Date : 18/10/2016 Heure : 22:33:38 www.usinenouvelle.com Pays : France Dynamisme : 0 Page 1/3 Visualiser l'article Le marché des matières premières : Changement de paradigme Le marché des matières premières a fortement évolué depuis la fin des années 90 en matière de volumes traités, de catégories d'acteurs et de réglementations. Le prix du pétrole est passé à 28 dollars le baril au début de l'année 2015 contre 145 dollars au milieu de l'année 2008, celui du cuivre à 4400 dollars la tonne contre 9800 dollars en 2011(1). La fin de l'année 2015 a été caractérisée par l'effondrement du cours des matières premières et la crainte d'une décélération de l'économie mondiale. Les scandales de manipulation des cours et la crise alimentaire de 2009 ont poussé les régulateurs à durcir la réglementation portant sur le trading des matières premières afin de limiter la spéculation. Ce contexte conduit à une redéfinition du rôle des différents acteurs et à un renforcement de la supervision pour accroître la transparence et la protection contre le risque systémique. Décryptage de Abdellah Bouzidi, analyste chez Investance Partners. (visuel indisponible) © Myrtille Delamarche Le marché des matières premières est en difficulté. Toutes les matières premières ont une forte baisse de leur cours : le pétrole s'est déprécié de 47% entre 2014 et 2015(2), le fer et le charbon ont quant à eux perdu le tiers de leur valeur en 2015. Après une période de prix élevés entre 2008 et 2014, nous sommes entrés dans une nouvelle phase marquée par la crainte d'un fort ralentissement de l'économie mondiale et par la crainte d'excédents de production de matières premières. De gros investissements ont été réalisés depuis 2007 pour ouvrir de nouveaux sites de production : mine de cuivre de Las Bambas au Pérou, forêts boréales du nord de l'Alberta et leurs étendues de sable bitumineux, production de pétrole de schiste aux États-Unis…, contribuant fortement à accentuer le déséquilibre entre l'offre et la demande. Selon les spécialistes, cette baisse des cours qui va perdurer s'inscrit comme la fin d'un supercycle qui a contribué à la hausse des prix, semblable à ceux que le monde a connu depuis la fin du XIXe siècle. Contrairement à ce qui est régulièrement évoqué, la situation actuelle n'est pas dûe essentiellement à la baisse de la demande, mais plutôt aux excédents de production. A titre d'exemple, les volumes exportés du pétrole, n'ont pas fortement baissé : ils ont connu une augmentation continue depuis 2008 pour se stabiliser entre 2014 et fin 2015, alors que les prix ont fortement chuté pendant cette période. (visuel indisponible) Intérêts des banques d'investissement pour le marché des matières premières L'intérêt des banques d'investissement pour le marché des matières premières s'est accentué à partir de 2004, suite à la progression spectaculaire des cours. Cette tendance a poussé plusieurs établissements financiers à introduire cette classe d'actifs dans leurs portefeuilles, les matières premières étant considérées comme des valeurs performantes, rentables et permettant une certaine protection contre l'inflation. Au-delà de ces caractéristiques, elles bénéficient d'un autre avantage de taille pour en faire une classe d'actifs à part entière : elles sont décorrélées(3) des autres classes d'actifs. Retournement de tendance et durcissement de la réglementation Tous droits réservés à l'éditeur INVESTANCE 283035281 Date : 18/10/2016 Heure : 22:33:38 www.usinenouvelle.com Pays : France Dynamisme : 0 Page 2/3 Visualiser l'article La multiplication des investisseurs et l'effondrement des cours des matières premières ont changé la donne : renforcement de l'intensité de la concurrence et érosion des marges, d'où un retrait progressif des investisseurs. Les banques d'investissement ont commencé à réduire leur exposition aux matières premières en 2014, ces dernières étant de moins en moins rentables. Certaines banques comme Deutsche Bank, UBS ou Royal Bank of Scotland ont même fait le choix de se séparer de leurs filiales de négoce d'énergie, de métaux et de produits agricoles en avril 2014. Les acteurs souhaitant se positionner sur le marché des matières premières ne manquent pas. En effet, le retrait de ces banques donne l'opportunité aux repreneurs d'accroître leurs parts de marché et de reconstruire leurs marges. Parmi les repreneurs des desks de négoce de matières premières figurent la banque d'investissements américaine Blackstone, la banque australienne Macquarie, le groupe suisse de négoce Mercuria Energy, sans oublier le groupe pétrolier russe Rosneft. Ces sociétés partagent un point commun : elles sont soumises à une réglementation beaucoup moins contraignante que celle des banques de l'Union Européenne (d'une part la réglementation bancaire est plus dure que celle des sociétés de négoce et d''autre part, la réglementation bancaire s'est durcie en Europe plus rapidement que dans le reste du monde). Entre les scandales de manipulation des cours (Barclays et JP Morgan)(4) et les spéculations sur les matières agricoles via des ETF (Exchange Traded Fund)(5), la Réserve fédérale américaine (FED) et la CFTC (La Commodity Futures Trading Commission)(6) sous la pression de la classe politique, ont montré leur volonté de limiter, voire d'interdire l'intervention des banques dans le négoce et le stockage des matières premières. Bien que les acteurs concernés s'y opposent, la FED a annoncé, au début de 2014, qu'elle envisageait de revoir les règles instaurées au début des années 2000, permettant à certaines banques de développer des activités de négoce, de stockage et de transport des matières premières. En effet, c'est depuis que des banques ont acquis des infrastructures leur permettant d'assurer le stockage, le transport et la distribution, que les prix des matières premières ont augmenté de façon artificielle notamment entre 2007 et 2012. Ce durcissement de la réglementation est un premier pas qui va permettre d'écarter les créateurs d'instabilité, mais cela reste insuffisant. Les grands négociants de matières premières (Glencore, Vitol, Trafigura, Gunvor, Cargil...), souvent méconnus du grand public échangent dans un marché opaque et génèrent des chiffres d'affaires qui donnent le tournis. Contrairement aux banques d'investissement, ces entreprises sont peu ou pas régulées et continent à spéculer sur un marché qui touche principalement les consommateurs des pays pauvres. Conclusion Qu'il s'agisse du pétrole, du fer, du cuivre, il faut d'abord aller chercher du côté des fondamentaux : les marchés sont et vont rester excédentaires malgré la remontée des cours du mois dernier. Le prix du pétrole doit osciller entre 40 dollars et 50 dollars au cours du deuxième semestre de 2016. Le marché des matières premières est directement impacté par les nouvelles réglementations qui visent à réduire et à déclarer les fonds indiciels sur les matières agricoles, augmenter le degré de transparence (reporting) et disposer de couvertures proportionnelles au risque de contrepartie. De manière générale, l'environnement économique plaide pour un désengagement des banques du trading des matières premières et un retour sur leur cœur de métier, au profit des grandes maisons de négoce. Néanmoins, elles restent des acteurs importants dans le financement et l'accompagnement des producteurs et des utilisateurs finaux de matières premières. Ainsi, elles se doivent de conserver une part au moins réduite de cette classe d'actifs, et de continuer à offrir des instruments de couverture et de liquidités. (visuel indisponible) Abdellah Bouzidi, analyste chez Investance Partners Tous droits réservés à l'éditeur INVESTANCE 283035281 Date : 18/10/2016 Heure : 22:33:38 www.usinenouvelle.com Pays : France Dynamisme : 0 Page 3/3 Visualiser l'article (1) BOURSORAMA – cours des matières premières – cours du cuivre / cours du Brent – Retrieved from http://www.boursorama.com (2) Henning Gloystein et A. Ananthalakshmi - 31/12/2015 - 2016 s'annonce sombre pour les matières premières avec la Chine – Reuters. Retrieved from http://fr.reuters.com/article/businessNews/ idFRKBN0UE0MO20151231 (3) RF-Septembre 2009 - NextFinance- Les matières premières : une classe d'actifs décorrélée ? – La faible corrélation historique avec les autres classes d'actifs, tels que les actions et les obligations, a été mis en évidence par de nombreux travaux de recherche académiques, notamment ceux du centre de recherche de l'université du Massachusetts (« Center for International Securities and Derivatives Markets ») intitulée « Benefits of Commodity Investments » 2001. NextFinance Retrieved from http://www.next-finance.net/Lesmatieres-premieres-une-classe (4) Global Broker – Article 20/04/2015 : Suite aux Scandales des manipulations sur le marché de l'électricité en Californie et l'ouest américain entre 2006 et 2008, Barclays et JP Morgan ont été condamnées par les autorités financières américaines et ont dû payer de lourdes amendes (respectivement 490, 285 millions de dollars) au mois de juillet 2013. Selon la FERC (Federal Energy Regulatory Commission), les banque et leurs courtiers ont manipulé les indices des prix de l'électricité de façon "coordonnée et intentionnelle" afin de tirer profit des positions prises sur ce marché. La FERC a procédé en 2014 à la modification des lois pour limiter les activités des banques sur le marché physique des commodities. Retrieve from: https://www.cantwell.senate.gov/news/press-releases/cantwell-applauds-ferc-settlement-with-jpmorgan-forenergy-market-manipulation (5) ETF (Exchange Traded Fund) : Appelé OPCVM en France, c'est un type de fonds de placement en valeurs mobilières reproduisant un indice boursier un actif ou tout simplement une stratégie (6) CFTC : La Commodity Futures Trading Commission : Est une agence fédérale indépendante américaine fondée en 1975 et chargée de la régulation des bourses de commerce, où se traitent les matières premières. Tous droits réservés à l'éditeur INVESTANCE 283035281