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d’anomalies, comme dans le cas du mont Albert, où des roches enfouies en
profondeur ont pu remonter à la surface. La plaque atlantique, qui plonge
sous celle des Caraïbes, est un exemple actuel de subduction.
Les figures 4 et 5 présentent l’histoire de la formation du mont Albert. La
figure 4 est une vue en coupe d’une zone de subduction pendant la formation
de la semelle métamorphique, alors que la figure 5 présente l’évolution de la
température et de la profondeur des basaltes des fonds océaniques formant
aujourd’hui la semelle. Durant la subduction, la plaque plongeante, dont font
partie les basaltes, a été réchauffée intensément par les roches du manteau,
qui se trouvaient alors à plus de 1 000 °C. L’ensemble de la semelle s’est
métamorphisé progressivement, au fur et à mesure que la plaque s’enfonçait
dans le manteau. Les observations de terrain confirment que les roches les
plus métamorphisées sont celles s’étant approchées le plus près du manteau
(l’encadré sur la figure 4 forme maintenant l’ophiolite).
Figure 4. Modèle de formation de la semelle métamorphique dans un
contexte de subduction, Ella Jewison. La convergence des plaques a
provoqué l’enfouissement de la croute océanique (à gauche) sous le
manteau (à droite). On y voit un agrandissement du lieu de formation du
mont Albert, dans la zone de subduction, où l’on trouve les deux unités
de péridotite et de semelle l’une sur l’autre.
Figure 5. Historique de température des roches de la semelle
métamorphique du mont Albert, Ella Jewison. Le cercle vert correspond
aux conditions de pression et de température estimées grâce à
l’analyse des roches sédimentaires. La bande rouge représente les
conditions estimées pour les roches amphibolitiques les plus près du
contact avec les péridotites.
Les données de température et de pression obtenues par l’analyse des
roches sédimentaires sont déterminantes puisqu’elles nous permettent
de localiser en profondeur le mécanisme de formation des semelles
métamorphiques. Dans l’exemple du mont Albert, la formation de la semelle
s’est produite à un maximum d’environ 35 km de profondeur, ce qui est
cohérent avec les connaissances actuelles sur la subduction. Au maximum
de leur enfouissement dans la zone de subduction, les basaltes de la croûte
océanique adhéraient au manteau : la semelle métamorphique s’est alors
accrétée, c’est à dire collée au manteau.
Le retour de ces roches à la surface s’explique par le blocage de la
subduction : une plaque continentale est moins dense qu’une plaque
océanique. Elle ne peut pas entrer profondément en subduction. Lorsque le
système s’est refermé, il s’est bloqué, et l’ensemble manteau-semelle s’est
retrouvé au-dessus du continent : on nomme ce processus obduction. Le
complexe ophiolitique a alors été transporté sur la marge continentale.
Le retour à la surface du massif a été favorisé par l’érosion, au cours des
dizaines de millions d’années durant lesquelles les roches ont été exposées à
la surface. Le rythme apparemment très lent d’un millimètre par an d’érosion
correspond, au bout d’un million d’années, à un kilomètre d’épaisseur de
matériel érodé ! C’est donc au bout de cette incroyable migration que les
roches du mont Albert sont patiemment arrivées à la surface.
LE MONT ALBERT, TÉMOIN DES
PROFONDEURS TERRESTRES
Cette étude a permis d’estimer les conditions de formation de la semelle
métamorphique, grâce aux assemblages minéralogiques qui s’y trouvent.
Comparées avec celles des autres ophiolites et replacées dans un contexte
mondial, les données obtenues dans cette étude sont particulièrement
précises, notamment l’estimation de la profondeur. Le complexe ophiolitique
du mont Albert dans le parc national de la Gaspésie est donc d’une grande
valeur scientifique. Les affleurements rocheux du mont Albert offrent des
occasions uniques d’étudier à l’air libre les phénomènes de destruction de
la croûte océanique en zone de subduction, afin de mieux comprendre les
mécanismes inaccessibles dans le temps et dans l’espace de la tectonique
des plaques, ce phénomène qui sculpte le visage de notre monde.
Remerciements
Les auteurs remercient Philippe Agard et Loïc Labrousse, professeurs à
l’Institut des Sciences de la Terre de Paris, pour leur participation à l’étude.
Ils remercient également Cécile Finco et Arthur Rambert pour le travail
de pétrographie qu’ils ont effectué lors d’un stage dans le cadre de leur
formation.
BIBLIOGRAPHIE :
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