Le marché des matières premières : Changement de paradigme

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Le marché des matières premières : Changement de paradigme
Le marché des matières premières a fortement évolué depuis la fin des années 90 en matière de volumes
traités, de catégories d'acteurs et de réglementations. Le prix du pétrole est passé à 28 dollars le baril au
début de l'année 2015 contre 145 dollars au milieu de l'année 2008, celui du cuivre à 4400 dollars la tonne
contre 9800 dollars en 2011(1). La fin de l'année 2015 a été caractérisée par l'effondrement du cours des
matières premières et la crainte d'une décélération de l'économie mondiale. Les scandales de manipulation
des cours et la crise alimentaire de 2009 ont poussé les régulateurs à durcir la réglementation portant sur le
trading des matières premières afin de limiter la spéculation. Ce contexte conduit à une redéfinition du rôle
des différents acteurs et à un renforcement de la supervision pour accroître la transparence et la protection
contre le risque systémique. Décryptage de Abdellah Bouzidi, analyste chez Investance Partners.
(visuel indisponible)
© Myrtille Delamarche
Le marché des matières premières est en difficulté. Toutes les matières premières ont une forte baisse de
leur cours : le pétrole s'est déprécié de 47% entre 2014 et 2015(2), le fer et le charbon ont quant à eux perdu
le tiers de leur valeur en 2015.
Après une période de prix élevés entre 2008 et 2014, nous sommes entrés dans une nouvelle phase marquée
par la crainte d'un fort ralentissement de l'économie mondiale et par la crainte d'excédents de production de
matières premières.
De gros investissements ont été réalisés depuis 2007 pour ouvrir de nouveaux sites de production : mine de
cuivre de Las Bambas au Pérou, forêts boréales du nord de l'Alberta et leurs étendues de sable bitumineux,
production de pétrole de schiste aux États-Unis…, contribuant fortement à accentuer le déséquilibre entre
l'offre et la demande. Selon les spécialistes, cette baisse des cours qui va perdurer s'inscrit comme la fin
d'un supercycle qui a contribué à la hausse des prix, semblable à ceux que le monde a connu depuis la fin
du XIXe siècle.
Contrairement à ce qui est régulièrement évoqué, la situation actuelle n'est pas dûe essentiellement à la
baisse de la demande, mais plutôt aux excédents de production. A titre d'exemple, les volumes exportés du
pétrole, n'ont pas fortement baissé : ils ont connu une augmentation continue depuis 2008 pour se stabiliser
entre 2014 et fin 2015, alors que les prix ont fortement chuté pendant cette période.
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Intérêts des banques d'investissement pour le marché des matières premières
L'intérêt des banques d'investissement pour le marché des matières premières s'est accentué à partir de 2004,
suite à la progression spectaculaire des cours. Cette tendance a poussé plusieurs établissements financiers
à introduire cette classe d'actifs dans leurs portefeuilles, les matières premières étant considérées comme
des valeurs performantes, rentables et permettant une certaine protection contre l'inflation. Au-delà de ces
caractéristiques, elles bénéficient d'un autre avantage de taille pour en faire une classe d'actifs à part entière :
elles sont décorrélées(3) des autres classes d'actifs.
Retournement de tendance et durcissement de la réglementation
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La multiplication des investisseurs et l'effondrement des cours des matières premières ont changé la
donne : renforcement de l'intensité de la concurrence et érosion des marges, d'où un retrait progressif des
investisseurs. Les banques d'investissement ont commencé à réduire leur exposition aux matières premières
en 2014, ces dernières étant de moins en moins rentables. Certaines banques comme Deutsche Bank, UBS
ou Royal Bank of Scotland ont même fait le choix de se séparer de leurs filiales de négoce d'énergie, de
métaux et de produits agricoles en avril 2014.
Les acteurs souhaitant se positionner sur le marché des matières premières ne manquent pas. En effet,
le retrait de ces banques donne l'opportunité aux repreneurs d'accroître leurs parts de marché et de
reconstruire leurs marges. Parmi les repreneurs des desks de négoce de matières premières figurent la
banque d'investissements américaine Blackstone, la banque australienne Macquarie, le groupe suisse de
négoce Mercuria Energy, sans oublier le groupe pétrolier russe Rosneft. Ces sociétés partagent un point
commun : elles sont soumises à une réglementation beaucoup moins contraignante que celle des banques de
l'Union Européenne (d'une part la réglementation bancaire est plus dure que celle des sociétés de négoce et
d''autre part, la réglementation bancaire s'est durcie en Europe plus rapidement que dans le reste du monde).
Entre les scandales de manipulation des cours (Barclays et JP Morgan)(4) et les spéculations sur les matières
agricoles via des ETF (Exchange Traded Fund)(5), la Réserve fédérale américaine (FED) et la CFTC (La
Commodity Futures Trading Commission)(6) sous la pression de la classe politique, ont montré leur volonté de
limiter, voire d'interdire l'intervention des banques dans le négoce et le stockage des matières premières. Bien
que les acteurs concernés s'y opposent, la FED a annoncé, au début de 2014, qu'elle envisageait de revoir
les règles instaurées au début des années 2000, permettant à certaines banques de développer des activités
de négoce, de stockage et de transport des matières premières. En effet, c'est depuis que des banques ont
acquis des infrastructures leur permettant d'assurer le stockage, le transport et la distribution, que les prix des
matières premières ont augmenté de façon artificielle notamment entre 2007 et 2012.
Ce durcissement de la réglementation est un premier pas qui va permettre d'écarter les créateurs d'instabilité,
mais cela reste insuffisant. Les grands négociants de matières premières (Glencore, Vitol, Trafigura, Gunvor,
Cargil...), souvent méconnus du grand public échangent dans un marché opaque et génèrent des chiffres
d'affaires qui donnent le tournis. Contrairement aux banques d'investissement, ces entreprises sont peu ou
pas régulées et continent à spéculer sur un marché qui touche principalement les consommateurs des pays
pauvres.
Conclusion
Qu'il s'agisse du pétrole, du fer, du cuivre, il faut d'abord aller chercher du côté des fondamentaux : les marchés
sont et vont rester excédentaires malgré la remontée des cours du mois dernier. Le prix du pétrole doit osciller
entre 40 dollars et 50 dollars au cours du deuxième semestre de 2016.
Le marché des matières premières est directement impacté par les nouvelles réglementations qui visent
à réduire et à déclarer les fonds indiciels sur les matières agricoles, augmenter le degré de transparence
(reporting) et disposer de couvertures proportionnelles au risque de contrepartie.
De manière générale, l'environnement économique plaide pour un désengagement des banques du trading
des matières premières et un retour sur leur cœur de métier, au profit des grandes maisons de négoce.
Néanmoins, elles restent des acteurs importants dans le financement et l'accompagnement des producteurs
et des utilisateurs finaux de matières premières. Ainsi, elles se doivent de conserver une part au moins réduite
de cette classe d'actifs, et de continuer à offrir des instruments de couverture et de liquidités.
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Abdellah Bouzidi, analyste chez Investance Partners
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(1) BOURSORAMA – cours des matières premières – cours du cuivre / cours du Brent – Retrieved from
http://www.boursorama.com
(2)
Henning Gloystein et A. Ananthalakshmi - 31/12/2015 - 2016 s'annonce sombre pour les
matières premières avec la Chine – Reuters. Retrieved from http://fr.reuters.com/article/businessNews/
idFRKBN0UE0MO20151231
(3) RF-Septembre 2009 - NextFinance- Les matières premières : une classe d'actifs décorrélée ? – La
faible corrélation historique avec les autres classes d'actifs, tels que les actions et les obligations, a été mis
en évidence par de nombreux travaux de recherche académiques, notamment ceux du centre de recherche
de l'université du Massachusetts (« Center for International Securities and Derivatives Markets ») intitulée
« Benefits of Commodity Investments » 2001. NextFinance Retrieved from http://www.next-finance.net/Lesmatieres-premieres-une-classe
(4) Global Broker – Article 20/04/2015 : Suite aux Scandales des manipulations sur le marché de l'électricité
en Californie et l'ouest américain entre 2006 et 2008, Barclays et JP Morgan ont été condamnées par les
autorités financières américaines et ont dû payer de lourdes amendes (respectivement 490, 285 millions de
dollars) au mois de juillet 2013. Selon la FERC (Federal Energy Regulatory Commission), les banque et leurs
courtiers ont manipulé les indices des prix de l'électricité de façon "coordonnée et intentionnelle" afin de tirer
profit des positions prises sur ce marché. La FERC a procédé en 2014 à la modification des lois pour limiter
les activités des banques sur le marché physique des commodities.
Retrieve from:
https://www.cantwell.senate.gov/news/press-releases/cantwell-applauds-ferc-settlement-with-jpmorgan-forenergy-market-manipulation
(5) ETF (Exchange Traded Fund) : Appelé OPCVM en France, c'est un type de fonds de placement en
valeurs mobilières reproduisant un indice boursier un actif ou tout simplement une stratégie
(6) CFTC : La Commodity Futures Trading Commission : Est une agence fédérale indépendante américaine
fondée en 1975 et chargée de la régulation des bourses de commerce, où se traitent les matières premières.
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