Résumé de l’ouvrage de M. Lemmens (1998), Lexical Perspectives on Transitivity and
Ergativity. Causative Constructions in English. Amsterdam & Philadelphia: John
Benjamins.
Basée sur l’analyse empirique d’un corpus assez étendu, cet ouvrage étudie l’interaction
dynamique entre deux concepts importants: d’une part, la sémantique du verbe (lexical
meaning) et d’autre part, la sémantique de la construction verbale (constructional meaning).
Dans notre travail, nous avons réussi à faire la synthèse de deux théories de linguistiques
importantes, à savoir la théorie cognitive (cognitive grammar) developpée surtout par R.W.
Langacker (1987, 1991) et la théorie fonctionnel-systémique (functional-systemic grammar)
developpée par M.A.K. Halliday.
L’approche cognitive se trouve surtout reflétée dans la description de la sémantique du
verbe, celle-ci étant conçue comme un réseau de sens plus ou moins liés. Si les sens sont liés,
on parle de polysémie, dans le cas inverse, d’homonymie. La description des verbes analysés
(verbs of killing) montre que la distinction entre polysémie et homonymie n’est pas toujours
facile à établir et que le sens contextuel joue un rôle crucial. Une description adéquate de la
sémantique verbale nécessite que l’on tienne compte des mécanismes métaphoriques et
métonymiques (ou une combinaison des deux) liant des sens individuels. Ainsi, dans le cas
du verbe kill (“tuer”), la métaphore est à la base de l’extension sémantique du sens
KILL A
HUMAN BEING
(“tuer un homme”) à
KILL A PROCESS
(“arrêter un procès”). Pour le verbe
abort, les emplois abort a child et abort a pregnancy sont liés métonymiquement. Dans la
perspective cognitive une catégorie n’est pas envisagée comme étant bien définie et
démarquée mais par contre comme un réseau aux frontières floues. En outre, la théorie
cognitive pose qu’une catégorie sémantique comporte un noyau prototypique (par exemple, le
sens
KILL A HUMAN BEING
(“tuer un homme”) pour le verbe kill) dont les autres sens sont
dérivés.
En ce qui concerne le sens de la construction syntaxique, la recherche s’est inspirée de
théorie systémique de Halliday. Suivant Halliday (1985) et surtout Davidse (1991) l’ouvrage
défend (et cela à l’encontre de certains vues généralement admises sur la syntaxe de
l’anglais) l’idée selon laquelle la description adéquate des verbes causatifs –dont les verbes
de
TUER
(kill, murder, slaughter, suffocate, choke, etc.) mais aussi d’autres verbes causatifs-
nécessite que l’on prenne en compte le trait que la grammaire causative de l’anglais est régie
par deux modèles causatifs, plus particulièrement le transitif et l’ergatif.
Ces deux modèles ne sont pas seulement formels, mais ce sont en premier lieu des
modèles sémantiques, projetant des configurations différentes. Par conséquent, les rôles du
participants sont differents même s’ils apparaissent dans des constructions apparemment
identiques. Ainsi, bien que les constructions (1) John killed Mary (transitif) et (2) John
starved Mary (ergatif) semblent identiques, leur sémantique est foncièrement différente. Dans
la première construction, qui est transitive, John est le participant principal, l’acteur (actor)
qui contrôle l’action et la fait subir à Mary, participant passif (patient) complètement soumis
au procès. C’est la possibilité de la construction pseudo-transitive John kills, isolant le noyau
de la construction transitive, qui nous révèle le statut du participant principal. Dans le
système ergatif, illustré par la deuxième phrase, le participant principal, c’est Mary. Ce
participant ne reste pas passif mais co-participe au procès, ce qui explique qu’on l’appelle le
Medium. Comme c’était le cas pour le système transitif, le noyau du procès peut être isolé ici
dans une construction particulière, à savoir Mary starved. Il est a noter toutefois qu’une telle
construction peut s’élargir au point d’inclure la cause initielle (John), qu’on appelle
l’Instigator. Le noyau
MEDIUM
-
PROCÈS
reste pourtant partielle autonome par rapport à cette
cause qui souvent ne coïncide pas avec le procès causé. Dans la phrase John boiled the egg
for half an hour, par exemple, on ne peut pas poser que John agit sur l’oeuf pendant une
demi-heure. Dans le système transitif, la cause est invariablement conceptualisée comme
integrée temporellement et spatialement au procès causé (même si, en réalité, la cause est
séparée du procès même, cf. Hitler killed 6 million Jews; c’est la conceptualisation de la
réalité qui est importante).