Valence verbale, transitivité et voix 5
21.2.7.
Situations complexes : le cas du basque
En fonction de la morphologie verbale de chaque langue, on peut rencontrer des
structurations du phénomène d’ambitransitivité qui combinent de manière plus ou
moins complexe les possibilités qui viennent d’être énumérées.
Par exemple, en basque, un verbe potentiellement transitif peut généralement
s’employer intransitivement avec une signification de type passif ou décausatif : dans
ikusten du
‘il/elle le/la voit’, l’auxiliaire transitif
du
marque l’accord avec un sujet et
un objet tous deux de 3ème personne du singulier), alors que dans
ikusten da
‘il/elle
est visible, ça se voit’, la même forme du verbe ‘voir’ se combine à l’auxiliaire
intransitif
da
qui marque seulement l’accord avec un sujet de 3ème personne du
singulier). Mais ce n’est là qu’une partie de l’histoire, car une phrase telle que
Ez du
ondo ikusten
(avec l’auxiliaire transitif
du
) peut selon les contextes s’interpréter, soit
comme ‘Il/elle ne le/la voit pas bien’ (le deuxième argument de ‘voir’ s’identifiant à
un référent contextuellement saillant), soit comme ‘Il/elle n’y voit pas bien’ (avec
indétermination quant au deuxième argument de voir). Une explication possible est
que les formes du verbe transitif basque couramment considérées comme marquant
l’accord avec un objet de 3ème personne du singulier sont plutôt les formes par
défaut du verbe transitif, qui en l’absence d’un constituant objet permettent aussi
bien l’identification du deuxième argument du verbe transitif à un référent
contextuellement saillant qu’une interprétation de type indéterminé.
21.3. La notion de voix
Pour décrire un même événement, il est fréquent de pouvoir utiliser des verbes
différents ne présentant pas le même traitement syntaxique des constituants
nominaux qui représentent les participants (comme par exemple
vendre / acheter
).
Cet aspect de la valence verbale étant fondamentalement une question de
lexicographie, on n’en parlera pas plus ici.
Il arrive souvent aussi que des variations dans la construction d’un même verbe
sans aucun changement dans la forme du verbe renvoient à des phénomènes de
polysémie, comme dans le cas de
prendre
évoqué en 21.1 ; c’est là encore un
phénomène dont la description relève de la lexicographie.
Mais il faut aussi envisager la possibilité que des variations dans la construction
d’un même verbe sans aucun changement dans sa forme tiennent à la possiblité de
traiter syntaxiquement de plusieurs façons différentes les entités impliquées dans un
même événement. Des phénomènes de ce type méritent par contre de figurer dans
la description syntaxique d’une langue, à partir du moment où ils ont un certain
degré de productivité, c’est-à-dire à partir du moment où ils tendent à se produire
systématiquement pour tous les verbes ayant certaines caractéristiques sémantiques.
En 21.2 – cf. notamment l’ex. (3), nous avons vu de tels cas, avec des verbes
transitifs dont l’emploi intransitif implique un changement régulier dans le rôle
sémantique du sujet. Rappelons aussi les constructions impersonnelles du français
et du tswana examinées en 19.5. Un autre exemple est la possibilité de faire varier
en anglais la construction de
give
‘donner’ et d’autres verbes de schème argumental