Quand Bourjois fait sa Une avec des cosmétiques

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Tous droits réservés ­ Les Echos 2009
9/10/2009
P.12
LES STRATÉGIES
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Quand Bourjois fait sa Une
avec des cosmétiques naturels
C
e ne sont ni des « femmes
L’Oréal », ni des « femmes
Dove », encore moins des
« femmes Saint Laurent »… Comprenez, dans ce jargon marketing
rébarbatif réservé aux initiés, qu’il
ne s’agit ni d’icônes « projectives », pas plus que de filles « nature » assumant crânement leurs
défauts, encore moins de mannequins « trendy » sophistiqués…
Dans la campagne de communication signée par l’agence Talents
Only, la femme Une est naturelle
et s’assume sans état d’âme. Et le
message barrant son grand teeshirt blanc annonce la couleur
sans ambiguïté : « Je ne suis pas
artificielle. » Ou encore : « Je ne
suis pas figée. » Voire, les mains
bien carrées dans les poches de
son jean, les yeux dans les yeux :
« Je suis Une. »
Une ? Une « parce que chaque
femme est unique », affirme la
campagne. Mais, surtout, Une
comme le nom de la ligne de
produits de maquillage naturels
et d’origine biologique (certifiée
par le label Ecocert), créée par le
groupe Bourjois au terme de deux
ans de recherches et d’expérimentations.
Flash-back, août 2008. « Si vous
venez encore nous proposer une
nouvelle gamme bio, pseudo-écologique et sans véritable valeur
ajoutée, franchement, ça ne nous
intéresse pas… » A Londres, chez
Boots, la fameuse enseigne parapharmaceutique britannique, la
simple évocation d’une énième
gamme de produits de soins à
tonalité écologique ne suscite pas
un enthousiasme délirant. Trop
de références, de formules falla-
cieusement bio… et de prix coûteux.
A titre d’exemple, les investissements publicitaires sur le seul
segment maquillage atteignent
108 millions d’euros en France,
70 millions au Benelux,
100,3 millions en Espagne et
77,7 millions d’euros en GrandeBretagne. Mais, pour le groupe
Bourjois, « c’est l’opportunité de
s’offrir un relais de croissance supplémentaire, voire, si le projet
aboutit, de s’orienter vers une véri-
Respecter la peau et la planète
Mais la maison Bourjois n’est pas
venue pour cela. Accompagnée
par son agence Talents Only, qui
travaille sur la conception du projet depuis le début et gère déjà la
communication de Bourjois, Sophie Dugué, ex-directrice marketing de Bourjois Espagne, vient
vendre un concept inédit : la mise en place
d’une gamme de produits de maquillage respectant la peau et la planète, vendue dans des
points de vente sélectifs
et à des prix abordables.
« Bourjois a 150 ans d’expérience maquillage, et
donc la crédibilité nécessaire pour installer le
concept », relève-t-elle.
Les études consommatrices effectuées dès
mai 2007 auprès de huit
groupes tests achèvent
de la convaincre : « Les
femmes que nous avons
interrogées ne se reconnaissent pas dans les
produits de “ mass- market ”, trop glamour et trop
sophistiqués pour la vie
quotidienne. » Elles réclament des textures et
des couleurs plus naturelles.
Dont acte. Lancée le
2 septembre dernier en
Belgique, la marque Une
constitue un pari gonflé
pour la filiale de la maison Bourjois, propriété
du groupe Chanel. Avec
un budget de challenger,
il va lui falloir batailler
sur des marchés où des
marques telles que
L’Oréal, Gemey-Maybel- Une annonce la couleur : naturelle.
line, Nivea, Rimmel… et
Bourjois n’hésitent à abattre des table démarche de diversificadizaines de millions d’euros sur le tion », indique Sophie Dugué, ditapis vert.
rectrice de la marque Une. Et, de
BOURJOIS
Bourjois effectue une
première diversification
en lançant avec l’agence
Talents Only une nouvelle
gamme de maquillage à
base de produits naturels et
d’origine biologique,
baptisée « Une ».
fait, aucun risque de vampirisation entre la gamme de maquillage Bourjois, « gourmande et
colorée », vendue en grande distribution, et la gamme Une, composée d’ingrédients naturels, minéraux ou végétaux, déclinés
dans des tonalités « nude » :
bruns fumés, crayons taupe…
Démarrage en France en 2010
A l’arrivée, la campagne de communication, dont le
montant est classé secret défense, accompagnera au quatrième trimestre 2009 et début
2010 le lancement de la
marque Une en Espagne, Hollande, Suisse,
Japon, Scandinavie,
Luxembourg, et Grande-Bretagne. « Nous
voulons mettre en place
un langage de marque
qui vive à la fois sur le
lieu de vente, le packaging et le Web », indique
Eric Delannoy, fondateur et gérant de Talents
Only. Parallèlement aux
discussions avec les
journalistes de la presse
beauté, l’agence a en effet convié des créatrices
de blogs à apporter
leurs propositions. Des
campagnes d’affichage
compléteront le dispositif.
Prochaine étape majeure : l’attaque du marché français, en janvier 2010, où sont
prévus à terme
600 points de vente
(dont les Galeries Lafayette, Printemps, Bon
Marché, Nocibé…).
« Nous nous donnons
deux ans au minimum
pour installer la thématique de Une et creuser
notre sillon », conclut Sophie Dugué.
VÉRONIQUE RICHEBOIS
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