
Un temps. Naojima et Butor Étoilé se remettent à frapper l’homme par terre.
Louve. Stop !
Un grand temps.
Scène 19
Premier chœur des vieux.
Avec les précurseurs sombres
et les ondes
Le désir à venir
Qui n'en finit pas
À jamais de s'ouvrir
Avec les autres
Et les typhons
Les espaces
Les populations
Avec les bêtes qui meurent
Avec comme une joie dans le cœur
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Avec
Le réel
Au-delà
De
L'Irréel
Avec les lignes
Et les ombres
Les abîmes
Et les nombres
Avec les désemprisonnés
Qui écartent le passé
Avec la glisse
Et la fuite
Le délice
La limite
Avec les hommes qui meurent
Avec comme une joie dans le cœur
Avec
Le réel
Au-delà
De
L'Irréel !
Scène 20
Conférence, suite
Wladimir Zant. Voilà… Et j’ai donc suivi et commencé à… Enregistrer… Interviewer… Des
personnes de plus de soixante-dix ans depuis maintenant trois mois… Pour essayer de
comprendre Toboggan là où il frappe majoritairement… Afin de créer une mosaïque de
symptômes… De paroles…. D’expressions… On écoute un premier document audio…
(S’adressant à une personne en régie)
Audio 1… s’il vous plaît…
Le document audio 1 est diffusé dans la salle.
On entend Moto s’exprimer au micro que lui a tendu Wladimir Zant lors de leur rencontre :
Moto. Oui parce que nous… On nous avait dit… S’il est prouvé qu’on est clairement dans la
récidive que c’est clair quoi… Et qu’on a des problèmes de santé… Âgés… Malades et
récidivistes… Normalement direct on devait aller dans les centres de santé qui viennent
d’être construits dans les nouvelles prisons juste pour çà il paraît ?! Moi j’attends que ça…
non ?!... Bon… Alors ils existent les centres spécialisés ou pas ?!... Vous voyez nous aussi on a
des questions… Moi je peux vous le faire l’exposé !...
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Scène 21
Un rêve de Louve.
Louve se rêve, devant une classe imaginaire.
Elle donne son cours.
Les enfants imaginaires semblent reprendre, en chœur, joyeusement, certains passages.
Louve. Stress ! Gestion du stress ! On respire… c’est quoi ? C’est la télévision ? Vous savez
pourquoi j’ai volé la première fois ?… Je parle pas de la première fois où je me suis dit qu’il
valait mieux que je frappe quelqu’un ou que je tue quelqu’un… Non la première fois où j’ai
juste volé… Stop… Une enquête ? Sur quoi ? Toboggan… Alors justement ça s’écrit comment
Toboggan ?... C’est secret alors ?... Levez la main dans le fond si vous avez quelque chose à
dire…
(Écoutant la réponse d’un enfant imaginaire, puis le gratifiant)
« Juste pour parler avec quelqu’un »… Bien… Voilà… Oui… « J’en pouvais plus de la solitude…
de l’isolement… je voulais juste que la police » ?... « Elle s’occupe de moi » !... Banal… Alors
j’ai volé un truc dans un supermarché et le mec de la sécurité… Il m’a arrêté… Il a parlé avec
moi… Il m’a dit que c’était pas bien vu mon âge tout ça… De voler…Il m’a fait rire… Et on a
parlé comme ça au moins deux heures… Et c’était vachement sympa…
J’avais passé un bon moment avec lui quoi… Alors dès que j’ai pu… J’ai recommencé à voler…
Et puis la troisième fois… Je suis rentré dans le cadre des lois sur la récidive… Et donc je suis
allé en prison… Et là bizarrement c’était encore plus sympa… Trois repas par jours…
Chauffé… Les soins palliatifs… Le personnel… Les gens… C’est comme ça que ça a
commencé… Alors ?... Personne sait comment ça s’écrit ?... Si ?... Oui ? Là-bas… Dans le
fond… Oui… (Écoutant la réponse d’un élève imaginaire) Waouh…Oh…Bien…Bravo…
Extraits de Toboggan
Actes Sud Papiers, Arles, octobre, 2012
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
5.
La délinquance sénile ou le « crime gris »
Le crime gris est un phénomène de société récent, né au Japon, qui touche les personnes
âgées de plus de soixante-cinq ans. « Il y a vingt ans, au Japon, une prospective sur le futur a
été faite selon laquelle dans vingt ans, c’est-à-dire aujourd’hui, les plus de soixante-cinq ans
seront multipliés par deux. C’est effectivement le cas, mais ce qu’ils n’avaient pas prévu,
c’est qu’en même temps le nombre de crimes, d’agressions, de vols, de meurtres, commis
par les plus de soixante-cinq ans a été multiplié par presque sept. Aujourd’hui ils
représentent 20℅ de la population carcérale du Japon2. », explique Gildas Milin.
Le phénomène se propage aujourd’hui à l’ensemble des pays développés et serait le résultat
d’un abandon programmé des politiques sociales. Les seniors, n’ayant plus les moyens de
subvenir à certain nombre de besoins, notamment la santé, se mettent à envisager la prison
comme un nouvel Eldorado social.
Quelques définitions
Délinquance sénile
a) Ensemble des infractions criminelles et délictuelles imputables à la sénilité entendue dans
le sens d’un symptôme d’insuffisance cérébrale.
b) Ensemble des infractions commises par des personnes ayant atteint ou dépassé un âge
déterminé. La délinquance sénile (au premier sens) présente des aspects psychiatriques
originaux qui impliquent des dispositions juridiques spéciales (Destrem, 1966). Mais les
juristes ont tendance à considérer qu’en dehors des cas pathologiques évidents, la
responsabilité pénale des personnes âgées est la même que celle de tous les adultes.
Etant donné l’ambiguïté qui entoure le concept de sénilité, la gérontologie n’a rien pu
proposer de très constructif sur ce sujet. Certains auteurs soulignent qu’il serait possible et
souhaitable d’humaniser les rapports entre l’administration de la justice et la vieillesse, alors
que d’autres se demandent si l’introduction d’un régime spécial pour la population
présentant des symptômes de sénilité ne nuirait pas au « statut » de l’ensemble de la
population âgée.
Délinquant
a) En droit et en sociologie, personne qui s’est rendue coupable d’une violation de la loi.
b) En psychiatrie, en psychologie et en service social, le terme désigne en outre, une
personne qui a la difficulté de se soumettre aux règles et aux interdits prévalant dans son
milieu. Son comportement est inadapté. La gérontologie sociale n’a commencé à s’intéresser
que récemment au délinquant âgé. Les questions qu’elle se pose ont trait à l’évolution du
comportement délinquant avec l’âge (récidive) et au changement dans le type de délits
2
Dans La Vignette d’Aude Lavigne, 5 minutes avec un auteur –metteur en scène, France Culture, 15.09.2011
15
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
commis ainsi qu’aux caractéristiques personnelles et aux mobiles de ceux qui commettent
leur premier délit à un âge avancé.
Nicolas Zay, Dictionnaire manuel de gérontologie sociale,
Les presses de l’université Laval, 1981, p.147-148
La répression pénale modérée par l’âge du délinquant
Une référence explicite à l’âge du délinquant figure dans différentes dispositions. Certes, en
l’état actuel de la législation, seuls les mineurs font l’objet d’un dispositif particulier. Leur
âge a une influence graduée sur la répression. En revanche le grand âge du délinquant n’est
pas, en tant que tel, pris en compte par le droit pénal. Cependant, des transformations sont
en passe de l’accomplir. Il semble que l’on assiste actuellement à un double mouvement
marqué par l’influence émergente de l’âge des seniors délinquants, contrebalancée par une
influence déclinante de l’âge des mineurs délinquants, de plus en plus assimilés à des
majeurs.
A) La relative indifférence de l’âge des seniors
Le seul âge de la vie adulte que connaisse le droit est celui de l’accès à la majorité et la
législation pénale ne se distingue pas sur ce point des autres branches du droit. Dans la
catégorie des majeurs, on ne distingue pas en fonction de l’âge. L’homme chargé d’années
est une figure ignorée du droit pénal. Le « troisième », le « quatrième » âge, sont des
concepts forgés par les sociologues, qui n’ont aucune traduction dans le langage juridique.
Les délinquants séniors sont les oubliés du droits pénal. À vrai dire le régime juridique de la
vieillesse se résorbe dans un ensemble de règles relatives à l’altération de l’état de santé, ce
qui peut éventuellement avoir une incidence en droit pénitentiaire.
1) Les seniors délinquants oubliés du droit pénal
Le point de départ des présents développements frôle le constat de carence : il n’existe pas
en droit pénal de traitement particulier des personnes âgées. Comme un auteur l’a signalé,
au moment de la vieillesse, « les facultés de l’homme se sont développées, l’expérience est
acquise, l’excitation des passions est amortie : la culpabilité, loin d’en être diminuée, s’en
augmente peut-être3 ». Si l’âge a amené un affaiblissement des facultés intellectuelles, une
sorte de retour à l’enfance, il y a là un accident individuel qui appartient, non pas au sujet
dont nous traitons ici, mais à celui de l’altération des facultés mentales et physiques. Par
ailleurs, en vertu du principe d’autonomie du droit pénal, la soumission d’un majeur à une
mesure civile de protection juridique ne déroge en rien à la nécessité d’établir un trouble
mental au sens de l’article 122-1 du Code pénal4. Or, le grand âge n’est pas une cause
3
4
e
J. Ortolan, Éléments de droit pénal, 5 éd., Plon, 1886, p. 257
Article 122-1 du code pénal : N'est pas pénalement responsable la personne qui était atteinte, au moment
des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes.
La personne qui était atteinte, au moment des faits, d'un trouble psychique ou neuropsychique ayant altéré
son discernement ou entravé le contrôle de ses actes demeure punissable ; toutefois, la juridiction tient
compte de cette circonstance lorsqu'elle détermine la peine et en fixe le régime.
16
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
d’irresponsabilité pénale, c’est-à-dire une excuse absolutoire et atténuante, à moins qu’il
n’ait provoqué une démence sénile.
Sans doute la délinquance des seniors reste-t-elle encore assez peu fréquente. Pour autant,
l’augmentation de la durée de vie, à laquelle vient s’adjoindre le phénomène de
paupérisation de cette population, occasionne insensiblement un accroissement du nombre
d’infractions commises par des personnes âgées. Déjà constaté au Japon où, selon un
rapport officiel, près de 50 000 personnes de soixante-cinq ans et plus ont, en 2007, été
arrêtées ou ont fait l’objet d’une enquête pour un crime ou un délit, hors infractions
routières, le phénomène commence à être étudié en Allemagne. En France, le premier
rapport de l’Observatoire national de la délinquance ne fait certes pas mention de ces
classes d’âge dans les statistiques recensées. Toutefois, les retombées de la crise
économique pourraient à terme modifier le paysage français de la délinquance. Au-delà de
ces perspectives, il faut également tenir compte de l’allongement des délais de prescription,
concernant notamment les infractions sexuelles à l’encontre des mineurs, voire de
l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, qui entraînent nécessairement une
augmentation de la population carcérale des seniors.
2) Les séniors cacochymes5 épargnés par le droit pénitentiaire
Alors que la population carcérale des plus de soixante ans est en constante augmentation, la
question se pose de savoir si l’âge justifie un traitement particulier de ces prisonniers. La
Cour européenne des droits de l’Homme, chargée de déterminer si la détention d’une
personne âgée de 90 ans constituait un traitement inhumain et dégradant au sens de
l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme6, s’est prononcée en faveur
de la négative, mais uniquement en raison des faits de l’espèce : les conditions de la
détention n’atteignaient pas en l’occurrence un seuil de gravité suffisant. Cependant, à
l’occasion de cette affaire, largement médiatisée car elle concernait Maurice Papon,
condamné à l’âge de 88 ans à dix ans de réclusion criminelle pour complicité d’un crime
contre l’humanité, la Cour a clairement affirmé que la détention prolongée d’une personne
âgée entre bien dans le champ de l’application de l’article 3. La combinaison de l’âge avancé
et de l’état de santé peut donc entraîner une atteinte à la dignité humaine, et une violation
de l’article 3 de la Convention européenne. […]
Olivier Droulers et Emmanuel-Pie Guiselin
Regards croisés sur l’influence de l’âge en sciences humaines et sociales
HARMATTAN Paris 2012, p.91-93
5
Que le mauvais état de l’organisme rend sensible aux moindres causes de maladie.
Article 3 de la Convention européenne des droits de l’Homme : « Nul ne peut être soumis à la torture ni à des
peines ou traitements inhumains ou dégradants. »
6
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Toboggan
Le crime gris au Japon
Trois prisonniers âgés de plus de 60 ans ont été exécutés par pendaison en début de semaine au
Japon. Tandis que le taux général de délinquance est en baisse, le nombre de condamnations à
mort augmente…Une enquête menée fin 2007 indiquait que la délinquance sénile avait triplé au
cours des 10 dernières années.
Seniors killers ?!
Trois seniors avaient été condamnés à mort pour meurtres et vols. Parmi eux, Mineteru
Yamamoto, 68 ans, condamné pour vol et meurtre perpétrés sur deux membres de sa famille et pour
différentes affaires de cambriolage. Ensuite, Yoshiyuki Mantani, 68 ans, condamné pour vol et
meurtre sur une jeune fille de 19 ans et pour d’autres tentatives de vols sur des adolescentes.
Enfin, Isamu Hirano, 61 ans, condamné il y a deux ans pour le vol et le double assassinat d’un couple
de fermiers et l’incendie de leur maison.
Un vieux préjugé s’écroule alors, ce ne sont pas forcément les jeunes qui piquent le sac des pauvres
petites vieilles ! Ces crimes sont plutôt édifiants car ils sont commis par des seniors à l’apparence
tranquille… Derrière ces faits divers se cachent un réel problème de société. Ils illustrent l’apparition
du « crime gris » au Japon.
Un papy boom qui a mal tourné
Sur le territoire nippon, l’heure n’est pas au baby boom mais plutôt au papy boom ! Plus de 20% de la
population est âgée de 65 ans et le chiffre ne cesse d’augmenter alors que le taux de natalité est le
plus bas au monde. Cette situation démographique génère beaucoup de difficultés, les personnes
âgées sont isolées et ne disposent pas de maison réaménagée en fonction de leurs difficultés. De
plus, le placement en maison de retraite devient très difficile par manque de moyens de l’Etat.
Cette hausse de la criminalité chez les seniors s’expliquerait par leur isolement social, par
l’appauvrissement des plus de 65 ans et par la rupture du lien familial entre grands parents, enfants
et petits enfants. Cet étrange phénomène de délinquance s’explique alors, les seniors commettent
des crimes dans l’espoir d’obtenir une place en prison et de finir ainsi plus paisiblement leurs jours !
Ces seniors désespérés munis de leur maigre retraite n’ont plus assez d’argent pour disposer par
exemple d’une aide à domicile, la prison et le crime représentent alors l’ultime solution à leurs
souffrances…
La solution de l’Etat est de réaménager les cellules de prison aux personnes âgées. Il s’agit tout au
plus d’un remède dangereux qui inciterait les vieux délinquants à la récidive. Ce phénomène soulève
bien des polémiques, celle de la place et du respect de la personne âgée au Japon et celle de la
condamnation à mort. Ces deux sujets sensibles mêlés ensemble suscitent l’émoi du Conseil
d’Europe qui condamne la peine de mort comme un acte barbare.
Samia, 11 mars 2009
http://www.tousergo.com
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Le Boom annoncé de la délinquance des seniors
Un rapport officiel conclut à une augmentation «mécanique» liée au vieillissement de la population.
« Aussi choquant que cela puisse paraître, le vieillissement de la population a vocation à entraîner
une augmentation quasi automatique de la délinquance des seniors. » Ce constat iconoclaste émane
du Centre d'analyse stratégique, placé directement auprès du Premier Ministre. Dans son
dernier rapport de juillet sur les conséquences de l'évolution démographique en France¹, cet
organisme affirme que « si les personnes âgées de plus de 60 ans ne représentent pour l'instant que
2,13 % des mis en cause par les services de police, ce pourcentage devrait augmenter de manière
mécanique dans les prochaines années ». Et ses experts de mettre en garde : « Cela ne sera pas sans
poser de problèmes, notamment dans les établissements pénitentiaires dont la plupart ne sont pas
encore équipés pour accueillir des personnes âgées. »
À l'heure où chacun se focalise sur la délinquance des mineurs, toujours plus jeune, toujours plus
violente, qui aurait imaginé que la question se poserait en ces termes ? Les projections
démographiques de l'Insee donnent une idée de l'ampleur que pourrait prendre la délinquance des
seniors : en France aujourd'hui, « un habitant sur cinq est âgé de 60 ans ou plus », mais « cette
proportion passera à un sur trois en 2050 », rappelle l'étude. Si l'évolution de la délinquance des
anciens devait épouser celle de la pyramide des âges, le nombre d'aînés mis en cause par la police
passerait donc d'environ 24 000 aujourd'hui à près de 40 000 par an. Et peut-être bien davantage si
l'on prend en compte la manière dont les personnes vieillissent.
« Car ce qui compte surtout dans l'analyse de ce phénomène, explique le criminologue Alain Bauer,
ce sont les conditions physiques du vieillissement, le fait que les gens vivent plus longtemps en
meilleure santé. Cela influe inévitablement sur les comportements. » Ainsi, le délinquant d'habitude
pourra prolonger son activité, l'impulsif conserver son punch bien après l'âge de la retraite, avec les
conséquences que cela implique en cas de confrontation physique…
Plus de vieux trafiquants
Déjà, la police commence à attraper dans ses filets davantage de vieux trafiquants de drogue. « Et ce
ne sont pas de fébriles vieillards qui cachent chez eux la marchandise sous la contrainte d'un gang de
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
jeunes qui les menace. Ils trafiquent délibérément, souvent pour améliorer substantiellement leur
retraite », précise un fin connaisseur des dossiers.
Pour l'heure, le vieillissement de la population n'a pas « d’effets secondaires » sur les règlements de
comptes, ni sur les violences intrafamiliales. « Mais on constate quelques cas, en matière de violence
sexuelle, avec des auteurs parfois très âgés », déclare un analyste.
À quand l'avènement des « papys flingueurs »? Au Japon, la délinquance des plus de 65 ans se solde
par plus de 50.000 arrestations par an. Les pénitenciers du pays s'équipent de rampes pour les
fauteuils roulants, de poignées dans les salles de bains et recrutent des infirmières pour aider les
vieux prisonniers à prendre leurs repas. L'Allemagne a dû se doter, de son côté, d'une prison
accessible à partir de 62 ans. En Belgique, un braqueur de 75 ans a défrayé la chronique récemment.
En France, le Centre d'analyse stratégique ne voit pas tout en noir. Pour ce qui concerne les victimes,
écrivent ses experts, « les peurs des seniors semblent à la baisse depuis 2001 ». Et, « de manière
générale, les seniors apparaissent moins victimes que le reste de la population ; ils sont en revanche
plus exposés à certains types d'infractions », notamment à leur domicile. D'où le plan « tranquillité
senior » établi par le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, pour réduire les risques de cambriolages
et d'agressions dont sont victimes chaque année plusieurs milliers d'aînés. Pour l'Observatoire
national de la délinquance, l'augmentation du nombre de seniors victimes pour cause de
vieillissement n'est pas une fatalité. Mais le vieillissement des délinquants semble, lui, inéluctable.
¹ «Vivre ensemble plus longtemps: enjeux et opportunités pour l'action publique du vieillissement de
la population française»
Jean-Marc Leclerc
Le Figaro, 3 août 2010
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Crime gris : la police française se prépare pour 2025
Alors que la population française vieillit et que chaque année, les criminels seniors sont un peu
plus nombreux, la police française travaille actuellement sur l’évolution de son travail dans les
années à venir compte tenu de ces deux paramètres…
Depuis quelques années déjà, la Japon remarque une hausse constante de la criminalité senior,
également appelée « crime gris ».
De fait, des chiffres parus dans la presse nippone fin 2007 indiquaient que la délinquance des plus de
65 ans avait triplé au cours des dix dernières années, et que le phénomène continuait à s’amplifier...
Certains aînés volent parce qu’ils sont totalement démunis, d’autres commettent des crimes
passionnels ou pour « soulager » leur conjoint condamné par la maladie et d’autres encore,
perpètrent des délits pour retourner en prison (où là au moins, on s’occupe d’eux !)…
La situation est telle au Pays du soleil levant, que les quelques soixante-dix centres pénitenciers
commencent à s'adapter aux nouveaux besoins de ces détenus âgés. Certains sont maintenant
équipés de rampes pour les fauteuils roulants, de poignées dans les salles de bains et disposent
d’infirmières spécialement formées qui aident les prisonniers à prendre leurs repas.
A noter également qu’en septembre 2009, trois prisonniers seniors japonais –dont deux condamnés
alors qu’ils avaient déjà 60 ans- ont été exécutés par pendaison.
Dans ce contexte, la police française commence à travailler sur cette problématique du « crime
gris ». Comme le souligne un récent article du quotidien Le Monde, la délégation à la prospective et à
la stratégie (nouveau département créé par le ministère de l’Intérieur) a édité un rapport intitulé
Contexte stratégique de la sécurité intérieure à l'horizon 2025 qui analyse les « tendances lourdes ou
émergentes » en matière de sécurité. »
Et parmi ces tendances lourdes, la criminalité senior. Ainsi, la police envisage d’ores et déjà – et
sérieusement- la montée en puissance du « crime gris » dans les années à venir et la nécessaire mise
en place de prisons réservées aux détenus de plus de 60 ans… Comme le précise encore le quotidien,
une étude sur « le vieillissement de la population et les besoins de la sécurité intérieure » devrait
d’ailleurs être présentée au mois de février...
Selon les experts en criminologie, cette augmentation de la criminalité chez les seniors s'expliquerait
principalement par la paupérisation des plus de 65 ans, par l'explosion de la cellule familiale et par
l'isolement des personnes âgées.
29 janvier 2009
http://www.senioractu.com
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Quand les seniors deviennent criminels
Laurence Ubrich publie Les Papys flingueurs, une enquête sur la délinquance des seniors...
Ils ont la réputation d’êtres bienveillants et inoffensifs… Pourtant, un beau jour, certains d’entre eux
franchissent le pas de la délinquance. Coup de folie isolé ou gestes désespéré répondant à des causes
sociologiques profondes, la journaliste Laurence Ubrich s’est penchée sur un phénomène encore tabou et
méconnu :la délinquance des seniors. Entretien.
On a du mal à imaginer que des seniors puissent devenir délinquants ?
Il est vrai que c’est une réalité qui reste taboue, qui explique notamment le fait qu’il n’existe pas
d’étude de victimologie sur le sujet. Selon les gens que j’ai pu rencontrer, beaucoup avancent l’idée
que l’image que l’on se fait de la vieillesse provoque une sorte de repoussoir : nous n’avons pas envie
de nous reconnaître en eux, et de fait, on leur dénie la possibilité de basculer dans des actes jugés
répréhensibles. En fait, à nos yeux, tant qu’ils restent des personnes victimes, fragiles ou vulnérables,
on accepte cette image car elle nous renvoie à celle de nos grands-parents, à une certaine forme de
sagesse. Mais, sorti de cette symbolique, c’est plus compliqué à accepter.
Vous évoquez notamment la situation au Japon ?
Entre janvier et novembre 2007, 45 000 Japonais de plus de 65 ans ont été arrêtés pour crimes ou
délits. Il faut souligner que les autorités nipponnes ont des statistiques très pointues sur le sujet,
dont bien d’autres pays tel la France ne disposent pas. J’évoque notamment le cas d’Hiroshi, âgé de
71 ans, qui s’était spécialisé dans des braquages « musclés », utilisant une panoplie d’armes allant du
fusil à canon scié au lance-roquette. On lui attribue 114 attaques.
Comment expliquez ces passages à l’acte ?
Il faut faire un distinguo entre les gens qui poursuivent une activité criminelle, et ceux qui la
débutent. Concernant le Japon, les autorités évoquent une paupérisation et un isolement de ces
seniors. Mais ce constat peut être appliqué à d’autres pays. Ces seniors se retrouvent confrontés à
des conditions de vie de plus en plus difficiles, et certains franchissent le pas, comme un geste
désespéré. Ils imaginent que leur âge les préserve de soupçons. Mais l’appât du gain est souvent le
principal mobile.
À quel type de délits se livrent-ils ?
Par rapport aux personnes détenues, cela se partage entre les crimes de sang et les agressions
sexuelles. En dehors de cela on croise tous types de délits : trafic de stupéfiants, braquage de
banques, vol à l’étalage, violences avec armes… […]
Quel aspect de votre enquête vous a le plus étonné ?
Les conditions de détention. On a certaines images de la prison, on se fait des idées par rapport à tel
ou tel aspect… Mais une fois dedans, on s’aperçoit de l’horreur des conditions de détention. Au-delà
des crimes et délits que ces seniors ont pu commettre, c’est davantage la déshumanisation et la
souffrance de gens qui n’ont plus beaucoup de temps devant eux. À cela s’ajoute un réel ostracisme
des détenus à l’égard des personnes âgées. Je pense que c’est l’image qui m’a le plus marquée.
Entretien de Laurence Ubrich avec Adrien Cadorel
In Métro, 21 janvier 2009
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Le cas de James Verone
Il devient braqueur pour être soigné
© CAPTURE D'ECRAN 9NEWS
James Verone a été arrêté après avoir braqué une banque pour bénéficier des soins gratuits
en prison.
Un Américain pensait avoir trouvé la solution pour bénéficier de soins gratuits.
« C'est un braquage ! Donnez moi seulement un dollar s'il vous plaît ! » Voilà ce que James Verone,
un Américain de 59 ans au casier judiciaire vierge, avait écrit sur un bout de papier qu'il a tendu à
l'employé d'une banque de Caroline du Nord début juin. L'homme, malade et sans le sou, espérait
ainsi se faire condamner et bénéficier de soins gratuits en prison, rapporte le site de la Gaston
Gazette.
Il attend tranquillement la police
En appelant la police, l'employée de la banque RBC de Gastonia ne savait pas trop quoi dire. Le
braqueur qui venait de lui demander seulement un dollar était tranquillement assis sur une chaise et
attendait de se faire arrêter. « Je voulais leur faire savoir que ma motivation n'était pas financière
mais médicale », assure James Verone dans une interview à 9 news.
Sans emploi, sans assurance médicale et avec un compte en banque dans le rouge, James Verone n'a
pas les moyens de se faire soigner. À 59 ans, il souffre d'une tumeur dans la poitrine, a deux disques
du dos cassés et un problème au pied gauche. La seule solution qui lui est donc venue à l'esprit était
de se faire incarcérer pour bénéficier de soins gratuits. « Je suis une personne logique, et c'est ma
logique, ce à quoi je suis arrivé », explique-t-il depuis le parloir de la prison.
Une peine de prison trop courte
James Verone espérait être condamné à une peine de prison de trois ans, puis ensuite refaire sa vie
en bord de mer grâce à l'assurance vieillesse. Il avait même déjà trouvé un logement en Caroline du
Sud, assure-t-il. Mais tout ne devrait pas se dérouler comme prévu : comme le braqueur d'un jour n'a
demandé qu'un dollar et n'était pas armé, la police ne l'a pas inculpé pour braquage mais seulement
pour vol. Un crime moins grave qui devrait lui valoir un passage de « seulement » 12 mois derrière
les barreaux. Insuffisant pour bénéficier de l'assurance vieillesse à sa sortie.
Alors James Verone a déjà lancé un ultimatum si sa peine n'est pas assez longue : il recommencera.
Marie-Laure Combes, le 21 juin 2011
http://www.europe1.fr
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
II. Toboggan - du texte au plateau
1.
Note de mise en scène
MA PREMIÈRE INTERROGATION DE METTEUR EN SCÈNE EST :
DANS QUEL « ESPRIT » ALLONS-NOUS TRAVAILLER ?
UN ESPRIT D’ENSEMBLE
Paradoxal – puisque la pièce dessine, dans un devenir de la gestion « du parc humain », une
version possible de l’abandon relativement programmé d’une majeure partie des séniors,
des personnes âgées – paradoxal donc, et donc, justement essentiel.
Au-delà des thématiques aujourd’hui galvaudées d’un « vivre ensemble », je souhaite, au
cours des représentations, que les spectateurs puissent être « rappelés » à ce qui se joue
entre les personnes âgées et les autres, jusqu’aux plus jeunes, bien sûr… qu’ils puissent être
saisis par le sentiment que la vie est un théâtre fait de ces étranges transmissions
générationnelles et, que ce théâtre puisse renvoyer chacun à sa propre histoire (comme à la
brutalité d’un symptôme pour nos sociétés qui consisterait à considérer ce « théâtre des
générations » comme désormais superflu).
Pour que cette rencontre entre ces deux communautés, celle des spectateurs et celle de
l’équipe du spectacle, ne soit pas factice (encore une fois, a fortiori avec les questions
soulevées par la pièce), il me semble primordial de créer les conditions les plus favorables
possibles à l’émergence d’une sorte de « communauté » de travail et de pensée, au cours
des répétitions, où chacun puisse occuper une position, de fait, dissymétrique, mais sur une
base d’échanges la plus égalitaire possible.
Mes choix, quant à la distribution des rôles des séniors vont aussi clairement dans ce sens,
Catherine Ferran, Michèle Goddet, Alain Rimoux, Christian Mazzuchini et Claude Lévêque
sont des interprètes avec qui j’ai déjà travaillé et que je réunis pour Toboggan de façon à
favoriser cet esprit « d’ensemble » (c’est aussi le cas pour les autres interprètes, Anna Lien,
Rodolphe Congé et Guillaume Rannou).
LE RIRE, LA COMÉDIE
Je ne souhaite pas que les interprètes de Toboggan adoptent « un ton de comédie », mais
que le caractère comique vienne simplement du caractère extrême des situations – que le
rire soit permis comme un réflexe, une protection (par autorisation pour les spectateurs) –
ainsi qu’une mise en échec de tout ce qui pourrait se prendre trop au sérieux dans
l’élaboration du spectacle… un écho à la fragilité, la relativité, la comédie de nos vies à
mesure qu’on avance en âge.
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
AUTRE INTERROGATION : QUELLE ESTHÉTIQUE POUR TOBOGGAN ?
ENTRE MODERNITÉ ET ARCHAÏSME
Le projet Toboggan est né d’une préoccupation socio-économico-politique parallèlement à
un goût, grandissant chez moi ces dernières années, pour les différentes cultures asiatiques,
leur vitalité cinématographique, plastique (Manga, etc.), musicale, fictionnelle (Cosplay¹) et
esthétique.
J’ai d’abord pensé que l’esthétique de Toboggan devait être résolument technoïde, film
vidéo tourné en amont et projeté pendant la représentation comme le suggère le texte,
capteurs sur les corps des interprètes, micro HF, etc. Mais, ma première « vision » de
réflexion quant à ce à quoi le spectacle pourrait ressembler en terme esthétique est
aujourd’hui assez différente…
Je pense à quelque chose qui mélangerait (« hybriderait »), comme ce fut, depuis le XIXe
siècle et comme c’est encore le cas au Japon, en Chine, en Corée du Sud, des éléments
anciens, voire archaïques avec des éléments de la modernité du moment (par référence aux
prémices du projet plus que par illustration, puisque l’action de Toboggan ne se situe pas en
Asie).
Du côté de l’archaïque, je pense depuis peu à une sorte de « lanterne magique »
(transposition théâtrale du film, ses origines) : un dispositif graphique, une bande de papier
(d’environ cinq mètres de haut, déroulée et enroulée sur 8 à 10 mètres de large, selon les
salles de représentation, par des axes verticaux, mécaniques et rotatifs, à cour et à jardin, de
6 mètres de haut), bande de papier sur laquelle le public découvrirait, à mesure de son
« déroulement » des dessins suivant de près ou de loin le fil du récit : un scénario dessiné,
mobile, en arrière-plan de l’action se jouant sur scène.
Ce même « grand rouleau » de papier pourra aussi servir d’écran à de courtes séquences de
dessins animés, projetés, réalisés en amont (le tout renouant avec les origines du théâtre :
toiles peintes et toiles peintes en mouvement, les origines du cinématographe et celles du
Manga : bandes dessinées ou dessin animé).
Du côté d’une modernité du moment, je pense avant tout au son, à une transposition
théâtrale d’un tournage, puisqu’il en est question dans la fiction, mais, « par le son »… des
micros dans l’espace de jeu… des micros sur perche, activés par l’acteur jouant le rôle de
l’Enquêteur (Rodolphe Congé) et par le technicien son-créateur du spectacle, traitant en
« live » l’ensemble des sons de la représentation, sorte de figure contemporaine du DJ (DiscJockey) et du « preneur de son ».
QUEL LEXIQUE, QUELS SIGNES ?
LES CORPS
Toujours plus clairement, la mise en scène m’apparaît comme une pratique de l’agencement
des signes et, parmi ces différents signes de différente nature qui composent un spectacle,
ceux qui « émanent » des corps des interprètes sont loin d’être, pour moi, les moins
importants.
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Je souhaite, au cours des répétitions de Toboggan, porter une attention particulière aux
corps des interprètes – des corps – comme outils de travail, comme lieux d’expression des
symptômes liés à la vieillesse, la maladie, l’animalité, la brutalité (jusqu’à atteindre parfois
des paroxysmes comiques ou tragiques).
L'étude de certains enchainements de Tai-Chi-Chuan² et de Qi Gong³ (comme base pour les
mouvements de gymnastique exécutés par le gang des vieux) nous permettrons de
compléter ce « lexique des corps ».
¹ Une mention sur le Cosplay, ce mode inédit de représentation, est proposée dans les premières pages de
Toboggan.
² Le Tai-Chi-Chuan est un art martial chinois, dit « interne », d’inspiration taoïste, la « boxe avec l’ombre » (le
pratiquant peut donner à l’observateur le sentiment qu’il se bat contre une ombre) ou encore « la boxe de
l’éternelle jeunesse » (« l’immortalité » étant le but suprême chez les pratiquants taoïstes).
³ Le Qi Gong est une gymnastique traditionnelle chinoise et une science de la respiration, fondée sur la
connaissance et la maîtrise de l’énergie vitale et associant des mouvements lents, exercices respiratoires et
concentration (Gong signifiant : « exercice » relatif au Qi, ou « maîtrise de l’énergie vitale »).
Le tas par Elvire Caillon
Voir les autres œuvres d’Elvire Caillon sur Toboggan
http://elvirecaillon.com/T-O-B-O-G-G-A-N
26
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
2.
Une fiction comme laboratoire de la globalisation
Vous annoncez que Toboggan a été inspiré par un fait de société. Pouvez-vous nous décrire lequel ?
Tout a commencé avec la naissance d’une association de réflexion créée par Alain Françon au Théâtre
de la Colline à laquelle participait entre autres la philosophe Marie-José Mondzain. Nous avions invité
pour un échange Raoul Jennar, économiste et contradicteur de Pascal Lamy, pour avoir son avis sur la
question à l’époque très brûlante de l’intermittence. Il nous a alors exposé le fonctionnement, les
enjeux et les objectifs de l’OMC, ceux de l’AGCS (Accord Général sur le Commerce des Services) et du
comité 133, dont l’arrière-pensée idéologique peut se résumer ainsi : à terme, l’humain peut devenir
un objet superflu circulant sur les zones d’échanges commerciaux.
L’OMC est le seul organisme international à détenir les trois pouvoirs : législatif, judiciaire et exécutif,
et donc le seul à pouvoir exercer des sanctions. Sa prééminence sur les autres organisations
internationales, notamment celles sensées défendre les droits humains les plus fondamentaux, est
totale.
Lionel Jospin en son temps a joué un rôle dans l’élaboration de l’AGSC, à partir de ses fameuses
« quatre lois sur l’investissement » qui visaient à faciliter la libéralisation de certaines entreprises.
Pierre Bourdieu, à l’époque, était monté au créneau et avait interpellé l’Assemblée Générale.
Dénonçant l’effet toxique de ces lois, il avait finalement eu gain de cause, mais pour un temps
seulement.
Plus tard Jospin s’est empressé de proposer son projet à l’OMC qui a été refondu en : Accord Général
sur le Commerce des Services, véritable machine stratégique de libération, puis de privatisation des
services publics – électricité, écoles, parc nationaux et tutti quanti…
Ces lois ont une particularité sournoise : on les vote dans la plus grande discrétion en en différant
l’application, c’est ce qu’on appelle des lois d’exemption - ce qui fait qu’elles passent inaperçues –
laissant à la machine le temps de détériorer le terrain de tel ou tel service, notamment aux yeux de
l’opinion publique, avant d’en activer la libéralisation.
La visée générale de ces lois est la suivante : à terme, tout, le minéral, le végétal, le vivant doivent
pouvoir être à vendre et à acheter. Pouvoir acheter, vendre, échanger les biens, les personnes,
l’éducation, le travail, les loisirs, les plaisirs, la santé…
J’ai donc essayé avec cette fiction, Toboggan, de mettre en action, non pas les causes d’une
économie mondiale délirante, mais ses effets secondaires directs, les symptômes concrets sur nos
sociétés soi-disant développées, avec de vrais personnages et de vraies situations incarnées.
Je me suis longuement entretenu avec ma sœur, ancienne assistante sociale et c’est elle qui m’a
indiqué ce fait de société : à savoir au Japon, des personnes âgées, pour qui les différentes aides
sociales, pensions ou retraites disparaissent, se sont mises à envisager la prison comme un « nouvel
Eldorado social » […]
Les investisseurs privés ne s’y sont pas trompés et l’entreprise Bouygues est déjà engagée dans un
immense programme de construction d’édifices carcéraux « modernes », dont certains spécialement
dédiés aux personnes âgées. La juridiction mondiale risque de se modifier aussi en conséquence :
pourquoi pas un monde à venir où ce sera au suspect ou à l’inculpé d’établir la preuve de son crime
ou délit, afin d’intégrer une prison : le monde à l’envers !
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
En relation avec ce choix d’un fait de société qui n’est plus seulement limité au Japon, vous
annoncez ici ou là vous en être référé à l’esthétique du manga. Pouvez-vous en dire un peu
plus ?
C’est en tout cas la première fois que pour un de mes spectacles je vais travailler avec une
peintre et un graphiste, en l’occurrence Elvire Caillon et David Poullard. C’est la première fois
que j’intègre effectivement le dessin et la BD. Nous avons imaginé une sorte de grand cahier,
un grand dérouleur qui dévide ses images un peu comme une lanterne magique, le tout
augmenté d’un tableau comme un tableau d’école, sur lequel on écrit. Mais la filiation est
assez floue : je n’ai pas souhaité que le spectateur identifie l’action en relation directe avec
le Japon. On est plutôt dans un non-lieu, une espèce de no man’s land, un terrain vague, un
lieu d’errance.
En revanche, l’inspiration japonaise est probablement plus directe dans les costumes,
notamment pour Anna Lien qui interprète la jeune fille sans papiers qui erre de zone en
zone. Elle, c’est plus évident, évoquera dans sa silhouette même l’influence esthétique du
manga et s’exprimera dans un mélange savant de chinois, d’anglais et de français qui situera
un peu plus précisément l’origine du symptôme.
Y a-t-il un autre aspect de la culture japonaise qui vous ait influencé pour la conception de
ce spectacle ?
Connaissez-vous le « cos-play », une abréviation de « costume and playing », dont
l’apparition est assez réjouissante car on disait encore il y a quelques années que le théâtre
et le spectacle vivant allaient disparaître avec la déferlante de la vidéo et des nouvelles
technologies ? Or, même au Japon, on en est revenu et le « live » est redevenu une valeur.
Les enfants qui ont été abreuvés toute leur enfance d’images de BD et vidéo ont éprouvé le
besoin de monter de nouveau sur des plateaux pour incarner et représenter les héros
virtuels issus de l’univers des mangas. C’est du moins ce que montre le succès du Don
Quijote Centre de Tokyo, à savoir que la scène et le spectacle vivant continuent d’être une
attraction pour une nouvelle génération de jeunes Japonais. […]
Une dernière question : pourquoi ce titre : Toboggan ?
Au Japon quand quelqu’un perd son emploi ou qu’il prend un congé de longue maladie, il est
toujours réemployé ou réintégré en-deçà de son ancienne compétence ou qualification. Il
n’a pas non plus ou très rarement une reconversion vers le haut. Quand cela se produit en
fin de carrière, la chute est souvent brutale, parfois jusqu’à la clochardisation. C’est ce
processus de glissade sociale qui a fait que les Japonais ont appelé leur société : la société
« toboggan ».
Entretien avec Gildas Milin
Propos recueillies par Yannic Mancel
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
3.
Le rapport au spectateur
 UN LABORATOIRE DES SENTIMENTS
[…]
Est-ce qu’il faut refonder le lien entre le spectateur et l’acteur, entre celui qui regarde et
celui qui est regardé ?
Le mettre en crise : d’un seul coup, les acteurs se retournent vers les spectateurs et, par le
fait de les observer, ils en font les acteurs de la représentation. Je crois que l’humanité se
fonde sur cette relation : des gens qui suspendent leur activité pour permettre le
déploiement d’une activité chez l’autre. On le voit dans une famille : quand un enfant
regarde son père se raser (il ne peut pas faire cette chose-là), il devient spectateur et,
suspendant son activité, il permet le déploiement chez son père de cette activité là. Et
inversement, quand son père va le regarder boire un verre de vin rouge pour la première fois
de sa vie, il devient spectateur, il suspend son activité et l’enfant devient acteur. J’ai le
sentiment que cette balance entre acteur et spectateur est fondamentale pour l’humanité et
peut devenir un champ d’expérimentation réel au sein de la représentation.
Ce que tu attends de ce dispositif, c’set la fondation d’une nouvelle communauté qui
réunirait l’acteur et le spectateur ? Ou bien est-ce qu’il s’agit juste de s’observer
mutuellement ?
L’idée est de déconditionner le regard chez le spectateur, de renouveler sa bibliothèque
sémantique, d’appréciation de signes, des codes, avec suffisamment de douceur pour qu’il
se retrouve en terrain inconnu. Qu’on puisse entrer dans le champ de la stricte observation,
en dehors de toute mesure ou de tout jugement. C’est une relation d’amour et d’intelligence
que je souhaite avec le public, et elle ne peut se faire que si on permet au spectateur,
comme dans une relation amoureuse qui commence, d’être dans la surprise totale de
ressentir quelque chose pour quelqu’un.
En ce qui concerne le théâtre, on aurait tendance à mettre en avant aujourd’hui les
sentiments, les émotions. On attend du théâtre, des arts en général, une sorte de décharge
émotionnelle. Par contre revendiquer le terme d’ « intelligence » paraît moins consensuel.
Je vois même une certaine subversion dans le rapprochement des deux termes.
Cela implique d’abandonner la dissociation entre l’intelligence, « froide », « analytique », et
les émotions qui surgissent tout d’un coup. Les neurobiologistes affirment que plus on
ressent, mieux on pense. Des spectacles en apparence émotionnels, qui postulent des
schémas communiels, fusionnels, en faisant fi de l’ « intelligence », ne travaillent pas au
déconditionnement. Au contraire ils pratiquent le rapt émotionnel du public, sur le mode de
la passion et de la dévoration, alors que l’amour commence avec l’écart, la considération de
l’autre comme séparé, différent.
Cela nous emmène vers un théâtre qui, nécessairement, divise. L’intelligence travaille à
créer une circulation entre les personnes sans les fusionner : non pas un public massif, mais
au contraire totalement atomisé, où chacun peut ressentir la représentation sur un mode
différent des autres.
[…]
Entretien avec Gildas Milin
Propos recueillies par David Lescot
o
Alternatives théâtrales, n 93 : « Écrire le monde autrement »,
Bruxelles, 2007
29
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
 CETTE ASSEMBLEE DE SPECTATEURS N’EST PAS UNE MASSE DE CONSOMMATEURS
Gildas Milin a fait partie des « Sans cible », une association de metteurs en scène mais également de
philosophes, cinéastes, urbanistes, sociologues, etc. Constituée en groupe de recherche, cette association se
réservait le droit et le devoir d’exprimer sous toutes formes les actes de ses recherches (débats, publications,
e
rencontres, laboratoires). Nous reproduisons ci-dessous leur manifeste, paru dans La Représentation, leur 2
publication
J’affirme la volonté de travailler pour un public. Je veux construire un espace public dans une
durée publique pour une assemblée de spectateurs. Ma responsabilité se pense à partir de
cette détermination de produire un sens partagé. Ces convictions donnent forme à mon
travail.
Je substitue au mot culture qui définit des biens, le mot formation qui définit des actions et
exige le jugement. Le jugement n’impose pas de vérité car la représentation propose à ceux
qui sont présents d’exercer ensemble leur faculté de jugement, de valider ensemble leur
goût. Le jugement s’enracine dans le partage du sens, c’est cela le sens commun. Mon travail
prend le jugement de tous comme horizon afin de produire un monde commun. Éprouver et
juger c’est résister à la désolation de ceux qui ne croient plus à la pensée, et à la
détermination de ceux qui veulent nous en priver. Nous voulons penser ce qui nous arrive
parce que nous le pouvons.
Nous vivons dans un monde paradoxal, contradictoire et difficile à penser. Le désir de
partager du sens et la nécessité de juger se font à la fois dans le désarroi et dans l’espoir.
C’est pourquoi ce désir peut être celui de partager des interrogations. Ces désirs sont sans
fin, ils sont créateurs de sens. L’art est là aussi pour traiter nos passions et nos peurs.
Je ne suis pas un acteur de l’Histoire mais je raconte des histoires aux spectateurs de
l’Histoire. À la question : qu’est ce qu’un être humain ? Je réponds avoir la liberté de
travailler joyeusement sur l’inquiétude de l’être.
Je suis metteur en scène, donc je m’occupe des réglages de la représentation, conscient et
responsable de l’assemblée théâtrale réunie à chaque représentation.
Cette assemblée de spectateurs n’est pas une masse de consommateurs. Le spectacle
produit des liens et des écarts qui permettent à chacun de se déterminer et de débattre avec
les autres. Je ne cherche pas le consensus.
Je produis des œuvres et non des marchandises. Je travaille à la circulation des signes et du
sens et non à celle de l’argent. Le temps des œuvres est à la fois temps de production et
temps de pensée. Le temps de la pensée ne sera jamais soumis à l’audimat, à la compétition,
au rendement ni au profit. Les œuvres participent à une autre économie, celle de la gratuité,
du don et de la dépense.
La démocratie a besoin pour sa survie qu’on la mette en critique. Toute société
démocratique doit se donner les moyens et les outils d’être étudiée, examinée dans ses
fonctionnements comme dans ses dérèglements, instruite dans ses transformations.
30
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Je m’oppose à un corps politique qui renonce à ses responsabilités envers l’art, l’éducation
et la recherche. Je m’oppose aux choix politiques qui détruisent l’avenir des communautés.
Ces communautés se construisent par le mouvement permanent des représentations, par la
transmission tenace de ce qui peut se partager dans toute assemblée humaine.
Ne pas renoncer, ne pas céder, persister, revient à rester debout.
Pour Sans cible
Robert Cantarella, Frédéric Fisbach, Alain Françon, Ludovic Lagarde, Gildas Milin,
Marie-José Mondzain, Gilberte Tsaï.
Introduction à La Représentation
Les Éditions de l’Amandier, Paris, mai 2004, p. 2-3
31
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
4.
Les répétitions
 LES DISPOSITIFS MIS EN PLACE LORS DES REPETITIONS
Auteur, Gildas Milin met également en scène ses propres textes. Ce qui n’est pas sans difficulté.
Comment prendre la distance nécessaire avec une pièce que l’on a conçue ?
Le texte comme négatif
Lors de la phase d’écriture, il n’a, dit-il, aucune idée préconçue de ce que sera au final la
représentation. Il va même jusqu’à mettre en place toute une série de dispositifs pendant les
répétitions pour s’écarter des images préétablies et éviter d’être dans ce qu’il nomme une « vision
visionnante » :
Être sans écart, nous dit-il, serait dur pour moi, notamment sur la question de la mise en scène, ce
serait être dans ce que j’ai appelé parfois la « vision visionnante » : tu sais ce qu’il y a à faire, à jouer
et tu demandes à une équipe d’être soumise à cet ensemble de visions, d’être finalement des
exécutants. Travailler de cette manière ne m’intéresse pas parce que cela annihile complètement la
part de créativité de l’interprète. Il y a une source au départ de l’écriture et, de cette interrogation
initiale, s’écrit un texte qui devient une sorte de négatif – comme dans un principe photographique.
Les interprètes seront le révélateur pour revenir à un positif. Le positif étant sans aucune vision, il
s’agit simplement de se prêter la possibilité de regarder les acteurs faire à partir du texte et de se
dire : « Mais bien sûr ! ». Ce qui me permet de renouer en terme positif avec l’origine de l’écriture –
qu’évidemment j’ai totalement oubliée, c’est créer des dispositifs qui me permettent d’être
complètement éloigné des images qui auraient pu me venir au moment de l’écriture. C’est regarder
les interprètes sans images7.
La dissociation
Pour comprendre quels sont ces « dispositifs », il semble intéressant de voir les spécificités du
processus de travail qu’adopte Gildas Milin lors des répétitions.
Dans la plupart des cas, les metteurs en scène commencent les répétitions par ce que l’on appelle un
« travail à la table », durant cette phase, toute l’équipe est réunie et les acteurs lisent le texte à voix
haute. La lecture s’arrête dès que se pose une question sur le sens ou sur l’interprétation. Une fois
les interrogations levées ou repérées, suit une deuxième phase lors de laquelle les comédiens jouent
les scènes sur le plateau et modifient leur interprétation, leurs déplacements, leurs gestuelles, leurs
voix, etc. en fonction de ce que leur dit le metteur en scène.
Gildas Milin ne travaille pas de cette manière, mais sépare chaque champ de la pratique :
Il y a une douzaine d’années quand je me suis retrouvé en face d’interprètes, je me suis confronté à un
problème qui était le fait de ne pas bien arriver à tout faire en même temps : dire un texte,
l’interpréter, avoir un imaginaire, une connaissance de l’espace, de son corps, de sa voix, prendre en
compte l’espace des autres, le travail des autres, etc.
Jean Vilar, décrivant le travail de l’acteur Daniel Sorano disait à peu de chose près : « Je viens de
l’engager et je ne comprends pas ce qu’il fait. J’ai adoré le voir sur scène, mais là, ou il bouge, ou il
parle... il se met dans les coins et fait des trucs très bizarres... je ne comprends pas du tout ce qu’il
fait... Pourtant, dix jours avant la première, il explose complètement et ce qu’il fait est absolument
majeur » Je pense que lorsque Sorano bougeait, il cherchait des formes de corps et son rapport à
l’espace et ne pouvait pas parler en même temps, et qu’à l’inverse, quand il parlait, il ne bougeait
7
Sauf mention contraire, les citations de Gildas Milin sont extraites d’un entretien réalisé par Quentin Bonnell
en 2007, pour le Théâtre National de la Colline à l’occasion de la pièce Machine sans cible
32
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
plus. Il commençait à dissocier pour se laisser la possibilité d’être libre dans chaque domaine,
exactement comme un percussionniste qui, avec une partition extrêmement complexe, va d’abord
travailler son charleston, puis son tome, etc., et une fois qu’il aura la maîtrise dans chaque domaine,
réassociera l’ensemble et pourra même chanter par-dessus.
Dans L’Ordalie, un de mes premiers spectacles, les acteurs exécutaient des katas de karaté pendant
qu’ils jouaient des scènes de comédie. D’un côté, ils faisaient très bien les katas de karaté ; de l’autre,
ils jouaient très bien les scènes de comédie, mais ils n’arrivaient pas à faire les deux en même temps.
J’ai donc commencé à inventer des techniques qui me permettaient de traiter une seule chose à la
fois, c’est-à-dire que quand je traite le texte, je ne travaille que sur le texte ; l’imaginaire, je ne fais
que ça, quitte à ce que ça soit des séances de dessin, de danse, de tout ce qu’on veut ; quand on
travaille sur le corps, on ne fait que ça ; sur la voix que ça ; sur l’espace que ça. On dissocie tout.
Chacun, délestés du fait d’avoir à faire plusieurs choses en même temps, fait des découvertes dans
chacun de ces domaines.
Maintenant, on filme quasiment toutes les répétitions, il suffit après de visionner ensemble et de
sélectionner. Puis, chaque découverte dans chaque domaine est ensuite resynchronisée. Il y a donc un
travail de désynchronisation et un travail de resynchronisation. Le cerveau fait à peu près le même
travail : là, je suis en train de parler, j’ai trois aires qui chauffent du côté gauche – même s’il y a des
échanges qui sont nombreux – et si je me mets à chanter, ça va chauffer du côté droit. Chaque
domaine – l’analyse des couleurs, des odeurs, du mouvement, etc. – est traité dans des aires du
cerveau spécifiques de manière désynchronisée, dissociée, et le cerveau resynchronise, micronième de
seconde après micronième de seconde. Nous avons ainsi la sensation de pouvoir analyser, de
percevoir les couleurs, les mouvements, les odeurs, les voix en même temps. C’est un principe avant
tout orchestral. La désynchronisation, c’est l’idée qu’on rend à l’acteur la possibilité d’être un
orchestre : on lui fait travailler les violons séparément, les percussions séparément, etc., et à la fin on
remet tout ensemble. Cette façon de travailler donne beaucoup plus de liberté, beaucoup plus de
déconditionnement, permet un réexamen de la pratique et évite de tomber dans beaucoup des pièges
ou clichés de la ruse de l’acteur. La désynchronisation rend toute ruse impossible.
Le recours au texteur
L’un des « outils » les plus déroutants et les plus exaltants pour les interprètes dans la
désynchronisation est sans doute le texteur. Il s’agit en fait d’un assistant qui prend en charge les
textes de tous les acteurs tandis qu’ils improvisent ou répètent leurs déplacements et éprouvent les
formes chorégraphiques qui résultent du travail corporel. Cette technique permet à l’acteur
d’élaborer des déplacements complexes sans avoir à se soucier du texte. Elle permet également à
l’acteur d’enrichir son interprétation en étant à l’écoute de celle du texteur :
Avec les acteurs nous avons créé des dispositifs et des techniques qui leur permettaient de s’occuper
complètement de l’espace ou de leur corps ou de ci ou de ça, pendant qu’un texteur disait le texte
pour eux, comme une voix off. Le texteur accompagne l’acteur et, selon la façon dont il l’accompagne
à la voix, une perturbation se crée et vient créer chez l’acteur des modifications dans son jeu avec le
corps. Inversement, le corps de l’acteur se modifiant modifie aussi le texteur. Il s’agit d’un système de
désynchronisation et d’entraide, le texteur est un « hyper souffleur », quelque chose comme ça.
L’interprète crée des formes de corps qui sont à la fois associées au texte et en même temps qui sont
totalement libérées puisqu’il peut prendre des formes de corps extrêmement complexes ; s’il n’avait
pas cette liberté, il rentrerait plus facilement dans le champ du cliché parce qu’il faudrait qu’il parle
en même temps qu’il cherche ses propres formes de corps.
Pour quelques interprètes, il est difficile de comprendre pourquoi ils travaillent de façon dissociée ;
certains ont l’impression qu’on leur vole leur voix, leur texte ou une part de leur créativité dans ce
champ-là, puis, petit à petit, se rendant compte de la liberté que ça leur offre et sachant qu’au final
33
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
les différents champs de la pratique seront réassociés et que ce seront eux qui diront le texte, ils sont,
en général, plutôt contents, parce que cette façon de travailler est dix fois plus douce et dix fois plus
créative.
L’importance du corps
La dissociation permet de créer des images inédites, des déplacements et gestuelles
complexes qui n’auraient pas pu voir le jour sans elle. Une grande attention est donc portée
au corps : Toujours plus clairement, la mise en scène m’apparaît comme une pratique de
l’agencement des signes et, parmi ces différents signes de différente nature qui composent
un spectacle, ceux qui « émanent » des corps des interprètes sont loin d’être, pour moi, les
moins importants.
Je souhaite, au cours des répétitions de Toboggan, porter une attention particulière aux corps
des interprètes – des corps – comme outils de travail, comme lieux d’expression des
symptômes liés à la vieillesse, la maladie, l’animalité, la brutalité (jusqu’à atteindre parfois
des paroxysmes comiques ou tragiques).
L'étude de certains enchainements de Tai-Chi-Chuan² et de Qi Gong³ (comme base pour les
mouvements de gymnastique exécutés par le gang des vieux) nous permettrons de compléter
ce « lexique des corps8 ».
Le résultat est souvent surprenant. Les mouvements des corps n’illustrant pas forcément les
situations. Souvent, les partitions parallèles (quelqu’un dit des choses inattendues, fait des
gestes décalés, au moins par rapport à du réalisme, à du naturalisme, à des formes
d’expressions convenues), créent un hors-champ très fort qui permet de mieux entendre le
texte9, nous dit Gildas Milin. Ainsi, nous pouvons imaginer, que les enchaînements de TaiChi-Chuan et de Qi Gong appris par les acteurs se retrouveront dans la gestuelle des acteurs
de la même manière que les acteurs exécutaient des katas de karaté pendant qu’ils jouaient
des scènes de comédie dans L’Ordalie.
Répétitions de L’Ordalie. DR.
8
9
Extrait des notes de mise en scène de Toboggan de Gildas Milin
Extrait de « On ne badine pas avec la mort », entretien avec Frédérique Plein, 2007.
34
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Une absence de cible
Gildas Milin entrevoit, dit-il, la mise en scène comme un agencement des signes, parmi ces
différents signes de différente nature qui composent un spectacle, ceux qui « émanent » des
corps des interprètes sont loin d’être, pour moi, les moins importants. À l’origine de chaque
geste et de chaque image se trouvent les interprètes. Les couches successives, les
synchronismes qui se créent entre les différents champs de la pratique permettent de
multiplier les sources et donc les sens d’une scène particulière. Le metteur en scène ne tente
pas d’imprimer un sens à sa mise en scène, mais tout un faisceau :
Le point de visée n’est pas un point mais une infinité de points, comme un horizon ou même
comme un ensemble d’horizons qui irait dans tous les sens. Au théâtre, selon moi, c’est
lorsqu’on est dans cette absence de cible, que ça n’est pas enfermé et que l’on n’enferme pas
les spectateurs en leur disant ce qu’on veut leur montrer, qu’il se passe des choses et que ça
devient vivant. Ce que repèrent les spectateurs, les endroits d’impacts, c’est leur affaire. »
Cette volonté de ne pas imposer de vision, de sens, de manière unilatérale au spectateur
mais de le laisser maître de son imaginaire et de son ressenti est un souci constant dans la
pratique de Gildas Milin. Depuis la construction fragmentaire des textes qui ménage un
champ, une incertitude et une liberté au spectateur.
Il y a donc chez Gildas Milin un souci de prendre en compte le spectateur comme un individu
appartenant à une communauté et non du public comme masse, chacun étant invité à
choisir les points d’impact, à interpréter ce qu’il voit, à être, d’une certaine manière,
responsable. En ce sens, sa démarche est en accord avec le manifeste de l’association sans
cible :
Le jugement n’impose pas de vérité car la représentation propose à ceux qui sont présents
d’exercer ensemble leur faculté de jugement, de valider ensemble leur goût. Le jugement
s’enracine dans le partage du sens, c’est cela le sens commun. Mon travail prend le jugement
de tous comme horizon afin de produire un monde commun. Éprouver et juger c’est résister à
la désolation de ceux qui ne croient plus à la pensée, et à la détermination de ceux qui
veulent nous en priver10.
Quentin Bonnell, octobre 2012
10
La représentation, ouvrage collectif (association sans cible), Éditions de l’Amandier, Paris, 2004
35
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Toboggan
 Dissociés – associés
Comme nous l’expliquions dans le texte précédant, Gildas Milin dissocie chaque champ de la pratique de
l’acteur lors des répétitions avant de les réassocier. Ce texte de Gildas Milin revient sur cette « technique ».
[…]
Il y a quelques années, je pressentais, j’imagine comme d’autres, que demander à un acteur
de tout faire en même temps : dire un texte, bouger, prendre en compte l’espace, créer et
développer un imaginaire, prendre en compte les découvertes de ses partenaires, tant sur le
plateau qu’autour, etc., tout ça de façon frontale, générait, en fait au cœur du travail, une
masse incalculable de nœuds, au point qu’il était logiquement impossible d’en avoir une
conscience précise. Je décidais donc, dans un premier temps, de séparer grossièrement, les
domaines différents et repérables de la pratique de l’acteur : quand nous travaillions sur le
texte, nous ne travaillions que sur le texte, quand nous travaillions sur l’interprétation, nous
ne travaillions que sur l’interprétation, sur l’espace, que sur l’espace, etc., et je constatais
que la créativité, l’inventivité des acteurs étaient« élargies » du fait qu’ils n’avaient plus à se
préoccuper que d’un seul et unique domaine à la fois, sans être encombrés par l’ensemble
des autres. Je ne voyais encore que quatre ou cinq domaines dissociables. Je cherchais à en
découvrir le plus grand nombre et même à les « sub-dissocier », m’appuyant sur l’idée que
l’axe principal de ces dissociations se situait entre l’image et le son, l’espace et la voix.
Dans un autre temps, j’essayais de trouver le moyen d’associer de façons multiples ce qui
avait pu être créé par les interprètes, au cours du travail, dans ces domaines séparés.
J’associais par deux, par trois, par quatre, etc. Le résultat de ces premières associations avait
un caractère de simplicité quels qu’aient été les registres dans lesquels nous avions pu
travailler, ce qui ne me surprenait qu’à moitié, mais dans ce même temps où un certain
nombre de « petites mythologies » de la pratique de l’acteur, auxquelles j’avais pu croire
jusque-là, s’effondraient, je voulais comprendre comment et pourquoi « ce qui marchait »
marchait.
Après avoir été intrigué et m’être passionné pour les phénomènes de transe et de
possession, je m’intéressais au fonctionnement du cerveau et je comprenais qu’on pouvait
penser qu’il opérait de façon similaire : les différentes aires du cerveau travaillent de façon
séparées pour des taches spécifiques. Par exemple, quand je parle, trois aires particulières
« s’activent » ou encore d’autres aires, séparément « chauffent » lorsqu’elles prennent en
compte, d’un côté, le mouvement, d’un autre, les couleurs, d’un autre, les informations
somatosensorielles du corps, etc. Et pourtant, en général, de nos perceptions à nos
équations conscientes nous conservons un sentiment d’unité, nous n’avons pas, par
exemple, la sensation, quand nous regardons à l’extérieur de nous-mêmes, que le
mouvement est séparé de la couleur etc. Ceci, d’abord, parce que de façons diverses, ces
aires peuvent être interconnectées mais surtout, les activités de chacune d’elles, aussi
séparées soient elles, sont synchronisées. Et ici, comme dans le travail avec les interprètes,
associer ce qui a été préalablement dissocié, revient exactement à connecter – synchroniser.
[…]
mai 2002
Article paru in LEXI/textes, n° 6,
Théâtre National de la Colline/L’Arche Éditeur, Paris, 2002, p. 8-10
36
Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
 Activer un souvenir : dissocier pour associer
Antonio R. Damasio
Les différentes aires du cerveau, nous dit Gildas Milin, travaillent de façon séparée pour des taches spécifiques.
Le principe de dissociation adopté par Gildas Milin lors des répétitions épouserait donc, en un certain sens, le
fonctionnement même de notre cerveau. Ces remarques, loin d’être infondées, s’appuient sur les travaux de
différents neuroscientifiques dont ceux d’Antonio Damasio.
Le cerveau construit les souvenirs de manière extrêmement distribuée. Prenons par exemple
le souvenir d’un marteau. Nulle part au sein du cerveau nous ne trouverons un endroit
précis associé à une entrée pour le mot « marteau » suivie d’une définition claire de ce
qu’est un marteau, comme dans un dictionnaire. D’après les informations dont nous
disposons à l’heure actuelle, il semblerait plutôt que le cerveau répartisse sur plusieurs
fichiers différents aspects de nos interactions passées avec les marteaux : leur forme, leur
maniement, la courbure de la main et le geste à effectuer pour manier un marteau, le
résultat de l’action, le mot qui le désigne dans les langues que nous connaissons. Ces
informations archivées sont inactives, implicites et dispositionnelles ; elles correspondent à
plusieurs sites neuraux distincts localisés dans les différents cortex supérieurs.
Cette partition est imposée par la constitution même du cerveau et la nature physique de
notre environnement. C’est une chose que d’évaluer visuellement la forme du marteau, une
autre de le faire par le toucher ; le schème moteur mobilisé quand nous manions le marteau
ne peut être stocké dans le même cortex que le schème visuel qui correspond au
mouvement tel que nous le voyons, ou que les phonèmes qui constituent le mot marteau. La
séparation sur le plan spatial des informations archivées ne pose pas de problème dans la
mesure où ces informations, lorsqu’elles sont explicitées sous forme d’images, ne sont
exposées que dans un nombre limité de sites, et qu’elles sont coordonnées dans le temps,
de manière à ce que les raccords entre les différentes informations intégrées au sein de
l’image soient imperceptibles.
Si je vous dis marteau et vous demande de me dire ce que ce mot signifie, vous allez m’en
donner immédiatement une définition utile, à partir de laquelle on peut travailler. Cette
définition suppose notamment le déploiement instantané de plusieurs configurations
mentales explicites concernant les diverses facettes du marteau. Bien que les souvenirs
correspondant aux différents aspects de nos interactions avec les marteaux soient gardés
dans des zones distinctes du cerveau, sous une forme inactive, ces aires cérébrales sont
connectées de telle sorte que les archives implicites et inactives puissent se transformer en
images explicites, bien que sommaires, rapidement et presque simultanément. Le fait
d’avoir accès à l’ensemble de ces images nous permet ensuite de produire une description
verbale de l’entité concernée, sur laquelle se fondera la définition.
In Le Sentiment même de soi. Corps, émotions, conscience
texte français Claire Larsonneur et Claudine Tiercelin
Éditions Odile Jacob, Paris, 1999.
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 Photos de répétitions
©Franck Beloncle
©Franck Beloncle
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©Franck Beloncle
©Franck Beloncle
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5. Les Costumes
Les costumes du spectacle ont été réalisés aux ateliers de couture du TNS, et leur conception
est le résultat d’une collaboration entre Gildas Milin, Elvire Caillon et Elisabeth Kinderstuth.
« Pour les séniors, Elvire Caillon s’est inspirée d’un travail amorcé aux Beaux-Arts où elle a
commencé à dessiner des gens qui dorment sur des bancs ou des trottoirs : clochards, SDF…
Elle croque des silhouettes qui sont des formes enveloppées : tuniques métallisées duvets,
sacs de couchage, des vêtements protecteurs un peu comme une maison, avec les couleurs
passées qui viennent de cet univers-là (voir image 1 et 2). Le costume de la jeune fille (Anna
Lien), plus destroy, est inspiré du manga (voir image 3). Le costume de Rodolphe Congé
évoquera le grand reporteur de guerre, baroudeur et bardé d’appareils photos. Quant à
Guillaume Rannou, il apparaîtra en agent de sécurité un peu motard, entre policier d’élite et
vigile de société privée, le tout s’articulant dans une discussion passionnante avec Elisabeth
Kinderstuth qui est la créatrice des costumes. »
Gildas Milin
Propos recueillies par Yannic Mancel
Debout par Elvire Caillon
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Image 1 : L’équipe en
costumes
Image 2 : Alain Rimoux dans le rôle de Loup
©Franck Beloncle
Image 3 :
Anna Lien dans le rôle de la jeune fille
©Franck Beloncle
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Photos ayant servies comme source d’inspiration à la conception des costumes
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Ces images-ci ont quant à elles servies de base pour l’élaboration des costumes des
personnages du « gang des vieux »
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6.
La Scénographie
La scénographie représente une espèce de non lieu, une sorte de no man’s land, où les vieux
se mettent à errer, à essayer de trouver des gens pour les tuer, pour pouvoir enfin intégrer
une prison moderne. Des graphismes créés par David Poullard seront projetés sur des
surfaces comme des tableaux. Des projections de mots, de lexiques, de phrases, presque de
slogans, qu’on pourrait imaginer écrits par le gang des vieux. Et puis des projections de
dessins sortis du carnet de notes de l’enquêteur-contrôleur. Sur ce terrain vague, un piano
pour accompagner le chant des vieux.
Voici une didascalie dans le texte qui explique le principe d’un panneau dérouleur sur lequel
les projections auront lieu :
On découvre, dans le fond de scène de la salle de conférence, un immense dérouleur. Ce
dispositif graphique – entre rouleau égyptien géant et lanterne magique archaïque – déroule
effectivement sur deux mètres cinquante de haut et neuf mètres de long, à partie de deux
grands axes verticaux, mécaniques et rotatifs, de chaque côté, à cour et à jardin, une bande
de papier sur laquelle le public découvre, à mesure de son déroulement des dessins suivant
de près ou de loin le fil du récit de Wladimir Zant : un scénario dessiné et mobile, sur lequel
sont parfois projetés, à l’occasion, des commentaires, des notes.
Scène 16, page 19
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La construction du panneau dérouleur aux ateliers de décors du TNS
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Annexes
L’équipe artistique
GILDAS MILIN • AUTEUR ET METTEUR EN SCENE
Après des études d’arts plastiques, Gildas Milin intègre le Conservatoire national supérieur d'art dramatique et joue sous la direction
notamment de Philippe Adrien : Grand-peur et misère du Troisième Reich de Bertolt Brecht (1992), En attendant Godot de Samuel
Beckett (1993) ; Stuart Seide Henry VI de William Shakespeare (1993 et Festival d’Avignon 1994) et Le Gardien de Harold Pinter
(2001) ; Alain Françon : Skinner de Michel Deutsch (2002) ; Jean-Pierre Vincent : Combat dans l’ouest mise en espace (1994) ;
Bernard Sobel : Napoléon ou les cent jours de Christian Dietrich Grabbe au Kunstfest de Weimar (1995) ; Cécile Garcia-Fogel :
Trézène Mélodie d'après Phèdre de Racine (1996) ; Michel Didym : Sallinger de Bernard-Marie Koltès (1999). Il joue dans plusieurs
mises en scène de Julie Brochen : Penthésilée de Heinrich von Kleist (1997) et au TNS La Cagnotte de Eugène Labiche et Alfred
Delacour (2009) puis La Cerisaie de Anton Tchekhov repris à l’Odéon (2010).
Il a signé de nombreuses mises en scène : Dans la jungle des villes de Bertolt Brecht, L’Homosexuel ou la difficulté de s’exprimer de
Copi (1992), Guerre de Lars Noren pour le Riksteatern Stockholm (2004) et ses propres textes : L'Ordalie (1995), Le Triomphe de
e
l'échec (1997), Le Premier et le dernier (2000), Anthropozoo (2003), 25 heure (Festival d’Avignon-2005), L’Homme de février (2006),
Machine sans cible (Festival d’Avignon - 2007). En 2008, il présente avec Spinifex, formation rock, un concert-fiction intitulé Force
Faible, au Théâtre de la Bastille.
Depuis 1994, il intervient régulièrement comme pédagogue dans les écoles régionales et nationales de théâtre : Théâtre National de
Bretagne, Théâtre National de Strasbourg, ERAC (Lenz et la fabrique scientifique pour un théâtre du ressenti à partir de l’œuvre de
Georg Büchner-2004, inédit) et l’École Régionale d’acteurs de Lille (Commun n’est pas comme un-2005, inédit). En février 2007, il
présente les travaux des comédiens de troisième année au Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris (Ghosts,
inédit). Il anime également des stages en direction de comédiens professionnels, dans le cadre des Chantiers nomades (en 2006 et
en 2008 en collaboration avec Alain Françon : vers un théâtre du ressenti), ou plus récemment à Marseille en collaboration avec la
Scène nationale du Merlan. Pascale Ferran lui propose de co-diriger un atelier pour les élèves réalisateurs de la FEMIS en 2005.
Après cette rencontre, il intervient sur le tournage de Lady Chatterley et réalise son premier court-métrage intitulé Collapsar (200722 minutes).
Le Théâtre national de la Colline l’invite comme auteur associé en 2004 et 2008. Julie Brochen le sollicite dès sa première année de
direction du Théâtre National de Strasbourg en 2008, à la fois pour écrire et diriger un atelier avec les élèves du Groupe 38 de l’École
e
du TNS : Super flux, créé en février 2009 (inédit), réalise un film avec les élèves du Groupe 39 (2 année) ; et pour être collaborateur
artistique et pédagogique durant la saison 2009-2010 (plus particulièrement auprès de la section Jeu de l’École).
Installé en région Île-de-France, il y travaille depuis quinze ans.
Il publie principalement chez Actes Sud-Papiers.
Gildas Milin a écrit :
• L’Ordalie, Éditions Actes Sud-papiers, 1994
• Le Triomphe de l’échec, Éditions Actes Sud-papiers, 1994 (Prix de l’Association Beaumarchais 1994)
• La Troisième Vérité, commande du Deutsches Theater à l’invitation de Thomas Ostermeier et Thomas Langhoff (inédit)
• Le Premier et le dernier, Éditions Actes Sud-papiers, 2000
• Traduction de Visage de feu de Marius von Mayenburg pour la mise en scène de Alain Françon, Théâtre national de la Colline,
2001, L’Arche Éditeur, 2001
• Anthropozoo, Éditions Actes Sud-papiers, 2003
• Phineas Gage, commande pour les élèves du Théâtre National de Strasbourg, 2004 (inédit)
• Lenz et la fabrique scientifique pour un théâtre du ressenti, texte écrit pour les élèves de L’ERAC, à partir de l’œuvre de Georg
Büchner, 2004 (inédit)
• Commun n’est pas comme un, pour les élèves de l’École régionale de Lille (Théâtre du Nord), 2005 (inédit)
• L’Homme de février, Éditions Actes Sud-papiers, 2006
• Ghosts, pour les élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique, 2006 (inédit)
• Machine sans cible, Éditions Actes Sud-papiers, 2007
• Super flux commande pour les élèves du Théâtre National de Strasbourg, 2009 (inédit)
• Toboggan, Éditions Actes Sud-papiers, Théâtre National de Strasbourg, 2011/2012
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
ELVIRE CAILLON • DESSINS
Née à Paris en 1989, Elvire Caillon poursuit actuellement ses études à l'École des Beaux-Arts de Paris après une formation en
illustration à l'École Estienne dont elle sort diplômée en 2009. Depuis, elle travaille en tant qu’illustratrice et graphiste dans
différents domaines tels que la presse, l'édition ou la communication graphique. Parallèlement, elle commence à exposer son travail
personnel, dessins et images imprimées dans le cadre de manifestations collectives ou personnelles. En charge de la création visuelle
d'une importante partie de la scénographie du spectacle Toboggan, elle découvre un nouveau terrain de jeu qui lui offre
l’opportunité d'associer son travail à un univers qu’elle connait bien et affectionne tout particulièrement, celui du théâtre.
DAVID POULLARD • TYPOGRAPHIE
Dessinateur de caractères typographiques, graphiste et enseignant, le champ d’investigation de David Poullard est l’interrogation du
quotidien, et plus spécifiquement l’étude des écritures exposées et des pratiques sociales qui les génèrent. Il dessine à partir de 1999
la série des Ordinaires, caractères typographiques inspirés des noms de stations en carrelage présente dans le réseau métropolitain
parisien. En compagnie de Florence Inoué et de Guillaume Rannou, il développe depuis 2001 des projets destinés à questionner nos
habitudes langagières, à fouiller les ressorts de notre oralité. Il mène actuellement une recherche : « Ces lettres dans lesquelles on
circule », tentative d'interrogation de notre environnement scriptural.
ERIC DA GRAÇA NEVES • LUMIÈRES
Eric Da Graça Neves est créateur lumière, vidéaste, régisseur général et ingénieur du son, scénographe. Autodidacte, il collabore au
théâtre avec Jacques Bonnaffé pour Jacques 2 Jacques, François Duval pour Pierre, pour Mémoire, Pierre Ascaride pour Le Chichi,
Xavier Duringer pour Les Surfeurs et Gildas Milin pour L'Homme de février, Machine sans cible, Force faible. Il signe plusieurs
créations lumière : pour la compagnie Salia Ny Seydou, François Duval et de nombreux autres artistes : Hélène Boisbeau, Anne
Pékoslawska, Marion Blondeau, Camilla Sarracini. Il est le directeur technique des compagnies de danse contemporaine Blanca Li et
Salia Ny Seydou et du festival Plastique Danse Flore. Il a conçu et mis en place le premier centre de développement chorégraphique
d’Afrique à Ouagadougou au Burkina Faso. Il crée le parcours sonore ALLO ALLOUE avec Jacques Bonnaffé pour la Maison des
comédiens Maria Casarès et signe la création vidéo de Nature aime à se cacher de Jacques Bonnaffé en 2011.
SAMUEL PAJAND • SON
Après des études d’audiovisuel à l’université de Brest, Samuel Pajand débute en 2000 comme technicien son à la Ménagerie de
Verre. Il est créateur son pour les spectacles de Judith Depaule, Gildas Milin, Joachim Latarjet, Vincent Macaigne… Il est membre de
la compagnie *MELK PROD : Marco Berrettini depuis 2006, et collabore régulièrement avec Claudia Triozzi et Marta Izquierdo. Il
forme avec Fred Costa un duo de musique plus ou moins improvisée « Complexité faible » ; il tente avec Marco Berrettini un duo de
musique plus ou moins pop « Summer Music » ; il est un membre actif du groupe plus ou moins punk « Marta & the psycho son’s ».
ÉLIZABETH KINDERSTUTH • COSTUMES
Née à Strasbourg, Elisabeth Kinderstuth se passionne très tôt pour la couture. Elle obtient un brevet de technicienne des métiers de
l’habillement. Elle commence sa carrière en 1981 comme couturière habilleuse notamment pour le Théâtre National de Strasbourg
et l’Opéra national du Rhin, dont elle accompagne régulièrement les spectacles en tournée. Elle fait une formation complémentaire
de costumier réalisateur au GRETA à Paris. Après plus d’une dizaine d’année dans les arts de la scène, elle consacre deux années
comme maître auxiliaire de la section maille-habillement auprès d’élèves en collège, puis fait un passage dans l’industrie textile en
Allemagne comme modéliste. En 1995, elle réintègre l’Opéra national du Rhin comme coupeuse femme et homme, puis est
nommée première d’atelier en 1997.
En 2001, Stéphane Braunschweig lui propose le poste de chef d’atelier au Théâtre National de Strasbourg ainsi que le suivi
pédagogique des élèves en section Scénographie-Costumes de l’École supérieure d’art dramatique du TNS.
Elle y accompagne depuis les créations maison, les co-productions et les projets des élèves.
Elle a travaillé avec les costumiers Thibault Vancraenenbroeck, Chantal de la Coste-Messelière, Odile Hautemulle, Thibaut Welchlin,
Patrice Cauchetier…
JÉRÔME BOIVIN • ASSISTANT
e
Alias pepouseman, Jérôme Boivin étudie la musique classique et le jazz au Conservatoire du X arrondissement en classes de Piano et
Contrebasse. Membre du Groupe « Java » avec plusieurs albums à leur actif, ils tournent en France et dans le monde entier depuis
plus d'une dizaine d'année.
En parallèle, il joue au théâtre dans Icône de Gérard Watkins (2004) et travaille depuis 2006 avec Gildas Milin sur différents projets
dont L'Homme de février (2006-2007) et Force faible (2008).
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Les comédiens
RODOLPHE CONGÉ • ENQUÊTEUR
Après une formation au Conservatoire national d'art dramatique, où Rodolphe Congé joue notamment sous la direction de Klaus
Michael Grüber Les Géants de la montagne de Luigi Pirandello et de Jacques Lassalle, il travaille au théâtre notamment sous la
direction de Alain Françon (Café de Edward Bond, Visage de feu de Marius von Mayenburg, Mais aussi autre chose de Christine
Angot), de Stuart Seide (Moonlight de Harold Pinter), de Gildas Milin (Machine sans cible), de Etienne Pommeret, Philippe Minyana,
Frédéric Maragnani, Christophe Perton, Frédérique Plain, Roger Vontobel… Il est aussi interprète et dramaturge pour Joris Lacoste :
Purgatoire, le vrai spectacle. Il joue au cinéma sous la direction de Siegrid Alnoy, François Dupeyron, Eric Heumann, Benoît Jacquot,
Laurent Larivière, Cyril Brody et termine actuellement le tournage du dernier film de Pierre Schoeller Les Anonymes.
CATHERINE FERRAN • LOUVE
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Entrée à la Comédie-Française le 1 septembre 1971, Catherine Ferran devient sociétaire le 1 janvier 1981, puis est nommée
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sociétaire honoraire le 1 janvier 2006. Elle travaille avec Jean-Paul Roussillon (Les Femmes Savantes, Tartuffe, Les Trois Sœurs) et
Alain Françon (La Cerisaie, Long voyage vers la nuit). Récemment, elle interprète la Mère dans Juste la fin du monde de Jean-Luc
Lagarce mis en scène par Michel Raskine ; Cathos dans Les Précieuses ridicules de Molière mis en scène par Dan Jemmet ; Charlotte
dans Les Temps difficiles de Edouard Bourdet mis en scène par Jean-Claude Berutti ; La Femme Policier, La Dame à petite voix et La
Femme à la carapace dans La Maison des morts de Philipe Minyana mis en scène par Robert Cantarella ; Première Femme, Première
Voisine et Maria dans Dramuscules de Thomas Bernhard ; Emilia dans Le Conte d’hiver de William Shakespeare, Madame Queuleu
dans Le Retour au désert de Bernard-Marie Koltès mis en scène par Muriel Mayette ; Anna dans Place des héros de Thomas Bernhard
mis en scène par Arthur Nauzyciel ; Nérine dans Monsieur de Pourcignac de Molière mis en scène par Philippe Adrien ; Une Duègne
dans Ruy Blas de Victor Hugo mis en scène par Brigitte Jaques-Wajeman ; Rita dans Les Danseurs de la pluie de Karin Mainwaring mis
en scène par Muriel Mayette et Jacques Vincey ; Jacqueline dans Oublier de Marie Laberge sous la direction de Daniel Benoin.
MICHÈLE GODDET • MOTO
Michèle Goddet co-fonde en 1975 le collectif « L’Attroupement » avec lequel elle joue Eschyle, Bodel D’Arras, Shakespeare, Hugo,
Ritsos… Puis elle travaille avec les équipes de Bruno Boëglin et Chantal Morel et interprète Vautrin, Dostoïevski, Agueev, Molnar,
Valletti. Ensuite, sous la direction de Roger Planchon, Jean-Pierre Vincent, Gildas Milin, Michelle Marquais, Alain Françon, Bérangère
Bonvoisin, Sylvain Creuzevault, elle joue Platonov, Molière, Milin, Cixous, Bond, Tchekhov, Courteline, Brecht…
Elle met en scène Michel Boujenah, le clown Guy Pannequin (Macloma), L'Étranger de Camus à Beyrouth et son propre spectacle
Bruegel, Bill et Moi.
Elle joue pour le cinéma et la télévision dans les réalisations de Julie Delpy, Vincent Garenq, Claude Chabrol, Louis Garrel,
Bertrand Tavernier, Pierre Jolivet, François Dupeyron, Jacques Doillon, Nicole Garcia, Claire Devers, Benoît Jacquot, Fabrice
Cazeneuve, José Giovanni.
CLAUDE LÉVÊQUE • NAOJIMA
C'est au Studio des Champs Elysées, sous la direction de Maurice Jacquemont, que Claude Lévêque a commencé, en participant en
tant qu'acteur (et assistant) à une dizaine de spectacles. Cette période fut suivie par plusieurs créations avec Marcel Cuvelier, JeanMarie Serreau, Edmond Tamiz, Antoine Vitez, Armand Gatti, Jean-Pierre Miquel, Michel Dubois, Laurent Terzieff, Christian Dente,
Mireille Laroche, Simon Eine, Pierre Vial, Patrice Chéreau, Stéphane Braunschweig et il fut de presque tous les spectacles de la
compagnie Meyrand-Téphany au Centre dramatique national de Limoges.
Entre temps, avec la compagnie Renaud-Barrault, il joue sous la direction de Roger Blin pour la création de Où boivent les vaches ?
de Roland Dubillard. Le rôle de Vladimir dans En attendant Godot mis en scène par Yutaka Wada le marqua profondément.
Le répertoire qu’il a exploré s’étend de l’Iliade ou des Hymnes homériques à Jean-Luc Lagarce ou Marius von Mayenburg, en passant
par Dürrenmatt, Sarraute, Melville, Cocteau, Schnitzler, Copi, Beckett, Vitrac, Giraudoux, Tchekhov, Marivaux, Labiche, Goldoni,
Kleist, Bond, Brecht, Dario Fo, Prévert, Beaumarchais, Eduardo Manet, Hugo, Ionesco, Gogol, Musset, Strindberg, Salacrou, Vinaver,
Pinter, Claudel, Shaw, Yacine, Calderon, Lorca, Anouilh, Synge ou Camus, entre autres.
Ces dernières années, il participe à Eva Peron, Des héros et des dieux, Peines d’amour perdues et Vie et Mort du roi Jean de
Shakespeare mis en scène par Laurent Pelly. On le voit également dans L’Avare de Molière, Hölderlin de Charles Juliet, Emmanuel
Kant de Thomas Bernhard mis en scène par Roger Planchon ; mais aussi dans C’est beau de Nathalie Sarraute mis en scène par
Michel Raskine ; Bartleby de Herman Melville mis en scène par David Géry ; La Version de Browning de Terence Rattigan sous la
direction de Didier Bezace ; Retour de la Citadelle de Jean-Luc Lagarce mis en scène par François Rancillac. Avec Alain Françon, il joue
dans Namuncura de Pisani et, sous la direction de André Engel dans La Petite Catherine de Heilbronn de Kleist au Théâtre de l’Odéon.
Au cinéma et à la télévision, il tourne sous la direction de Marcel Bluwal, Jean Prat, Jean-Pierre Marchand, Hervé Baslé, Elisabeth
Rappeneau, Philippe Defrance, Manuel de Oliveira, Thierry Klifa, Eric Lartigot. On a pu le voir dans Louis enfant roi et Lautrec, de
Roger Planchon, La Lettre, de Manuel de Oliveira ou La Sainte-Victoire de François Favrat. Il vient de tourner tout dernièrement dans
deux séries pour la télévision : Le Sang de la Vigne et Les Revenants.
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
ANNA LIEN • LA JEUNE FILLE
C’est au Théâtre du Nord sous la direction de Stuart Seide que Anna Lien se forme (École Professionnelle Supérieure d’Art
Dramatique de Lille de 2003 à 2006) et débute sa carrière. Jusqu’en 2008, elle fait partie du collectif d'acteurs du Théâtre du Nord.
Durant la saison 2006-2007, on a pu la voir dans Hamlet(s) de William Shakespeare, Hijra de Ask Kotak (Madhu), Dommage qu’elle
soit une putain de John Ford mis en scène par Stuart Seide. La saison suivante, elle est Alice au pays sans merveilles dans Alice etc.
d’après Dario Fo et Franca Rame sous la direction de Stuart Seide, Angeline dans Si j’avais su j'aurais fait des chiens de Stanislas
Cotton mis en scène par Vincent Goethals. En 2008, elle joue dans Les Amoureux de Carlo Goldoni mis en scène par Gloria Paris. Elle
participe à Déambulations à la gare St Sauveur avec le collectif du Théâtre du Nord et reprend Alice, etc. durant la saison 2009-2010.
Au cinéma et à la télévision, elle tourne dans I want You, une réalisation de Aurélien Manya en 2004, Les Loups en 2006 et Rendezvous à Stella Plage en 2009 réalisés par Shalimar Preuss, La Lettre d’amour sous la direction de Bruno Bontzolakis en 2007.
CHRISTIAN MAZZUCHINI • BUTOR ÉTOILÉ
Après avoir débuté la danse, Christian Mazzuchini s'oriente très vite vers le théâtre. Il rencontre les textes de Serge Valletti avec
lequel s’est constuit un réel compagnonnage depuis 25 ans. Voici ce que dit l'auteur de l’acteur : « Au fil du temps et de la
fréquentation par Christian de mes textes : Comme il veut, Le Nègre au sang, Balle perdue, Souvenirs assassins, Autour de Martial, Si
vous êtes des hommes !, Réception... Une sorte d'évidence s'est fait jour. Il est celui qui est fait pour moi ou bien est-ce que c'est moi
qui suis fait pour lui ? Nous creusons cette question ensemble en sachant que nous n'aurons probablement jamais la réponse ».
Christian Mazzuchini nourrit d’autres collaborations en tant acteur. On le retrouve notamment aux côtés de Jean-Yves Picq (Falaises1991), Pascal Papini (Comme il veut-1990, Les Chevaux à la fenêtre-1993, Dialogues manqués, Le Nègre au sang-1994), Chantal
Morel (Le Roi Lear-1994, Correspondance-1997), puis dans Autour de Martial mis en scène par H. Menahem en 1995, Souvenirs
assassins mis en scène par Serge Valletti en 1996. Il joue également avec Cyril Grosse (Ulysse-1996), Philippe Delaigue (Si vous êtes
des hommes-1998), Olivier Maurin (Chutes-1996, Carte noire-1998, Petite suite de portraits-1999), Claire Lasne (Ivanov-1999) et
Bernard Lotti (Homme et galant homme-2000).
Il met en scène certains des textes de Serge Valletti : Balle perdue (1994) Conseil Municipal (1995), Gens d'ici et Autres Histoires
(1997), Autres Gens d'ici (2000), Jésus de Marseille (2007), Mythomane un collage de texte (2009) et de François Tosquelles :
Psychiatrie / Déconniatrie (2004).
Il écrit également des textes qu’il met en scène comme La Tentation d'exister, Les Tchatchades, Roméa et Joliette et L'Esprit fumiste. Il
met en scène Verdi Opéra avec la famille Zanco Tu aj Me, Cabaret Tzigane et Pour expliquer ce que j'étais de Aragon.
Il travaille également pour la télévision et le cinéma, notamment avec Claire Denis, Luc Besson, Patrice Leconte, Hélène Angel,
Gérard Pires et à plusieurs reprises avec Karim Dridi, Olivier Marchal, Richard Berry et Claude-Michel Rome. On le retrouve aussi
dans deux feuilletons du petit écran : Le Camarguais et Zodiaque.
GUILLAUME RANNOU • LA VICTIME
Après avoir débuté des études de russe, Guillaume Rannou choisit l'art dramatique en participant à la création de la compagnie
« Suzanne M. » d’Éric Vigner pour les spectacles La Maison d'os de Roland Dubillard (1991) et Le Régiment de Sambre-et-Meuse
(1992). C'est durant cette création qu'il crée avec d'autres la compagnie de théâtre de rue « Éclat immédiat et durable » qui tournera
jusqu'en 2001. En 1993, il part danser en Belgique avec Pierre Droulers, avant d'intégrer la même année le Conservatoire national
supérieur d’art dramatique de Paris, où il étudiera essentiellement avec Dominique Valadié. Pendant trois années, il travaille à la fois
dans la rue et au Conservatoire. Il joue ensuite avec Laurent Lévy (Comediante, L'Histoire du soldat), Laurent Rogero (Le Cocu
magnifique de Crommelynck), Georges Lavaudant (6x2, Ulysse Matériaux), Olivier Py (Le Visage d'Orphée), Jean Boillot (Rien pour
Pehuajo de J. Cortazar), Alain Françon (Skinner de M. Deutsch).
Puis il entame en 2002 une collaboration avec Gildas Milin, en tant qu’assistant ou acteur : Anthropozoo, L'Homme de février,
Machine sans cible. Il travaille également avec Arnaud Churin (Pas vu à la télévision-2004) et se rend à trois reprises au Japon pour
jouer, en japonais, sous la direction de Kazuyoshi Kushida La Bonne Âme de Setchouan et Le Cercle de craie caucasien de Bertolt
Brecht (2001 et 2004). Il écrit à cette occasion un récit de voyage « êtreaujapon ».
En collaboration avec Juliette Rudent-Gili, il écrit un spectacle pour 19 acteurs sur le rugby : J'ai ! au Théâtre de la Cité internationale
(2007). Ils créent ensemble la compagnie « J'ai ! » dont le nouveau projet La Vérité en pointure à partir d'un texte de Jacques
Derrida, coécrit avec Stéphanie Farison, Martin Selze, devrait être créé durant la saison 2013-2014.
Guillaume Rannou est également cofondateur avec David Poullard, graphiste et typographe, des Ets Poullard/Rannou, qui
s'appliquent à traiter sur des supports variés la notion d'ordinaire dans la langue. Ce travail a donné lieu à des expositions (Centre
d'art de la Ferme du Buisson, BU de Dijon, librairie Le Monte-en-l'air, Ville de Fontenay-sous-Bois, BBB-Centre d'art à Toulouse...), à
des livres (Précis de conjugaisons ordinaires-2006, Très Précis de conjugaisons ordinaires – Le Travail-2011, Usuel de locutions
ordinaires-à paraître), et à des performances diverses.
Il engage en 2010 une collaboration avec Célia Houdart et Sébastien Roux : À demi endormi déjà, Fréquences. En 2011, il joue dans
Pionniers à Ingolstadt de Marieluise Fleisser mis en scène par Yves Beaunesne .
Il écrit actuellement une petite forme d'après sa généalogie, provisoirement intitulée Nous sommes tous, ainsi qu'une adaptation
pour le théâtre du livre pour enfants Annie du lac de l'illustratrice Kitty Crowther mise en scène par Juliette Rudent-Gili.
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
ALAIN RIMOUX • LOUP
Formé à l’École supérieure de la Comédie de l‘Est qui deviendra plus tard le TNS et que dirigeaient alors Hubert Gignoux et Pierre
Lefèvre, Alain Rimoux est ensuite engagé par le premier pour les spectacles de la Comédie de l’Est. Il fonde avec le metteur en scène
Robert Gironès, le « Théâtre de la Reprise » et joue dans tous les spectacles. Avec Peter Brook, il est de l’ouverture du Théâtre des
Bouffes du Nord. Puis, il intègre la troupe permanente du TNS, travaille avec Jean-Pierre Vincent et joue dans les créations de André
Engel, Michel Deutsch, Dominique Muller, Hélène Vincent, Philippe Lacoue-Labarthe… Pensionnaire de la Comédie-Française de
1983 à 1986, il joue sous la direction de Jean-Pierre Miquel, Jean-Marie Villégier, Jean Dautremay, Klaus Michael Grüber, ou encore
Stuart Seide avec lequel il fera, à partir de 1993, une dizaine de spectacles, notamment : Henri VI, Macbeth, Roméo et Juliette,
Antoine et Cléopatre de Shakespeare¸ Le Grain et la balle de Beckett, L’Anniversaire, Moonlight, Le Gardien de Pinter, Le Régisseur
de la chrétienté de Barry, Auprès de la mer intérieure de Bond. Il a été dirigé par Claudia Stavinsky dans Nora de Jelinek, Les Monteplats de Pinter, Le Bousier de Cormann, Monsieur chasse de Feydeau. Il était dans Les Prétendants de Jean-Luc Lagarce mis en scène
par Jean-Pierre Vincent (2003), Confidences trop intimes de Jérôme Tonnerre mis en scène par Patrice Leconte (2007). Il a joué sous
la direction de Alain Françon : Platonov de Tchekhov, de Bruno Freyssinet et William Nadylam : Stuff Happens de David Hare.
Récemment on le retrouve auprès de Christian Schiaretti : Coriolan de Shakespeare (2006), Par-dessus bord de Vinaver (2008), La
Célestine de Rojas et Don Juan de Tirso de Molina (2010/2011) Il était également Tram dans Ce qui évolue, ce qui demeure de Barker
mis en scène par Fanny Mentré au Théâtre National de Strasbourg (2011).
Au cinéma, il travaille notamment avec Raoul Ruiz Le Temps retrouvé ; Bernard Rapp Tiré à part ; François Dupeyron La Chambre des
officiers ; Jean-Marc Moutout Violences des échanges en milieu tempéré ; Patrice Leconte Mon Meilleur ami… Il travaille beaucoup
pour la radio et la television ; parmi ses dernières apparitions : Adresse inconnue avec Rodolphe Tisssot, Adieu De Gaulle de Laurent
Herbiet (2008), L’Affaire Salengro d’Yves Boisset, Alice Nevers par Denis Amar, l’Affaire Courjault de Jean-Xavier de Lestrade (2009),
Sélection naturelle de Régis Musset (2010).
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Rencontres autour du spectacle
THÉÂTRE EN PENSÉES
Discussion autour de TOBOGGAN
Entre Gildas Milin et Magali Mougel du Département Arts et spectacles de l’UDS
• Lundi 26 novembre à 20h au TNS
Entrée libre
BORD DE PLATEAU
À l’issue de la représentation du Jeudi 15 novembre
DU THÉÂTRE À L’ÉCRAN : PROJECTION suivie d’une rencontre avec Gildas Milin
BATTLE ROYALE
De Kinji Fukasuku
Avec Tatsuya Fujiwara, Aki Maeda, Takeshi Kitano…
Japon, 2001, 1h54
Dans un Japon futuriste, les adultes redoutent les
adolescents japonais, enclins à la violence et à la
désobéissance. D'où le vote de la loi Battle Royale. Le
principe de ce « jeu »» est très simple : Une classe de
troisième, tirée au sort, est envoyée chaque année lors du
traditionnel voyage scolaire dans un lieu isolé (une île en
l'occurrence), sur lequel les élèves doivent s'entretuer, et ce
durant trois jours. Il ne doit rester qu'un survivant – faute de
quoi les colliers dont sont munis les joueurs explosent –, qui
pourra rentrer chez lui à l'issue du jeu.
e
La classe de 3 B du collège municipal de Shiroiwa, qui a
« l'honneur » de combattre cette année, perd déjà deux des
siens d’entrée de jeu alors que leur ancien professeur,
portant le nom de Kitano (interprété par Takeshi Kitano), leur
explique les règles. Chaque élève est ensuite lâché dans l'île
avec son affect et l’obligation de rapidement prendre une décision quant à la suite des
événements ; survivre seul, essayer de s'unir avec les autres pour trouver une solution, tuer pour
être le dernier ou tout simplement se suicider…
• Dimanche 18 novembre à 16h au Cinéma Star
Tarif spécial : 5,50 € sur présentation de la carte d’abonnement du TNS ou d’un billet Toboggan.
RENCONTRE-SIGNATURE DE GILDAS MILIN
• Samedi 24 novembre de 15h à 17h à la Librairie Quai des Brumes
ATELIER DE CRITIQUE THÉÂTRALE
Atelier ouvert à tous, animé par Barbara Engelhardt, journaliste.
Les spectateurs sont invités à confronter et enrichir leur regard sur un spectacle. Chaque
séance comprend un temps d’échange avec un membre de l’équipe artistique de la pièce
concernée.
• Jeudi 29 novembre à 19h à la Librairie Quai des Brumes
En présence de Gildas Milin
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Théâtre National de Strasbourg
Toboggan
Dans le même temps
SALLINGER
COPRODUCTION
ET CRÉATION AU TNS
De Bernard-Marie Koltès
Mise en scène Catherine Marnas
Dates du mardi 20 novembre au vendredi 7 décembre 2012
Horaires du mardi au samedi à 20h, dimanche 2 à 16h
Relâche les lundis et dimanche 25 novembre
Salle Koltès
Conversation de la Librairie Kléber
avec Catherine Marnas
Lecture de lettres de Koltès par les comédiens
•Samedi 1er décembre à 11h
Séances spéciales
• Surtitrage français Vendredi 30 novembre
• Surtitrage allemand Samedi 1er décembre
• Audiodescription Mercredi 5 décembre
Bord de plateau à l’issue de la représentation
• Mercredi 5 décembre
Théâtre en pensées
avec Catherine Marnas et ses invités
Projection du documentaire
BERNARD-MARIE KOLTÈS : COMME UNE
ÉTOILE FILANTE de François Koltès, 1997, 46’
• Lundi 3 décembre à 20h au TNS
Du théâtre à l’écran
À LA RENCONTRE DE FORRESTER
de Gus Van Sant, 2000, 136’
•Dimanche 25 novembre à 16h au Cinéma Star
5,50€ sur présentation de la carte d’abonné
ou du billet du spectacle
AUTRES ACTIVITES
ATELIER D’ÉCRITURE
Animé par Magali Mougel, auteur et pédagogue, en collaboration avec Fanny Mentré, auteur associée au TNS, cet
atelier s’adresse aux personnes désireuses de se questionner sur les enjeux et singularités de l’écriture théâtrale.
En dialogue avec deux pièces de la saison qui ont pour origine un fait réel et/ou d’actualité, Toboggan et
Guantanamo, les participants s’intéresseront à la façon dont le théâtre peut s’emparer de tels éléments. Ils seront
invités à engager un projet d’écriture personnel et à l’expérimenter de manière collective.
• SAMEDIS 13 octobre, 17 novembre, 15 décembre, 19 janvier, 9 février, 9 mars, 6 avril, 4 mai, 8 juin
de 10h à 13h au TNS
Participation : 30 € • Ouvert à tous dans la limite des places disponibles • Renseignements et inscription
obligatoire auprès de Quentin Bonnell • 03 88 24 88 47 • [email protected]
ANDRÉ POMARAT LIT VICTOR HUGO
En partenariat avec la Librairie Kléber
Passionné de Victor Hugo et de sa langue, le comédien André Pomarat revisite la poésie de ce monument de la
littérature française en six lectures tout au long de la saison. Ce « parcours Hugo » s’inscrit exclusivement dans la
période de son exil à Jersey et Guernesey du 11 décembre 1852 au 5 septembre 1870, où il rentre en France, après
son refus de deux amnisties et après la mort de Napoléon III.
• MARDIS 23 octobre La Légende des siècles, 13 novembre Les Tables tournantes, 4 décembre Les Châtiments, 15
janvier Le Gibet, 5 février La Fin de Satan et Dieu
à 19h à la Librairie Kléber
LUNDI 4 mars La Légende des siècles à 20h au TNS
Entrée libre • Réservation obligatoire au 03 88 24 88 00
EN DECEMBRE
AU BOIS LACTÉ
ACCUEIL
De Dylan Thomas
Mise en scène Stuart Seide
Dates du jeudi 13 au vendredi 21 décembre 2012
Horaires du mardi au samedi à 20h, dimanche 16 à 16h
Relâche lundi 17
Salle Koltès
Bord de plateau à l’issue de la représentation
• Mardi 18 décembre
Séance spéciale
• Audiodescription Vendredi 21 décembre
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Toboggan
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