Enfin,
si
l'on s'interroge sur des ensembles discursifs plus
vastes
il
semble que les locuteurs distinguent assez précoce-
ment un récit d'une argumentation
Ou
d'une explication.
Toute pratique langagière s'accompagne de savoirs plus ou
moins explicites relatifs à
la
nature de ces activités. Nous
n'avons pas d'un côté
un
ensemble de pratiques inconscientes
d'elles-mêmes et de l'autre une pure activité métalinguistique.
S'il est donc vrai que l'enfant
au
cours de l'acquisition
du
langage développe des savoirs sur la langue, nous n'avons pas
une mais des activités métalinguistiques; celles-ci peuvent
porter sur
la
nature d'un énoncé,
sa
pertinence, son caractère
bien
ou
mal formé, etc.
Dans ce cas,
il
faut essayer de répondre aux deux ques-
tions suivantes:
1)
De
quels savoirs sur sa langue dispose
un
enfant auquel
on
se
propose d'enseigner une notion grammaticale?
2)
Quelles activités doit mobiliser
un
enfant
au
cours de
J'apprentissage de cette
notion?
Dès lors les diffiCUltés de compréhension pourraient prove-
nir,
non
d'une"
incapacité métalinguistique ", mais d'une trop
grande distance voire de conflits entre les savoirs langagiers
déjà construits et les savoirs que t'on se propose de trans-
mettre.
1.
HYPOTHÈSES GÉNÉRALES
Nous sommes loin d'être
en
mesure de répondre de façon
satisfaisante aux questions précédentes. Tout
au
plus pouvons-
nous présenter quelques données et préciser nos hypothèses.
Des
épreuves ont été construites afin de tester
le
rôle de
certaines variables dans l'identification par l'enfant des catégo-
ries et fonctions grammaticales.
Avant d'examiner quelques résultats, demandonswnous ce
qu'un enfant est supposé comprendre
au
cours d'une leçon
de
grammaire.
1.
Il
doit
en
priorité comprendre que l'on travaille sur des
énoncés qui ont
un
contenu sémantique
(ils
"veulent"
dire
quelque chose) mais qui
ne
réfèrent àaucune réalité particulière.
2.
Le
statut énonciatif de ces énoncés est tout àfait
partiCulier.
Ils
sont
la
plupart du temps choisis par
le
maître mais
ils ne sont pas pris
en
charge par celui-ci.
Ce
type d'énoncé
est
caractéristique de
la
situation de grammaire.
Dans
aUCune
autre
situation sociale,
on
ne trouvera l'équivalent.
3. L'enfant doit ensuite comprendre que sur ces énoncés
qui n'existent que comme exemplaires d'autres énoncés possi-
bles,
on
va
se
livrer à
un
certain type de travail.
24
4.
Disons schématiquement que
ce
travail consiste àiden-
tifier les unités qui constituent l'énoncé, àcatégoriser ces unités
àl'aide de certains critères
(à
quoi servent-ils? Comment
se
comportent-ils?
..
)et àdécouvrir
la
ou
les fonctions
que
remplissent ces catégories. Ainsi
«chien"
dans
le
«chien
aboie"
fait partie de
la
classe des noms (qui elle-même
s'emboîte dans l'ensemble des mots), que
ce
nom remplit ici
la
fonction
«sujet",
fonction que l'on signale par
une
certaine
convention: «soulignée
en
bleu» par exemple. Que pouvons-
nous dire des difficultés que rencontrent les enfants? Ceux-ci
ne semblent pas rencontrer de difficultés concernant les trois
premiers points.
Ils
semblent accepter et ces énoncés et
le
type
de
travail auquel
on
va
s'adonner. Aucun enfant
ne
demandera
où est
le
chien
ou
ne
s'interrogera sur l'identité du locuteur.
Ceci
témoigne d'une incontestable capacité métalinguistique.
La
notion de situation d'apprentissage de
la
grammaire
est ici fondamentale pour comprendre leur attitude.
Ils
admet-
tent que dans ces situations
on
adopte
ce
type d'attitude par
rapport aux énoncés.
L'observation qui suit justifie cette remarque: à
la
question
du
maître"
qu'est-ce que chien? ", les enfants
répondent"
un
animal",
"
un
compagnon ", etc.,
le
maître reprend: "Non,
en
grammaire, qu'est-ce que c'est que chien?
>,
les enfants répon-
dent immédiatement
"un
nom".
Il
semble
bien
que"
en
grammaire»
ne
réfère pas de
la
même façon pour
le
maître et pour les enfants. Pour
le
maître
"
en
grammaire" réfère
au
savoir grammatical. Pour
les
enfants,
«en
grammaire» réfère aux situations habituelles
au
cours
desquelles
on
fait de
la
grammaire.
De
même,
il
est peu probable qu'ils considèrent
ces
énoncés comme des exemplaires d'autres énoncés possibles
car ceci supposerait qu'ils aient déjà compris quel est l'objet de
la
grammaire.
L'identification des catégories
et
des fonctions soulève de
grosses difficultés. Amoins d'être linguiste
(et
encore ?),
il
est
impossible de définir
une
catégorie grammaticale autrement que
par
un
ensemble disparate de caractéristiques: nature et mode
de référenciation, comportements dans
la
phrase
...
C'est ainsi
que procède
le
maître.
De
plus, cela exigerait que sur ces êtres spéciaux que sont
les unités linguistiques, l'enfant construise
un
ensemble de
classes et de relations, activités dont les enfants du cours
élémentaire
ne
semblent pas capables.
Ils
ne considèrent pas
"chien» comme
un
exemplaire de
la
classe des noms remplis-
sant telle fonction. Mais ils procèdent par identifications de
proche
en
proche:
"chien"
est
un
nom qui est par ailleurs
sujet, etc. Pour réaliser ces identifications les enfants prennent
appui sur plusieurs critères
en
les combinant
au
coup par coup.
Parmi ces critères nous avons distingué: