Mémoires du canal et des territoires

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ATELIER DU CANAL
Mémoires du canal et des territoires :
Comment reconstruire les territoires du canal en se réappropriant le
passé tout en valorisant le patrimoine industriel
Jeudi 31 mai 2012
Animateur : Solenn GUEVEL
Synthèse des présentations
Introduction
-
Laurent RIVOIRE, Maire de Noisy-Le-Sec
Pierre CHEDAL ANGLAY, adjoint au délégué à Paris Métropole et aux Coopérations
Interterritoriales, Secrétariat Général de la Ville de Paris
Patrick POCRY, adjoint au chef du service des canaux, Direction de la voirie et des déplacements
de la Ville de Paris
I – Aspects historiques du canal de l’Ourcq
-
Aperçu historique de la construction du canal : Solenn GUEVEL, Architecte DPLG, Maître
Assistante à l’École Nationale Supérieure d’Architecture et de Paysage de Bordeaux,
Enseignante à l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Paris-Belleville, Chercheur au
Laboratoire IPRAUS (Institut Parisien de Recherche Architecture Urbanistique Société, UMR
AUSSER 3329), Doctorante en Architecture sous la direction de M. P. Pinon. Thèse intitulée
Histoire des relations entre Paris et ses canaux (1818-1884) : Formes, usages et
représentations, à l’Université de Paris-Est, rattachée à l’École Doctorale Ville, Transports et
Territoires, et au laboratoire IPRAUS et membre Expert de la Commission du Vieux Paris
-
Place du canal de l’Ourcq dans le réseau de canaux parisiens – fonctionnement hydraulique et
usage traditionnel de la voie d’eau : Claude GAUDIN, Chef de la Circonscription de l’Ourcq
Touristique du service des canaux, Direction de la Voirie et des déplacements de la Ville de Paris
→ Point sur l’état de la recherche historique concernant le canal hors Paris : Solenn GUEVEL
II – Le patrimoine industriel
-
Panorama du patrimoine industriel aux abords du canal de l’Ourcq : Antoine FURIO, chargé de
mission sur le patrimoine industriel au Service du Patrimoine Culturel du Département de la
Seine-Saint-Denis
-
La réutilisation du patrimoine industriel : l’économie de la reconversion : Antoine FURIO
-
Présentation d’expériences :
o Projets du groupe SIRIUS, Hervé DE VRIENDT, Président du Groupe SIRIUS
o Bâtiment CCIP à Pantin, Patrick LE GUILLOU, Semip et Frédéric GUILLAUME, Jung
Architects
→ Patrimoine industriel : richesse ou pénalisation ? Débat
III – Mémoire et identité
-
Le recueil et la transmission de la mémoire : Pierre Emmanuel JACOD, Directeur des Affaires
Culturelles, en charge du Patrimoine, ville de Noisy-Le-Sec
-
Les canaux de Paris, une figure du tourisme métropolitain de demain : Daniel ORANTIN,
Directeur du Comité Départemental du Tourisme de Seine-Saint-Denis
→ Comment et pourquoi transmettre la mémoire ?
Conclusion
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Introduction
Laurent RIVOIRE
Pierre CHEDAL ANGLAY
Patrick POCRY
Le canal de l’Ourcq est un héritage du 19ème siècle. C’est en effet par un décret du 29 floréal an X (19
mai 1802) que Napoléon Bonaparte a décidé la création des canaux parisiens. Dès 1822, le canal de
l’Ourcq était ouvert à la navigation. Il a marqué le développement des villes de Seine-Saint-Denis qu’il
traverse en tant qu’élément d’une urbanisation orientée vers le développement industriel et commercial.
Aujourd’hui, alors que le territoire de l’Ourcq est concerné par de grands projets de développement
(réseau de transport public du Grand Paris, nouvelle usine de traitement des ordures ménagères à
Romainville…), de nombreuses ZAC sont prévues autour du canal, pour en faire un nouveau lieu de vie,
ouvrir la ville sur cet espace dont on découvre les multiples intérêts, et permettre aux habitants de se
l’approprier. A Noisy-le-Sec comme dans d’autres communes, l’aménagement de ses berges est au cœur
des réflexions.
Cet atelier s’inscrit dans la continuité des autres « ateliers du canal » organisés par la Ville de Paris en
partenariat avec le département de Seine-Saint-Denis, qui sont des lieux de débats et d’échanges sur
des sujets relatifs au canal de l’Ourcq.
Il est accueilli par la mairie de Noisy-le-Sec qu’il faut remercier pour son implication et sa disponibilité.
I – Aspects historiques du canal de l’Ourcq
Aperçu historique de la construction du canal - Solenn GUEVEL
L’histoire pourrait-elle apporter des réponses au renouveau du territoire traversé par le canal de
l’Ourcq ?
La décision de construire un réseau de canaux à Paris est déclenchée par deux éléments majeurs,
constatés dès la fin du 17ème siècle : l’encombrement de la navigation sur la Seine et la difficulté
d’approvisionner Paris en eau. C’est ainsi que se développe durant tout le 18ème siècle l’idée d’alimenter la
capitale en eau par une dérivation permettant de relier la Seine amont à la Seine aval en évitant Paris.
Le 29 floréal an 10 (19 mai 1802), Napoléon Bonaparte décide de dériver la rivière Ourcq jusqu’à un
bassin près du village de La Villette. Celui-ci doit servir de réservoir à deux autres canaux qui relient la
Seine, l’un, au sud, au niveau du bassin de l’Arsenal (canal Saint-Martin), l’autre, au nord, au niveau de la
ville de Saint-Denis (canal Saint-Denis), même si au départ ce dernier devait rejoindre la ville de
Conflans-Sainte-Honorine.
Les débats sur le tracé, l’alimentation en eau et les caractéristiques de navigabilité à adopter pour le
canal de l’Ourcq ne sont toujours pas arrêtés lorsque les travaux commencent dès août 1802, sous la
direction de Pierre-Simon Girard (1765-1836), ingénieur des Ponts et Chaussées nommé par le Premier
Consul. Les défenseurs d’un aqueduc en plein air, rigole d’adduction en eau potable, s’opposent aux
partisans d’un canal de navigation. En 1805, l’Empereur décide finalement de la double fonction du canal :
à la fois canal d’alimentation en eau et canal navigable.
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Les canaux parisiens permettent à la fois d’éviter les dangers de la traversée de Paris par la Seine, de
faciliter l’approvisionnement en marchandises de la capitale et d’apporter de l’eau potable aux fontaines
de la ville. Le bassin de la Villette est inauguré en 1808 alors que le canal de l’Ourcq est encore en
chantier. Les travaux du canal Saint-Denis débutent en 1811.
Vue du bassin du canal de l'Ourcq à la Villette près de Paris autour de 1815
Anonyme, éditée chez Basset
Musée Carnavalet
En 1814, les moyens manquent pour continuer la construction. Les travaux sont suspendus. Le canal de
l’Ourcq est ouvert de Lizy-sur-Ourcq jusqu’au bassin de la Villette, mais n’est navigable que depuis ClayeSouilly. P-S Girard a alors l’idée de confier au privé l’achèvement du chantier. En 1818, un traité de
concession, portant création de la Compagnie des Canaux de Paris, est conclu et permet à cette dernière
de bénéficier, à partir de 1823 et pour 99 ans, des péages et des droits d’exploitation à la condition
qu’elle achève la construction des canaux de l’Ourcq et de Saint-Denis pour le compte de la Ville de
Paris. Le canal de l’Ourcq est achevé en 1822, le canal Saint-Denis en 1826. En 1821, un traité confie à la
Compagnie du Canal Saint-Martin la construction et la gestion de ce canal, qui est inauguré en 1825 et
entièrement ouvert à la navigation en 1827. La réalisation des canaux parisiens est finalement tardive
par rapport à l’ensemble des travaux d’aménagement entrepris aux 17ème et 18ème siècles sur le territoire
français.
C’est au niveau du bassin de La Villette qu’est créée la prise d’eau devant alimenter les fontaines de
Paris, via un aqueduc de ceinture souterrain, qui est entrepris dès 1808. Progressivement, l’eau du canal
est acheminée dans les quartiers et devient la première source d’alimentation des Parisiens. Le maximum
de la distribution est atteint en 1850. Elle sera ensuite supplantée par des eaux de meilleure qualité
captées à la source, sous le Second Empire, pour ne conserver qu’une utilisation d’eau non potable pour le
lavage des voiries et des parcs, encore en vigueur aujourd’hui.
L’arrivée de ces canaux bouleverse la vocation et les paysages des territoires où ils s’implantent. Ils les
traversent, en coupant les réseaux des chemins, rus, fossés et parcelles existants, sans opérer de
remodelage. Ces canaux font aussi naître des formes urbaines et un paysage spécifiques et nouveaux :
alignements d’arbres, maisons éclusières, ponts... Le canal Saint-Martin voit, le premier, se développer
les industries sur ses abords. Ces activités se déplacent ensuite vers La Villette, puis hors Paris au cours
du 20ème siècle. Les canaux s’adaptent alors à l’évolution économique : leur gabarit est agrandi, afin de
permettre la navigation moderne et de concurrencer la route et le chemin de fer.
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Le milieu du 20ème siècle voit le début du déclin de la voie d’eau. Après la Seconde Guerre Mondiale, on
envisage même de supprimer les canaux parisiens et de les remplacer par des autoroutes. Ces projets ne
voient pas le jour et une prise de conscience se fait de l’intérêt de ce patrimoine, comme élément du
renouvellement et du développement des territoires traversés.
Place du canal de l’Ourcq dans le réseau de canaux parisiens – fonctionnement hydraulique et usage
traditionnel de la voie d’eau - Claude GAUDIN
Les canaux parisiens sont un ouvrage artificiel qui s’étend sur 130 kilomètres. Au-delà du tracé, les
débats au moment de la construction du canal de l’Ourcq ont également porté sur la pente qu’il fallait lui
donner pour obtenir une eau potable. A l’époque en effet, on se basait uniquement, pour déterminer la
potabilité, sur l’aspect de l’eau et sur les matières en suspension qu’elle contenait. On estimait donc
qu’une eau vive, stagnant le moins possible, était la plus saine. Ceci impliquait une forte pente
L’ingénieur désigné par Napoléon, P.-S. Girard, jouissait de toute sa confiance après avoir participé à
l’expédition d’Egypte. Ingénieur des Ponts et Chaussées, il se trouva souvent en opposition, dans ses
conceptions, avec ses pairs du corps des Ponts et Chaussées, et notamment avec des hydrauliciens
réputés tels que Gaspard de Prony
Le canal de l’Ourcq présente plusieurs profils, mais est essentiellement à flanc de coteau, avec des
zones atypiques comme la tranchée de Sevran. Depuis sa création, le principal problème technique qu’il
pose est de concilier l’alimentation en eau de Paris avec une eau courante, exigeant un canal en pente, et
le maintien du niveau d’eau dans les biefs pour assurer la navigation. Plus un bief est long ou en pente et
plus il est difficile de maintenir de l’eau dans ce bief.
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Dans le courant du 19ème siècle, une amélioration a été apportée à la conception initiale par Emile Vuigner
(1798-1865), qui a rajouté six écluses au canal. Elles permettent de limiter la pente des biefs et la
vitesse de l’eau.
Le canal est alimenté par plusieurs rivières – on peut parler de véritable « bassin versant » : l’Ourcq, la
Savière, la Thérouanne, la Beuvronne, etc... Pour renforcer son alimentation, E Vuigner raccorde
également un affluent supplémentaire, le Clignon, qu’il va chercher par un canal en digue à l’est du canal
de l’Ourcq à la hauteur de Neufchelles. L’alimentation en eau de l’ouvrage demeurant insuffisante, il est
décidé en 1864 d’y pourvoir par des pompages supplémentaires en Marne. Deux usines de pompage sont
créées à Trilbardou et à Villers Les Rigault. Les machines à roue de ces usines, qui ne sont plus en
fonction, sont aujourd’hui classées monuments historiques.
Site de l’usine de Trilbardou
La gestion dynamique du plan d’eau demeure la préoccupation du Service des Canaux de Paris. Il s’agit
d’assurer simultanément la régulation des apports d’eau nécessaires au maintien des biefs de l’Ourcq, à
la navigation sur les canaux St Martin et St Denis, qui sont variables selon les périodes de l’année, et aux
besoins en eau non potable de Paris. Les précipitations reçues sur le bassin versant sont la première
donnée à prendre en compte. D’autres évènements naturels peuvent perturber cette gestion : crues de
la Marne ou de l’Ourcq, glace, tempête, développement des herbes aquatiques qui font baisser d’un tiers
en été la capacité du canal… Des dispositifs sont prévus pour pallier certaines de leurs conséquences,
comme les vannages, qui permettent une régulation des débits, les déversoirs latéraux et le bassin de la
Villette qui joue un rôle de tampon. Aujourd’hui, le canal de l’Ourcq fait l’objet d’une télésurveillance de
ses ouvrages et du plan d’eau.
Point sur l’état de la recherche historique concernant le canal hors Paris - Solenn GUEVEL
La bibliographie sur les canaux de navigation en France est riche mais ancienne. Les synthèses récentes
sont rares et concernent surtout le canal du Midi ou de Briare. Ce sont pour la plupart des thèses de
droit portant sur des aspects juridiques. Les canaux comme ouvrages d’art, comme vecteurs de
l’aménagement du territoire, restent à étudier.
Cependant, depuis une trentaine d’années, on observe un intérêt nouveau pour ces voies d’eau grâce au
développement du tourisme et au goût pour le patrimoine.
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L’ouvrage de la Caisse Nationale des Monuments Historiques et des Sites Un Canal… Des Canaux…, paru
en 1986 à l’occasion de l’exposition du même nom à la Conciergerie, fait encore aujourd’hui référence.
En ce qui concerne les canaux parisiens, on trouve soit des ouvrages « grand public » avec des données
déjà établies donnant une large place à l’illustration, soit de rares articles scientifiques sur des thèmes
précis. Les travaux de recherche universitaire sont peu nombreux et portent sur les canaux à l’intérieur
de Paris. A notre connaissance, aucune thèse en Sciences Humaines ne porte sur la thématique des
canaux hors de Paris.
Un travail de synthèse sur le lien entre territoire et canaux dans l’agglomération parisienne serait donc
à réaliser.
Toutefois, de nombreux travaux sont réalisés actuellement, notamment par les étudiants en école
d’architecture sur les territoires en mutation traversés par le canal de l’Ourcq. Ils permettent
notamment de s’interroger sur le renouvellement de ces territoires.
II – Le patrimoine industriel
Panorama du patrimoine industriel aux abords du canal de l’Ourcq
La réutilisation du patrimoine industriel : l’économie de la reconversion - Antoine FURIO
Le percement du canal présente un caractère structurant pour le territoire traversé. Il a modifié le
paysage et bouleversé l’organisation spatiale et parcellaire. Il a surtout été un vecteur important de
développement économique autour des secteurs industrialo-portuaires et de commerce. La voie d’eau
permettait des liens rapides avec les régions productrices de matières premières et de pondéreux
nécessaires à l’alimentation du marché parisien et des industries en plein essor. Aussi ses abords ont
principalement été investis par les dépôts de pondéreux en tout genre, de matériaux de construction et
de bois qui ont favorisé l’installation d’entreprises du travail du bois, d’entrepôts alimentaires, puis
d’établissements agroalimentaires avant qu’à leur tour, à partir des années 1930, les industries
métallurgiques et chimiques profitent des derniers espaces libres laissés le long de cet axe.
Cette vocation industrielle a forgé une identité au territoire, sociale et paysagère. Les liens entre canal
et activité donneront lieu à des organisations spatiales spécifiques et à des architectures répondant aux
besoins et contraintes des activités dans un environnement régi par de nombreuses prescriptions, des
aménagements d’estacades1 sur les berges aux percements de rue pour relier les quais à la ville. Deux
principes coexistent, celui de la nécessité de disposer d’équipements d’arrimage et de manutentions sur
les quais, et la contrainte financière de ces installations soumises à redevance comme celui des
ouvertures donnant sur les berges. A ces principes s’ajoutent un autre facteur, les prises d’eau dans le
canal.
• Organisation type : les espaces de stockage vont se tourner vers la voie d’eau, comme dans
certains cas les centrales thermiques (prise d’eau + alimentation en charbon). Les installations
donneront sur les quais, avec des percements aménagés avec parcimonie afin de limiter le coût
de la redevance. On peut retracer le plan-type de ces organisations : au plus près du canal, une
chaufferie alimentée par le charbon qui arrive par voie d’eau, et une prise d’eau éventuellement;
des bureaux sur rue ; un axe traversant de la rue au quai ; et des aires de stockage.
1
Ouvrage établi sur appuis discontinus, tels que pieux, colonnes, etc., pour supporter une voie d'accès à un
phare, permettre l'accostage de canots, etc. (Larousse)
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Sur les onze kilomètres du canal à grand gabarit, on compte soixante-dix sites de ce type. Ils ne sont
pas tous d’intérêt identiques même s’ils participent tous à la compréhension d’une évolution historique et
de la composition d’un paysage. Certains, comme à Pantin ou à Bondy, méritent d’être préservés pour les
rôles qu’ils ont joués dans l’histoire et / ou leurs caractéristiques spécifiques.
CHRONOLOGIE :
1835-40 : La voierie de Montfaucon, dépôt d’immondices, de vidanges et d’équarrissage de Paris qui
se trouvait approximativement rue de Meaux, alors en dehors de Paris, est délocalisée dans la forêt
de Bondy (à l’emplacement du quartier actuel de la Poudrette à Pavillons-sous-Bois). Les eaux usées
et industrielles de Paris y sont recyclées pour produire un engrais appelé poudrette.
1879 : plan Freycinet de modernisation des infrastructures fluviales. Demande des industriels et
commerçants pantinois d’ouvrir un port. Les produits circulant sont la houille, le bois, les pierres, les
métaux, le sucre, le coton, l’huile, le pétrole, les vins et spiritueux, les graisses et matières pour
parfumeries et savonneries.
Sur la demande réitérée des industriels et des villes, le projet est accepté en 1888 entre le bassin
de la Villette et le pont de la Mairie à Pantin, puis à nouveau en 1896 jusqu’au pont Delizy sur la
même commune. Les quais élargis à 15 m servent au dépôt des matériaux tandis que des rues
latérales permettent la circulation des marchandises déchargées.
1886 : avant travaux, trafic de 216 000 tonnes par an (matériaux de construction principalement)
1899 : 650 000 tonnes de trafic annuel après les travaux.
1922 : élargissement du grand gabarit de Pantin à la gare d’eau de la forêt de Bondy.
1924-29 : fin des travaux, le canal est ouvert à la navigabilité des péniches de Seine de 1 200
tonnes, des ports sont créés à Pantin, Bondy et aux Pavillons-sous-Bois. Construction des bâtiments
de la CCIP.
1950-60 : perte progressive du fret fluvial. Les nouvelles entreprises s’installent davantage aux
abords du canal par opportunité foncière que guidées par ses fonctions de voie commerciale.
Entre 1970 et 1979, le fret annuel passe de 2,3 millions à 0,7 million de tonnes. Le canal est
inadapté aux péniches de 3 000 tonnes, et est concurrencé par d’autres modes de transports.
2010 : Le fret annuel est de 0,5 tonnes. L’essentiel est constitué par le BTP à Pantin, Paris et Bondy.
Aujourd’hui, il reste de nombreuses traces de l’ère industrielle, variables toutefois selon les tronçons.
A Pantin, la section du canal s’étirant des Grands Moulins au pont Delizy possède un statut d’axe de
centralité urbaine. Les activités s’y sont développées dès 1850 et jusqu’aux années 1930 (entrepôts et
chantiers, distillation huiles et graisses, travail du bois et métallurgie). L’industrie a largement investi
cet espace, avec quelques perméabilités, celles des rues reliant les berges à la ville. Parmi ces sites, on
peut citer :
1- Deutsch & fils, distillation d’huile, 1850, transfert de la Villette.
2- Grands Moulins, 1881
3 – Blanchisserie Elis, 1894, transfert de La Villette
4- Port de Pantin, 1890
5- chantier de bois de construction et de charbon, 1890
6- Desouches et David, construction de wagons et voitures, 1850
7- Felix Potin, 1910
8- Fondoir ou boucherie, vers 1905
9- Hartmann et Poulet, tôlerie-chaudronnerie, 1907, transfert de la rue de Crimée
10- Stern, traitement des huiles minérales et fabrication de graisses industrielles, 1897
11- Entrepôts Hamelle, 1910 (ci-dessous)
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12- Société parisienne des vins, vers 1910
13- Ferdinand Louis, manufacture de meubles, 1907
14- Solovi, peinture, années 1930
15- Max Renaud, entrepreneur BTP, vers 1900
16- Pouchard, fabrique de tubes, 1948
Depuis 15 ans les mutations se sont accélérées sur ce secteur, marqué par de nombreux projets
d’aménagements et de reconversion : reconversion des Grands Moulins en bureaux pour BNP-Paribas
(1989) en conservant la passerelle de déchargement en surplomb du quai à titre de témoignage,
transformation de la manufacture de meubles Louis en logements, Stern (fabrication de graisses
industrielles), prochainement Elis.
Au niveau du bassin de Pantin, l’ancien bâtiment des douanes, symbole de l’histoire de ce territoire, est
d’une grande qualité architecturale et symbolique des aménagements des années 1920. Les autres sites
(Forges et laminoirs de l’Ourcq, 1912 ; entreprise de métallurgie, vers 1910 ; Bernot, chantier à charbon,
1930) ont été détruits. Du Pont de Romainville au pont de la Folie, les traces du passé industriel sont
plus ténues. Dans ce secteur dédié à la métallurgie et au travail du bois, où se trouvaient également les
moulins de Bobigny, on trouve seulement une voie ferrée, des estacades et des restes de portes
aujourd’hui condamnées marquant le lien entre les industries et le canal.
Après le pont de la Folie et jusqu’au au pont ferroviaire (Bobigny), le front bâti devient totalement
imperméable et monofonctionnel. Cette partie du territoire s’est développée après le déclin du trafic
fluvial dans les secteurs de la chimie et de la métallurgie. La totalité des emprises est encore en place.
Dans ce secteur, il faut signaler le site Philips, entre l’ex-RN3 et le canal. Les bâtiments sont ceux de
l’ancienne chocolaterie Klauss que le propriétaire suisse avait tenu à doter d’une architecture soignée. A
Noisy-le-Sec, l’usine CLAL-Engelhardt d’affinement de métaux précieux est un autre site emblématique
de cette époque.
Du pont ferroviaire à la route d’Aulnay (Bondy), le développement des années 1920-30 a été associé à la
présence des installations portuaires (verrerie et cristalleries de la Seine, 1924, utilisant le sable ;
scierie, 1892). La construction de l’autoroute et l’aménagement d’une zone de commerces ont entraîné la
disparition des sites. Le complexe des cimentiers de Bondy est aussi une trace de l’activité passée.
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De Bondy aux Pavillons-Sous-Bois, sur la fin de la section à grand gabarit, on observe une mixité entre
activités industrielles et logements. La zone de la Poudrette, zone historique d’implantation de l’usine de
traitement des vidanges parisiennes, va être profondément remaniée dans le cadre d’une ZAC qui
conservera le bâtiment historique de la Colonie.
De manière générale, les bâtiments ouverts sur la ville ont bénéficié de traitements architecturaux plus
soignés car ils participaient à la représentation de l’entreprise. Aussi les architectures plus soignées ont
davantage été respectées dans le temps que les bâtiments secondaires donnant sur le canal. Ce principe
n’est pas systématique, et peut s’inverser pour les sites pour lesquels le canal fait figure d’axe de
passage et donc digne de représentation (blanchisserie Leducq), ou encore pour ceux qui ne cherchent
aucune représentation mais simplement un lien fonctionnel avec le canal, et enfin pour ceux dont
l’activité s’appuie sur les installations portuaires. Le cas de Pantin est spécifique car le canal se trouve
en partie médiane de la ville, notamment sur son tronçon occidental, et constitue une centralité sur
laquelle viennent se greffer le pouvoir municipal et les équipements urbains. Aussi les entrepôts Hamelle
comprennent des façades identiquement soignées sur canal comme sur rue. Le traitement privilégié des
façades sur rue s’observe davantage sur la bande ex-RN3-canal compte tenu du caractère prégnant de
l’axe routier.
Les enjeux de la réutilisation du patrimoine industriel sont multiples. Il s’agit d’opportunités foncières,
qui constituent les dernières grandes emprises disponibles dans un tissu urbain très dense. Ces zones de
fortes mutations offrent des potentialités importantes en termes d’opérations d’aménagements, de
requalification urbaine et de revalorisation économique. Elles présentent cependant de graves problèmes
de pollution des sols. Le patrimoine industriel influence fortement l’image d’un territoire, parfois de
façon déqualifiante. Sa reconversion entraîne des périodes de sous-occupation des sites qui peuvent
déboucher sur une occupation sauvage et encourager la délinquance. Sa présence doit cohabiter avec
d’autres fonctions du canal telles que transport fluvial ou les loisirs. Enfin, la préservation des berges et
de ses abords doit se concilier avec leur reconquête par les villes traversées, et leur désir de s’ouvrir
vers le canal.
Mais que préserver, comment préserver, pourquoi préserver ? Plusieurs intérêts entrent en jeu.
Il existe d’abord une sensibilisation croissante aux richesses du patrimoine, dont la définition est de
plus en plus extensive. A cet égard, le patrimoine industriel est d’une importance majeure pour l’histoire
du territoire et de ses hommes. Son architecture remarquable contribue à la construction de l’identité
territoriale. On voit par conséquent émerger un réelle demande sociale en faveur de la préservation qui
s’appuie sur une croyance en la capacité de l’architecture industrielle à accueillir de nouvelles fonctions.
Celle-ci se trouve confortée par les démarches de développement durable. La conservation patrimoniale
s’intègre dans les dynamiques d’aménagement durable : approche de la construction de la ville et du
renouvellement urbain partagé par les urbanistes et les architectes ; approche du « recyclage » de plus
en plus développée dans les écoles d’architecture, et qui se formalise au travers de démarches
méthodologiques telles que celle initiée par Catherine Charlot-Valdieu et Phililppe Outrequin au travers
de leur démarche « HQE²R ». Les deux économistes, fondateurs de l’Association pour la Promotion du
Développement Urbain Durable, préconisent la réalisation préalable à tout projet d’aménagement d’un
diagnostic comprennent 21 cibles dont « la limitation de l’étalement urbain » et « la préservation et la
valorisation du patrimoine bâti et naturel ». Ces cibles sont également présentes dans la Charte des
villes européennes pour la durabilité, dite charte d’Aalborg, qui associe « la limitation de l’étalement
urbain » et « la réutilisation appropriée de notre héritage culturel urbain ». Aussi, se lit de manière
assez claire la place occupée par la conservation de la ressource non renouvelable que constitue le
patrimoine, dans l’élaboration des projets d’aménagement responsables, fondement même des
écoquartiers.
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Autre motivation, les retombées d’une telle opération en termes valorisation de l’image d’un territoire ou
pour singulariser une opération peuvent être importantes : on parle de « Marketing territorial ».
De plus la reconversion est peut-être moins coûteuse qu’une destruction- reconstruction. Une telle
comparaison économique a été l’objet de l’étude menée en 2009 à la demande du Service du Patrimoine
Culturel du département de Seine-Saint-Denis et confiée à JB Cremnitzer (architecte) et M. Ducroux
(économiste de la construction). L’objectif de cette étude était de réaliser un référentiel sur la
reconversion du patrimoine industriel en analysant six opérations remarquables et exemplaires en SeineSaint-Denis et en Ile-de-France. Il existe une tradition ancienne de réutilisation des sites industriels
pour redéployer de l’emploi industriel, artisanal voire tertiaire. Les capacités de l’architecture
industrielle à accueillir de nouvelles fonctions, ainsi que leur implantation à proximité des
infrastructures ou en milieu urbain a permis à de nombreuses collectivités de développer des projets de
ce type.
Cette étude est disponible sur demande auprès du Service du Patrimoine Culturel du département de
Seine-Saint-Denis ([email protected] ).
Comment préserver ?
La conservation traditionnelle passe par des mesures conservatoires, celles, classiques, des Monuments
historiques et celles, plus récentes et plus souples, de la protection qui peuvent être prévues dans le
cadre du PLU au titre de l’article L 123-1-5°7 du code de l’urbanisme. Cependant, la protection la plus
efficace reste la reconversion, l’intégration des objets dans les projets. Pour ce faire il est nécessaire
de disposer d’une connaissance suffisante sur ce patrimoine, et donc d’engager en amont des projets, en
phase étude, des diagnostics qui évaluent l’intérêt patrimonial d’un site ou d’un espace. Certains
architectes disposent d’une compétence intégrée, des bureaux d’études se sont spécialisés comme le
GRAAL, et en Seine-Saint-Denis, le Service du patrimoine culturel, dans la limite de ses moyens, peut
également rendre des avis.
Réalisation du groupe SIRIUS - Hervé DE VRIENDT
Le groupe SIRIUS, créé il y a 25 ans, est une organisation atypique intégrant l’ensemble des filières de
mise à disposition de locaux d’activités en région parisienne : développement, construction et gestion
locative. L’entreprise est spécialisée dans la reconversion des bâtiments anciens.
Le premier point clef pour réussir une reconversion de patrimoine industriel est de trouver un immeuble
compatible avec l’objectif visé. En plus de quelques « accroches architecturales », celui-ci devra
posséder une structure se pliant à l’usage supposé comme à la réglementation. Cela implique de veiller
aux accès, aux aires de circulation, aux matériaux (compte tenu de la réglementation sur la tenue au feu,
par exemple, une charpente en bois est inenvisageable), à la distribution des murs porteurs et des
planchers, à la hauteur, etc… En revanche, la question des aménagements intérieurs souhaités pose peu
de problèmes étant donné les nombreuses solutions techniques offertes. Parmi les écueils à éviter, il
faut veiller à ne pas choisir une destination finale ne convenant pas au marché local. De même, il ne faut
pas chercher à figer l’histoire, mais à faire évoluer le patrimoine. Le budget de travaux doit être
soigneusement estimé pour éviter les mauvaises surprises. Enfin, il ne faut jamais perdre de vue le client
final.
Si ces conditions sont remplies, une rénovation permet de ressusciter une âme unique et originale pour
un espace de vie de qualité s’inscrivant dans l’histoire.
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Parmi les réalisations du groupe SIRIUS, la Manufacture (ex-site Trefimétaux) à Saint-Denis : cet
ensemble, composé d’une halle de structure Eiffel de 1850 restructurée complétée de deux immeubles
neufs offre un parc d’activités et des bureaux sur une surface de 14 000 m2.
La Manufacture avant – après (Groupe SIRIUS)
Bâtiment CCIP à Pantin - Patrick LE GUILLOU - Frédéric GUILLAUME
La ZAC du Port de Pantin est aujourd’hui en phase opérationnelle. A cet endroit, la rive gauche du canal
de l’Ourcq s’étend sur 700 mètres de long et le bassin fait de 65 à 70 mètres de large. La Ville de Paris
était restée propriétaire d’environ 6,8 hectares de terrains, situés de part et d’autre du canal élargi
dans les années 1920 à 1929. Le territoire a été concédé en 1929 pendant 75 ans à la Chambre de
Commerce et d’Industrie de Paris (CCIP) pour y développer des activités économiques et construire des
entrepôts (activités de fret et de stockage, activité de dédouanement).
Entre 1929 et 1931 ont été construits les Magasins Généraux qui servaient essentiellement à stocker
des céréales puis divers matériaux.
Du fait de la désaffection des douanes, l’activité d’entreposage a périclité à partir des années 1970.
L’activité de stockage de produits, en dehors de la douane, n’était plus jugée stratégique d’autant plus
que celle-ci rentrait en contradiction avec de nouvelles structures (Garonor…). A la fin des années 1990,
la modification du périmètre des produits relevant du dédouanement d’une part, et la vétusté et
l’inadaptation des Magasins Généraux d’autre part (ruptures de charge liées à l’existence d’un bâtiment
en étages) faisaient perdre tout intérêt rendait à son utilisation inappropriée. En 1998, un projet de
transformation en école d’architecture pour reloger Paris Villette amena la Chambre de Commerce à
vider les bâtiments et à résilier les baux afin de préparer une cession. Le projet fut abandonné en 2001
faute de financement.
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Bâtiment des Magasins Généraux – état actuel (A. Furio)
La situation économique était alors problématique pour la société chargée de la gestion des entrepôts
pour la CCIP, la SCIEGE, qui était privée de ses recettes et continuait à payer des charges. Celle-ci a
alors envisagé la construction de nouveaux entrepôts, mais la municipalité de Pantin y était opposée,
cette dernière souhaitant limiter le transit des camions en centre- ville.
En 2004, la Ville de Paris procéda à la désaffectation et au déclassement des parcelles de la rive sud du
canal et décida la vente des Magasins Généraux et du terrain d’assiette à la SEMIP, qui était détentrice
d’une convention publique d’aménagement avec la Ville de Pantin. La reconversion s’insérait alors dans la
ZAC du Port, créée en 2006.
Plusieurs projets de reconversion ont échoué n’ont pu aboutir dans les années 2000 : implantation de
l’école Paris-Villette abandonné par l’Etat, implantation de l’école d’électronique ECE (2005),
implantation de Chanel (2008) qui décida finalement de s’installer rive Nord. A la suite de ce dernier
échec, dû à l’impossibilité de répondre aux demandes de l’entreprise (besoin d’un site fermé et de locaux
supplémentaires pour la fabrication des vernis, exigence de revêtement de la façade pour économiser
l’énergie), une consultation a été lancée afin d’identifier les contraintes de l’opération.
En préalable à l’intervention urbaine, les présupposés suivants ont été posés :
1. Par leur masse, leur volume et l’image très forte, ce sont les Magasins Généraux qui impriment une
empreinte majeure à tout le bassin du Port.
2. La transformation des Magasins Généraux ne pouvait être conçue indépendamment d’une assurance de
mutation des espaces libres voisins (exigence de tout utilisateur de connaître son environnement) et de
la Ville de s’assurer de la qualité du projet d’ensemble.
3. Volonté de respect de l’intégrité du bâtiment, de son image industrielle.
4. Nécessité de redonner un usage et de la valeur :
• seule l’assurance d’un loyer suffisant pouvait garantir le financement de la
transformation d’un bâtiment atypique (hauteur de dalles à dalle : > 4.50 m, 1.2 km de
coursives, qui sont d’autant de ponts thermiques).
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mais en même temps, des exigences de confort d’usage et objectif d’atteindre un niveau
de performance de type BBC.
En conséquence, il fallait prévoir un surcoût de 20 % sur par rapport à un bâtiment de bureaux moderne
et performant standard, ce qui impliquait l’acceptation d’un loyer assurant l’équilibre par le locataire.
5. L’atypisme du bâtiment était un obstacle majeur à envisager de lancer une réhabilitation en blanc de
cet immeuble.
6. La municipalité de Pantin exigeait de connaître la destination future du bâtiment et le rapport du
bâtiment à l’espace public.
7. Les stratégies des groupes (Havas, …), la complexité, leurs oppositions internes.
Jusqu’en 2011 et la proposition de Nexity de réaliser la transformation des Magasins Généraux afin de
permettre l’implantation de BETC, une agence de communication, il a été impossible de concilier ces
différents éléments. Le permis de construire a été déposé fin juin 2012 et la livraison des Magasins
Généraux est prévue avant le 30 novembre 2015.
Sur un tel site il est important d’avoir un moteur – ici, le site et son imaginaire - à quoi il faut ajouter
l’opérateur et l’investisseur. Ce site est un élément important et emblématique de Pantin.
Le bâtiment en lui-même peut être qualifié d’ « inhumain » : il n’était pas conçu pour l’homme, mais pour y
stocker des marchandises. Il s’agit aussi d’une architecture rationnelle et utilitaire. Aucun architecte
n’a été identifié, et l’on pourrait plutôt parler d’un travail d’ingénieur.
Au départ du projet, il est important de savoir quels sont les éléments qui nourriront celui-ci et quels
sont ceux dont il faudra se séparer. La façade et les coursives qui courent le long du bâtiment sur plus
d’un kilomètre sont très marquantes, conférant au lieu des caractéristiques « balnéaires ». Elles doivent
être conservées, tout en résolvant les incontestables problèmes énergétiques posés. Les grands
plateaux des étages bas, les voûtes, offrent des possibilités intéressantes. La « peau » de tags qui s’est
progressivement créée ne pourra en revanche être conservée, en dépit de son intérêt. Il faudrait
cependant trouver comment en conserver la mémoire.
Le projet envisage de conserver le socle du bâtiment pour y implanter des commerces, de grandes salles
d’exposition une salle de spectacle, ainsi que le restaurant d’entreprise et les locaux de production et
tournage.
Le 2nd niveau aura un patio intérieur. Le dernier niveau comportera un jardin.
Le coût des travaux sont estimés à 40 millions d’euros hors taxes et hors maîtrise d’œuvre, pour un
résultat en termes de valorisation de la ville dont la valeur sera bien supérieure à ce montant.
III – Mémoire et identité
Le recueil et la transmission de la mémoire - Pierre-Emmanuel JACOB
Le bombardement de Noisy-le-Sec, le 18 avril 1944, a détruit la ville à 80% et fait de nombreuses
victimes civiles. Il n’est demeuré que quelques traces du Noisy d’avant-guerre : la salle des mariages de
la Mairie, l’église St Etienne, la maison bourgeoise abritant maintenant la Galerie d’Art Contemporain.
Dès le lendemain du bombardement, les habitants ont prouvé un attachement particulièrement vif à leur
ville en refusant de se plier à l’interdiction d’y résider décrétée par le gouvernement de Vichy. Lors de
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la reconstruction de la Violle, certaines familles sinistrées furent relogées dans le quartier du Merlan au
sein de la Cité Expérimentale du Merlan à Noisy Le Sec, un ensemble d’habitation de prototypes de
maisons préfabriquées venant de pays différents et faisant appel à des technologies innovantes de
construction. Au cours des années suivantes, il s’est produit un phénomène collectif d’appropriation de la
mémoire afin de conserver le souvenir des épreuves traversées. Les sociétés d’histoire jouent un rôle
déterminant dans ce phénomène, en collectant archives et témoignages. Cette activité a donné lieu à la
réalisation d’expositions et à la réalisation, en 2004, d’un film consacré au bombardement. Intitulé « Les
haricots sont secs », en référence au message de Radio Londres qui avait averti la Résistance de
l’imminence du bombardement, ce film permet de voir et d’entendre des témoins, et constitue un
élément essentiel de la transmission de la mémoire.
Dans la même ligne, la municipalité de Noisy-le-Sec a initié un mouvement de recueil d’archives orales
filmées ou enregistrées, qui est actuellement en cours.
Les canaux de Paris, une figure du tourisme métropolitain de demain - Daniel ORANTIN
Actuellement, il n’existe pas vraiment de tourisme sur les canaux parisiens, à l’exception du canal Saint
Martin. Le pari d’un éventuel développement touristique ne devrait pas être fondé sur le patrimoine,
mais sur les tendances lourdes du tourisme mondial. Les gens voyagent de plus en plus, et le tourisme
urbain est en forte hausse. Dans ce mouvement, Paris est une des toutes premières destinations, mais
son périmètre est trop étroit et a besoin d’un élargissement.
Le paramètre essentiel à cet égard est l’accessibilité par métro, dont bénéficie le canal de l’Ourcq. Mais
celui-ci peut surtout contribuer à diversifier l’offre et la carte des sites touristiques, en proposant une
vision moins classique, racontant une histoire autre que le Paris historique traditionnel.
Aujourd’hui, Paris n’est pas perçue comme une ville de canaux alors qu’elle en est une. Or les canaux
permettent d’appréhender une ville à son niveau et en son cœur, contrairement à un fleuve comme la
Seine qui est en contrebas. De plus, ils introduisent le Paris populaire hérité de la révolution
industrielle, qui est de plus en plus recherché.
Il est crucial que les canaux soient d’abord reconnus par les habitants comme dignes d’intérêt pour
intéresser ensuite les touristes. Pour cela, il est nécessaire d’avoir des accroches et des repères dans le
paysage comme le parc de la Villette, le Stade de France ou les Grands Moulins de Pantin.
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