Comptes rendus hebdomadaires des séances de l`Académie

C. R. Acad. Se. Paris, t. 286 (9 janvier 1978) Série D-145
BIOCHIMIE. Différenciationprotéinique des muscles striés blancs,jaunes et cardiaque
d'un Poisson antarctique exempt d'hémoglobine, Champsocephalus gunnari. Note (*)
de Gabriel Hamoir ('), présentée par M. Maurice Fontaine.
Les Poissons exempts d'hémoglobine vivant dans l'Antarctique possèdent en plus des muscles
striés squelettiques blancs et du muscle cardiaque un troisième type de muscle strié de coloration
jaunâtre exempt de myoglobine correspondant aux muscles rouges. L'examen des protéines sarco-
plasmiques de ces trois types musculaires révèle que chacun d'entre eux se différencie des autres par
sa compositionen parvalbumineset sa distributionisozymiquede la déshydrogénase de l'acidelactique.
Antarctic hemoglobin-freefish possess, besides white and cardiac muscles, athird type of strialed
muscle ofyellowish appearance devoidofmyoglobin which correspondsto thefish red muscles. Each
ofthèse three types differsfrom the othersby ils parvalbumin compositionand lactate dehydrogenase
isozymic distribution.
Champsocephalusgunnari fait partie de la famille des Chaenichthyidaequi vivent dans
l'Antarctique et ne possèdent pas d'hématies.
Leur sang a une teneur en oxygène dix fois inférieure àla normale (2) et l'aspect livide
de leurs muscles squelettiques et du coeur suggère l'absence de myoglobine. Or, des diffé-
rences notablesde compositionprotéiniqueexistent au niveau du sarcoplasmedes muscles
blancs, rouges et cardiaque de Poisson. Chez la Carpe, ils se distinguentpar leurs teneurs
en myoglobine et en parvalbumines ainsi que par leurs distributions isozymiques de la
déshydrogénase du lactate et de la créatine kinase (3).
Chez Champsocephalus gunnari, nous avons observé que les muscles abducteurs et
adducteursdes nageoires pectoralesde type rouge chez la Carpe (3) présentent une colora-
tion jaunâtre particulière.Nous nous sommes dès lors proposé de comparer les protéines
sarcoplasmiques des muscles jaunes à celles des muscles blancs pariétaux et du muscle
cardiaque.
Le matériel expérimental nous aaimablementété procuré par le docteur N. J. Walesby
de la «MonksWoodExpérimentalStation»de Hundingtonet parleprofesseurD. Sahrhager
de l'« Institut fur Seefïscherei »de Hambourg.
Après décongélation,les muscles sont homogénéisés brièvement dans 1,5 volume d'une
solution isoosmotique(2 %en glycérine) 10 mM en Trisde pH 8,7 et 2mM en dithiothreitol
(DTT); le surnageantest acidifiéàpH 5,5 en vue d'éliminerune fractioninsoluble àce pH.
L'extrait ramené àpH neutre est conservé au congélateur.
Une portion de ces extraitsaété filtrée sur «UltrogelAcA 54 »afin d'en isoler la fraction
protéinique de faible poids moléculaire composée essentiellement de parvalbumines. Les
fractions retardéesobtenuesfurent respectivement de 27, 8et 8%de la quantité de protéine
déposée sur la colonne (fig. 1).
Ces mêmes extraits ainsi que les fractions retardées ont été analysés par électrophorèse
en gel d'amidon àpH 8,6 (4) (fig. 2). Les extraitsde muscles blancs se séparenten une série
de composantsélectrophorétiquesdécelables à l'amido black, parmi lesquels on aidentifié
les parvalbuminesII, III, IV et Vde la fraction retardée sur AcA 54 ainsi que la bande de
la créatine kinase. Dans le cas des extraits de muscles jaunes, la résolution est médiocre.
Les bandesde parvalbuminessont àpeine décelables saufdans le cas de la parvalbumineII
qui est plus apparente que dans le diagramme de muscle blanc. Par contre, l'analyse de
la fraction retardée établit clairement l'existence dans ces extraitsde faibles concentrations
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des parvalbuminesIII, IV et V(fig. 2). La résolutiondes extraits de coeur est encore moins
bonne.La seulebandede parvalbuminedécelableest la banderapide I. Cependant,l'examen
de la fraction retardée permet de déceler la présence des 5parvalbuminesI, II, III, IV et V
en très faibles concentrations.
Le dosage densitométrique des fractions retardées aété effectué après clarification à
la glycérine (5) (tableau I). Les différences extrêmementmarquées du tableau Imontrent
qu'il existe une distribution spécifique des parvalbumines dans chacun des trois cas. Si
la présence dans les extraits de muscles jaunes des parvalbuminesIV et Vétait due àune
TABLEAU I
Pourcentages relatifs des parvalbumines des muscles blancs,
jaunes et cardiaque de Champsocephalusgunnari
Muscles Muscles
blancs jaunes Coeur
Parvalbumine 10 0 22,5
Parvalbumine II 4,2 22,3 39,6
Parvalbumine III 37 48,0 27,6
Parvalbumine IV 37,2 18,7 10,1
Parvalbumine V 2,1,6 11,0 non mesurable
Fig. 1. Diagrammesd'élution obtenus par filtrationsur une colonned'« UltrogelAcA 54 »(3,5 x46 cm)
de 100 mg de protéines sarcoplasmiquesprovenant de muscles blancs (M.B.), de muscles jaunâtres des
nageoires pectorales (M.J.) et de muscle cardiaque (M.C.) de Champsocephalus gunnari. L'ordonnée
correspond àla densité optique à215 nm. L'abscisse au volume d'élution en millilitres.
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contamination par des fibres blanches, le contraste présenté par ces deux types de muscle
serait plus accentuéencore. D'autre part, dans le cas du coeurtoute contamination paraît
exclue, la présence de cinq parvalbuminesest surprenante.Le musclecardiaqueest normale-
mentexempt deparvalbumines[(3), (6)]. Ici, la teneurest du même ordrequecelle des muscles
jaunes. Ces deux types musculairesne diffèrent àce point de vue que par la présence du
composant Iet leur distribution des autres parvalbumines.
La durée prolongéede conservationdes muscles àl'état congelé et la faible stabilité des
enzymesglycolytiquesdeces Poissonsn'ont permis d'examinerquela distributionisozymique
de la déshydrogénasede l'acide lactique. La révélation des diagrammesélectrophorétiques
en gel d'amidon au moyen d'un test spécifique (7) afait apparaître trois isozymes prin-
cipaux communs ainsi que deux bandes supplémentairestrès faibles plus rapides propres
au muscle cardiaque. Ce dernierrésultat suggère que les bandesplus intenses correspondent
aux tétramèresM4, M3H et M2H2 et les deux autres àMH3 et H4 (tableau II). Le contraste
Fig. 2. Représentationschématiquedes électrophorétogrammesen gel d'amidon àpH 8,6 correspondant
aux extraits sarcoplasmiquestotaux de muscles pariétaux blancs, de musclesjaunes des nageoires pecto-
rales et de muscle cardiaque de Champsocephalusgunnari ainsi que des fractions retardées sur AcA 54
(cf.fig. 1). Les parvalbuminessont représentées par les chiffres romains; la créatinekinase et l'isozyme M4
de la LDH par les symboles CK et M„.
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accentué que les muscles blancs de Carpe présentent par rapport aux muscles rouges et
cardiaque ne se retrouve toutefois pas ici;le rapportdes deux sous-unitésM/H reste élevé
même dans le cas du coeur, ce qui suggère un métabolisme relativementanaérobique (8).
TABLEAU II
Distribution isozymique de la déshydrogénase
de 1acide lactique des muscles blancs, jaunes et cardiaque de Champsocephalus gunnari
Muscles Muscles
blancs jaunes Coeur
M4 69 70 51
M3H 23 16 24
M2H2 814 18
MH, 0 0 4.5
H, 0 0 2.5
En conclusion, les Poissons dépourvus de pigments respiratoires possèdent trois types
de muscle strié nettement distincts :le muscle blanc riche en parvalbumines et àméta-
bolisme glycolytique prédominant, le muscle jaune pauvre en parvalbumines et le muscle
cardiaque dont le métabolismeserait moins exclusivement aérobique. Chacun de ces types
musculaires présente une répartition caractéristique de ses parvalbumines et une distri-
bution isozymique différente de la déshydrogénasede l'acide lactique. Chez les Vertébrés
inférieurs, la teneur en parvalbumines constitue un critère de différenciation musculaire
plus général que la présence de myoglobine.
(*) Séance du 14 novembre 1977.
(') Avec la collaboration de Mme N. Gérardin.
(2) E. A. HEMMINGSEN et E. L. DOUGLAS, Comp. Biochem. Physiol.. 33, 1970, p. 733-744.
(3) G. HAMOIR, B. FOCANT et M. DISTECHE, Comp. Biochem. Physiol., 41 B, 1972, p. 665-674.
(4) R. K. SCOPES, Biochem. J., 107, 1968, p. 139-150.
(5) W. B. GRATZER et G. H. BEAVEN, J. Chromatogr., 5, 1961, p. 315-329.
(6) C. GOSSELIN-REY dans Calcium Binding Proteins, W. DRABIKOWSKI, H. STRZELECKA-GOLASZEWSKA
et E. CARAFOLI, éd., Elsevier Se. Co, Amsterdam, 1974, p. 679-701.
(7) H. J. VAN DER HELM, Clin. chim. Acta, 1, 1962, p. 124-128.
(8) J. EVERSE et N. O. KAPLAN, Adv. in Enzymoi., 37, 1973, p. 61-133.
Laboratoire de Biochimie musculaire,
Institut de chimie,
Sait Tilrnan par 4000 Liège,
Belgique.
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