Les loges militaires, le temple et la cité (08 avril 2015)

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BdB (Mle 78509) ce mardi 8 avril 2015
A la gloire du GADLU
VM et vous tous mes frères
Le Franc-Maçon et le Militaire : ou de la défense du temple et de la cité.
« Les seuls édifices qui tiennent sont intérieurs. Les citadelles de l’esprit
restent debout plus longtemps que les murailles de pierre ».
Hélie de Saint-Marc1 (Les champs de braises)
Introduction
Le F.M : un ordre, un atelier, un groupe autour du temple, un langage et des
codes.
Le « Mili »: un ordre, une hiérarchie, un groupe dans et autour de la
citadelle, un langage et des codes.
Comment et où ces deux êtres peuvent-ils se rencontrer et/ou se compléter ?
Le premier s’engage individuellement en FM pour lui-même : il veut se
connaître lui-même pour mieux se placer dans le monde. Sa démarche est à
la fois introvertie et extravertie puisqu’il puise en lui la force, la sagesse et la
beauté qu’il souhaite pour le temple qui l’entoure.
Le second s’engage par atavisme familial, par goût, par nécessité ou par
vocation. Il accepte de donner sa chair pour défendre et protéger le cadre
de vie de ses frères de la cité.
Sans aucun doute entre la défense du temple et la défense de la cité, il est
facile de trouver de nombreux points communs autour de l’essentiel : la
protection d’un bien supérieur. Et ce par une démarche individuelle et
collective.
Il y a quelques années il aurait été impossible d’aborder ce sujet sans risque
d’être rejeté par l’une ou l’autre des institutions, tant les méfiances ont été
grandes et les rejets réciproques.
Mais aujourd’hui, en avril 2015, la violence de l’actualité dans le monde
arabo-persique où des mouvements fondamentalistes s’en prennent aux
traces historiques du passé de l’humanité, cette violence force la réflexion
sur la protection des remparts de la cité - que cette cité soit physique ou
spirituelle. Je pense aux destructions de musées, de temples, de vestiges
religieux universels et aux multiples attentats y compris sur notre propre
1 Les Champs de braises. Mémoires édition Perrin, 1995
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territoire.
Se pose donc alors la question de savoir ce qui rapproche la communauté
maçonnique et la communauté militaire, au delà des clichés, tels que
l’uniforme, le secret, le cérémonial, l’organisation ordonnée. Et en
dépassant les publications récurrentes des périodiques, en peine
d’information.
Même s’il faut quitter ses métaux en entrant dans le temple, nous pouvons
tous témoigner combien il est difficile de se défaire de sa culture, son
éducation, sa propre gestuelle. Certains ici se souviendront de mon
raidissement à entendre mon grade au lieu de mon prénom…!
Donc ici je veux vous livrer quelques réflexions personnelles sur le lien
supérieur qui peut rapprocher le FM et le soldat en m’appuyant sur un
rappel historique de la relation entre ces deux univers puis sur un état des
lieux actualisé.
Les travaux dont je me suis inspiré pour élaborer cette réflexion sont bien
antérieurs à la professionnalisation de l’Armée de 2002 ; ils étaient
introduits par un chapitre de mise en perspective des deux communautés
concluant à la nécessité de s’intéresser aux questions de défense. Je veux
remercier ici mes Frères de ADER( Association Défense et République) qui
ont largement œuvré pour établir les passerelles entre communautés.
1. Les loges militaires en France
Selon les historiens de la Franc-Maçonnerie Spéculative ce sont les
conditions sociales qui ont favorisés, en France, la naissance des loges et
l'essort de la franc-maçonnerie depuis 250 ans. Au XVIII° siècle
l’aristocratie structure le corps dirigeant du pays, notamment par ses
diplomates et militaires, issus de milieux aisés. Ce sont deux catégories de
« gens du voyage », porteurs d’une mission.
L'histoire des loges militaires commence sous l'ancien Régime, quelques
années après la publication des «Constitutions d'Anderson»2 (1721).
Je distingue trois grands mouvements qui s’articulent autour de :
- une première période de structuration des loges dans les milieux
aisés autour des acteurs de pouvoir civils et militaires
- de grandes mutations internes : de l’affaire Dreyfus et des fiches
- les temps modernes avec l’arrivée de l’OTAN jusqu’à nos jours
2 Daniel LIGOU « Les constitutions d’Anderson (1723)» Ed LAUZERAY Paris 1978
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1.1 L'Ancien Régime et le premier Empire3
A la manière des nobles ou des représentants du clergé de cette époque, les
militaires entrent en loges à titre individuel. Je tiens à vous rassurer : rien
n’a changé depuis ! Les premières loges françaises sont militaires et
écossaises, dès 16494 à Saint-Germain en Laye; elles sont à la fois opératives
(transmission du savoir en génie et en artillerie) et spéculatives. Les
premiers militaires français arrivent en loge vers 16885.
L’émergence de la Franc-maçonnerie militaire est liée au phénomène
associatif au sein des unités et la mobilité des régiments pendant les guerres.
Il faut se souvenir aussi que depuis ses origines, la Franc-Maçonnerie - au
même titre que les associations à caractère secret - était étroitement
surveillée, à toutes les périodes de son histoire: Ancien Régime, Révolution,
Empire ou République et dans tous les pays.
Dans les formations militaires, la Franc-Maçonnerie, phénomène associatif
idéal, devra obéir à certaines conditions. Le colonel, « chef de corps »
responsable, protège les Francs-Maçons, surtout s'ils appartiennent à la
Haute Noblesse. Au XVIlle siècle, les militaires maçons fréquentent les loges
de leur garnison. Cependant, les régiments se déplacent sans cesse : il est
donc très difficile au militaire, officier, sous-officier, soldat, de s'agréger à
une loge civile à domicile fixe, à cause de ces mouvements continuels. Il
devient inévitable de constituer des ateliers ambulants. Au début, on compte
une loge pour trois régiments puis rapidement chaque régiment crée sa loge;
chacune de ces loges aura sa personnalité propre et subira l'influence des
officiers qui l'encadrent, mais aussi du régiment lui-même, plus ou moins
fortuné, ce qui provoqua l'apparition de loges composées uniquement
d'officiers, d'autres moins nombreuses de bas officiers ou de grades
mélangés. A la veille de la Révolution de 1789, on dénombre 69 loges
militaires parmi les 629 loges identifiées.
Après la désagrégation du GODF sous la Révolution, les loges militaires
trouveront un nouvel élan sous le Consulat et surtout sous l'Empire: elles
seront un instrument important entre les mains de Napoléon, en particulier
pour entretenir l’état d’esprit républicain et napoléonien dans son armée et
dans les conquêtes européennes. En 1805, Joseph Bonaparte est Grand
Maître et une grande partie de la famille et des proches de l'Empereur
reçoivent la lumière. En 1805, on compte: 3032 Officiers Maçons, 1458
3 Pierre CHEVALLIER Histoire de la franc-maçonnerie. Tome 1 : la maçonnerie école de l’égalité (1725-1799) Ed Fayard 2000
4 vérifier la date et la source
5 A. Bauer, « GRAND O », p95
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Sous-officiers Francs-Maçons 437 Soldats Francs-Maçons. Leur nombre ne
cessera de croître jusqu'en 1814, pour atteindre 73 loges militaires; soit à
peu près une loge par régiment y compris dans la Garde Impériale. Mais,
après 1815 les loges militaires se fragilisent sous les effets des tensions
politiques du moment et déclinent progressivement jusqu’à la chute de
Napoléon. En 1823, il reste 4 loges militaires et en 1830 au moment de la
campagne d'Algérie, il reste 2 loges militaires qui vont avoir une certaine
importance dans la période suivante.
1.2 La phase coloniale: l’exemple de l’Algérie.
Alors que la Franc-Maçonnerie stagne en France, à partir de 1830 la
conquête de l’Algérie pour la libérer du joug ottoman va lui donner un
nouveau dynamisme sous l'impulsion des militaires ayant été initiés en
métropole. En effet, le corps expéditionnaire est composé de nombreux
Officiers Francs-Maçons (Maréchal Bugeaud, Maréchal Pélissier, Maréchal
Magnan, futur grand maître du GODF). En 1832, est créée à Alger la loge
Bélisaire (Vénérable, Général Danlion, commandant la Place d'Alger), à
Bône la Loge Ismaël, (sur 33 Frères 7 sont civils), en 1835 à Oran, création
de la Loge Union Africaine (sur 36 membres, moins de 10 civils). On estime
que 45 % des FF
sont militaires dont 2 tiers d’Officiers).
Cependant, la composition sociale des loges va évoluer rapidement et à
partir de 1847, les fonctionnaires et les militaires laissent la place à des
représentants de la société civile (commerçants, artisans, industriels). Cette
évolution est la conséquence de la mise en application de la circulaire Soult6
de 1845 contraignant les militaires à quitter les loges. La réduction du
contingent des militaires et le départ de nombreux officiers supérieurs
Vénérables désorganisent les loges pour un temps. Néanmoins deux groupes
de militaires resteront sur les colonnes et répandront l'Oeuvre Maçonnique :
ce sont les Officiers de santé, médecins ou chirurgiens, et les Officiers des
bureaux arabes.
Il faut cependant replacer cette tendance dans le contexte de l’époque
marquée par une forte montée en puissance de l’église catholique romaine,
accusant les FM de démoraliser les visées nationalistes au sein de l’armée
italienne ; accusés en Italie ils sont suspectés de troubler le bon ordre
militaire en France.
Simultanément l’environnement de l’empereur Napoléon III dont une partie
de la famille vit à Rome, véhicule jusqu’en France les idées des réseaux
6 Soult en 1845 interdit aux militaires de rejoindre la FM, puis les ministres de la Guerre français ont plusieurs fois rappelé aux
militaires qu'ils n'avaient pas le droit d'entrer dans une Association secrète ayant un caractère politique ou religieux (22 juillet 1880. 10
septembre 1882…)
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secrets des « carbonari » depuis la Calabre pour soutenir la libération de
l’Italie du joug autrichien.
Si l’agitation est forte à Paris, sur les territoires conquis en AFN, l’Armée
est appréciée aussi bien dans la Maçonnerie que dans la population Les
frères convient les militaires de leur province au banquet d'ordre de la loge.
Les militaires viennent même assister en uniforme aux tenues de la loge.
L'autorité militaire est informée de ces réunions maçonniques puisque le
Grand Orient n'autorisait la création de loge militaire qu'après l'accord du
colonel commandant le régiment. Maçons ou non, les généraux n'hésitent pas
à assister au bal de la loge, ou, comme LYAUTEY en 1909, à s'y faire
représenter. Les bals offerts par la loge vont être l'occasion d'actions auprès
des militaires.
Ainsi, en 1851, les Francs-Maçons font paraître cet encart dans la presse
oranaise : « MM. les employés civils et militaires, ainsi que MM. les officiers
de la milice et de l'armée qui n'auraient pas reçu, par oubli, de lettre de
convocation pour le bal qui sera donné par la loge maçonnique le 15
novembre courant sont priés de se considérer comme invités par le présent
avis. Ces MM. sont priés de se présenter en uniforme ».
1.3 Les loges militaires du GOGF vers la Grande Loge Nationale
française
A la veille de la Première Guerre mondiale les loges militaires au sein du
GODF perdent de leur importance en nombre et vont souffrir de la scission
du GODF vers 1910. Elles réapparaitront plus tard sous l’égide de la GLNF
constitué en France en 1913 : très rapidement après la création en France
des deux premières loges de la GLNF, quatre loges militaires naissent
pendant la première guerre mondiale au Havre, à Rouen, à Boulogne sur
Mer et à Bordeaux.
Cependant, le véritable essor viendra de l’installation de l’Otan en France.
Créée le 4 avril 1949, son siège est installé à Paris Porte Dauphine. 22 loges
militaires, souvent multinationales, sont consacrées en 12 années entre 1953
et 1965, presque autant qu'en 26 ans entre 1913 et 1939. Le 19 septembre
1964, la loge Chevalier Ramsay7, créée au Camp des Loges à Saint Germain
en Laye en la présence notamment du Commandant des Forces Alliées en
Europe, le Général Lemnitzer, sera la dernière loge militaire consacrée par
la Grande Loge Nationale Française. En effet, le 7 mars 1966, le Président
Charles de Gaulle met fin à la présence des organismes de l’OTAN en
métropole et annonce le retrait de la France du commandement intégré de
l'OTAN.
7en Ecosse (1686) et mort (1743)à St germain en Laye, philosophe et écrivain français, initié en 1730 en Angleterre introduit
le rite écossais en France, très imprégné par l’histoire des ordres chevaleresques.
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