110
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 3 - mars 2000
MISE AU POINT Clinique
a grippe est à l’origine d’épidémies annuelles et de
quelques pandémies, dont certaines à haut taux de
mortalité (1-3). Les trois types de virus influenza
(A, B et C) se divisent en de nombreux sous-types subdivisés
en mutants successifs (2). Les anticorps constitués après une
infection due à une souche donnée de virus grippal ne protè-
gent pas forcément contre une souche du même sous-type, mais
possédant des variants antigéniques. Un enfant jeune, sujet naïf
pour un nouveau sous-type, doit s’immuniser contre une mul-
titude de variants. Nous exposerons ici l’impact épidémiolo-
gique, clinique, biologique et thérapeutique de la grippe chez
l’enfant (4).
ÉPIDÉMIOLOGIE
Le pic épidémique survient environ deux semaines plus tôt
chez les enfants d’âge scolaire que dans la population générale.
Pendant les épidémies annuelles ou en période pandémique,
l’essentiel de la maladie s’observe chez les sujets jeunes et dans
leurs familles (2).Le taux d’attaque est élevé dans l’ensemble
de la population infantile jusqu’à l’adolescence et surtout chez
l’enfant d’âge scolaire (près de 50 % chez les enfants âgés de
6 à 10 ans) (5) en période épidémique (figure 1) et au cours des
dernières pandémies ; il est nettement supérieur à celui de la
population adulte jeune (1). Ce taux d’attaque élevé s’explique
par la “naïveté” immunitaire des enfants et par la transmission
aérienne dans les sécrétions respiratoires. La dissémination
virale, touchant un très grand nombre d’individus dont les
enfants représentent une large part du fait de nombreux fac-
teurs, est rapide, en une à deux semaines (tableau I).
La grippe chez l’enfant
!
C. Weil-Olivier*
*Hôpital Louis-Mourier, 92700 Colombes.
RÉSUMÉ.
La grippe est sous-estimée chez l’enfant. Le taux d’attaque est élevé dans l’ensemble de la population infantile et surtout chez
l’enfant d’âge scolaire, pouvant atteindre 50 % chez les enfants de 6 à 10 ans. Le réservoir viral est très important, facilitant la dissémination
virale
à l’ensemble de la population adulte. L’allure clinique se rapproche chez le grand enfant de la forme typique de l’adulte, permettant un
diagnostic dans environ 70 % des cas en période épidémique. Plus l’enfant est jeune, plus la symptomatologie est dégradée, minime, ce qui
rend son diagnostic clinique très aléatoire. Chez les nourrissons de moins d’un an, près de la moitié des formes sont asymptomatiques ou
paucisymptomatiques. Les formes extrarespiratoires représentent probablement près de la moitié des manifestations (somnolence, symptômes
gastro-intestinaux, fièvre mal tolérée). Des complications notables sont les convulsions chez les enfants de moins de 5 ans dont la fièvre est
très élevée, l’otite moyenne aiguë (un quart des cas, voire deux tiers chez les enfants sujets aux otites). L’atteinte pulmonaire peut toucher près
de 10 % de la population pédiatrique. Le virus A (H3 N2) est associé à deux tiers des infections fébriles respiratoires supérieures et aux trois
quarts des otites moyennes aiguës et des infections respiratoires basses, tandis que le virus B est lié aux myosites. Les facteurs de risque (mala-
dies respiratoires, immunosuppression) majorent en fréquence et en gravité les complications pulmonaires.
Aucun moyen diagnostique simple n’est à la disposition du médecin à l’heure actuelle. Différents tests existent au laboratoire (cultures, détec-
tion d’antigènes, PCR...).
Le traitement est avant tout symptomatique. Les antibiotiques sont réservés aux surinfections bactériennes avérées des voies aériennes.
La prévention repose sur le vaccin inactivé, injectable. Il est réservé aux populations à risque, possible dès l’âge de 6 mois, et demande deux
doses à un mois d’intervalle jusqu’à l’âge de 8 ans compris. Sa tolérance est bonne. Les associations avec les vaccins traditionnels sont pos-
sibles. L’introduction d’un vaccin vivant atténué efficace permettrait d’améliorer la prévention vaccinale, voire d’envisager une vaccination
universelle avant l’âge de 5 ans.
Aucun médicament antiviral n’est accessible en pédiatrie : soit parce que la présentation n’est pas adaptée (amantadine), soit parce que le
médicament a l’AMM, mais n’est pas commercialisé (rimantadine), ou encore parce qu’il n’existe pas de présentation pédiatrique actuelle
(inhibiteurs de la neuraminidase).
Les problèmes spécifiques soulevés par la grippe chez l’enfant à l’occasion d’une pandémie, toujours possible, ne doivent pas être minimisés.
Mots-clés :
Grippe de l’enfant - Épidémiologie - Clinique - Traitement antiviral - Prophylaxie - Vaccins de la grippe.
L
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 3 - mars 2000
111
MISE AU POINT
Clinique
Le taux d’hospitalisation (1, 2) est un bon indicateur de la
sévérité de la maladie grippale. De 0,5 % à 1 % des grippes sur-
venant chez l’enfant de moins de 5 ans conduisent à l’hospita-
lisation. Aux États -Unis (6), pendant les épidémies survenues
entre 1972 et 1981, le taux d’hospitalisation chez les enfants
de moins de 5 ans avec des facteurs de risque était de 400 à
500/100 000, 2,5 fois plus fort que chez ceux de 5 à 14 ans et
analogue à celui des personnes de plus de 65 ans ayant ou non
des facteurs de risque. Chez les enfants sains de moins de 5 ans,
il était cinq fois plus élevé (100/100 000) que chez ceux de 5 à
14 ans (20/100 000).
La grippe a une part importante dans les hospitalisations pour
infection respiratoire (1,2). Durant les pics épidémiques à virus
grippaux A et B chez les enfants de moins de 8 ans, les taux
d’hospitalisation pour maladie respiratoire sont respectivement
de 38 % et 11 % (1).
Pendant les pics saisonniers épidémiques de grippe A, les
enfants hospitalisés ont des taux de complications respiratoires
de 12 à 26 % (bronchite aiguë), de 5 à 15 % (laryngite) et de
8% (pneumonie confirmée radiologiquement). Les taux
d’hospitalisation liés aux différents virus respiratoires (virus
respiratoire syncytial, para-influenza,influenza) sont identiques.
En revanche, en ambulatoire, la fréquence des infections res-
piratoires basses est beaucoup plus liée au virus respiratoire
syncytial (12,6 %) et au para-influenza(4,5 %) qu’à l’influenza
(de l’ordre de 1 %) (2).
L’impact du virus grippal sur l’hospitalisation est sous-estimé
du fait des manifestations extrarespiratoires (environ 50 %),
inconstamment rattachées à la grippe, chez l’enfant.
La mortalité de la grippe est faible chez l’enfant (1, 2, 4). Il
n’y a pas de corrélation entre l’importance du taux d’attaque et
la mortalité. Dans la population infantile, pendant une épidé-
mie de grippe A ou B, un enfant sur 5 000 meurt de la maladie
(1). Elle est accrue quand des facteurs de risque existent, indé-
pendamment de l’âge.
ALLURE CLINIQUE (1, 2, 4, 7, 8)
Aucun aspect de la maladie n’est pathognomonique. Les virus
A et B ont le plus grand impact clinique chez l’enfant. Les virus
B et C donnent une maladie moins sévère et plus brève. Chez
le grand enfant, la survenue brutale de fièvre accompagnée de
céphalées, toux, mal de gorge, permet, comme chez l’adulte,
un diagnostic dans environ 70 % des cas. La grippe typique ne
représente probablement que 20 % des cas. Plus l’enfant est
jeune, plus la symptomatologie risque d’être minime ou dégra-
dée. Chez les enfants de moins d’un an, 45 % des cas sont
asymptomatiques ou paucisymptomatiques (maladie apyrétique
des voies aériennes supérieures), surtout avant l’âge de 6 mois.
Sont particuliers au petit enfant, la somnolence (une fois sur
deux chez l’enfant avant 4 ans, une fois sur dix entre 5 et
14 ans), les symptômes gastro-intestinaux (douleurs abdomi-
nales, nausées ou vomissements, diarrhée) [40 %], la fièvre sou-
vent élevée, parfois mal tolérée. Chez le nouveau-né, le tableau
est celui d’un sepsis.
Toutes les formes de grippe peuvent être source de complica-
tions. La fièvre chez des enfants de moins de 5 ans hospitali-
sés pour grippe s’accompagne de convulsions. Une otite
moyenne aiguë dans 20 % des cas complique un quart des cas
et, chez les enfants sujets à otite, âgés de 1 à 3 ans, deux tiers
des cas. Elle est virale et/ou liée à une surinfection bactérienne
(9). Dans la première année de la vie (5) et surtout dans le
deuxième semestre, 29 % des enfants développent une otite
40
30
20
10
0
< 2 2-5 6-10 11-17 18-24 25-34 > 35
Infection
MRA
IRB
Taux (pour 100 personnes)
Âge (ans)
Figure 1. Taux par âge de l’infec-
tion grippale en termes de mala-
die respiratoire aiguë (MRA),
d’infection respiratoire basse
(IRB). (D’après Glezen W.P. [5].
Étude familiale de Houston,
1978-1984).
Tableau I. Facteurs de dissémination (1, 2, 5).
!Espaces semi-clos (salles de classe, crèches) ; présence prolongée,
promiscuité éventuelle
!Fratrie atteignant ou dépassant trois enfants. Les enfants, réservoirs
et vecteurs, transmettent le virus à leur domicile (adultes, fratrie)
!Caractère hautement infectieux du virus grippal
!Période d’incubation courte (environ 2 jours)
!Titres viraux élevés dans les sécrétions nasopharyngées
( >106particules virales au plus fort de la maladie)
!Portage nasopharyngé prolongé chez les jeunes enfants (7 à 10 jours)
112
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 3 - mars 2000
MISE AU POINT Clinique
moyenne aiguë et/ou une infection des voies aériennes basses.
L’atteinte pulmonaire virale (10) clinique et radiologique
concerne environ 10 % des grands enfants/adolescents, 5 à 10 %
des petits enfants non hospitalisés et près de 50 % des petits
enfants hospitalisés. Diverses complications neurologiques sont
décrites : encéphalite, syndrome de Guillain et Barré. La myo-
site, relativement rare, touche souvent les membres inférieurs,
et s’accompagne de douleurs musculaires durant 1 à 5 jours.
Les méningites bactériennes à méningocoque ont un risque de
survenue multiplié par quatre chez les patients venant d’avoir
une grippe A. Le syndrome de Reye (11) a pratiquement dis-
paru aux États-Unis depuis la contre-indication de l’acide
acétylsalicylique au cours des états grippaux. Des syndromes
hémophagocytiques et des anémies aplasiques, décrits lors de
co-infection avec le cytomégalovirus et le virus Epstein-Barr,
seraient d’évolution favorable en quelques mois.
Le virus en cause dans l’épidémie intervient sur les symptômes
(12).Depuis les années 70, le virus A (H3N2) est fréquent (envi-
ron 66 % des cas contre environ 16 % pour le virus A [H1N1]
et 19 % pour le virus B). Il est associé à deux tiers des infec-
tions fébriles respiratoires supérieures, dont la laryngite, et à
trois quarts des otites moyennes aiguës et des infections respi-
ratoires basses. Les myosites sont liées au virus B.
Les facteurs de risque (1, 2, 6) (tableau II) majorent en fré-
quence et en gravité les complications pulmonaires. Une exa-
cerbation de la maladie asthmatique est observée selon les
auteurs dans 30 à 75 % des cas avec modification des explora-
tions fonctionnelles respiratoires ou des manifestations cli-
niques. L’exacerbation de poussées de mucoviscidose a été
observée au cours de la grippe dans 4 à 13 % des cas. L’im-
munosuppression et toutes les formes de cancer chez les patients
de moins de 19 ans recevant une chimiothérapie comportent un
risque significativement élevé d’infection symptomatique grip-
pale avec pneumonie (33 % contre 14 % dans la population
contrôle) parfois mortelle. Chez ces sujets, le portage du virus
grippal est long (jusqu’à 5 mois). La résistance virale aux pre-
miers antiviraux (amantadine et rimantadine) est rapide et sou-
lève le problème de la transmission des souches résistantes à
d’autres patients. Chez les enfants VIH, il n’y a pas d’évidence
d’augmentation de la morbidité ou de la mortalité par la grippe.
Les transplantés médullaires ont un risque de rejet de greffe
après infection grippale A et B, probablement lié à l’interrup-
tion temporaire de la chimiothérapie.
La grippe chez les femmes enceintes (1) comporte un risque
pour la mère et pour l’enfant. Chez la mère, les complications
pulmonaires sont plus fréquentes et sévères quand la maladie
survient pendant le troisième trimestre. Le taux d’hospitalisa-
tion des femmes enceintes atteint alors 250/100 000 (équiva-
lent à celui de femmes non enceintes avec facteurs de risque).
Le risque relatif d’hospitalisation au cours de la gestation est
de 4,7 (semaines 37 à 42), et de 1,4 (semaines 14 à 20), par
rapport à des femmes en post-partum (jusqu’à 6 mois). Néan-
moins, le risque absolu est rare : 90 décès en excès ont été notés
par rapport au nombre total de décès pendant l’épidémie de
1989-90 en Grande-Bretagne. Il était quatre fois supérieur au
taux attendu.
Chez le fœtus, la mortalité s’accroît de 7 à 12 % pour les nais-
sances prématurées, de 9 % pour la mortalité néonatale
(Grande-Bretagne et pays de Galles en 1970). L’augmentation
de la mortalité varie selon les épidémies. Elle est en moyenne
d’une mort périnatale pour 3 000 naissances, en période épi-
démique par année. Les anomalies congénitales, le risque de
leucémie aiguë ou de schizophrénie n’ont pas fait la preuve de
leur association avec le virus grippal.
Le risque d’infection nosocomiale (1) existe pendant les
périodes épidémiques (près de 20 % des admissions en pédia-
trie se font alors pour grippe). Les taux d’attaque sont très éle-
vés (24 à 70 %), probablement sous-estimés compte tenu d’un
turnover rapide des patients et en l’absence de test diagnos-
tique simple. Le risque de transmission est particulièrement
élevé pour les patients nouvellement admis et pour le person-
nel de santé. Pendant l’épidémie de 1993-94, un quart du per-
sonnel de santé était sérologiquement positif au virus grippal
(1). Le risque de mortalité après infection nosocomiale
est élevé (1 enfant sain sur 50), majoré en cas d’immunosup-
pression.
MOYENS DIAGNOSTIQUES
Parmi les trois objectifs possibles de la détection et l’identifi-
cation du virus grippal, nous n’évoquerons pas ici ceux qui per-
mettent la surveillance de l’évolution virale épidémique et de
la production vaccinale, pour nous centrer exclusivement sur
l’aide possible au diagnostic de l’infection et, par voie de consé-
quence, à une indication thérapeutique ciblée.
L’existence de tests sensibles, spécifiques et rapides permet-
trait de confirmer rapidement une grippe lors d’une épidémie
de maladie respiratoire.
Les prélèvements sont à effectuer le plus tôt possible dans la
maladie, dans les trois premiers jours. Les plus intéressants sont
Tableau II. Groupes à risque d’infection grippale chez l’enfant.
" Maladies chroniques
pulmonaires (maladie asthmatique*, mucoviscidose...)
cardiaques (valvulopathie, cardiopathies congénitales mal
tolérées, myocardiopathies)
rénales (néphropathie chronique)
hémoglobinopathies (avant tout maladie drépanocytaire)
neuromusculaires* (dont myopathies)
" Maladies métaboliques* (diabète...)
" Immunodépression
acquise (VIH, traitement immunosuppresseur)
congénitale
" Enfant recevant de l’aspirine au long cours* (arthrite rhumatoïde,
maladie de Kawasaki)
* N’appartiennent pas à la liste proposée par le Conseil supérieur d’hygiène
pour le calendrier vaccinal 1998, mais sont citées par l’Académie américaine
de pédiatrie.
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 3 - mars 2000
113
MISE AU POINT
Clinique
les prélèvements nasaux postérieurs ou, à défaut, du mur pos-
térieur pharyngé. Ils nécessitent un milieu de transport adéquat
à 4 °C. La culture virale est le test de référence, spécifique et
sensible ; elle prend 4 à 5 jours. Les techniques rapides de cul-
ture ne prennent que 1 à 3 jours mais perdent en sensibilité : 56
à 100 % par rapport à la culture standard. La culture ou l’am-
plification génique (PCR) sont nécessaires pour identifier le
sous-type de grippe A ou B.
La détection des antigènes viraux est possible par immuno-
fluorescence, immuno-essai ou kit de diagnostic rapide. Les
deux premiers ont une sensibilité de 50 à 90 %, donnent des
résultats en moins de deux heures, mais ne sont pas spécifiques
d’un virus particulier de la grippe. Ils ne sont réalisables qu’au
laboratoire. Le test de diagnostic rapide ne concerne que la
grippe A, donne un résultat en moins de 15 minutes et demande
encore un peu trop de temps pour être d’utilisation courante au
cabinet.
La PCR transcriptase inverse a une sensibilité de 100 %, une
spécificité de 98 % pour les virus A et B, mais est de technique
longue (un jour et demi), de coût élevé, et demande un équi-
pement spécialisé.
Restent les tests sérologiques dont l’usage pratique est faible :
le résultat est obtenu a posteriori.
En pratique, aussi bien pour le diagnostic que pour un suivi épi-
démiologique, en particulier chez l’enfant dont les formes cli-
niques sont souvent dégradées, un test de diagnostic rapide au
cabinet du médecin ou au lit du patient serait utile.
TRAITEMENT
Il est symptomatique et cherche à protéger l’enfant, surtout
avant l’âge de 5 ans, des risques liés à la fièvre, et à assurer son
confort. Le traitement antipyrétique est donné dans les premiers
jours et repose sur le paracétamol (médicament de choix) ou
l’ibuprofène (après 6 mois). L’acide acétylsalicylique est contre-
indiqué du fait du risque de syndrome de Reye quand il est
administré dans les syndromes grippaux. Une hydratation suf-
fisante est utile. Les autres traitements (de la toux, d’une crise
d’asthme...) sont proposés à la demande.
Les antibiotiques sont réservés aux surinfections bactériennes
avérées des voies aériennes. Leur usage est le plus souvent pro-
babiliste en ambulatoire et repose sur l’étiologie habituelle des
infections concernées.
PRÉVENTION (1, 2, 6)
Elle repose sur le vaccin en première intention (13-15). En
France, seuls les vaccins inactivés, communs à l’adulte et à l’en-
fant, sont disponibles et couramment utilisés en pédiatrie. Ils se
présentent sous forme de vaccins à virus fragmenté ou de vac-
cins à sous-unité (à antigènes de surface). Les objectifs de la
vaccination sont de réduire l’impact de la grippe en diminuant
les taux d’hospitalisation, les complications et la mortalité.
L’immunogénicité du vaccin est bonne chez les enfants (16,
17). Elle est plus faible chez les jeunes enfants, les nourrissons
et les anciens prématurés de moins de 6 mois (17). Il est pro-
posé dès l’âge de 6 mois. Avant cet âge (5),les anticorps mater-
nels transplacentaires et/ou la vaccination proposée aux femmes
enceintes pendant les deuxième et troisième trimestres de la
grossesse assurent la protection. À cet âge, les complications
liées à la grippe sont rares et les formes asymptomatiques fré-
quentes (deux tiers des cas). La protection vaccinale dépend
de la communauté entre les souches vaccinales et les souches
circulantes de l’épidémie à venir ou en cours, de l’immuno-
compétence et de l’âge. À communauté de souche égale, elle
est de 0-53 % pour les 3-5 ans, de 32-91 % pour les 6-9 ans et
de 80-100 % pour les 10-18 ans (1). Le vaccin inactivé est
moins immunogénique que celui à virus entier chez des patients
naïfs (enfants jeunes, primovaccination), justifiant l’adminis-
tration d’une deuxième dose à un mois d’intervalle jusqu’à
l’âge de 8 ans compris (chez les enfants primovaccinés ou
n’ayant pas fait de maladie grippale prouvée). Les anticorps
protecteurs ont une apparition souvent retardée de quatre
semaines chez l’enfant de moins de 2 ans. Quel que soit le l’âge,
il y a extinction de la protection en quelques mois, rendant le
rappel annuel nécessaire avec une seule injection. La tolérance
est bonne : le vaccin est moins réactogène que les vaccins entiers
chez l’enfant. Les réactions locales (douleurs et/ou inflamma-
tion) et les réactions systémiques fébriles sont rares et de courte
durée. La démarche vaccinale chez l’enfant (6) (tableau II)
comporte une injection par voie intramusculaire ou sous-cuta-
née. Dans l’hémisphère Nord, en France en particulier, le risque
épidémique se situe habituellement de fin décembre à mars de
l’année suivante. La saison idéale pour vacciner va de mi-
octobre à fin novembre. Une vaccination trop précoce s’ac-
compagne d’un taux d’anticorps diminué en période épidé-
mique. La deuxième dose doit être administrée avant décembre
pour qu’un taux d’anticorps efficace soit obtenu à temps.
Les associations vaccinales (deux points différents d’injec-
tion, le même jour) sont acceptées aux États-Unis (6) pour le
ROR, le vaccin anti-Haemophilus b, le vaccin contre la vari-
celle, les vaccins antipoliomyélitique et anti-hépatites A et B.
Aux États-Unis, la valence coqueluche acellulaire est préférée
au vaccin à germes entiers pour limiter le risque additif de
fièvre. Le vaccin antipneumococcique est utile dans ses indi-
cations reconnues.
Les contre-indications vaccinales (6) sont l’allergie vraie à
l’œuf ou aux protéines de poulet (le vaccin peut être proposé
sans difficulté avec un protocole de deux injections, quand la
préparation vaccinale contient moins de 1,2 µg/ml de protéines
d’œuf)(18), ou des antécédents récents de syndrome de Guillain
et Barré. Plus relatives sont les contre-indications liées aux
maladies intercurrentes d’allure modérée de l’arbre respiratoire
supérieur.
Les indications en France (19-20) sont ciblées et réservées
auxenfants à risque (risque de mortalité, de complications par
grippe grave ou d’aggravation de la pathologie préexistante).
Chez les enfants en cours de chimiothérapie (1), il est raison-
nable d’attendre un mois après la fin de celle-ci et un taux de
leucocytes supérieur à 1 000/mm3avant de proposer la vacci-
nation, avant la période épidémique. Chez les enfants VIH, elle
ne semble pas comporter de risque autre que celui de l’ineffi-
cacité vaccinale (CD4 < 300/ml). Chez l’enfant immunodé-
primé, un taux d’anticorps en hémagglutination de 1/32en’est
pas protecteur vis-à-vis de l’infection. Aux groupes proposés
par le Conseil supérieur d’hygiène et l’Académie américaine
de pédiatrie (tableau III), les affections neuromusculaires, dont
les myopathies, seraient à ajouter. Les bronchodysplasies des
prématurés ne sont pas abordées. La recommandation améri-
caine (6) de vacciner les femmes enceintes sans facteur de risque
à partir du deuxième trimestre de la grossesse et avec facteurs
de risque à tout moment de leur grossesse assure la protection
du petit enfant. Par extension, et cela n’est fait qu’au coup par
coup, la vaccination antigrippale de l’ensemble du personnel
s’occupant de la petite enfance, à l’hôpital ou en extrahospita-
lier serait utile, en particulier dans l’environnement des enfants
à risque.
Les événements indésirables liés au vaccin ne diffèrent pas
de ceux rencontrés chez l’adulte.
Malgré les avantages présentés, ce vaccin est peu utilisé (1)
chez les sujets de moins de 65 ans, et même dans les groupes
à risque. Le taux de vaccination dépasse rarement 30 à 50 %.
Différentes raisons sont revendiquées (méconnaissance de la
vaccination, oubli, coût vaccinal, absence de présentation pédia-
trique à 0,25 ml, nombre d’injections...). Il serait pertinent (6)
d’essayer d’augmenter les taux de couverture dans les
deux mois qui précèdent la période épidémique classique, lors
des visites médicales (en routine, fortuites à l’occasion d’un
autre symptôme) ou d’hospitalisation intercurrente.
L’évolution des tendances vaccinales pourrait dans un avenir
proche reposer sur l’introduction d’un vaccin vivant, atténué
(21-25), administré par voie nasale (gouttes ou spray). Ce
vaccin est issu d’un réassortiment génétique, adapté au froid,
mono-, bi- ou trivalent. L’implantation du virus vaccinal, directe
sur la muqueuse respiratoire, n’est pas gênée par la présence
d’autres virus respiratoires intercurrents. Il assure une protec-
tion muqueuse par l’immunité locale et générale. Il est phéno-
typiquement stable et non transmissible à des sujets contacts.
Son efficacité est proche de 100 % contre les variants antigé-
niques d’hémagglutinine. Les enfants vaccinés ayant eu la
grippe ont présenté des symptômes plus bénins que les enfants
non vaccinés. Dans la majorité des cas (23), deux doses vacci-
nales à un mois d’intervalle sont nécessaires pour une montée
correcte des anticorps, en particulier chez le jeune enfant. La
tolérance est bonne. L’intérêt de ce vaccin vient de sa facilité
d’administration, et donc de la simplicité de son renouvelle-
ment annuel chez les enfants. L’utilisation à large échelle (15)
repose sur l’ajustement annuel lié aux données épidémio-
logiques fournies par l’OMS et la nécessité de constitution d’un
lot de semence de la souche atténuée, avec construction sur
mesure de souche réassortante exprimant le sérotype approprié.
Ceci peut être difficile dans un laps de temps très court, si l’on
veut répondre aux critères de sécurité et de reproductibilité de
lot à lot demandés par les recommandations OMS.
Si ce vaccin faisait la preuve de son efficacité et de son accep-
tabilité, il serait envisageable d’étendre les indications en pro-
posant une vaccination universelle avant l’âge de 5 ans (6), ou
au moins à la population d’âge scolaire (visant à arrêter une
poussée épidémique). Pour cela, il faudrait démontrer (et des
études sont en cours) que le taux d’hospitalisation en période
épidémique est bien lié à l’influenza et non pas à d’autres virus
respiratoires concomitants. Dans le cadre de cette vaccination
universelle, outre la protection individuelle proposée aux
enfants, il y aurait à l’évidence un intérêt collectif important
(diminution de la diffusion épidémique).
Les médicaments antiviraux sont un complément important
à la vaccination antigrippale pour le contrôle et la prévention
de la maladie (6).Les dérivés de l’adamantane (26-33),aman-
tadine et rimantadine sont les plus anciens, et ont une AMM.
L’amantadine, proposée en traitement curatif, diminue la sévé-
rité et la durée des signes et symptômes de la seule grippe A.
Amantadine et rimantadine, administrées en prophylaxie à des
sujets sains, préviennent la survenue de la maladie dans 70 à
90 % des cas. Ils permettent l’infection infraclinique et, de ce
fait, la constitution d’une immunité protectrice contre les virus
circulants. La rimantadine n’est plus commercialisée en France
depuis 1993 (il existe une solution buvable aux États-Unis), elle
est mieux tolérée que l’amantadine, seule disponible, com-
mercialisée sous forme d’une gélule 100 mg, non sécable, non
ouvrable. Elle est très difficile à utiliser chez l’enfant (impos-
sible avant l’âge de 6 ans, très difficile après). Les posologies
admises sont de 5 mg/kg/j à partir de l’âge d’un an et jusqu’à
un poids de 40 kg, sans dépasser une dose optimale de 150 mg/j
avant 9 ans et 200 mg/j après 10 ans. L’indication reconnue en
France est une prophylaxie de la grippe et des infections res-
piratoires dues exclusivement au virus grippal A, en particulier
dans les collectivités, les établissements de long séjour et chez
les enfants à risque. Elle est proposée en complément à la vac-
cination, et peut être prescrite 8 à 10 jours en prophylaxie de
contact familial et 4 à 6 semaines en prophylaxie institution-
nelle. En traitement curatif, elle est réservée aux patients à haut
risque, proposée dans les 24 à 48 heures qui suivent l’appari-
tion des premiers symptômes, lorsqu’il y a certitude ou pré-
somption d’activité du virus A dans la collectivité. Le traite-
ment est interrompu dans les 24 à 48 heures qui suivent la
114
La Lettre de l’Infectiologue - Tome XV - n° 3 - mars 2000
MISE AU POINT Clinique
Tableau III. Mode d’administration du vaccin influenza chez
l’enfant.
Âge Dose Nombre de doses/an Voie d’administration
6-35 mois 0,25 ml 1 ou 2 * i.m.
3-8 ans 0,50 ml 1 ou 2 * i.m.
> 9 ans 0,50 ml 1 i.m.
i.m. : intramusculaire
* 2 doses à 1 mois d'intervalle en primovaccination ou si absence de primo-
infection
1 / 7 100%