Argentine, l'échec du pays bourgeois
socio-économique établi qui reposait sur la grande propriété terrienne et les réseaux commerciaux, financiers et
autres, contrôlés par des capitaux étrangers. D'autre part, la "division internationale du travail" de l'époque montrait
des signes évidents d'épuisement. La crise éclata en 1914 et de nouveau en 1929. entraînant avec elle le vieux
schéma et également le radicalisme incapable de traduire dans les faits son discours démocratique qui (comme il
l'avait démontré auparavant par des répressions anti-ouvrières féroces en Patagonie et lors de la Semaine
Tragique), au moment des grandes décisions, s'est barricadé dans son essence conservatrice.
La crise des années 30 ouvrit l'espace à une industrialisation sous-développée, superposée et stratégiquement
associée (de manière contradictoire) à l'ancien système agro-exportateur dont dépendaient les devises nécessaires
à son équipement et au ravitaillement de certains biens de production. Les nouvelles classes crées par ce
processus, notamment les ouvriers de l'industrie, ont trouvé le moteur de leur intégration dans le péronisme qui,
dans sa première étape (1945-1955) a montré ses possibilités comme ses limites.
La distribution des revenus qui a développé le marché intérieur, et l'étatisme qui a forgé les défenses
protectionnistes, les grandes entreprises publiques et les contrôles financiers, étaient insuffisants face à l'offensive
économique et politique des puissances occidentales en récupération, spécialement les États-Unis depuis la fin des
années 40. Insuffisants aussi face à l'enchère du revenu national et l'hostilité des anciens et nouveaux groupes
agro-exportateurs et commerciaux, et même d'une partie de la bourgeoisie industrielle et commerciale ayant
bénéficié de l'essor de la consommation populaire (conséquence de la redistribution péroniste), mais redoutant la
mobilisation sociale. Au moment de décider, le gouvernement péroniste alternait marchés et contre-marchés : il
acceptait les exigences des classes privilégiées en marginalisant les revendications populaires, ou bien il reprenait
ces dernières à son compte, ce qui l'obligeait à aller au-delà de son cadre bourgeois en optant pour des
nationalisations, la réforme agraire et de durs affrontements avec les États-Unis, faisant faire un saut qualitatif au
développement indépendant. Il ne choisit bien sûr pas clairement l'une ou l'autre de ces deux voies, et préféra être
vaincu sans combattre en 1955. L'industrialisation autonome avait échoué. Ce qui se poursuivit par la suite, ce fut
une lente agonie, un recul laborieux avec d'innombrables allées et venues, trahisons et affrontements, période
pendant laquelle les firmes transnationales pénétraient l'économie, les ajustements exigés par le FMI affaiblissaient
nos structures défensives, et la bourgeoisie locale aggravait son comportement de visée à court terme et spéculatif
en profitant du contexte inflationniste.
Pour résumer, les histoires des essors productifs argentins comportent au final des chapitres consacrés à l'échec.
Au début, il y avait toujours la promesse du progrès, de l'incorporation au club des pays riches par la voie coloniale
dans la république oligarchique ou "nationale" pendant le premier péronisme. Mais si nous considérons toutes ces
étapes comme un seul et long cycle de développement capitaliste durant lequel se succédèrent (se superposèrent,
se reconvertirent, engendrèrent) des systèmes productifs sous-développés, notre conclusion est que le pays
bourgeois ne remplit pas (ne pouvait pas remplir) ses promesses progressistes. Il était condamné par sa nature
périphérique (bien au- delà de son apparence occidentale). Il n'y eut jamais d'exception argentine. Son histoire se
confond avec celle des régions déséquilibrées par l'impérialisme.
La contre-révolution Décembre 2001 a été un point d'inflexion et d'aggravation extrême de la décadence. C'est ce
que la décomposition économique, la déstructuration de l'État, le discrédit général des dirigeants politiques et des
institutions, tout cela avec une base sociale qui est entrée en éruption. Deux facteurs étroitement liés convergent
stratégiquement en ce que l'on pourrait appeler un projet contre-révolutionnaire, le pouvoir bourgeois d'une part,
avec ses banquiers, ses gérants d'entreprises privées et ses capitalistes autochtones (plus ses politiciens, ses
communicateurs et ses forces de répression), unis dans les grands pillages mais aussi face au danger de la révolte
sociale qui n'est plus une hypothèse de travail, mais qui est en train de devenir un fait actuel, - d'autre part, la
nouvelle politique des États-Unis centrée sur la réponse militaire à la crise.
La "guerre contre le terrorisme" de Bush se poursuit en Asie, mais commence à se déployer en Amérique Latine.
L'agressivité contre le Venezuela, la rupture du dialogue de paix en Colombie et l'offensive anti-guérilla
correspondante, la prolifération de présences et d'actions souterraines nord-américaines dans presque tous les pays
de la région et, pour finir, l'attitude extrémiste du super-ajustement récessif en Argentine (il s'agit du FMI), sont des
indicateurs du type de solution que l'Empire envisage pour notre pays. Nous sommes en présence d'une destruction
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