Dossier : Les femmes et leur corps
Trop minces pour être enceintes
Marie-Claude Lortie
Châtelaine
Octobre 2001
www.chatelaine.qc.ca
Montréal. Pour lui – et plusieurs autres médecins –, il est toujours préférable de
changer d’abord les habitudes de vie des patientes avant de leur injecter des
hormones. Car dans la majorité des cas, dit-il, les femmes qui souffrent de troubles
alimentaires et qui ont cessé d’avoir leurs menstruations retrouvent leur santé
reproductive une fois qu’elles recommencent à s’alimenter normalement. L’absence de
règles ou l’irrégularité des cycles menstruels restera un problème chronique pour les
autres. Et les médecins n’auront pas le choix, dans leur cas, d’avoir recours aux
hormones.
Sarah Berga, obstétricienne, gynécologue, chercheure et professeure en
médecine à l’Université de Pittsburgh, croit aussi que les femmes qui souffrent
d’aménorrhée doivent absolument prendre du poids et adopter un mode de vie santé
avant de devenir enceintes. Hormis les cycles menstruels, d’autres fonctions
physiologiques sont affectées par la maigreur excessive, dit-elle. La glande thyroïde,
par exemple, tourne au ralenti chez une femme trop maigre, ce qui peut avoir
d’importantes conséquences sur le développement neuropsychologique du bébé qu’elle
porte.
L’endocrinologue David Morris ajoute que des études ont montré que les bébés
nés de mères trop minces avaient tendance à être petits à la naissance puis à devenir
obèses et à souffrir de diabète plus tard. « C’est comme si le corps du bébé était
programmé pour vivre la famine toute sa vie. » D’où l’importance, pour lui, de voir les
femmes trop maigres prendre quelques kilos avant d’entreprendre une grossesse.
Adopter un nouveau mode de vie
Pour traiter les différents profils de femmes avec le doigté nécessaire, le docteur
Sarah Berga a mis sur pied, à Pittsburgh, un programme spécialisé multidisciplinaire.
Ce programme, qui comporte 16 rencontres étalées sur 20 semaines, aide les patientes
à retrouver un certain équilibre de vie et les kilos qui leur manquent sans le moindre
médicament.
Le programme s’adresse davantage aux femmes dont le poids est environ 10%
inférieur à leur poids santé. « Une discussion, de l’information, de l’écoute et, parfois, le
tour est joué, dit le docteur Berga. Mais souvent, il faut pas mal plus de temps. » Le
programme de 20 semaines peut se prolonger, mais la plupart des femmes règlent
ainsi leur problème. Dès qu’elles acceptent de suivre le programme et, donc,
reconnaissent qu’elles ont besoin d’aide, une grosse partie du travail est accomplie.
Reste ensuite à les aider à adopter un nouveau mode de vie.
Les questions abordées au cours des rencontres sont très pratiques.
« Certaines femmes travaillent trop et ne prennent pas le temps de manger.
Il faut donc voir avec elles comment elles pourraient moins travailler; il faut
aussi penser à des solutions repas. » Quatre types de spécialistes rencontrent
les patientes : endocrinologue, travailleur social, psychologue et
nutritionniste.