C’est facile d’arrêter de fumer, je l’ai fait au moins cinq cents fois Oscar Wilde POUR EN FINIR AVEC LA CIGARETTE Par Michèle Freud* « J’ai commencé à fumer par mimétisme, pour faire comme mon ami déclare Eléonore. Aujourd’hui, je suis prise à mon propre piège, après plusieurs tentatives, impossible de m’arrêter vraiment.» Nombreux sont les fumeurs qui manifestent leur désir de sevrage tabagique. Leur combat contre la cigarette est, la plupart du temps, émaillé de nombreuses rechutes et récidives, car la nicotine est une drogue auquel le fumeur doit sa dépendance. Elle génère, comme toutes les drogues, un sentiment de manque qui, s’il se prolonge, crée un état de tension et de nervosité extrême. Il importe donc de préparer le sevrage car faute d’une réelle détermination et d’une préparation concrète, toute tentative risque d’être vouée à l’échec. Les conditions du succès résident dans un réel désir de changer de comportement et dans une motivation sans faille, aussi y a-t-il lieu de mettre en place une stratégie adéquate. En voici les différentes étapes : • Votre préparation Fixez-vous une date cible pour arrêter, par exemple votre anniversaire, le premier jour de l'année ou un moment mémorable. Faites en sorte que ce soit un jour important que vous fêterez par la suite comme une date « anniversaire ». Deux ou trois semaines avant cette date, préparez-vous à arrêter et commencez par modifier votre routine de fumeur : − Décidez à l'avance du nombre de cigarettes que vous allez fumer durant votre journée. − Changez par exemple de marque de cigarette, utilisez celle qui vous déplaît le plus. Optez pour une marque à basse teneur en goudron et en nicotine. Cela vous aidera à réduire votre dépendance physique à l'égard de la cigarette. − Lorsque éprouvez le désir de fumer, en prenant une cigarette, ayez la pleine conscience du geste que vous effectuez, ralentissez-le, cela vous évitera de fumer machinalement. 1 − Commencez, avant votre sevrage, par vous mettre en forme physique ; choisissez par exemple d’effectuer quinze minutes d’exercice physique trois fois par semaine. – Tenez un carnet de bord, il vous aidera à mettre en place votre plan de sevrage. De nombreux fumeurs stoppent sur des temps très courts et rechutent, faute d’avoir clairement défini leur motivation. Votre carnet vous permettra de préciser de façon concrète un certain nombre de repères. – Notez par exemple cinq bonnes raisons de cesser de fumer, (économie sensible, haleine plus fraîche, peau moins terne, souffle récupéré, etc.). Dressez votre liste et relisez-la fréquemment. – Répertoriez dans votre carnet les situations et les événements qui vous incitent à fumer au cours d'une journée. L'envie de fumer est souvent déclenchée par des situations ou des émotions précises, classez dans le détail toutes ces situations à risque (exemples : l’anxiété générée par la journée qui démarre, le stress des moments de solitude, l'excitation des rencontres sociales, la détente après un repas, etc.). Dressez une liste précise des activités qui se substitueront à votre geste routinier : téléphoner, faire un tour, jardiner, cuisiner, mâcher de la gomme sans sucre, faire quelques pas dans l’appartement, boire de l'eau, rédiger votre courrier, répondre à vos mails, vous inscrire à des forums de discussion sur Internet, etc. Trouvez une activité suffisamment stimulante pour vous faire oublier votre désir de fumer. – Listez le nombre de cigarettes que vous consommez au cours d’un même repas, d’une pause-café, au téléphone, durant un moment de détente, lorsque vous vivez une situation de stress, lorsque vous travaillez, ou à la maison, etc. Identifiez aussi quelles sont les cigarettes les plus importantes dans une journée. (Quelle heure ?) Notez ces moments ou ces heures à risque et prévoyez comment les remplacer. Trouvez des activités précises que vous pourrez effectuer par rapport à ces moments précis de la journée ou de la soirée. − Identifiez par exemple vos besoins remplis par la cigarette. Besoin de combler un vide, de lutter contre l’ennui, de camoufler une émotion, laquelle ? Que représente la cigarette pour vous : un plaisir, un soutien, une béquille, une aide à la concentration, un anti-stress ? Après avoir répondu par écrit aux questions ci-dessus, réfléchissez comment vous pouvez réagir autrement. Exemple : Vous allumez spontanément une cigarette à 11 h pour vous aider à vous concentrer en vue d’un travail à terminer. Comment parvenir à vous concentrer sans la cigarette ? 2 Notez dans votre carnet de bord les différentes techniques Votre première journée sans tabac : − Planifiez votre première journée d'arrêt en dressant la liste des activités que vous aimez pratiquer. Occupez-vous réellement, vous aurez ainsi moins de temps pour penser à la cigarette. − Relisez les raisons qui vous incitent à cesser de fumer. En les gardant toujours présentes à l'esprit, vous renforcerez votre motivation et votre attitude positive. − Évitez les déclencheurs : café, thé, boissons sucrées et alcoolisées, autant de substances excitantes souvent associées à la cigarette. − Buvez eau et tisanes. Il faut de trois à cinq jours pour éliminer la nicotine de votre organisme ; en buvant abondamment (deux litres par jour), vous favoriserez ainsi son élimination. • Durant les premiers jours Les expériences ont démontré que la tentation de fumer est plus forte au cours de ces périodes : 15 h 30-16 h 30 et à partir du 3e jour de sevrage, aussi soyez sur vos gardes et prévoyez un plan de substitution. – Évitez les situations qui représentent des sources de tentation. Quittez la table rapidement après un repas. Demandez une place dans la « section nonfumeurs », si vous allez au restaurant. – Trouvez dans votre entourage des amis, de préférence ex-fumeurs ou nonfumeurs, qui sont prêts à vous soutenir durant cette période. – N'hésitez pas à demander aux personnes qui fument de s'abstenir de fumer en votre présence. Elles accepteront facilement si vous leur donnez la raison. – Si vous sentez le stress vous gagner, songez à pratiquer une activité physique régulière ou à optez pour quelques exercices de relaxation ou de sophrologie Ayez à l'esprit que vous devez être plus attentif au cours de certaines périodes. Ainsi, à la fin du premier mois et au cours du troisième et du sixième mois, il se peut que vous traversiez une période de deux à trois jours où l'envie réapparaîtra. N'ayez crainte, cette période est passagère et de moindre intensité qu'au début. Vous pourrez grandement vous aider en reprenant les différents moyens utilisés au moment de l'arrêt. 3 • Surveillez votre poids Plus de deux tiers des fumeurs prennent des kilos au moment du sevrage. En moyenne 2,8 kilos pour les hommes et 3,8 kilos pour les femmes. 10 % des exfumeurs et 14 % des ex-fumeuses prennent même plus de 13 kilos. Les grands fumeurs brûlent 200 à 400 calories de plus que les non-fumeurs. En effet, la nicotine augmente les dépenses énergétiques de l'organisme, elle freine aussi la sécrétion d'insuline, l'hormone responsable du stockage des graisses et, de ce fait, augmente les dépenses d'énergie. À l'arrêt du tabac, la sécrétion d'insuline remonte, les dépenses énergétiques, elles, diminuent. En l’absence d’une nourriture équilibrée et de la pratique d’une activité physique, l'ancien fumeur est susceptible de prendre 100 à 150 grammes par jour. Comme l'effet coupefaim de la cigarette disparaît, l'appétit augmente, surtout le premier mois ; l’insuline provoque également des fringales et une prédilection pour les aliments sucrés. Les femmes appréhendent d'autant plus l'arrêt du tabac que certaines d'entre elles utilisent la cigarette pour contrôler leur poids ! Néanmoins, grossir à l'arrêt du tabac n'est pas une fatalité et il est possible de se maintenir ou de limiter la prise de kilos. Mieux vaut être raisonnable et adopter, dès le premier jour d'arrêt, quelques règles d'alimentation et d'hygiène de vie simples et de bons sens : − Méfiez-vous des régimes trop restrictifs occasionnant des grignotages. Favorisez l'équilibre alimentaire en mangeant de tout en quantité raisonnable. Faites au moins 3 repas par jour avec un vrai petit déjeuner. Prévenez les fringales en ayant des collations contrôlées (laitages, fruits) et n’omettez pas les sucres lents à chaque repas (pain, riz, pâtes, pomme de terre). − Mangez lentement, mastiquez bien ; une bonne mastication dure entre 15 et 40 secondes, elle aide à développer la pleine saveur des aliments, et à réduire vos portions alimentaires. − Surveillez vos graisses de cuisine en contrôlant les quantités de graisses ajoutées ; réduisez notamment les graisses saturées apportées par les charcuteries, les plats en sauce, les fromages, les viandes grasses, les viennoiseries, etc. Optez plutôt pour les viandes maigres en sélectionnant les modes de cuisson (grill, vapeur, poêle anti-adhésive etc.). Surveillez aussi les fromages qui contiennent des graisses cachées et privilégiez les laitages demi écrémés ou écrémés au quotidien. – Faites le plein de vitamine C grâce aux fruits et aux légumes. Riches en fibres, en minéraux, en vitamine A, C, en béta-carotène, et en anti-oxydants de toutes sortes, ils vous aident à retrouver une bonne mine. – Évitez de grignoter en dehors des repas. S’il est prouvé que la cigarette 4 augmente les dépenses énergétiques de votre organisme, en pratique, la prise de poids constatée chez certains à l’arrêt du tabac est surtout liée au grignotage de compensation. À l'arrêt du tabac, en retrouvant le vrai goût des aliments, la prise alimentaire devient un réel plaisir, sans parler du rituel de la gestuelle de porter sa main à sa bouche pouvant se poursuivre, parfois machinalement, entraînant un grignotage perpétuel. Si vous éprouvez le besoin de grignoter, mangez plutôt une carotte, une pomme, un fruit ou un yaourt. – Ayez une activité physique régulière, Nagez, courez, prenez les escaliers aussi souvent que possible, marchez : une heure de marche, à une bonne cadence permet de brûler autant de calories que si vous fumiez 20 à 30 cigarettes. En même temps, vous contrôlerez les besoins compulsifs de tabac, vous retrouverez un meilleur souffle et vous diminuerez le stress, cause de rechute. • Au fil des jours Votre détermination vous a permis de cesser de fumer et vous méritez d'être récompensé. Faites-le dès les premiers jours. Offrez-vous quotidiennement un moment privilégié qui sera une récompense pour l'effort que vous avez fourni. Exemple : un bon bain parfumé, une heure de détente, un livre, un bouquet de fleurs, etc. Tracez le bilan des améliorations que vous constatez depuis que vous avez cessé de fumer : votre odorat et votre goût sont plus développés, vos vêtements ne sentent plus la fumée, votre haleine est plus fraîche, votre teint plus clair, vos dents moins jaunes, vous avez plus d'énergie, votre vie est plus saine, sans parler de la fierté que procure une telle réussite...! Refaites ce bilan chaque semaine durant les premiers mois et appréciez réellement tous ces bénéfices. Le sevrage est un processus difficile où l'intervention d'un tiers peut vous aider à maîtriser à la fois les composantes comportementale et pharmacologique de la dépendance. Aussi n’hésitez pas à vous faire accompagner si vous en éprouvez le besoin. *Psychothérapeute, et Directrice de l’Ecole de sophrologie du Var, Michèle Freud est l’auteur de nombreux ouvrages et de C.D. audio. Elle consulte également à St Raphaël dans le Var et utilise divers outils pour les problèmes de sevrage tabagique, dont la sophrologie et l’hypnose. Pour la joindre par courriel : [email protected] ou 04 94 40 44 71 5