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SOMMAIRE
Mots-clés : milieux naturels, conservation, servitudes, droit civil, intendance privée, perpétuité,
développement, urbanisation, fiscalité, Québec.
Cet essai a pour but d’évaluer l’impact de la servitude de conservation comme moyen de
protection des milieux naturels sur les terres du domaine privé compte tenu de son aptitude à
assurer une protection permanente de ces milieux face à l’étalement urbain, au développement
des infrastructures qui l’accompagne et à la conversion de terres à des fins agricoles. La perte
de milieux naturels et de biodiversité attribuable à ces phénomènes – et l’aptitude de ces
milieux à fournir des biens et services écologiques dont dépend la collectivité – constituent une
problématique qui se pose avec une acuité particulière dans le sud du Québec puisque c’est là
que se retrouve justement la plus grande biodiversité dans la province.
C’est là aussi où la tenure des terres est majoritairement privée, contrairement à ce qui prévaut
pour le reste du territoire, de sorte que les initiatives privées de conservation des milieux
naturels, dont la servitude, sont a fortiori adaptées au contexte du Québec méridional et
peuvent notamment s’avérer un complément efficace aux initiatives étatiques en matière de
conservation. Charge imposée sur un immeuble obligeant son propriétaire à supporter certains
actes d'usage ou à s'abstenir d'exercer certains droits inhérents à la propriété, la servitude, en
tant qu’accessoire du droit de propriété, peut en principe grever cet immeuble à perpétuité et
ainsi s’avérer d’un précieux secours pour la préservation des milieux naturels et de la
biodiversité que ceux-ci abritent.
La servitude de conservation est toutefois apparue assez récemment dans le paysage juridique
québécois, à la faveur notamment de l’adoption de la Loi sur la conservation du patrimoine
naturel (Québec) et de l’introduction d’incitatifs dans la législation fiscale. À ce titre, son
impact comme moyen de protection des milieux naturels sur les terres du domaine privé est
présentement limité, d’autant plus que le régime juridique qui lui est applicable présente
certains obstacles à l’élargissement de son utilisation. Il est toutefois possible de suggérer
certaines mesures aptes à amplifier cet impact et permettre à cet outil de contribuer davantage
à la préservation durable des milieux naturels en territoires privés. C’est ainsi qu’il y a lieu de
proposer notamment d’étendre les avantages fiscaux actuels à toutes les formes de servitudes de
conservation consenties au Québec; de rehausser de diverses façons la capacité institutionnelle
des organismes de conservation chargés de gérer et au besoin de mettre à exécution un bon
nombre de servitudes de conservation; d’interdire la prospection et l’exploitation de droits
miniers, faisant à quelques exceptions près partie du domaine de l’État, dans les territoires