Actualité scientifique Scientific news Le riz, céréale la plus consommée au monde, nourrit la moitié de l’humanité. Mais pour répondre aux besoins d’une population croissante, la production rizicole doit doubler d’ici 20 ans. Parmi les deux espèces cultivées, l’une asiatique et l’autre africaine, la première offre des performances agronomiques bien supérieures. Mais la seconde, plus rustique résiste très bien aux agents pathogènes, à la sécheresse et à la salinité des sols. Pour transférer ces qualités au riz asiatique, des chercheurs de l’IRD et leurs partenaires1 tentent de contourner la stérilité entre les deux espèces2. Séquençage du génome à l’appui, ils ont comparé la structure d’une portion de chromosome, identifiée comme la clé de cette infertilité. Ces travaux, dont les derniers résultats viennent d’être publiés dans la revue PLoS One, ont notamment permis de définir des marqueurs génétiques permettant de développer plus rapidement des lignées fertiles de riz asiatique amélioré. © IRD / R Guyot Mai 2011 Augmenter la production grâce aux gènes du riz africain © IRD / JP Montoroi N° 373 Actualidad cientifica L’espèce de riz asiatique (Oryza sativa, en bas à gauche) est la plus communément cultivée à travers le monde, comme ici en Basse-Casamance au Sénégal. Mais ses performances agronomiques pourraient être améliorées grâce à la rusticité de l’espèce africaine (Oryza glaberrima, en haut à droite). Troisième céréale mondiale en termes de production après le blé et le maïs, le riz est la première en termes d’alimentation humaine : il constitue la base de l’alimentation de la moitié de l’humanité. Les 155 millions d’hectares de rizières cultivées dans le monde, essentiellement en zone intertropicale, produisent environ 660 millions de tonnes de riz par an. Mais pour demeurer la clé de voûte de la sécurité alimentaire, la production devra doubler à l’horizon 2030. L’Afrique et l’Asie pour berceaux Le riz que l’on cultive appartient à deux espèces distinctes : l’une originaire d’Asie, cultivée depuis 7 000 ans et aujourd’hui produite dans le monde entier, et l’autre cantonnée à l’Afrique de l’Ouest, où son ancêtre sauvage a été domestiqué. Si le riz asiatique, de son nom scientifique Oryza sativa, offre des performances agronomiques largement supérieures – auxquelles il doit la totalité de la production mondiale commercialisée –, l’africain, appelé Oryza glaberrima, recèle un potentiel génétique encore mal connu et peu exploité pour l’amélioration des variétés cultivées. Cette espèce rustique possède en effet différentes qualités, et non des moindres, qui font généralement défaut à O. sativa : elle résiste très bien au virus de la panachure jaune du riz qui provoque des per tes considérables dans les récoltes en Afrique, aux attaques de plusieurs espèces de nématodes, de petits vers parasites vivant dans le sol, ainsi qu’à certains aléas tels que le stress hydrique ou la salinité des sols. Des croisements stériles Afin de transférer ces vertus au riz asiatique et améliorer encore ses rendements agricoles, les chercheurs de l’IRD et leurs partenaires1 veulent créer des sortes de « ponts » interspécifiques. De fait, les deux espèces sont dites interstériles 2 : elles sont issues d’un même parent sauvage asiatique, dont une partie de la population aurait Pour en savoir plus été isolée en Afrique il y a environ un million d’années, suite à l’aridification du Sahel. D’où l’émergence d’une « barrière reproductive », qui est un des mécanismes centraux de l’évolution : il définit l’apparition de nouvelles espèces. Par conséquent, croiser O. sativa et O. glaberrima peut donner naissance à une nouvelle plante, mais celle-ci est stérile : ses cellules sexuelles mâles (les grains de pollen) ne sont pas viables. En revanche, les cellules femelles contenues dans la fleur peuvent s’avérer fécondes chez de rares individus. Ces derniers ont par exemple été à l’origine dans les années 2000 de variétés telles que le riz NERICA3, mais au prix d’un long effort de sélection et de croisements successifs. Le gène de la stérilité identifié Pourquoi certaines cellules femelles des hybrides sont-elles fécondes et donnent une descendance fertile alors que d’autres pas ? Dans une précédente étude, les scientifiques ont identifié la portion de chromosome responsable de cette stérilité, appelée S1, grâce à une cartographie très précise du génome, réalisée en partenariat avec le centre international d’agriculture tropicale (CIAT) situé à Cali en Colombie. Par ailleurs, ce même gène intervenait à la fois sur la stérilité mâle et femelle. Contacts UMR Diversité, adaptation, développement des plantes (IRD / Université Montpellier 2) Les nouveaux travaux, publiés dans la revue PLoS One, comparent chez les deux espèces la structure du fragment S1. Les généticiens ont Romain Guyot, chercheur à l’IRD Tél. : + 33 (0)4 67 41 63 34 [email protected] notamment constaté que peu de changements génétiques se sont produits au cours de l’histoire évolutive d’O. sativa et O. glaberrima. De fait, si Alain Ghesquière, directeur de recherche à l’IRD Tél. : + 33 (0)4 67 41 61 53 [email protected] Adresse IRD 911, Av Agropolis BP 64501 34394 Montpellier Cedex 5 toutes deux possèdent des traits morpho-physiologiques très différents suite à leur domestication, leurs cousins sauvages ne se sont différenciés que récemment à l’échelle de l’évolution : leur spéciation remonterait tout au plus à 600 000 ou 700 000 ans. L’équipe de recherche a pu identifier les marqueurs génétiques qui vont permettre Mathias Lorieux, chercheur à l’IRD Tél. : +572 445 00 00 ext. 3349 or +572 445 01 43 [email protected] Adresse CIAT - Biotechnology Unit AA 6713 - CALI, Colombia de contourner la barrière reproductive. Ces travaux permettent de s’affranchir d’un fastidieux travail de sélection et d’accélérer ainsi le développement de lignées fertiles de riz asiatique amélioré. À terme, pourront être cultivées des Références guyot romain, garavito andrea, gavory f., samain s., tohme j., ghesquière alain, lorieux mathias. Patterns of sequence divergence and evolution of the s-1 orthologous regions between Asian and African cultivated rice species. plos one, 2011, 6 (3), p. e17726. doi: 10.1371/journal.pone.0017726 variétés mieux adaptées au contexte africain, où l’espèce asiatique représente plus de 90 % des surfaces rizicoles. Rédaction DIC — Gaëlle Courcoux 1. Ces travaux ont été réalisés en partenariat avec le CIAT (centre international d’agriculture tropicale) à Cali, en Colombie. garavito andrea, guyot romain, lozano j., gavory f., samain s., Panaud Olivier, tohme j., ghesquière alain, lorieux mathias. A genetic model for the female sterility barrier between asian and african cultivated rice species. Genetics, 2010, 185 (4), p. 1425-1440. doi:10.1534/genetics.110.116772 2. Une espèce est un ensemble d’individus qui peuvent se reproduire entre eux et engendrer une descendance fertile. Deux espèces différentes sont non interfécondes. 3. Distribuée par le centre du riz pour l’Afrique (AfricaRice) à Cotonou au Bénin. Mots clés Riz, hybride, stérilité, Afrique, Asie Coordination Gaëlle Courcoux Direction de l’information et de la culture scientifiques pour le Sud Tél. : +33 (0)4 91 99 94 90 Fax : +33 (0)4 91 99 92 28 [email protected] Indigo, photothèque de l’IRD Daina Rechner +33 (0)4 91 99 94 81 [email protected] Retrouvez les photos de l’IRD concernant cette fiche, libres de droit pour la presse, sur : www.indigo.ird.fr 44 boulevard de Dunkerque, CS 90009 13572 Marseille Cedex 02 France © IRD/DIC, avril 2011 - Conception et réalisation graphique : L. CORSINI Développer des variétés de riz asiatique plus résistantes aux stress environnementaux permettrait d’assurer la sécurité alimentaire, en particulier en Afrique. © IRD / M Dukhan © IRD / M Dukhan © IRD / JP Montoroi Relations avec les médias Cristelle DUOS +33 (0)4 91 99 94 87 [email protected]