N° 373
Mai 2011
Augmenter la production
grâce aux gènes du riz africain
Scientific news Actualidad cientifica
Actualité scientique
Troisième céréale mondiale en termes de produc-
tion après le blé et le maïs, le riz est la première
en termes d’alimentation humaine : il constitue la
base de l’alimentation de la moitié de l’humanité.
Les 155millions d’hectares de rizières cultivées
dans le monde, essentiellement en zone intertro-
picale, produisent environ 660 millions de tonnes
de riz par an. Mais pour demeurer la clé de voûte
de la sécurité alimentaire, la production devra
doubler à l’horizon 2030.
L’Afrique et l’Asie pour berceaux
Le riz que l’on cultive appartient à deux espèces
distinctes : l’une originaire d’Asie, cultivée depuis
7000 ans et aujourd’hui produite dans le monde
entier, et l’autre cantonnée à l’Afrique de l’Ouest,
où son ancêtre sauvage a été domestiqué.
Si le riz asiatique, de son nom scientifique Oryza
sativa, offre des performances agronomiques
largement supérieures – auxquelles il doit la tota-
lité de la production mondiale commercialisée –,
l’africain, appelé Oryza glaberrima, recèle un
potentiel génétique encore mal connu et peu
exploité pour l’amélioration des variétés culti-
vées. Cette espèce rustique possède en effet
différentes qualités, et non des moindres, qui font
généralement défaut à O. sativa : elle résiste très
bien au virus de la panachure jaune du riz qui
provoque des pertes considérables dans les
récoltes en Afrique, aux attaques de plusieurs
espèces de nématodes, de petits vers parasites
vivant dans le sol, ainsi qu’à certains aléas tels
que le stress hydrique ou la salinité des sols.
Des croisements stériles
Afin de transférer ces vertus au riz asiatique et
améliorer encore ses rendements agricoles, les
chercheurs de l’IRD et leurs partenaires1 veulent
créer des sortes de «ponts» interspécifiques. De
fait, les deux espèces sont dites interstériles2 :
elles sont issues d’un même parent sauvage
asiatique, dont une partie de la population aurait
L’espèce de riz asiatique (
Oryza sativa
, en bas à gauche) est la plus communément cultivée à travers le monde, comme ici en Basse-Casamance au Sénégal.
Mais ses performances agronomiques pourraient être améliorées grâce à la rusticité de l’espèce africaine (
Oryza glaberrima
, en haut à droite).
Le riz, céréale la plus
consommée au monde,
nourrit la moitié de
l’humanité. Mais pour
répondre aux besoins
d’une population
croissante, la production
rizicole doit doubler d’ici
20 ans.
Parmi les deux espèces
cultivées, l’une asiatique
et l’autre africaine, la
première offre des
performances
agronomiques bien
supérieures. Mais la
seconde, plus rustique
résiste très bien aux
agents pathogènes, à la
sécheresse et à la salinité
des sols.
Pour transférer ces
qualités au riz asiatique,
des chercheurs de l’IRD
et leurs partenaires1
tentent de contourner la
stérilité entre les deux
espèces2. Séquençage
du génome à l’appui, ils
ont comparé la structure
d’une portion de
chromosome, identifiée
comme la clé de cette
infertilité. Ces travaux,
dont les derniers résultats
viennent d’être publiés
dans la revue PLoS One,
ont notamment permis de
définir des marqueurs
génétiques permettant de
développer plus
rapidement des lignées
fertiles de riz asiatique
amélioré.
© IRD / JP Montoroi
© IRD / R Guyot
été isolée en Afrique il y a environ un million d’an-
nées, suite à l’aridification du Sahel. D’où l’émer-
gence d’une «barrière reproductive», qui est un
des mécanismes centraux de l’évolution : il définit
l’apparition de nouvelles espèces.
Par conséquent, croiser O. sativa et O. glaberrima
peut donner naissance à une nouvelle plante, mais
celle-ci est stérile : ses cellules sexuelles mâles
(les grains de pollen) ne sont pas viables. En
revanche, les cellules femelles contenues dans la
fleur peuvent s’avérer fécondes chez de rares indi-
vidus. Ces derniers ont par exemple été à l’origine
dans les années 2000 de variétés telles que le riz
NERICA3, mais au prix d’un long effort de sélection
et de croisements successifs.
Le gène de la stérilité identifié
Pourquoi certaines cellules femelles des hybrides
sont-elles fécondes et donnent une descendance
fertile alors que d’autres pas? Dans une pré-
dente étude, les scientifiques ont identifié la
portion de chromosome responsable de cette
stérilité, appelée S1, grâce à une cartographie
très précise du génome, réalisée en partenariat
avec le centre international d’agriculture tropicale
(CIAT) situé à Cali en Colombie. Par ailleurs, ce
même gène intervenait à la fois sur la stérilité
mâle et femelle.
Les nouveaux travaux, publiés dans la revue
PLoSOne, comparent chez les deux espèces la
structure du fragment S1. Les généticiens ont
notamment constaté que peu de changements
génétiques se sont produits au cours de l’histoire
évolutive d’O. sativa et O. glaberrima. De fait, si
toutes deux possèdent des traits morpho-physio-
logiques très différents suite à leur domestica-
tion, leurs cousins sauvages ne se sont différen-
ciés que récemment à l’échelle de l’évolution:
leur spéciation remonterait tout au plus à 600000
ou 700000 ans. L’équipe de recherche a pu iden-
tifier les marqueurs génétiques qui vont permettre
de contourner la barrière reproductive.
Ces travaux permettent de s’affranchir d’un fasti-
dieux travail de sélection et d’accélérer ainsi le
développement de lignées fertiles de riz asiatique
amélioré. À terme, pourront être cultivées des
variétés mieux adaptées au contexte africain,
l’espèce asiatique représente plus de 90% des
surfaces rizicoles.
Développer des variétés de riz asiatique plus résistantes aux stress environnementaux permettrait d’assurer la sécurité alimentaire, en particulier en Afrique.
Contacts
UMR Diversité, adaptation,
développement des plantes (IRD /
Université Montpellier 2)
Romain GUYOT,
chercheur à l’IRD
Tél. : + 33 (0)4 67 41 63 34
Alain GHESQUIÈRE,
directeur de recherche à l’IRD
Tél. : + 33 (0)4 67 41 61 53
Adresse
IRD
911, Av Agropolis
BP 64501
34394 Montpellier Cedex 5
Mathias LORIEUX,
chercheur à l’IRD
Tél. : +572 445 00 00 ext. 3349
or +572 445 01 43
Adresse
CIAT - Biotechnology Unit
AA 6713 - CALI, Colombia
Références
Guyot Romain, Garavito Andrea, Ga-
voryF., Samain S., Tohme J.,
GhesquièreAlain, Lorieux Mathias.
Patterns of sequence divergence and
evolution of the S-1 orthologous
regions between Asian and African
cultivated rice species.
Plos One
, 2011,
6 (3), p. e17726.
doi: 10.1371/journal.pone.0017726
Garavito Andrea, Guyot Romain, LozanoJ.,
GavoryF., Samain S., Panaud olivier,
Tohme J., GhesquièreAlain,
LorieuxMathias. A genetic model for
the female sterility barrier between asian
and african cultivated rice species.
Genetics
, 2010, 185 (4), p. 1425-1440.
doi:10.1534/genetics.110.116772
Mots clés
Riz, hybride, stérilité, Afrique, Asie
Coordination
Gaëlle COURCOUX
Direction de l’information
et de la culture scientifiques pour le Sud
Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90
Fax : +33 (0)4 91 99 92 28
Relations avec les médias
Cristelle DUOS
+33 (0)4 91 99 94 87
Indigo,
photothèque de l’IRD
Daina RECHNER
+33 (0)4 91 99 94 81
Retrouvez les photos de l’IRD concernant cette
fiche, libres de droit pour la presse, sur :
www.indigo.ird.fr
1. Ces travaux ont été réalisés en partenariat avec le CIAT (centre international d’agriculture tropicale) à Cali, en Colombie.
2. Une espèce est un ensemble d’individus qui peuvent se reproduire entre eux et engendrer une descendance fertile. Deux espèces
différentes sont non interfécondes.
3. Distribuée par le centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice) à Cotonou au Bénin.
POUR EN SAVOIR PLUS
44 boulevard de Dunkerque,
CS 90009
13572 Marseille Cedex 02
France
© IRD/DIC, avril 2011 - Conception et réalisation graphique : L. CORSINI
© IRD / M Dukhan
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© IRD / JP Montoroi
Rédaction DIC — Gaëlle Courcoux
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