La moyenne arithmético-géométrique : applications et

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La moyenne arithmético-géométrique : applications et
généralisations.
John Boxall
[email protected]
Laboratoire de Mathématiques Nicolas Oresme, UFR Sciences,
Université de Caen Basse-Normandie, France.
le 2 avril 2008
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
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Résumé.
Résumé.
Cette version est la dernière qui sera affichée avant l’examen. Je ferai
quelques autres modifications et corrections après l’examen avant que le
texte devient complètement définitif.
Voir aussi à http ://math.unicaen.fr/master/Prog0708.html
Rappel : Examen le mercredi 9 avril de 14h à 17h en salle S3 122.
Oraux le jeudi 10 avril à partir de 10h30.
John Boxall (LMNO)
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La moyenne arithmético-géométrique réelle.
On note a, b deux réels strictement positifs.
Leur moyenne arithmético-géométrique (abrégée AGM pour arithmeticgeometric mean en anglais), notée M(a, b) est, par définition, la limite
commune des deux suites (an ) et (bn ) définies par
an+1 =
an + bn
,
2
bn+1 =
p
an bn ,
avec les valeurs initiales a0 = a, b0 = b.
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
Propriétés de base.
Propriétés de base.
Vérifions d’abord l’existence de M(a, b). Par symétrie, on peut supposer
que 0 < b ≤ a. Alors
0 < b ≤ bn ≤ bn+1 ≤ an+1 ≤ an ≤ a
pour tout n et donc (an )n∈N et (bn )n∈N convergent vers des limites ` et
m vérifiant m ≤ `. Enfin (an + bn )/2 → (` + m)/2 d’où ` = lim(an+1 ) =
(` + m)/2 et ` = m.
On a (toujours sous la condition 0 < b ≤ a) :
0 ≤ an+1 − bn+1 =
1 (an − bn )2
1
√
√ 2 ≤
(an − bn )2 ,
2 ( an + bn )
8b
d’où la convergence quadratique vers M(a, b) (voir la fiche 20).
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
Propriétés de base.
2
Pour tout (a, b) ∈ (R×
+ ) , on a :
M(a, a) = a,
M(a, b) = M(b, a),
M(ac, bc) = cM(a, b),
c > 0,
√
a+b
, ab .
M(a, b) = M
2
On pose M(x ) = M(1, x ) pour tout x > 0. On a alors M(1/x ) =
M(x )/x .
Proposition. La fonction x 7→ M(x ) est de classe C (∞) et strictement
croissante sur R×
+ . Elle tend vers +∞ lorsque x → +∞ et vers 0 lorsque
+
x →0 .
Pour la démonstration, voir l’exercice de la fiche 8.
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
La formule de Gauss.
Théorème. Pour tout a > 0, b > 0, on a :
Z
2 π/2
dθ
1
p
=
M(a, b)
π 0
2
2
a cos θ + b 2 sin2 θ
Z +∞
dt
1
p
=
.
2
π −∞
(a + t 2 )(b 2 + t 2 )
Démonstration. L’égalité des deux intégrales se démontre par le changement de variable t = b tan θ.√Désignons la seconde intégrale par T (a, b)
et notons A = (a + b)/2, B = ab les deux itérés AGM de a, b.
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Dans l’intégrale
Z
Tr1 ,r2 (A, B) =
r2
−r1
du
p
(A2
+ u 2 )(B 2 + u 2 )
on effectue le changement de variable u = 21 (t − ab/t), où t > 0. Alors u
est une fonction strictement croissante de t, de dérivée t 7→ 1 + ab/t 2 . On
trouve que
Z R
dt
p
,
Tr1 ,r2 (A, B) = 2
(a2 + t 2 )(b 2 + t 2 )
où , R > 0 et r1 = 12 ( − ab/), r2 =
→ 0+ et R → +∞, on conclut que
1
2 (R
− ab/R). En faisant tendre
T (A, B) = T (a, b).
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Par conséquent, T (an , bn ) est indépendant de n. En posant m =
M(a, b), on trouve ainsi par un argument de continuité que :
Z +∞
h1
π
t i+∞
dt
= .
arctan
T (a, b) = T (m, m) =
=
2
2
m
m −∞ m
−∞ m + t
Exercice. Vérifier en détail l’ensemble des propriétés de M(a, b) mentionnées dans les fiches 4 à 8. (Le fait que M(x ) soit de classe C (∞) se
démontre en dérivant sous le signe somme dans la formule de Gauss. De
même, on voit que −M 0 (x )/M(x )2 < 0 pour tout x > 0 d’où M 0 (x ) > 0 et
la croissance stricte de M.)
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
√
Exercice. Montrer que M( 1 − x 2 ) = M(1 + x , 1 − x ) pour tout x ∈
]0, 1[ et que
√
1+x 2 x M(x ) =
M
2
1+x
pour tout x > 0.
Exercice.
Montrer que les fonctions x 7→ 1/M(x ) (x > 0) et x 7→
√
1/M( 1 − x 2 ) (x ∈]0, 1[) sont solutions de l’équation différentielle linéaire
(x 3 − x )f 00 (x ) + (3x 2 − 1)f 0 (x ) + xf (x ) = 0.
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La formule de Gauss.
Exercice. Soient a, b, c trois réels vérifiant 0 < c ≤ b ≤ a.
√
√
√
√
(i) On pose A = (a+b +c)/3, B = ( ab + ac + bc)/3, C = 3 abc.
Montrer que 0 < C ≤ B ≤ A.
(ii) On définit trois suites (an ), (bn ), (cn ) par a0 = a, b0 = b, c0 = c
et par
√
√
√
p
an + bn + cn
an bn + an cn + bn cn
an+1 =
, bn+1 =
, cn+1 = 3 an bn cn
3
3
pour tout n ≥ 0. Montrer que (an ) est décroissante et que (cn ) est croissante, puis que les suites (an ), (bn ) et (cn ) convergent vers une limite
commune.
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Intégrales elliptiques.
L’intégrale T (a, b) est un exemple d’une intégrale elliptique, c’est-àdirepd’une intégrale qui fait intervenir les primitives de fonctions rationnelles
en P(x ), P étant un polynôme de degré trois ou quatre sans racine double.
Puisque la suite AGM converge quadratiquement, elle fournit un moyen de
calcul numérique rapide de certaines intégrales elliptiques.
R +∞
est une période de la courbe de genre
En réalité, −∞ √ 2 dt
2
2
2
y2
x4
(a2
(a +t )(b +t )
2
b )x 2 + a2 b 2 qui
un
=
+
+
est isomorphe à la courbe elliptique
y 2 = x (x −(a+b)2 )(x −(a−b)2 ). Des explications détaillées seront données
plus tard.
La convergence quadratique a l’avantage de permettre le calcul de
leurs valeurs numériques très rapidement lorsque une très haute précision
est demandée, ce qui a des applications, par exemple, en cryptographie.
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Voici un très joli résultat qui est une application de la théorie des
intégrales elliptiques et qui date des années 1970.
Théorème (Brent, Salamin).
√
Soit (an , bn ) la suite AGMp
avec termes initiaux a0 = 1, b0 = 1/ 2.
Pour tout n ≥ 0, on pose cn = an2 − bn2 . Alors :
π = lim
n→+∞
1−
2a2
Pnn+1
k=0 2
kc2
k
,
la convergence étant quadratique.
La démonstration fera intervenir d’autres intégrales elliptiques, que
nous allons maintenant brièvement mentionner. Mais elle sera achevée plus
tard, à l’issue d’une étude plus générale des intégrales et fonctions elliptiques
(voir à partir de la fiche 222).
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
On suppose toujours que a > 0 et que b > 0. On pose
Z
π/2 p
a2 cos2 θ + b 2 sin2 θ dθ
Z +∞ s 2
a + t2
= b2
dt,
(b 2 + t 2 )3
−∞
S(a, b) = 2
0
où l’égalité des deux intégrales se démontre encore par le changement de
variable t = b tan θ.
La première formule montre que S(a, b) = S(b, a).
On a S(a, a) = πa, et S(ac, bc) = cS(a, b) lorsque c > 0.
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Proposition. Soit A = (a + b)/2, B =
b. Alors
√
ab les itérés AGM de a et de
(i) T (A, B) = T (a, b),
(ii) 2S(A, B) = S(a, b) + abT (a, b).
Démonstration. Comme déjà indiqué, le (i) peut être démontré à l’aide
de la substitution u = 12 (t − ab/t). Un argument semblable utilisant l’intégrale
Z +∞ s 2
A + u2
S(A, B) = B 2
du
(B 2 + u 2 )3
−∞
donne
Z
S(A, B) = 2ab
0
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+∞
p
(a2 + t 2 )(b 2 + t 2 )
dt.
(ab + t 2 )2
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Posons f (t) = (a2 + t 2 )(b 2 + t 2 ) afin d’alléger la notation. Alors
2S(A, B) − S(a, b) − abT (a, b)
s
p
Z +∞ 2ab f (t)
a2 + t 2
ab 2
p
=
−
b
−
dt
(ab + t 2 )2
(b 2 + t 2 )3
f (t)
−∞
Z +∞ dt
2
2
2ab f (t)
2a +t
p
−
b
−
ab
,
=
(ab + t 2 )2
b2 + t 2
f (t)
−∞
et il s’agit de montrer que cette intégrale s’annule.
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Or, si on pose
φ(t) =
p
t
t
−
f (t),
ab + t 2 b 2 + t 2
alors limt→±∞ φ(t) = 0 et un calcul montre que
φ0 (t) =
2ab f (t)
1
2
2
2a +t
p
−
b
−
ab
(ab + t 2 )2
b2 + t 2
f (t)
Par conséquent,
Z +∞ dt
h
it=+∞
2
2
2ab f (t)
2a +t
p
=
φ(t)
= 0.
−
b
−
ab
t=−∞
(ab + t 2 )2
b2 + t 2
f (t)
−∞
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Corollaire. Pour tout a, b tels que 0 < b ≤ a, on a :
2
S(a, b) = a −
∞
X
2k−1 ck2 T (a, b),
k=0
où cn2 = an2 − bn2 , n = 0, 1, 2, . . .
Démonstration. On sait que
2S(ak+1 , bk+1 ) = S(ak , bk ) + ak bk T (ak , bk ) = S(ak , bk ) + ak bk T (a, b),
et donc, si on pose ∆k = 2k ak2 T (a, b) − S(ak , bk ) , alors
2
∆k+1 −∆k = 2k+1 ak+1
− 2k ak2 − 2k ak bk T (a, b)
a + b 2
k
k
= 2k 2
− ak2 − ak bk T (a, b) = −2k−1 ck2 T (a, b).
2
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La formule de Gauss.
La moyenne arithmético-géométrique réelle.
En prenant la somme de k = 0 jusqu’à n :
∆n+1 = ∆0 −
n
X
2k−1 ck2 T (a, b)
k=0
2
= −S(a, b) + a −
n
X
2k−1 ck2 T (a, b).
k=0
Enfin, puisque T (a, b) = T (an , bn ), on a :
n+2
Z
2
2 ) sin2 θ
(an+1
− bn+1
π/2
∆n+1 = 2
q
0
=
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2
2n+2 cn+1
Z
0
dθ
an+1 cos2 θ + bn+1 sin2 θ
π/2
sin2 θ dθ
q
.
an+1 cos2 θ + bn+1 sin2 θ
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La moyenne arithmético-géométrique réelle.
La formule de Gauss.
Ici, comme sin2 θ ∈ [0, 1], l’intégrale est majorée par 12 T (an+1 , bn+1 ) =
1
2 T (a, b).
En outre, cn+1 =
q
2
2
=
− bn+1
an+1
1
2 (an
− bn ) : on en tire que cn2
converge quadratiquement vers 0 et donc que 2n cn2 → 0.
Par conséquent, ∆n → 0, ce qui démontre le corollaire.
Remarque. La démonstration
montre que ∆n → 0 quadratiquement,
P
et donc que a2 − nk=0 2k−1 ck2 T (a, b) converge quadratiquement vers
S(a, b). Puisque l’AGM converge quadratiquement, le théorème de Gauss
implique qu’on peut calculer T (a, b) et S(a, b) à l’aide de suites convergeant
quadratiquement.
Exercice. Montrer que le théorème de Brent-Salamin est équivalent à
la formule
T (a, b) 2S(a, b) − T (a, b) = 4π,
√
√
où a = 1+ 12 2, b = 1− 12 2. Cet exercice sera utilisé dans la démonstration
√
du théorème de Brent-Salamin. On remarquera que a1 = 1 et b1 = 1/ 2.
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Convergence quadratique.
Convergence quadratique.
Soit (xn )n∈N une suite à valeurs dans un espace vectoriel normé E et
soit x ∈ E . On dit que (xn )n∈N converge (au moins) quadratiquement vers
n
x s’il existe α ∈]0, 1[ et M > 0 telles que ||x − xn || ≤ Mα2 pour tout n
assez grand.
Cette terminologie est entrée dans les habitudes, mais elle me semble
mal choisie. Il me paraît plus normal de parler de convergence exponentielle
(en base 2) et d’utiliser le terme convergence quadratique pour les suites
2
(xn ) vérifiant ||x − xn || ≤ Mαn pour tout n assez grand.
Il est clair que toute suite convergente possède une suite extraite qui
converge quadratiquement. La notion n’est donc intéressante que pour certaines suites particulières, par exemple celles qui sont définies par récurrence.
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Convergence quadratique.
Proposition. Si la suite (xn )n∈N converge vers x et s’il existe C > 0 tel
que ||x − xn+1 || ≤ C ||x − xn ||2 pour tout n assez grand, alors (xn ) converge
quadratiquement vers x .
En effet, on voit par récurrence sur n que si m ∈ N, alors ||x −xn+m || ≤
2n
C ||x − xm ||
pour tout n ≥ 1. Puisque (xn ) converge vers x , on peut
choisir m de telle façon que ||x − xm || < 1/C , d’où la proposition.
1
C
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21 / 320
Convergence quadratique.
Si les hypothèses de la proposition sont vérifiées, alors log2 (||x −
xn+1 ||) ≤ 2 log2 (||x −xn ||)+log2 C . Puisque xn → x , log2 (||x −xn ||) → −∞
lorsque n → +∞. On en tire que, à partir d’un certain rang, à chaque itération le nombre de bits de xn qui coïncident avec ceux de x est, au pire, à
peu près doublé.
De même, le nombre de chiffres de décimaux de xn qui coïncident avec
ceux de x est, au pire, à peu près doublé à chaque itération.
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Convergence quadratique.
Exercice. (i) Montrer que la notion de convergence quadratique est inchangée si l’on remplace une norme par une norme équivalente. Montrer que
si (xn ) et (yn ) convergent quadratiquement (dans le même espace vectoriel
normé), alors (λxn ) (où λ ∈ R) et (xn + yn ) convergent quadratiquement.
(ii) Montrer que, si E et F sont deux espace vectoriels normés, si (xn )
est une suite dans E et si (yn ) est une suite dans F , alors (xn , yn ) converge
quadratiquement (dans E × F ) si et seulement si (xn ) et (yn ) convergent
quadratiquement.
Rappelons que la convergence de la suite (xn ) vers x est dite (au moins)
linéaire s’il existe α ∈]0, 1[ et M > 0 tels que ||x − xn || ≤ Mαn pour tout
n assez grand.
(iii) Montrer que si (xn ) est une suite et s’il existe α ∈]0, 1[ tel que
||x − xn+1 || ≤ α||x − xn || pour tout n assez grand, alors (xn ) converge
linéairement vers x . Au cas où la suite (xn ) est définie par récurrence,
donner une interprétation de ce résultat en termes du nombre de bits gagné
en passant de xn à xn+1 comme valeur approchée de x .
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Convergence quadratique.
Exercice. Soient a, b deux réels tels que 0 < b ≤ a. On définit deux
suites (ap
n ), (bn ) par a0 = a et b0 = b puis par an+1 = (an + bn )/2 et
bn+1 = an+1 bn pour tout n ≥ 0. Montrer que (an ) et (bn ) convergent
vers une limite commune mais que la convergence n’est pas quadratique en
général.
Exercice. On reprend l’exercice de la fiche 10. Montrer que la convergence de (an ), (bn ) et de (cn ) vers leur limite commune est quadratique.
(Utiliser l’identité x 3 + y 3 + z 3 − 3xyz = 12 (x + y + z)((x − y )2 + (x − z)2 +
(y − z)2 ).)
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Convergence quadratique.
On constate aussitôt que la convergence des séries log(1 + x ) = x −
+ x 3 /3 − + · · · et arctan x = x − x 3 /3 + x 5 /5 − + · · · est linéaire et
il en est de même pour la série pour (1 + x )α lorsque α ∈ R, α ∈
/ N.
x 2 /2
Ainsi, le calcul de π à l’aide de la formule de Machin
π = 16 arctan
1
1
− 4 arctan
5
239
(ou des formules semblables) n’est que linéaire.
La convergence de la série exponentielle e x = 1+x +x 2 /2!+x 3 /3!+· · ·
et les séries pour sin x et cos x est un peu plus rapide que linéaire, en raison
de la factorielle dans les dénominateurs, mais elle est toujours loin d’être
quadratique.
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La méthode de Newton.
La méthode de Newton.
Un procédé familier qui conduit à une suite qui converge quadratiquement est la méthode de Newton pour obtenir une valeur approchée d’une
racine α d’une équation f (α) = 0. En gros, l’idée est que si x est une ap)
proximation de α, alors x − ff 0(x
(x ) devrait être une meilleure approximation de
α. Si donc x0 est une première approximation, la suite (xn )n∈N définie par
n)
xn+1 = xn − ff 0(x
(xn ) devrait converger vers α. Si cette suite est bien définie,
on appelera ses termes les itérés de Newton de f issus de x0 .
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La méthode de Newton.
Sous des hypothèses convenables, l’idée marche pour les fonctions d’une
variable réelle ou d’une variable complexe. Quitte à translater par α, on peut
supposer que α = 0. Définissons d’abord les fonctions b(x ), c(x ) sur un
voisinage V de 0 par
1
f (x ) = ax + b(x )x 2 ,
2
f 0 (x ) = a + c(x )x ,
b(0) = c(0) = f 00 (0),
où a = f 0 (0) est supposé non-nul.
Alors après un calcul :
x−
où
u(x ) =
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2c(x ) − b(x ) f (x )
=
x 2 + u(x )x 3 ,
f 0 (x )
2a
b(x )c(x )
c(x )2
b(x )x −
1
+
.
a(a + c(x )x )
2a
2a2
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La méthode de Newton.
On peut utiliser cette formule pour obtenir des conditions explicites
suffisantes pour garantir la convergence des itérés de Newton vers α.
Supposons d’abord que f soit une fonction deux-fois dérivable d’une
variable réelle. D’après la formule de Taylor, b(x ) et c(x ) sont alors de le
forme f 00 (θx ) avec θ ∈]0, 1[.
Supposons en plus que f 00 soit bornée : |f 00 (x )| ≤ M2 pour tout x ∈ V .
Soit m1 > 0 une minoration de |a| = |f 0 (0)|. Si en plus x est très petit, par
exemple |x | ≤
m1
2M2 ,
alors |u(x )| ≤
3M22
,
m12
d’où :
2
x − f (x ) ≤ 3M2 x 2 + 3M2 |x |3 ≤ 3M2 x 2 .
f 0 (x )
2m1
m1
m12
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La méthode de Newton.
On obtient une estimation semblable lorsque f est une fonction analytique sur le voisinage complexe V de α et les fonctions analytiques b et c
vérifient |b(x )| ≤ M2 et |c(x )| ≤ M2 pour tout x ∈ V .
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La méthode de Newton.
Théorème. On se place dans l’un des deux cadres suivants :—
(i) On a α ∈ R et f est une fonction deux-fois dérivable sur un voisinage
réel V de α. On suppose alors que f (α) = 0, que |f 0 (α)| ≥ m1 > 0 et que
|f 00 (x )| ≤ M2 pour tout x ∈ V .
(ii) On a α ∈ C et f est une fonction analytique sur un voisinage
complexe V de α. On suppose alors que f (α) = 0, que |f 0 (α)| ≥ m1 > 0
et que les valeurs absolues des fonctions 2(f (x ) − f 0 (α)(x − α))/(x − α)2
et (f 0 (x ) − f 0 (α))/(x − α) sont majorées par M2 .
Si x0 ∈ V vérifie |x0 − α| <
de x0 satisfont l’inégalité
m1
3M2 ,
|xn+1 − α| ≤
alors les itérés de Newton de f issus
3M2
|xn − α|2
m1
pour tout n. En outre, ils convergent quadratiquement vers α.
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
30 / 320
La méthode de Newton.
Un exemple familier de la méthode de Newton est le calcul d’une racine
carrée. Soit A ∈ R×
f (u) = u 2 − A. La méthode
+ . On utilise la fonction
√
prévoit que si x est une approximation de A, alors
x−
1
f (x )
A
=
x
+
f 0 (x )
2
x
en√devrait être une meilleure. Par conséquent, si u0 est suffisamment proche
à A, alors la suite définie par un+1 = 21 un + A/un converge quadrati√
quement vers A.
√
En raison de la formule bn+1 = an bn , le calcul des itérés d’une suite
AGM fait intervenir le calcul de racines carrées. D’après ce qui précède, la
méthode de Newton peut donc intervenir dans le calcul de M(a, b).
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le 2 avril 2008
31 / 320
La méthode de Newton.
Exercice. Généraliser au calcul de la racine n-ième de A. Combien d’itérations sont
√ nécessaires (en prenant 1 comme première approximation) pour
calculer 3 2 à 1000 chiffres décimaux ?
Exercice. Soit m ≥ 2 un entier. Détailler une méthode de calculer
cos (2π/m) et sin (2π/m) en utilisant la méthode de Newton.
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32 / 320
La méthode de Newton.
Localisation des solutions
La méthode de Newton suppose que nous connaissions déjà une première approximation de la solution α de f (α) = 0. Afin de l’appliquer, il
faut donc d’abord trouver cette première approximation.
En pratique, dans le cas de fonctions f d’une variable réelle, supposées
de classe C (2) comme auparavant, une étude des variations de f permet
d’encadrer les zéros de f dans des intervalles sur lesquels f est monotone
et change de signe. Si, par exemple, f est strictement croissante sur [a, b]
et si f (a) < 0 et si f (b) > 0, alors on sait qu’il existe une unique solution
α ∈ [a, b] de f (α) = 0.
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La méthode de Newton.
Si la méthode de Newton appliquée avec a ou b comme première
: s’il est positif,
approximation échoue, on détermine le signe de f a+b
2
a+b
on sait que α ∈ [a, 2 ] alors que s’il est négatif, alors α ∈ [ a+b
2 , b]. En
répétant, on obtient une suite d’intervalles contenant α dont chacun est de
longueur la moitié du précédent. Alors les suites des deux extrémités de ces
intervalles convergent vers α (mais pas quadratiquement), et, à partir d’un
certain rang, fourniront des approximations initiales à laquelle la méthode
de Newton est applicable.
Des méthodes plus précises existent pour des familles particulières de
fonctions, et notamment pour les polynômes.
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34 / 320
La méthode de Newton.
Le problème est beaucoup plus compliqué pour les fonctions complexes.
En théorie, si f est analytique, on peut par exemple calculer numériR f 0 (z)
1
quement 2πi
γ f (z) dz, où γ est un lacet. On sait qu’il s’agit d’un entier,
égal au nombre de zéros de f à l’intérieur de γ ; il suffit alors de le calculer
numériquement à un demi près.
En prenant les lacets bordant des zones de plus en plus petites, on
arrive en principe à localiser les zéros. Mais le calcul numérique (même à
petite précision) d’une intégrale est beaucoup plus coûteux que celui de la
valeur d’une fonction.
En cas désespéré, on peut appliquer Newton avec des valeurs initiales
choisies au hasard. Mais même si on obtient ainsi un ensemble de zéros de
f , il reste à prouver qu’on a obtenu tous les zéros.
Je ne parlerai pas du cas où f 0 (α) = 0.
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35 / 320
La méthode de Newton.
Exercice. Si f est un polynôme, montrer que le polynôme f / pgcd (f , f 0 )
a les mêmes racines que f , mais avec multiplicité un. Cela permet de ramener
le calcul des racines d’un polynôme quelconque à celles d’un polynôme à
racines simples.
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L’AGM : applications et généralisations.
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
Notre première application de l’AGM est de montrer comment calculer
le logarithme d’un nombre réel à l’aide de suites à convergence quadratique.
Théorème. Il existe des constantes A > 0, B > 0 telles que, pour tout
x ∈]0, 1], on ait :
π
+ log(x ) − 2 log(2) ≤ x 2 (A + B| log(x )|).
2M(x )
5
La démonstration montrera que l’on peut prendre A = 12
+ 34 1− √1 ≤
2
0, 64 et B = 12 1 − √1 ≤ 0, 15, mais ces valeurs peuvent être diminuées
2
en faisant plus attention aux détails.
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37 / 320
Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
En prenant x = 1/2n , n > 0 un entier, on trouve après division par
n + 2 que
log(2) −
π
1
≤
A
+
Bn
log(2)
2(n + 2)M(1/2n )
(n + 2)22n
En admettant pour l’instant le théorème de Brent et de Salamin, ce
résultat permet donc le calcul de log(2).
Il y alors plusieurs méthodes d’utiliser le théorème pour calculer log(x ),
n
x ∈ R×
+ . Par exemple, si n ≥ 0 est un entier tel que x /2 < 1 on peut
n
remplacer x par x /2 dans l’inégalité du théorème, ce qui donne :
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
log(x ) +
x π
x2
A + B log n .
−
(n
+
2)
log(2)
≤
x
2n
2M( 2n )
2
2
La fonction exponentielle peut alors être calculée à l’aide de la méthode
de Newton : on interprète e x comme solution de l’équation log(y ) − x = 0.
La puissance x α de x > 0 peut alors être calculée comme e α log(x ) : on
calcule d’abord log(x ), puis α log(x ) et enfin on résoud l’équation log(y ) −
α log(x ) = 0.
En ce qui concerne les fonctions circulaires et circulaires réciproques,
un point de départ sera d’interpréter la fonction arctangente comme l’argument d’un nombre complexe, c’est-à dire commme la partie imaginaire du
logarithme d’un nombre complexe.
Cela nous conduira à étendre l’AGM aux nombres complexes, ce qui
sera de toute façon nécessaire pour la suite du cours.
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
Démonstration du théorème de la fiche 37
Elle est élémentaire, et il suffit donc d’en donner les grandes lignes.
On divise l’intégrale
π
=
2M(x )
∞
Z
0
dt
p
(1 +
t 2 )(x 2
+ t 2)
en deux morceaux, l’intégrale sur [0, 1] et l’intégrale sur [1, +∞[.
Sur [1, +∞[, on écrit
Z +∞
p
1
dt
(1 + t 2 )(x 2 + t 2 )
= I1 + I2 ,
où
Z
I1 =
1
+∞
dt
p
t (1 + t 2 )
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Z
et
I2 = −
1
+∞
1
1
dt
p
−√
x 2 + t2
(1 + t 2 ) t
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
Sur [0, 1], on utilise la décomposition
Z 1
Z 1
dt
dt
p
√
=
+ I3 + I4 ,
x 2 + t2
(1 + t 2 )(x 2 + t 2 )
0
0
où
Z
I3 = −
1
1− √
0
1
1 + t2
dt
t
Z
, I4 =
0
1
1− √
1
1 + t2
1
t
−√
1
x 2 + t2
dt.
La convergence en 0 des intégrales I3 et I4 est garantie par la remarque
suivante, qui servira également dans le calcul des constantes A et B : on a
1 1
≤ 1 − √ t 2 pour tout t ∈ [0, 1].
0≤1− √
2
1 + t2
√
Cela se démontre, par exemple, en remarquant que la √
fonction u 7→ 1/ 1 + u
est concave sur [0, 1] et prend les valeurs 1 et 1/ 2 en 0 et en 1 ; son
graphe est donc situé
d’af√
√ au dessous du segment droit joignant les points
fixe (0, 1) et (1, 1/ 2). En posant u = t 2 , on en tire l’inégalité 1/ 1 + t 2 ≤
1 − 1 − √1 t 2 pour tout t ∈ [0, 1] et la remarque en découle.
2
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
√
Rappelons qu’une
primitive
de
t
→
7
1/
x 2 + t 2 (x fixée) est donnée
√
2
2
par t 7→ log(t + x + t ). On en tire que
Z
1
√
0
dt
x 2 + t2
= log(1 +
p
x 2 + 1) − log(x ).
En outre, le calcul de I1 et de I3 peut se faire à l’aide du changement de
variable t = 1/u. On trouve après calcul, que
Z
0
1
√
dt
x 2 + t2
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+ I1 + I3 = log(1 +
p
x 2 + 1) − log(x ) + log(2).
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
L’étude de I2 et de I4 consiste en la majoration de leurs modules ; on
note que x 2 + t 2 ≥ t 2 et donc que √ 12 2 ≤ 1t car t > 0.
x +t
Considérons le cas de I2 . On a
√
1
1
x 2 + t2 − t
0≤ −√
= √
t
x 2 + t2
t x 2 + t2
x2
√
= √
t x 2 + t 2 ( x 2 + t 2 + t)
x2
≤ 3.
2t
√
Puisque 0 ≤ 1/ 1 + t 2 ≤ 1/t, on trouve :
Z
|I2 | ≤
1
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+∞
x2
x2
dt
=
.
2t 4
6
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
√
D’autre
part,
en
utilisant
l’inégalité
déjà
établie
0
≤
1
−
1/
1 + t2 ≤
2
1
√
1−
t lorsque t ∈ [0, 1], on trouve :
2
|I4 | ≤
=
≤
=
Z
1 1 2 1
1
1− √
t
−√
dt
t
2 0
x 2 + t2
√
Z
1 1 t2 x 2 + t2 − t
√
dt
1− √
2 0
t x 2 + t2
Z
1 1 p 2
1− √
x + t 2 − t dt
2 0
p
1
1 p
1− √
1 + x 2 − 1 + x 2 (log(1 + x 2 + 1) − log(x )) .
2
2
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
On déduit de ce qui précède que :
Z
0
+∞
dt
p
(1 + t 2 )(x 2 + t 2 )
= log(1 +
p
x 2 + 1) − log(x ) + log(2) + (x ),
où
|(x )| ≤ |I2 | + |I4 |
≤
p
1 p
x2 1
+ 1− √
1 + x 2 − 1 + x 2 (log(1 + x 2 + 1) − log(x )) .
6
2
2
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
Afin
√ de conclure, on rappelle que, si y ∈ [0, 1], alors 0 ≤ log(1+y ) ≤ y
et 1 ≤ 1 + y ≤ 1 + 12 y .
Rappelons que x ≤ 1. (Cette hypothèse n’a pas encore été utilisée.)
√
En prenant d’abord y = y1 = 21 1 + x 2 − 1 puis y = x 2 , on voit
que
p
0 ≤ log(1 + x 2 + 1) − log(2) = log(1 + y1 ) ≤ y1
1
1 p
=
1 + x 2 − 1 ≤ x 2.
2
4
√
En outre, dans l’estimation de (x ), on voit que 1 + x 2 ≤ 12 x 2 et
√
√
on majore
log(1 + x 2 + 1) par log(1 + 2) puis par 1 car x ≤ 1 et
√
1 + 2 = 2, 414 · · · < 2, 718 · · · = e.
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Calcul du logarithme à l’aide de l’AGM réelle.
Enfin, donc
Z +∞
p
dt
(1 + t 2 )(x 2 + t 2 )
0
= − log(x ) + 2 log(2) + 1 (x ),
où
x2
+ (x )
4
x2 x2 1
1 x2
≤
+
+ 1− √
+ x 2 (1 + | log(x )|)
4
6
2
2 2
5
3
1 2 1
1 =
+ 1− √
x + 1 − √ x 2 | log(x )|.
12 4
2
2
2
1 (x ) ≤
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47 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Nous aurons besoin d’étendre l’AGM aux nombres complexes, ce qui
nécessite un peu de soin en raison des choix de racines carrées.
Définition. Soient (a, b), (A, B) deux couples de nombres complexes.
On dit que (A, B) est un itéré AGM de (a, b) si A = (a + b)/2 et B 2 = ab.
On dit que (A, B) est le bon itéré de (a, b) si |A − B| < |A + B|. Dans
le cas contraire, on dit que (A, B) est un mauvais itéré de (a, b).
Il est clair que (a, b) a au plus deux itérés : si (A, B) est l’un deux,
l’autre sera (A, −B).
L’unicité du bon itéré en découle immédiatement.
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48 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Propriétés de base.
Si ab 6= 0, alors (a, b) a deux itérés distincts, correspondant aux choix
de racine carrée de ab.
Si (A, B) est un itéré AGM de (a, b), il est également un itéré AGM de
(b, a). En plus, (A, B) est un bon itéré de (a, b) si et seulement s’il est le
bon itéré de (b, a).
Si (A, B) ∈ C2 , alors (A, B) est un itéré de (a, b) si et seulement si a
et b sont les racines de x 2 − 2Ax + B 2 .
Soit c ∈ C× et soit (A, B) un itéré de (a, b). Alors (cA, cB) est un itéré
AGM de (ca, cb). C’est le bon itéré de (cA, cB) si et seulement si (A, B) est
le bon itéré de (a, b).
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49 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Soit (a, b) ∈ C2 et soit (A, B) un itéré AGM de (a, b).
Supposons que d’abord que a est réel et que a > 0.
Si b ∈ R et si b ≤ 0, alors |A − B| = |A + B| et (a, b) ne possède pas
de bon itéré.
√
Si b ∈ R et si b > 0, alors le bon itéré est celui où B = ab.
Si b ∈
/ R, le bon itéré est celui où B est le même côté de l’axe réel que
b (faire un croquis).
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Lorsque a 6= 0, on réduit au cas a = 1 grâce aux propriétés mentionnées
dans la fiche 49. On trouve :
Ou bien a, 0, et b sont colinéaires avec 0 situé entre a et b. Il n’y a
alors pas de bon itéré.
Ou bien a et b sont situés dans un même demi-plan ouvert H limité
par une droite passant par 0. Alors le bon itéré (A, B) est celui avec B ∈ H.
Il est clair que A ∈ H (voir la figure de la fiche 52).
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
b
B
A
0
H
−B
a
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Définition. Soit (a, b) ∈ C2 . On dit que la suite (an , bn )n∈N est une
suite AGM associée à (a, b) si (a0 , b0 ) = (a, b) et si, pour tout n ∈ N,
(an+1 , bn+1 ) est un itéré AGM de (an , bn ).
On dit que la suite (an , bn )n∈N est une bonne suite AGM associée à
(a, b) si (an+1 , bn+1 ) est le bon itéré de (an , bn ) pour tout n à un nombre
fini d’exceptions près. Dans le cas contraire, on dit que (an , bn )n∈N est une
mauvaise suite AGM.
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53 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Si a et b sont situés dans un même demi-plan ouvert H limité par une
droite passant par 0, et si (a1 , b1 ) est le bon itéré de (a, b), alors a1 ∈ H
et b1 ∈ H (voir la fiche 51). En répétant, on obtient ainsi une bonne suite
AGM (an , bn ) associée à (a, b). En outre, an , bn ∈ H pour tout n.
Si a, 0 et b sont colinéaires avec 0 situé entre a et b et si b 6= 0, −a,
les deux itérés (a1 , ±b1 ) sont situés dans les deux demi-plans ouverts limités
par la droite a0b. Alors il existe une bonne suite AGM associée à (a1 , b1 ) et
donc à (a, b).
Enfin si b = −a, alors a1 = 0 et donc bn = 0 pour tout n ≥ 2 ce qui
est une mauvaise suite AGM.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Théorème. Soit (an , bn )n∈N une suite AGM complexe.
(i) Les suites (an )n∈N et (bn )n∈N convergent vers une limite commune
`.
(ii) La limite ` est invariante par permutation de a et de b.
(iii) Pour que ` 6= 0, il faut et il suffit que (an , bn )n∈N soit une bonne
suite AGM.
Démonstration. Il suffit de traiter le cas où ab 6= 0. En outre, une fois
l’existence de ` est acquise, le point (ii) est une conséquence du fait qu’un
itéré de (a, b) est également un itéré de (b, a). Il suffit donc de traiter les
points (i) et (iii).
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Remarquons d’abord que si (A, B) est un itéré de (a, b) et si R =
max(|a|, |b|), alors |A| ≤ 21 (|a| + |b|) ≤ R et |B| ≤ R. Par conséquent, la
suite (Rn ) définie par Rn = max(|an |, |bn |) est décroissante.
Montrons ensuite que si l’on fait une infinité de mauvais choix d’itérés,
alors la limite ` existe et vaut 0.
Pour cela, il suffit de montrer que si (an+1 , bn+1 ) est un mauvais itéré
de (an , bn ), alors Rn+3 ≤ 34 Rn .
Ce sera une conséquence immédiate du lemme suivant.
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56 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Lemme. Soit (a, b) ∈ C2 , ab 6= 0. Soit (A, B) un mauvais itéré de
(a, b), soit (A0 , B 0 ) un itéré quelconque de (A, B) et soit (A00 , B 00 ) un itéré
quelconque de (A0 , B 0 ). Soit R = max(|a|, |b|). Alors |A00 | ≤ 34 R et |B 00 | ≤
3
4 R.
Démonstration. On peut supposer que |b| ≥ |a|, puis que
= 1 et
√ aiθ/2
iθ
donc que b = Re avec R ≥ 1 et |θ| ≤ π. Alors B = − Re
. Par
conséquent :
√
√
A+B
Re iθ + 1 − 2 Re iθ/2
( Re iθ/2 − 1)2
0
A =
=
=
.
2
4
4
√
Puisque | 2θ | ≤ π2 , Re iθ/2 appartient au demi-plan <(z) ≥ 0. Donc
√
√
R
0
| Re iθ/2 − 1| ≤ R + 1 puis |A0 | ≤ R+1
4 . On a alors |A | ≤ 2 lorsque
R ≥ 1.
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Propriétés de base.
Puisque (A0 , B 0 ) est un itéré (double) de (a, b), on a |B 0 | ≤ R. Par
conséquent,
|A0 | + |B 0 |
3R
|A00 | ≤
≤
2
4
et
p
R
3R
|B 00 | = |A0 | |B 0 | ≤ √ ≤
,
4
2
ce qui achève la démonstration du lemme.
Pour conclure la démonstration du théorème, il suffit de montrer que si
(an , bn )n∈N est une bonne suite AGM, alors la limite ` existe et est non-nulle.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Quitte à supprimer un nombre fini de termes, il suffit de traiter le cas
où tous les itérés sont bons.
Lemme. Soit (a, b) ∈ C2 et soit (A, B) le bon itéré de (a, b). Alors
|A − B| < 12 |a − b|.
Afin de démontrer le lemme, on choisit α, β tels que α2 = a, β 2 = b
et αβ = B. Puisque A ± B = 21 (α ± β)2 et (A, B) est le bon itéré, on a
|α − β| < |α + β|, d’où
|A − B| =
|α − β||α + β|
|a − b|
|α − β|2
<
=
.
2
2
2
En revenant au théorème, le lemme implique que |an − bn | <
pour tout n et donc que an − bn → 0.
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1
2n |a − b|
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Propriétés de base.
Plus généralement, le lemme implique que
|ar +n+1 − ar +n | =
|ar +n − br +n |
1
≤ n+1 |ar − br |
2
2
pour tous r , n ≥ 0 puis que
|ar +k+1 − ar +1 | ≤
k
X
n=1
|ar +n+1 − ar +n | ≤
k
X
n=1
1
|ar − br | ≤ |ar − br |
2n+1
pour tous r ≥ 0, k ≥ 0. Il s’ensuit que (an ) est de Cauchy, donc convergente.
Enfin bn = an − (an − bn ) converge vers la même limite, que l’on note `.
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le 2 avril 2008
60 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Il reste à voir que ` 6= 0. On suppose que a et b appartiennent au
demi-plan H = {<(z) > 0}, de sorte que an , bn ∈ H pour tout n (voir la
fiche 54).
Lemme. Soit (a, b) ∈ H 2 . Si (A, B) est le bon itéré de (a, b), alors
min(<(A), <(B)) ≥ min(<(a), <(b)).
Ce lemme se démontre par un calcul facile. Elle implique que la suite
min(<(an ), <(bn ))n∈N est croissante. Par conséquent,
<(`) ≥ min(<(a), <(b)) > 0.
Il s’ensuit que ` 6= 0 et le théorème est démontré.
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le 2 avril 2008
61 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Propriétés de base.
Exercice. Démontrer le lemme de la fiche 61. (En ce qui concerne
l’étude de <(B), on pourra √
supposer <(b) ≥ <(a) puis écrire a = Ra e iθ ,
b = Rb e iφ . Alors <(B) = Ra Rb cos θ+φ
2 et il s’agit de montrer que si
<(b)
<(B)
<(a) ≥ 1, alors <(a) ≥ 1.)
Exercice. Déduire de l’exercice précédent que si a et b sont situés le
même côté d’une droite D passant par 0, et si (A, B) est le bon itéré AGM
de (a, b), alors A et B sont plus éloignés de D qu’au moins un parmi a et
b (dans le sens que leur distance perpendiculaire à D est plus grande). Par
conséquent, la bonne suite AGM associée à (a, b) s’éloigne de D.
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le 2 avril 2008
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Convergence quadratique.
Convergence quadratique des bonnes suites AGM.
Théorème. Toute bonne suite AGM converge quadratiquement.
On note comme précédemment (an , bn ) le n-ième itéré d’une suite AGM
associée à (a, b) ∈ C2 .
La condition que la suite soit bonne est nécessaire. Par exemple, si
b = 0, alors (an , bn ) = ( 2an , 0) quelque soit n et la convergence n’est que
linéaire lorsque a 6= 0.
En ce qui concerne la démonstration du théorème, il suffit de considérer
le cas où <(a) > 0 et <(b) > 0.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Convergence quadratique.
Dans ce cas, on a :
|an+1 − bn+1 | =
|an − bn |2
|an − bn |2
≤
4|an+1 + bn+1 |
4<(an+1 + bn+1 )
et, en appliquant le lemme de la fiche 61 :
<(an+1 + bn+1 ) ≥ 2 min(<(an+1 ), <(bn+1 )) ≥ 2 min(<(a), <(b)).
Par conséquent, on trouve
|an+1 − bn+1 | ≤
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|an − bn |2
.
8 min(<(a), <(b))
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Convergence quadratique.
Il s’ensuit que
|an+2 − an+1 | =
|an+1 − bn+1 |
≤ C0 |an − bn |2 ,
2
où 1/C0 = 16 min(<(a), <(b)). Ensuite,
|an+3 − an+2 | ≤
|an+2 − bn+2 |
≤ 4C03 |an − bn |4
2
et, en général, |an+k+1 − an+k | ≤
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1
4C0 (2C0 |an
k
− bn |)2 pour tout k ≥ 2.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Convergence quadratique.
P
En écrivant |an+k+1 − an+1 | ≤ kr=1 |an+r +1 − an+r | on voit que si n
est suffisamment grand, il existe C > 0 tel que |an+k+1 −an+1 | ≤ C |an −bn |2
pour tout k ≥ 1, puis que
|` − an+1 | ≤ C |an − bn |2 ≤ C (|` − an | + |` − bn |)2 .
D’autre part, |` − bn+1 | ≤ |` − an+1 | + |an+1 − bn+1 | d’où, quitte à modifier
C , on trouve également une majoration de la forme :
|` − bn+1 | ≤ C (|` − an | + |` − bn |)2 .
Par conséquent, (an , bn ) converge quadratiquement vers (`, `), d’où le résultat.
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66 / 320
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La meilleure suite AGM.
La meilleure suite AGM.
Soit (a, b) ∈ C2 . On appelera l’unique suite AGM avec terme initial
(a, b) dont tous les itérés sont bons la meilleure suite AGM de terme initial
(a, b) lorsque celle-ci existe. Rappelons qu’elle existe sauf lorsque a, 0 et b
sont colinéaires et 0 est situé entre a et b. On note alors M(a, b) la limite.
On a alors M(ca, cb) = cM(a, b) lorsque c ∈ C× . En particulier,
M(a, b) = aM(1, b/a) et b/a n’est pas réel et négatif. Ce sont des conséquences des propriétés de la fiche 49.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La meilleure suite AGM.
Soit H un demi-plan ouvert borné par une droite passant par l’origine,
soit (a, b) ∈ H 2 et soit (A, B) le bon itéré de (a, b). Il est clair que A est
une fonction continue de (a, b). Il en est le même pour B, comme on le voit
en remarquant que la condition que B ∈ H entraîne que arg(B) − 12 arg(ab)
est une fonction continue de (a, b). Par conséquent, elle est constante sur
H × H et, comme |B| est clairement une fonction continue de (a, b), il en
est le même pour B = |B|e i arg(B) .
On en tire par récurrence sur n que tous les bons itérés (an , bn ) de
(a, b) sont des fonctions continues de (a, b).
Par ailleurs il est facile d’adapter la démonstration du théorème pour
montrer que la convergence de (an , bn ) vers M(a, b) est localement uniforme.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La meilleure suite AGM.
Soit par exemple D un disque fermé de rayon R > 0 contenu dans H.
Si a ∈ D, b ∈ D, alors |a−b| ≤ 2R et on en tire que |an −bn | ≤ 2R/4n pour
tout n. Par conséquent, an −bn tend vers 0 uniformément sur D. En outre, on
a |ak+r +1 − ar | ≤ |ar − br | ≤ 2R/4r pour tout k ≥ 0, r ≥ 0, ce qui entraîne
que (an ) est uniformément de Cauchy sur D. Puisque bn = an − (an − bn ),
l’affirmation en découle aussitôt.
D’où le résultat suivant.
Proposition.
Soit H un demi-plan ouvert de C bordé par une droite passant par
l’origine et soit (an , bn )n≥0 la meilleure suite AGM de terme initial (a, b) ∈
H × H.
Alors, pour tout n ∈ N, an et bn sont des fonctions continues de (a, b)
et la convergence de (an , bn )n≥0 vers M(a, b) est localement uniforme. Par
conséquent, M(a, b) est une fonction continue de (a, b).
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La fonction M(z).
La fonction M(z).
Comme dans le cas où z est réel et positif, on pose M(z) = M(1, z). Il
existe un hyperplan H bordé par une droite passant par l’origine et contenant
1 et z si et seulement si z n’est pas réel et négatif. Le domaine de définition
de M est donc égal à C dépourvu des réels négatifs : on notera ce domaine
par D. Il est clair que D est simplement connexe.
Théorème.
(i) La fonction M est holomorphe sur D et ne s’y annule pas.
(ii) Pour tout z ∈ C avec <(z) > 0, on a
Z
1
1 +∞
dt
p
=
.
2
M(z)
π −∞
(1 + t )(z 2 + t 2 )
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La fonction M(z).
Avant de donner la démonstration, voici quelques rappels sur les fonctions d’une variable complexe.
Si z ∈ D, on note
Z
log(z) =
1
z
dw
w
le logarithme principal de z, où le chemin d’intégration de 1 vers z est
arbitraire. Alors z 7→ log(z) est une fonction holomorphe sur D.
√
Si α ∈ R, on pose z α = e α log(z) et on note souvent z 1/2 par z. Alors
√ 2
√
( z) = z et, lorsque z est réel et positif, z est la racine carrée (positive)
de z.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La fonction M(z).
Soit Ω ⊆ C un domaine simplement connexe et soit f : Ω → D une
fonction holomorphe. Alors f ne s’annule pas sur Ω et l’on a, pour tout z,
z0 ∈ Ω
Z z 0
f (w )
dw .
log(f (z)) = log(f (z0 )) +
z0 f (w )
En fixant z0 ∈ Ω, on en tire que la fonction z 7→ log(f (z)) est holomorphe sur Ω. En outre, on a e log(f (z)) = f (z) pour tout z ∈ Ω.
Si α ∈ R, on voit alors que les fonctions
z 7→ f (z)α = e α log(f (z)) ,
z 7→
p
f (z) = f (z)1/2 .
sont holomorphes sur Ω.
Lorsque <(z) > 0, z 2 p
n’est pas réel et négatif et donc (1+t 2 )(z 2 +t 2 ) ∈
D pour tout t ∈ R. Ainsi, (1 + t 2 )(z 2 + t 2 ) s’entend selon les définitions
qui viennent d’être données.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La fonction M(z).
Démonstration du théorème.
(i) Nous savons déjà que M ne s’annule pas. Notons (an (z), bn (z)) la
meilleure suite AGM de terme initial (1, z). Vérifions par récurrence sur n
que les fonctions an (z) et bn (z) sont holomorphes, le cas n = 0 étant clair.
Si an (z) et bn (z) sont holomorphes, il est clair que an+1 (z) l’est aussi.
Le problème concerne bn+1 (z) et le choix de racine carrée. Mais nous savons
déjà que bn+1 (z) est une fonction continue, et un choix continu de racine
carrée est holomorphe.
Enfin, la convergence de (an (z), bn (z)) vers M(z) est localement uniforme, ce qui suffit pour établir la holomorphie de M(z).
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
La fonction M(z).
p
(ii) Nous avons déjà remarqué que (1 + t 2 )(z 2 + t 2 ) 6= 0 lorsque
t ∈ R, et cette fonction est équivalente à t 2 lorsque t → ±∞, l’équivalence
étant localement uniforme en z. Cela suffit pour assurer la convergence de
l’intégrale ; le fait qu’elle représente une fonction holomorphe de zR est alors
conséquence d’un argument standard de dérivation sous le signe .
Enfin, la formule annoncée est déjà établie lorsque z est réel et strictement positif.
Les deux côtés de la formule étant des fonctions holomorphes, on en
tire leur égalité pour tout z avec <(z) > 0 par le principe de continuation
analytique.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Calcul des fonctions trigonométriques.
Calcul des fonctions trigonométriques.
Revenons au calcul des fonctions élémentaires par des méthodes à
convergence quadratique.
L’idée est de généraliser le théorème de la fiche 37 aux valeurs complexes.
Théorème.
Il existe des constantes A > 0, et B > 0 telles que, pour tout z ∈ C×
vérifiant |z| ≤ 1 et | arg(z)| ≤ π/4, on ait
π
+
log(z)
−
2
log(2)
≤ |z|2 A + B log(|z|)
2M(z)
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Calcul des fonctions trigonométriques.
Le théorème permet de calculer arctan t lorsque t ∈ R. En effet, grâce
à la relation arctan(t) + arctan(1/t) = ±π/2, il suffit de traiter le cas où
|t| ≤ 1. On choisit alors un nombre complexe z = x + iy avec x > 0 et
y /x = t. Soit n ≥ 0 un entier tel que |z/2n | ≤ 1. Alors en remplaçant z
par z/2n dans la formule du théorème, on trouve
log(z) +
|z|2
π
−
(n
+
2)
log(2)
≤ 2n A + B log(|z|/2n ) .
z
2M( 2n )
2
En prenant n assez grand, on obtient une approximation de log(z).
Nous savons déjà calculer log(|z|), ce qui permet de retrouver arctan(t)
à l’aide de la formule log(z) = log(|z|) + i arctan(y /x ).
La fonction tangente peut alors être calculée à l’aide de la méthode
de Newton : si θ ∈ [0, π/2[, on calcule tan θ comme solution de l’équation
arctan(t) = θ. Les fonctions sin, cos, . . ., se calculent alors à l’aide des
formules usuelles les liant à la fonction tangente.
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Calcul des fonctions trigonométriques.
La démonstration du théorème suit essentiellement la même démarche
que dans le cas réel, mais certains détails doivent être revus.
Par la suite, I1 , I2 , I3 , I4 ont les mêmes sens que dans la démonstration
du théorème de la fiche 37, sauf que x est remplacé par z.
Les intégrales I1 et I3 ne font pas intervenir z, et leur étude est inchangée.
En outre, pour les valeurs
de z considérées, t 7→ log(t +
√
une primitive de t 7→ 1/ z 2 + t 2 . Par conséquent,
Z
1
0
dt
= log(1 +
p
+ I1 + I3 = log(1 +
p
√
z2 + t2
√
z 2 + t 2 ) est
z 2 + 1) − log(z),
d’où
Z
0
1
√
dt
z2 + t2
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z 2 + 1) − log(z) + log(2).
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Calcul des fonctions trigonométriques.
Par contre, il faudrait revoir les études de I2 et de I4 .
Pour cela, on pose z = x +iy , où x , y ∈ R. L’hypothèse que | arg(z)| ≤
π/4 équivaut alors à 0 ≤ |y | ≤ x . En plus, on a x > 0.
Par conséquent, on a z 2 + t 2 = (x 2 − y 2 + t 2 ) + 2xyi d’où
|z 2 + t 2 |2 = (x 2 − y 2 + t 2 )2 + 4x 2 y 2 = (x 2 + y 2 )2 + t 4 + 2(x 2 − y 2 )t 2
≥ (x 2 + y 2 )2 + t 4 = |z|4 + t 4 > t 4 .
Il s’ensuit
que |z 2 + t 2 | > t pour tout t ≥ 0. En utilisant la majoration
√
2
0 ≤ 1/ 1 + t ≤ 1/t, on trouve :
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L’AGM : applications et généralisations.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Z
+∞
Calcul des fonctions trigonométriques.
1
1
−√
2
2
2
t
1
+
t
z
+
t
1
Z +∞ 1
1
≤
2− √ 2
dt
2
t
t z +t
1
√
Z +∞ 2
z + t2 − t =
dt
2√ 2
t z + t2
1
Z +∞ z2
√
√
=
2 2
dt
2
2
2
t z + t (t + z + t )
1
Z +∞
dt
2
≤ |z|
,
4
2t
1
|I2 | ≤
√
dt
d’où l’estimation |I2 | ≤ |z|2 /6 comme dans le cas réel.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Calcul des fonctions trigonométriques.
En ce qui concerne I4 , on trouve, par le même genre de raisonnement :
1 |I4 | ≤ 1 − √
2
Z
1 p
z 2 + t 2 − t dt.
0
Afin de traiter cette intégrale,
√ les conditions t > 0 et
√ on remarque que
0 ≤ |y | ≤ x entraînent que | z 2 + t 2 + t| ≥ | z 2 + t 2 |, d’où :
Z
√ −1
1 − 1/ 2 |I4 | ≤
0
Z
≤
0
1
√
z2
dt
z2 + t2 + t
Z 1
z2
dt
2
√
√ 2
= |z|
2
2
z +t
0 | z + t 2|
1
Il a déjà été établi que |z 2 + t 2 |2 ≥ |z|4 + t 4 et il s’ensuit que :
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Calcul des fonctions trigonométriques.
La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Z
√ −1
1 − 1/ 2 |I4 | ≤ |z|2
1
dt
√
2
| z + t 2|
1
dt
0
2
Z
≤ |z|
0
p
4
|z 4 |
2
+
t4
Z
1/|z|
√
4
= |z|
0
du
,
1 + u4
où on a effectué le changement de variable t = |z|u.
En écrivant, par exemple
Z
0
1/|z|
√
4
du
=
1 + u4
Z
0
1
√
4
du
+
1 + u4
Z
1
1/|z|
du
+
u
Z
1
1/|z| √
4
1
1
−
du,
1 + u4 u
on obtient aussitôt une estimation de I4 de la forme |I4 | ≤ |z|2 C +
D| log(|z|)| , avec des constantes C > 0, D > 0 qui peuvent être calculées
explicitement.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Calcul des fonctions trigonométriques.
On obtient à nouveau donc une relation de la forme
Z
0
+∞
dt
p
(1 +
t 2 )(z 2
+
t 2)
= log(1 +
p
z 2 + 1) − log(z) + log(2) + (z),
où |(z)| ≤ |z|2 C1 + D1 | log(|z|)| , où C1 > 0, D1 > 0 sont des constantes.
Pour conclure, il reste √
à voir qu’il existe des constantes C2 > 0 et
D2 > 0 telles que | log(1 + z 2 + 1) − log(2)| ≤ |z|2 C2 + D2 | log(|z|)|
pour tout z avec |z| ≤ 1.
En fait, il suffit d’établir
√ une telle borne pour tout z avec |z| ≤ 1/2,
car la fonction log(1 + z 2 + 1) − log(2) est bornée dans la couronne
{z ∈ C | 1/2 ≤ |z| ≤ 1}
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Calcul des fonctions trigonométriques.
Soit ρ ∈]0, 1] qui sera choisi convenablement plus tard. Si |z| ≤ ρ, alors
|1/(1 + z)| ≥ 1/(1 − ρ) et donc
Z
z ds ≤ |z| .
| log(1 + z)| =
1
+
s
1−ρ
0
√
En remplaçant z par 12 1 + z 2 − 12 , on trouve
| log(1 +
p
1p
1 z 2 + 1) − log(2)| = | log 1 + (
1 + z2 − ) |
2 2
√
1 + z 2 − 1
≤
2(1 − ρ)
√
lorsque | 1 + z 2 − 1| ≤ 2ρ.
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La moyenne arithmético-géométrique complexe.
Calcul des fonctions trigonométriques.
En utilisant le développement
de Taylor au voisinage de 0 et le fait que
les coefficients binomiaux 1/2
sont majorés en module par 1/2, on voit
r
que
p
1 |z|2
| 1 + z 2 − 1| ≤
2 1 − |z|2
lorsque |z| < 1.
√
Si donc |z| ≤ 1/2, alors | 1 + z 2 − 1| ≤ 2|z|2 /3 ≤ 1/6 et on peut
prendre ρ = 1/12.
Au total, donc
√
p
1 + z 2 − 1|
|
2|z|2 /3
4
| log(1 + z 2 + 1) − log(2)| ≤
≤
= |z|2
2(1 − ρ)
2(1 − ρ)
11
lorsque |z| ≤ 1/2.
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Polynômes de degré 3 et 4.
Polynômes de degré 3 ou 4 à racines simples.
Soient α, β, γ trois réels deux-à-deux distincts et non nuls. Si b > a >
max(0, α, β, γ), alors le changement de variable t = 1/u montre que
b
Z
a
Z
dt
p
(t − α)(t − β)(t − γ)
1/a
=
1/b
du
p
u(1 − αu)(1 − βu)(1 − γu)
.
Notre étude d’intégrales elliptiques sera basée sur leur comportement
par rapport aux changements de variable de la forme t = 1/u et, plus
généralement, de la forme t = (au + b)/(cu + d).
Ces remarques suggèrent que l’étude va faire intervenir des polynômes
de degré 3, et qu’il pourrait être utile d’imaginer ceux-ci comme des polynômes de degré 4 à coefficient directeur 0, et dont la quatrième racine est
« passée à l’infini ».
Les fiches qui suivent ont pour but de donner un sens précis à tout
cela.
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Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
La droite projective.
Soit k un corps commutatif. On note Pk la droite projective de k,
c’est-à-dire l’ensemble des droites vectorielles du k-espace vectoriel k 2 .
Une droite de Pk est engendrée par un élément (u, v ) 6= (0, 0) de k 2 .
Si v 6= 0, alors elle est encore engendrée par (u/v , 1) et, si v = 0, (1, 0) est
encore un générateur. Ainsi, on obtient une bijection entre les droites de Pk
et l’ensemble k ∪ {∞} en envoyant la droite engendrée par (u, v ) sur u/v
lorsque v 6= 0 et sur ∞ lorsque v = 0. La droite engendrée par (1, 0) sera
appelée la droite à l’infini.
Le groupe GL2 (k) des matrices inversibles d’ordre deux à coefficients
dans k agit sur k 2 par
a b
(u, v ) = (au + bv , cu + dv ).
c d
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Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
L’action transforme les droites vectorielles dans k 2 en des droites vectorielles de k 2 . Elle induit donc une action de GL2 (k) sur Pk .
Cette action induit
une action de GL2 (k) sur k ∪ {∞}. Explicitement,
a b
si α ∈ k ∪ {∞} et si
∈ GL2 (k), alors
c d
aα + b
a b
.
(α) =
c d
cα + d
Ici, le membre droit a son sens usuel lorsque α 6= ∞ et lorsque cα+d 6=
0. Lorsque α = ∞, α correspond à la droite engendrée par (1, 0), qui est
transformée en celle engendrée par (a, c).
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Polynômes de degré 3 et 4.
Par conséquent,
La droite projective.
a b
(∞) —
c d
et donc également
a∞ + b
—
c∞ + d
a
lorsque c 6= 0 et ∞ lorsque c = 0 (auquel cas ad 6= 0 car la
c
matrice est supposée inversible).
signifient
De même, la matrice transforme la droite engendrée
par
(−d, c) en la
aα + b
a b
droite à l’infini. Par conséquent, lorsque α = −d/c,
(α) et
c d
cα + d
signifient ∞ dans ce cas.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
88 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
Lemme.
(i) La matrice
a b
c d
∈ GL2 (k) fixe la droite à l’infini si et seulement
si c = 0.
(ii) Les seules matrices de GL2 (k) fixant toutes les droites de Pk sont
les matrices scalaires.
a b
Démonstration. (i) C’est clair, car
(1, 0) = (a, c) et (a, c)
c d
engendre la droite à l’infini si et seulement si c = 0.
a 0
(ii) Les matrices scalaires fixent toutes les droites, car
(u, v ) =
0 a
(au, av ) et (u, v ) et (au, av ) engendrent la même droite lorsque a 6= 0.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
89 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
a b
Réciproquement, si
fixe toutes les droites, alors elle fixe en
c d
particulier la droite à l’infini, et donc c = 0 d’après le (i). En outre, en
utilisant le fait que la matrice fixe la droite engendrée par (0, 1), on voit que
b = 0.
a 0
transforme la droite engendrée
Enfin, la matrice diagonale
0 d
par (1, 1) en celle engendrée par (a, d), et ces deux droites coïncident si et
seulement si a = d.
John Boxall (LMNO)
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Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
Remarque. La démonstration de (ii) montre que, en fait, seules les
matrices scalaires fixent les trois droites engendrées par (0, 1), par (1, 1) et
la droite à l’infini.
Les matrices scalaires forment un sous-groupe distingué S de GL2 (K ),
et le groupe quotient GL2 (k)/S est appelé le groupe projectif linéaire
(d’ordre deux) de k et noté PGL2 (k).
La partie (ii) de la proposition entraîne que les actions de GL2 (k) sur
Pk et sur k ∪{∞} induisent des actions de PGL2 (k) sur ces deux ensembles.
En outre, le seul élément de PGL2 (k) qui fixe tous les éléments de Pk (ou
de k ∪ {∞}) est l’élément neutre.
John Boxall (LMNO)
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91 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
Théorème.
(i) L’action de PGL2 (k) sur Pk est triplement transitive.
(ii) Le seul élément de PGL2 (k) qui fixe trois éléments distincts de Pk
est l’élément neutre.
Rappelons d’abord ce que cela signifie. En général, si Γ est un groupe
agissant sur un ensemble X , l’action est dite transitive si, étant donnés x ,
y ∈ X , il existe γ ∈ Γ tel que γ(x ) = y . Si n ≥ 1 est un entier, l’action
est dite n-fois transitive si l’action induite sur l’ensemble X {n} des n-tuples
d’éléments de X deux-à-deux distincts est transitive.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
92 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
Démonstration. (i) On suppose que (u1 , v1 ), (u2 , v2 ), (u3 , v3 ) engendrent trois droites deux-à-deux distinctes D1 , D2 , D3 . Il suffit de trouver
M ∈ GL2 (k) telle que M(0, 1) engendre
D1 , M(1, 1) engendre D2 et M(1, 0)
a b
engendre D3 . Écrivons M =
et cherchons des conditions sur les
c d
coefficients a, b, c, d.
Puisque M(0, 1) engendre D1 , il existe p ∈ k × tel que (b, d) =
p(u1 , v1 ) ; puisque M(1, 0) engendre
r ∈ k × tel que (a, c) =
D3 , il existe
ru3 pu1
r (u3 , v3 ). Par conséquent, M =
et donc M(1, 1) = (ru3 +
rv3 pv1
pu1 , rv3 + pv1 ) doit être un multiple scalaire de (u2 , v2 ). Les droites engendrées par (u1 , v1 ) et par (u3 , v3 ) étant supposées distinctes, le déterminant
u3 v1 − u1 v3 est non-nul et, par conséquent, il existe une unique solution
(p, r ) du système ru3 + pu1 = u2 , rv3 + pv1 = v2 .
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
93 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
(ii) Si N est une seconde matrice telle que N(0, 1) engendre D1 , N(1, 1)
engendre D2 et N(1, 0) engendre D3 on voit en suivant le même
raisonne
su3 qu1
×
ment que dans la partie (i) qu’il existe q, s ∈ k tels que N =
sv3 qv1
et N(1, 1) = (su3 + qu1 , sv3 + qv1 ) soit un multiple scalaire de (u2 , v2 ), par
exemple égal à (tu2 , tv2 ).
On en tire que (q, s) = t(p, r ) puis que N = tM est un multiple scalaire
de M.
Une autre démonstration serait d’appliquer la remarque de la fiche 91
à la matrice MN −1 . En effet, cette matrice fixe les droites engendrées par
(0, 1), par (1, 1) et par (1, 0) et donc, d’après la remarque en question, il
s’agit d’une matrice scalaire.
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94 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
La droite projective.
Rappelons pour mémoire le résultat suivant, qui sera utilisé plus loin.
Théorème.
Soit k un corps commutatif.
(i) Le groupe linéaire spécial SL2 (k) des matrices carrées d’ordre 2 et
de déterminant 1 est engendré par les matrices
0 −1
1 b
a 0
,
b ∈ k, et
, a ∈ k ×.
1 0
0 1
0 1/a
(ii) Le groupe linéaire GL2 (k) est engendré par les matrices
0 −1
1 b
a 0
,
b ∈ k, et
, a ∈ k ×.
1 0
0 1
0 1
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Polynômes de degré 3 et 4.
Le birapport.
Le birapport.
Rappelons que k désigne un corps commutatif ; nous supposerons désormais qu’il posséde au moins 3 éléments.
On note Rk l’ensemble des quadruplets (α, β, γ, δ) d’éléments de k ∪
{∞} deux-à-deux distincts.
Par définition, le birapport de (α, β, γ, δ) ∈ Rk est donnée par
B(α, β, γ, δ) =
(α − γ)(β − δ)
.
(α − δ)(β − γ)
Lorsque α, β, γ et δ appartiennent à k, B est un élément non nul de
k bien définie car α, β, γ et δ sont supposés deux-à-deux distincts.
En outre, B(α, β, γ, δ) 6= 1, car dans le cas contraire, (α − γ)(β − δ) =
(α−δ)(β −γ) ce qui impliquerait après simplificaiton que (α−β)(γ −δ) = 0.
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96 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Le birapport.
Pour comprendre ce que B(α, β, γ, δ) devrait signifier lorsque ∞ ∈
{α, β, γ, δ},
on suit
la même démarche que dans les explications concernant
a b
le sens de
(∞) : si α, β, γ et δ correspondent aux droites vectorielles
c d
engendrées respectivement par (u1 , v1 ), (u2 , v2 ), (u3 , v3 ) et (u4 , v4 ), alors
B(α, β, γ, δ) =
(u1 v3 − u3 v1 )(u2 v4 − u4 v2 )
.
(u1 v4 − u4 v1 )(u2 v3 − u3 v2 )
Par exemple, afin de déterminer B(α, β, γ, ∞), on pose (u1 , v1 ) =
(α, 1), (u2 , v2 ) = (β, 1), (u3 , v3 ) = (γ, 1) et (u4 , v4 ) = (1, 0) et on trouve
B(α, β, γ, ∞) =
John Boxall (LMNO)
α−γ
.
β−γ
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97 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Le birapport.
Après calcul, on trouve dans tous les cas que B(α, β, γ, δ) ∈ k − {0, 1}.
En particulier,
B(λ, 1, 0, ∞) = λ,
λ 6∈ {0, 1, ∞},
ce qui montre la première partie du résultat suivant.
Théorème.
(i) Le birapport est une application surjective de Rk vers k − {0, 1}.
(ii) Pour que deux éléments (α, β, γ, δ) et (α0 , β 0 , γ 0 , δ 0 ) aient le même
birapport, il faut et il suffit qu’il existe M ∈ GL2 (k) tel que M(α) = α0 ,
M(β) = β 0 , M(γ) = γ 0 et M(δ) = δ 0 .
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le 2 avril 2008
98 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Le birapport.
La démonstration de la partie (ii) commence avec la vérification que
B(M(α, β, γ, δ)) = B(α, β, γ, δ). Il suffit de le faire lorsque M fait partie
des matrices génératrices de GL2 (k) indiquées dans le théorème de la fiche
95. Dans chaque cas, le calcul est aisé (mais un peu répétitif).
Pour montrer la réciproque, on utilise le théorème de la fiche 92. Celuici implique qu’il existe N, N 0 ∈ GL2 (k) tels que N(β) = N 0 (β 0 ) = 1,
N(γ) = N 0 (γ 0 ) = 0 et N(δ) = N 0 (δ 0 ) = ∞. Ces matrices sont uniques à
multiplication par un scalaire près.
Posons M = N 0 N −1 . Alors M(β) = β 0 , M(γ) = γ 0 et M(δ) = δ 0 : il
reste à voir que M(α) = α0 .
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99 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Le birapport.
On a B(α, β, γ, δ) = B(N(α), N(β), N(γ), N(δ)) = B(N(α), 1, 0, ∞) =
N(α) et, de la même manière, B(α0 , β 0 , γ 0 , δ 0 ) = N 0 (α).
Par hypothèse, B(α, β, γ, δ) = B(α0 , β 0 , γ 0 , δ 0 ).
On a donc N(α) = N 0 (α0 ), d’où M(α) = α0 .
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le 2 avril 2008
100 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Le birapport.
Le birapport B(α, β, γ, δ) n’est pas invariant par permutation des coordonnées α, β, γ et δ. On voit toutefois que
B(α, β, γ, δ) = B(β, α, δ, γ) = B(γ, δ, α, β) = B(δ, γ, β, α),
autrement dit, que B est stable par le sous-groupe distingué
V = {e, (12)(34), (13)(24), (14)(23)}
du groupe symétrique S4 . (Ici, e désigne l’élément neutre de S4 et (i j), 1 ≤
i < j ≤ 4 la transposition qui interchange la i-ème et la j-ème coordonnée.)
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101 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Le birapport.
En prenant un système de représentants de S4 suivant V (par exemple
les éléments du sous-groupe de S4 qui fixent la quatrième coordonnée), on
constate que si B(α, β, γ, δ) = λ, alors les valeurs prises par B lorsque α,
β, γ et δ sont permutés sont :
λ, 1/λ, 1 − λ, 1/(1 − λ), λ/(λ − 1) et (λ − 1)/λ.
(Il suffit de faire le calcul lorsque (α, β, γ, δ) = (λ, 1, 0, ∞) — pourquoi ?)
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le 2 avril 2008
102 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
Invariants.
On note Pk l’ensemble des polynômes de degré 3 où 4 et à coefficients
dans k, et dont toutes les racines sont simples. (On n’exige pas que les
racines appartiennent à k.)
Un élément de Pk s’écrit alors at 4 +bt 3 +ct 2 +dt+e, avec (a, b, c, d, e) ∈
k 5 et, si a = 0, alors b 6= 0.
Soit P ∈ Pk et soit {α, β, γ, δ} ⊆ k ∪ {∞} l’ensemble de ses racines,
∞ étant considéré comme racine si et seulement si P est de degré 3. En
prenant les racines dans des ordres différents, on obtient 24 éléments de Rk
puis, comme nous venons de le voir, 6 valeurs (généralement distinctes) de
leurs birapports.
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
103 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
Si λ est l’une de ces valeurs, les autres étant 1/λ, 1 − λ, 1/(1 − λ),
(λ − 1)/λ et λ/(λ − 1), on trouve que les coefficients du polynôme f (x ) =
(x − λ)(x − 1/λ)(x − (1 − λ))(x − 1/(1 − λ))(x − (λ − 1)/λ)(x − λ/(λ − 1))
ne dépendent que de P et non de l’ordre dans lequel on prend les racines.
En fait, si l’on pose
µ = µ(P) = µ(λ) =
(λ2 − λ + 1)3
,
(λ(λ − 1))2
on trouve après calcul que
f (x ) = x 6 − 3x 5 − (µ − 6)x 4 + (2µ − 7)x 3 − (µ − 6)x 2 − 3x + 1
et que µ(λ) = µ(1/λ) = µ(1 − λ) = µ(1 − 1/λ) = µ((λ − 1)/λ) =
µ(λ/(λ − 1)).
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104 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
On définit une action à droite de GL2 (k) sur Pk par
at + b (P, M) 7→ (P · M)(t) = (ct + d)4 P
,
ct + d
où M = ca db .
Lemme.
Si {α, β, γ, δ} est l’ensemble des racines de P, alors
{M −1 (α), M −1 (β), M −1 (γ), M −1 (δ)}
est l’ensemble des racines de P · M.
Le résultat suivant découle alors des considérations précédentes :
Théorème.
On suppose que le corps k soit algébriquement clos (par exemple que
k = C). Soient P, Q ∈ Pk . Pour que µ(P) = µ(Q), il faut et il suffit qu’il
existe M ∈ GL2 (k) et c ∈ k × tels que Q = c(P · M).
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le 2 avril 2008
105 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
La constante c est nécessaire car un polynôme n’est déterminé par
ses racines qu’à une constante multiplicative près. Étant donné µ ∈ k, les
valeurs correspondantes de λ sont les racines du polynôme (x 2 − x + 1)3 −
µ(x (x − 1))2 .
Notons que si k n’est pas algébriquement clos, il n’est pas forcément
possible de prendre pour M une matrice à coefficients dans k. En effet, les
birapports formés avec les racines d’un polynôme P à coefficients dans k
n’appartiennent pas, en général, à k.
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le 2 avril 2008
106 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
Rappelons que, selon le théorème des fonctions symétriques, toute fonction polynôme des racines d’un polynôme qui est symétrique par permutation
des racines est une fonction des coefficients du polynôme.
Si P est un polynôme de degré 4, P(t) = at 4 + bt 3 + ct 2 + dt + e, et
si α, β, γ et δ sont les racines de P, alors
α + β + γ + δ = −b/a,
αβ + αγ + αδ + βγ + βδ + γδ = c/a,
αβγ + αβδ + αγδ + βγδ = −d/a,
αβγδ = e/a,
comme on le voit en comparant les coefficients après avoir développé P(t) =
a(t − α)(t − β)(t − γ)(t − δ).
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le 2 avril 2008
107 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
Si en plus, P ∈ Pk , on voit que µ vaut
(α − γ)2 (β − δ)2 − (α − γ)(β − δ)(α − δ)(β − γ) + (α − δ)2 (β − γ)2
(α − β)2 (α − γ)2 (α − δ)2 (β − γ)2 (β − δ)2 (γ − δ)2
3
Ici, le dénominateur est le discriminant de P, divisé par a6 . Il est invariant par permutation des racines et s’exprime donc en fonction des coefficients a, b, c, d et e. La formule précise n’est pas très éclairante : il
suffit de dire qu’il s’agit d’un polynôme homogène de degré six. Notons le
discriminant ∆(P).
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le 2 avril 2008
108 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
Le numérateur est le cube d’un polynôme
(α − γ)2 (β − δ)2 − (α − γ)(β − δ)(α − δ)(β − γ) + (α − δ)2 (β − γ)2
qui est, lui aussi, invariant par permutation des racines α, β, γ, δ. Après
calcul, on trouve qu’il est égal à
c 2 − 3bd + 12ae
.
a2
Par conséquent, en multipliant numérateur et dénominateur par a6 , on
trouve :
(c 2 − 3bd + 12ae)3
.
µ(P) =
∆(P)
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le 2 avril 2008
109 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
Cette formule reste valable lorsque P ∈ Pk est de degré trois, mais il
faut faire attention au sens de ∆(P), qui est alors obtenu en substituant
a = 0 dans la formule pour le discriminant d’un polynôme de degré 4. Mais,
si P(t) = bt 3 + ct 2 + dt + e, b 6= 0 le discriminant ∆3 (P) vaut
−27b 2 e 2 + 18bcde − 4bd 3 + c 2 d 2 − 4c 3 e
alors que ∆(P) = b 2 ∆3 (P).
Par conséquent, lorsque P ∈ Pk est de degré 3, on a :
µ(P) =
(c 2 − 3bd)3
.
b 2 ∆3 (P)
Exercice. Vérifier cette formule directement par un calcul avec les fonctions des racines d’un polynôme de degré 3.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
110 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
On a coutume de poser
j(P) = j = 256µ = 256
(λ2 − λ + 1)3
;
(λ(λ − 1))2
j s’appelle alors l’invariant modulaire du polynôme P, et nous utiliserons
désormais la fonction j plutôt que la fonction µ.
Le facteur 256 = 28 conduit à une perte d’information en caractéristique deux mais, dans le contexte des courbes elliptiques sur un corps de
caractéristique différente de deux, notre formule coïncide bien avec l’invariant j de la courbe elliptique d’équation y 2 = P(x ) lorsque P ∈ Pk est de
degré 3.
Par contre, en caractéristique deux, une équation de cette forme ne
définit plus une courbe elliptique : de telles courbes et leur invariant j sont
alors définis d’une manière différente.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
111 / 320
Polynômes de degré 3 et 4.
Invariants.
Exercice. (i) Vérifier que si P(t) = (a2 + t 2 )(b 2 + t 2 ), alors
j(P) = 16
(a4 + 14a2 b 2 + b 4 )3
.
a2 b 2 (a2 − b 2 )4
(ii) Lorsque k est algébriquement clos (et de caractéristique différente
de deux), montrer que si j ∈ k, alors il existe a, b ∈ k tels que j = j(P).
Exercice. Soit j ∈ k, k un corps de caractéristique différente de deux.
(i) Vérifier que si j ∈ k, j 6= 0, 1728, et si
P(t) = t 3 +
36t
1
t2
−
−
,
4
j − 1728 j − 1728
alors j(P) = j.
(ii) Construire des polynômes unitaires P de degré trois à coefficients
dans k vérifiant j(P) = 0, j(P) = 1728.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
112 / 320
Des intégrales elliptiques aux fonctions elliptiques
Des intégrales elliptiques aux fonctions elliptiques
En toute généralité, une intégrale elliptique est une intégrale de la forme
Z z
p
R(w , f (w )), dw
z0
où R est une fonction rationnelle et f un polynôme de degré 3 ou 4 sans
racine multiple.
Si f était de degré un ou deux, une telle intégrale s’exprimerait en
termes des fonctions rationnelles, de logarithmes et de fonctions trigonométriques réciproques (arcsin, arccos et arctan).
Ces fonctions réciproques sont bien moins agréables que les fonctions
directes (exponentielle, fonctions sinus et cosinus, . . .). Les fonctions trigonométriques s’expriment en fonction de la fonction exponentielle grâce aux
formules cos z = (e iz + e −iz )/2, sin z = (e iz − e −iz )/2i.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
113 / 320
Des intégrales elliptiques aux fonctions elliptiques
Une propriété remarquable de la fonction exponentielle est sa périodicité : e z+2πi = e z pour tout z ∈ C.
Les travaux des mathématiciens des dix-huitième et dix-neuvième siècles
cherchant à comprendre les intégrales elliptiques ont revélés que ces intégrales s’expriment en termes de fonctions réciproques de fonctions à deux
périodes indépendantes, appelées aujourd’hui fonctions elliptiques.
Ce sont ces fonctions que nous allons maintenant étudier.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
114 / 320
Fonctions elliptiques
Fonctions elliptiques
Par définition, une fonction elliptique est une fonction méromorphe (sur
C) possédant deux périodes complexes R-linéairement indépendantes.
Si f est une fonction elliptique on note Per(f ) l’ensemble de ses périodes ; il s’agit d’un sous-groupe fermé du groupe additif des nombres
complexes.
Proposition. Soit f une fonction elliptique. Alors
(i) ou bien Per(f ) = C et f est constante ;
(ii) ou bien il existe une base (ω1 , ω2 ) du R-espace vectoriel C telle
que Per(f ) = {mω1 + nω2 | (m, n) ∈ Z2 }.
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le 2 avril 2008
115 / 320
Fonctions elliptiques
En général, on appelle réseau d’un R-espace vectoriel de dimension
finie E tout sous-groupe du groupe additif de E engendré par une base de
E.
Dans ce langage, la proposition dit que si f est une fonction elliptique
non constante, alors Per(f ) est un réseau de C.
On montre plus généralement que si Ω est un réseau de E et si Ω0 est
un sous-groupe fermé du groupe additif E contenant Ω, alors :
— ou bien Ω est d’indice fini dans Ω0 , et alors Ω0 est un réseau ;
— ou bien Ω0 /Ω est infini, et alors Ω0 contient une droite vectorielle.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
116 / 320
Fonctions elliptiques
Soit donc f une fonction elliptique. Par hypothèse, Per(f ) contient un
réseau Ω de C.
Dire que Per(f ) contient une droite vectorielle signifie qu’il existe ω ∈
C× tel que Rω ⊆ Per(f ).
On voit aussitôt que f est alors constante sur Rω puis constante d’après
le principe de prolongement analytique.
Dans le cas contraire, Per(f ) contient Ω comme sous-groupe d’indice
fini. Alors Per(f ) est un réseau.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
117 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
Les propriétés de base des fonctions elliptiques.
On fixe un réseau Ω de C et on note C(Ω) l’ensemble des fonctions
elliptiques f telles que Per(f ) ⊇ Ω. Il est clair que C(Ω) est un sous-corps
du corps des fonctions méromorphes sur C.
Il est clair que les fonctions constantes appartiennent à C(Ω) et que
C(Ω) est stable par dérivation.
On appelle diviseur (associé à Ω) un élément du groupe abélien libre sur
l’ensemble
C/Ω. Ainsi, tout diviseur s’écrit de façon unique sous la forme
P
n
x ∈C/Ω x [x ], où nx est un entier qui est nul pour tout x à un nombre fini
d’exceptions près.
Le groupe des diviseurs associés à Ω sera noté Div(C/Ω).
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
118 / 320
Propriétés de base.
Fonctions elliptiques
On ne confondra pas le diviseur
P
X
x ∈C/Ω nx [x ]
avec l’élément
nx x
x ∈C/Ω
du groupe C/Ω. En fait, on a un homomorphisme (appelé évaluation et
noté s) de Div(C/Ω)
P vers C/Ω qui est défini par suppression des crochets
dans l’expression x ∈C/Ω nx [x ].
P
Si D = x ∈C/Ω nx [x ] est un diviseur, l’entier nx s’appelle la multiplicité
de x dans D. Le support de D est l’ensemble des x ∈ C/Ω de multiplicité
non-nulle. On note supp(D) le support du diviseur D.
Le diviseur D est dit positif si toutes ses multiplicités sont positives.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
119 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
P
Par
définition,
le
degré
du
diviseur
D
=
x ∈C/Ω nx [x ] est l’entier
P
x ∈C/Ω nx , que l’on note deg(D). Alors deg est un homomorphisme de
Div(C/Ω) vers le groupe additif Z.
On note Div0 (C/Ω) le sous-groupe des diviseurs de degré zéro de
Div(C/Ω).
P
Si P
D = x ∈C/Ω nP
x [x ] est de degré zéro, on appelle ordre de D l’entier
positif nx ≥0 nx = − nx ≤0 nx .
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
120 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
Si f 6= 0 est une fonction méromorphe et si z ∈ C, on note ordz (f )
l’ordre du zéro ou du pôle (compté comme un zéro d’ordre négatif) en z.
Par exemple, si f (z) = (z − 1)/z 2 , alors ord0 (f ) = −2, ord1 (f ) = 1 et
ordz (f ) = 0 lorsque z 6= 0, 1.
On remarque que ordz (1/f ) = − ordz (f ) et que, si g 6= 0 est une seconde fonction méromorphe, alors ordz (fg) = ordz (f ) + ordz (g) et ordz (f +
g) ≥ min(ordz (f ), ordz (g)) lorsque g 6= −f .
En particulier, ordz est un homomorphisme du groupe multiplicatif des
fonctions méromorphes vers Z.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
121 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
Supposons désormais que f ∈ C(Ω), f 6= 0.
La périodicité de f implique que ordz+ω (f ) = ordz (f ) pour tout ω ∈ Ω.
Ainsi, si x ∈ C/Ω et on pose ordx (f ) = ordz (f ), alors ordx (f ) ne dépend pas
du choix du représentant z ∈ C de x et, d’après ce qui précède, f 7→ ordx (f )
est un homomorphisme du groupe multiplicatif C(Ω)× vers Z.
Puisqu’une fonction méromorphe non nulle n’a qu’un nombre fini de
zéros et de pôles dans un ensemble borné, on voit aussitôt que ordx (f ) = 0
pour tout x ∈ C/Ω à un nombre fini d’exceptions près.
Par exemple, si (ω1 , ω2 ) est une base de Ω, alors l’homomorphisme
canonique C → C/Ω envoie le parallélogramme {λ1 ω1 +λ2 ω2 | 0 ≤ λ1 , λ2 ≤
1} sur C/Ω. Ce parallélogramme est borné est contient (au moins) un
représentant de chaque zéro et pôle de f à addition d’un élément de Ω près.
×
P On peut ainsi associer à toute fonction f ∈ C(Ω) son diviseur div(f ) =
x ∈C/Ω ordx (f )[x ]. Il est clair que f 7→ div(f ) est un homomorphisme de
groupes.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
122 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
Enfin, si z est un pôle de f et si resz (f ) désigne le résidu de f en z,
alors resz+ω (f ) = resz (f ) pour tout ω ∈ Ω et, si x ∈ C/Ω, on définit le
résidu en x de f , noté resx (f ), comme étant le résidu de f en n’importe
quel représentant de x dans C.
Théorème. Soit Ω un réseau de C.
(i) Soit f ∈ C(Ω)× . Alors div(f ) = 0 si et seulement si f est constante.
(ii) Si f ∈ C(Ω)× , alors div(f ) ∈ Div0 (C/Ω).
P
(iii) Si f ∈ C(Ω)× , alors x ∈C/Ω resx (f ) = 0.
(iv ) Soit D ∈ Div0 (C/Ω). Pour qu’il existe f ∈ C(Ω)× telle que
div(f ) = D, il faut et il suffit que s(D) = 0.
Dans l’énoncé (iv ), s désigne l’homomorphisme évaluation (voir la fiche
119). Vu l’énoncé (ii), il est légitime de définir l’ordre d’un élément de C(Ω)×
comme étant l’ordre de son diviseur.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
123 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
Avant de commencer la démonstration, voici quelques conséquences.
Corollaire. Soit Ω un réseau de C.
(i) Toute fonction elliptique analytique est constante.
(ii) Soient f , g ∈ C(Ω)× . Alors div(f ) = div(g) si et seulement si g
est un multiple constant de f .
(iii) Il n’existe pas de fonction elliptique d’ordre un.
Démonstration du corollaire.
(i) Une fonction analytique f n’a pas de pôle. Son diviseur étant de
degré zéro, elle n’a pas de zéro non plus. Il s’ensuit que div(f ) = 0 puis que
f est constante. (On pourrait également appliquer directement le théorème
de Liouville.)
(ii) C’est clair car div(f /g) = div(f ) − div(g).
(iii) Une fonction elliptique d’ordre un aurait un unique pôle d’ordre
un, dont le résidu serait forcément non-nul. Contradiction avec le (iii) du
théorème.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
124 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
Commençons la démonstration du théorème.
Fixons une base (ω1 , ω2 ) de Ω avec =(ω2 /ω1 ) > 0. Si α ∈ C, on note
Πα le parallélogramme {α+λ1 ω1 +λ2 ω2 | 0 ≤ λ1 , λ2 ≤ 1}. C’est clairement
un compact de C.
(i) Il est clair que si f est constante, alors div(f ) = 0. Réciproquement,
si div(f ) = 0, alors f n’a pas de pôles et, Π0 étant compact, elle est bornée
sur Π0 . Par périodicité f est bornée sur C et le théorème de Liouville entraîne
alors que f est constante.
(ii) On peut choisir α de telle façon que le bord de Πα ne rencontre
aucun zéro ni pôle de f . Alors le degré de f se calcule en divisant par 2πi
l’intégrale de f 0 /f sur le bord de Πα (pris avec l’orientation usuelle).
P
Explicitement, si div(f ) = x ∈C/Ω nx [x ], alors :
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125 / 320
Fonctions elliptiques
2πi
(∗)
X
Z
α+ω1
nx =
α
x ∈C/Ω
Z
Propriétés de base.
f 0 (z)
dz +
f (z)
α+ω2
+
α+ω1 +ω2
Z
α+ω1 +ω2
α+ω1
f 0 (z)
dz +
f (z)
Z
α
α+ω2
f 0 (z)
dz+
f (z)
f 0 (z)
dz,
f (z)
les chemins d’intégration étant les segments droits.
Ici, la périodicité entraîne que
Z α+ω2
Z α+ω1 +ω2 0
Z α+ω1 0
f 0 (z)
f (z)
f (z)
dz = −
dz = −
dz.
f (z)
f (z)
α+ω1 +ω2 f (z)
α+ω2
α
Il s’ensuit que la première et la troisième intégrale du membre de droite de
(∗) se simplifient. On voit de la même
P manière que les deux autres intégrales
se simplifient. On conclut que 2πi x ∈C/Ω nx = 0.
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126 / 320
Fonctions elliptiques
Propriétés de base.
(iii) On utilise le même argument que le (ii) en considérant l’intégrale
de f sur le bord de Πα .
(iv ) Si D = div(f ), on montre que s(D) = 0 applique un argument
0 (z)
semblable à celui donné dans le (ii) à l’intégrale de la fonction z 7→ z ff (z)
sur les bords de Πα . Soit x ∈ C/Ω un zéro ou un pôle de f et soit z(x )
l’unique représentant de x dans l’intérieur de Πα . Alors :
Z α+ω1 0
Z α+ω1 +ω2 0
X
f (z)
f (z)
2πi
nx z(x ) =
z
dz +
z
dz+
f (z)
f (z)
α
α+ω1
x ∈C/Ω
(∗∗)
Z α
Z α+ω2
f 0 (z)
f 0 (z)
dz +
z
dz.
+
z
α+ω2 f (z)
α+ω1 +ω2 f (z)
En faisant le changement de variable z = z + ω2 dans la troisième
intégrale, on trouve :
John Boxall (LMNO)
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127 / 320
Fonctions elliptiques
Z
α+ω1
α
f 0 (z)
z
dz +
f (z)
Propriétés de base.
f 0 (z)
dz = −ω2
z
α+ω1 +ω2 f (z)
Z
α+ω2
Z
α+ω1
α
f 0 (z)
dz.
f (z)
Ici, la fonction f n’a ni zéro ni pôle sur un domaine contenant le
segment droit joignant α à α + ω2 : la fonction f 0 /f a donc une primitive
log(f ) sur ce domaine qui vérifie e log(f (z)) = f (z).
Puisque f est périodique, on voit que log(f (α + ω)) − log(f (α)) est un
R α+ω
R α+ω
0 (z)
0 (z)
dz + α+ω12+ω2 z ff (z)
dz
multiple entier de 2πi. Par conséquent, α 1 z ff (z)
est un multiple entier de 2πiω2 .
De la même manière, la somme des deux autres intégrales dans la
formule (∗∗) est un multiple entier de 2πiω1 .
P
En divisant par 2πi, on conclut que x ∈C/Ω nx z(x ) est de la forme
mω2 + nω1 avec (m, n) ∈ Z2 , soit un élément de Ω.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
128 / 320
Fonctions elliptiques
Constructions de fonctions elliptiques.
Constructions de fonctions elliptiques.
Il reste à démontrer que si s(D) = 0, alors il existe f ∈ C(Ω)× avec
div(f ) = D.
Il s’agit là d’une question de construction de fonctions elliptiques ;
pour l’instant, nous n’avons même pas démontré l’existence d’une fonction
elliptique non constante !
Grosso modo, il existe trois grandes théories de fonctions elliptiques.
Nous allons les passer en revue avant de terminer la démonstration du
théorème.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
129 / 320
Fonctions elliptiques
Constructions de fonctions elliptiques.
La théorie de Weierstrass construit les fonctions elliptiques directement,
en partant du principe
que si φ est une fonction méromorphe judicieusement
P
choisie, la série ω∈Ω φ(z − ω) converge uniformément sur tout compact
ne contenant pas ses pôles ; sa somme sera alors un élément de C(Ω).
Cette théorie a l’avantage de mettre en évidence presque dès le début
le lien avec les courbes elliptiques dont les points sont paramétrées par les
fonctions de Weierstrass.
La théorie de Jacobi est basée sur les fonctions thêta, qui sont des fonctions holomorphes qui, à défaut d’être périodiques, sont « quasi-périodiques »,
dans le sens qu’elles vérifient des relations de la forme θ(z+ω) = e φ(z,ω) θ(z),
où φ est une fonction holomorphe qui ne s’annule pas sur C.
Les fonctions thêta servent aussi à paramétrer des familles de courbes
elliptiques. Elles sont également étroitement liées à l’AGM.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
130 / 320
Fonctions elliptiques
Constructions de fonctions elliptiques.
La théorie de Legendre est celle qui est la plus proche des intégrales
elliptiques et donc de l’AGM. Mais c’est aussi celle qui utilise les notations
les plus inextricables (au moins à mes yeux). Une partie du problème serait
que la théorie a été développée avant que les notions d’action d’un groupe
sur un ensemble ne soit bien dégagée, ce qui empêchait à l’époque un traitement aussi naturel que ceux disponibles aujourd’hui des transformations
des intégrales elliptiques.
Enfin, une pléthore de fonctions elliptiques particulières ont été introduites en connexion avec différents problèmes spéciaux.
Il existe des livres longs de plusieurs centaines de pages parfois consacrés essentiellement à des formules liant les fonctions intervenant dans les
différentes théories. En tout cas, une bonne maîtrise des propriétés de base
des fonctions elliptiques et une connaissance d’un petit nombre de définitions, de constructions et de formules constitueront un acquis suffisant pour
la suite.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
131 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
On note encore Ω un réseau dans C.
Lemme. Soit σ ∈ R.
P
(i) La série ω∈Ω, ω6=0
1
|ω|σ
converge si et seulement si σ > 2.
P
1
(ii) Soit ω0 ∈ Ω. La série ω∈Ω, ω6=ω0 |z−ω|
σ converge normalement
sur tout compact de C qui ne rencontre pas Ω − {ω0 }.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
132 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
P
1
On en tire que, lorsque k ≥ 3, la série ω∈Ω (z−ω)
k représente une
fonction fk analytique sur C − Ω. En outre, si ω0 ∈ Ω, on voit que
fk (z) −
1
=
(z − ω0 )k
X
ω∈Ω, ω6=ω0
1
(z − ω)k
est holomorphe sur un voisinage de ω0 , que fk a un pôle d’ordre k en ω0 et
la partie polaire du développement de Laurent de fk est 1/(z − ω0 )k .
On remarque que fk est une fonction paire ou impaire selon la parité
de l’entier k, et que fk0 = −kfk+1 .
En outre, les résidus des pôles de fk sont nuls.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
133 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction ℘ de Weierstrass
La fonction ℘ de Weierstrass
On définit alors la fonction ℘ de Weierstrass par la formule
℘0 (z, Ω) = ℘0 (z) = −2f3 (z) = −2
X
ω∈Ω
1
.
(z − ω)3
Puisque les résidus des pôles de f3 sont nuls, cette formule permet de définir
la fonction ℘ à une constante près.
En outre, les seuls pôles de ℘ sont les éléments de Ω, qui sont des pôles
d’ordre deux ; leurs résidus sont encore nuls.
La partie polaire du pôle de ℘ en 0 est 1/z 2 . En imposant alors la condition supplémentaire limz→0 ℘(z) − z12 = 0, ℘ est définie sans ambiguité.
Il s’agit d’une fonction paire.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
134 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction ℘ de Weierstrass
Lemme.
℘ est une fonction elliptique.
Démonstration. On sait déjà que ℘ est méromorphe. Soit ω ∈ Ω et soit
f la fonction f (z) = ℘(z + ω) − ℘(z). Puisque f3 est une fonction elliptique,
f 0 (z) = 0 pour tout z ∈ C. Par conséquent, f est constante. Enfin, ℘ est
une fonction paire. Soit ω ∈ Ω tel que ω/2 ∈
/ Ω. Alors f (z) = f (−ω/2) =
℘(ω/2) − ℘(−ω/2) = 0.
Puisque fk = (−1)k (k − 2)℘(k−2) /2, nous n’utiliserons plus la notation
fk .
La fonction ℘ est une fonction elliptique d’ordre deux car, d’après ce
qui précède, on a ord0 (℘) = −2 (dans C/Ω). En outre, ℘ est une fonction
paire : son diviseur étant de degré 0, on conclut qu’il existe x ∈ C/Ω tel
que div(℘) = [x ] + [−x ] − 2[0].
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
135 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction ℘ de Weierstrass
Nous utiliserons souvent les résultats des exercices suivant.
Exercice. (i) Soit a ∈ C, a ∈
/ Ω. Montrer que ℘(z) = ℘(a) si et
seulement si soit z − a ∈ Ω soit z + a ∈ Ω. En déduire le diviseur de
℘ − ℘(a) lorsque 2a ∈
/ Ω.
(ii) Soit a ∈ C tel que a ∈
/ Ω mais 2a ∈ Ω. Montrer que la fonction
z 7→ ℘(z − a) est paire. En déduire que son diviseur est 2[x ] − 2[0], x étant
la classe de a suivant Ω.
(iii) Soit (ω1 , ω2 ) une base de Ω et soient x1 , x2 , x3 les classes de ω1 /2,
ω2 /2 et de (ω1 + ω2 )/2 dans C/Ω. Montrer que div(℘0 ) = [x1 ] + [x2 ] +
[x3 ] − 3[0].
(iv ) Déduire des questions (ii) et (iii) que
℘0 (z)2 = 4(℘(z) − e1 )(℘(z) − e2 )(℘(z) − e3 ),
où ei = ℘(ωi /2) (i ∈ {1, 2, 3}) et ω3 = ω1 + ω2 .
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
136 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction ℘ de Weierstrass
Exercice. Soit k ≥ 2 un entier. On note L(k[0]) le C-espace vectoriel
des fonctions de C(Ω) holomorphes en dehors de Ω et ayant un pôle d’ordre
au plus k aux éléments de Ω. Montrer que (1, ℘, ℘0 , ℘00 , . . . ℘(k−2) ) est une
base de L(k[0]) (et donc que dimC (L(k[0])) = k.) [Étudier les parties
polaires des développements de Laurent en 0.]
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
137 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La structure du corps C(Ω)
La structure du corps C(Ω)
Soit encore Ω ⊆ C un réseau. Rappelons que C(Ω) désigne le corps
des fonctions elliptiques dont le groupe de périodes contient Ω.
Théorème.
Toute fonction elliptique s’écrit de façon unique sous la forme z 7→
f (℘(z)) + ℘0 (z)g(℘(z)), où f et g sont des fonctions rationnelles.
Démonstration. Puisque ℘ est paire et ℘0 impaire, il suffit de montrer
que toute fonction elliptique paire est une fonction rationnelle de ℘. Soit
donc f ∈ C(Ω) une fonction paire. Si x ∈ C/Ω appartient au support de
div(f ), il en est le même pour −x , et les multiplicités de x et de −x sont
les mêmes.
On a x = −x ssi 2x = 0 et, mise à part x = 0, cette équation a 3
solutions dans Ω. Il s’agit des classes suivant Ω de ω1 /2, de ω2 /2 et de
(ω1 + ω2 )/2, (ω1 , ω2 ) étant une base de Ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
138 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La structure du corps C(Ω)
Désignons ω1 + ω2 par ω3 afin d’alléger la notation, puis notons x1 , x2
et x3 les classes correspondantes.
Le diviseur de f est alors de la forme
n0 [0] + n1 [x1 ] + n2 [x2 ] + n3 [x3 ] +
X
nx ([x ] + [−x ]),
x ∈S
où x parcourt un ensemble fini d’éléments de l’ensemble S = C/Ω −
{0, x1 , x2 , x3 } modulo la relation d’équivalence x ∼ y ssi x = ±y .
Puisque f est paire, le développement de Laurent de f en 0 ne contient
que des puissances paires de z. Par conséquent, n0 est pair. Le fait que f est
paire et périodique entraîne que les fonctions z 7→ f (z −ωi /2) (i ∈ {1, 2, 3})
sont également paires, puis que n1 , n2 et n3 sont pairs.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
139 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
n3 +
La structure du corps C(Ω)
En
P utilisant l’exercice de la fiche 136 et le fait que n0 = −(n1 + n2 +
x ∈S 2nx ), on constate que la fonction
n1
n2
n3
z 7→ (℘(z) − e1 ) 2 (℘(z) − e2 ) 2 (℘(z) − e3 ) 2
Y
(℘(z) − ℘(ax ))nx ,
x ∈S
où ax désigne un représentant de x et ei = ℘(ωi /2), a le même diviseur que
f.
On en tire que f est un multiple constant de cette fonction, qui est
bien une fonction rationnelle de ℘.
La démonstration de l’unicité de f et de g est laissée en exercice.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
140 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction ζ de Weierstrass
La fonction ζ de Weierstrass
(à ne pas confondre avec la fonction dzêta de Riemann. . .)
La fonction ℘ n’a que des pôles d’ordre deux aux points du réseau Ω.
En outre, les résidus de ces pôles sont nuls. Par conséquent, ℘ possède une
primitive sur C − Ω, uniquement déterminée à une constante additive près.
La fonction dzêta de Weierstrass est l’unique fonction ζ vérifiant
ζ 0 (z) = −℘(z),
1
= 0.
lim ζ(z) −
z→0
z
Cette fonction a un pôle simple avec résidu 1 en tout point de Ω, et
elle est holomorphe ailleurs. Elle est impaire.
Il s’ensuit que ζ n’est pas une fonction elliptique. En effet, si elle était
elliptique, la discussion qui précède montre qu’elle serait d’ordre un, alors
qu’il n’existe pas de fonctions elliptiques d’ordre un d’après le corollaire de
la fiche 124.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
141 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction ζ de Weierstrass
Proposition.
Soit Ω ⊆ C un réseau et soit ζ la fonction dzêta associée.
(i) Si ω ∈ Ω, il existe η(ω) ∈ C tel que ζ(z + ω) = ζ(z) + η(ω) pour
tout z ∈ C.
(ii) On a η(ω + ω 0 ) = η(ω) + η(ω 0 ) pour tout ω, ω 0 ∈ Ω.
Démonstration. (i) Puisque ζ 0 = −℘, la fonction z 7→ ζ(z + ω) − ζ(z)
est à dérivée nulle. Elle est donc constante.
(ii) D’une part, on a
ζ(z + ω + ω 0 ) = ζ(z) + η(ω + ω 0 )
et de l’autre part on a
ζ(z + ω + ω 0 ) = ζ(z + ω) + η(ω 0 ) = ζ(z) + η(ω) + η(ω 0 ).
On montre l’égalité cherchée en comparant ces deux formules.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
142 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction ζ de Weierstrass
Exercice. (i) Soient a, b ∈ C. Montrer que z 7→ ζ(z − a) − ζ(z − b)
est une fonction elliptique.
(ii) Montrer plus généralement que si n ≥ 1 est un entier, et si
(a1 , a2 , . . . , an ) ∈ Cn et (λ1 , λ2 , . . . , λn ) ∈ Cn , alors
z 7→ λ1 ζ(z − a1 ) + λ2 ζ(z − a2 ) + · · · + λn ζ(z − an )
P
est une fonction elliptique si et seulement si nk=1 λk = 0.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
143 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La relation de Legendre
La relation de Legendre
Théorème.
Soit Ω ⊆ C un réseau et soit (ω1 , ω2 ) une base de Ω telle que
=(ω2 /ω1 ) > 0. On pose η1 = η(ω1 ), η2 = η(ω2 ), où η est comme dans la
proposition de la fiche 142. Alors
η1 ω2 − η2 ω1 = 2πi.
R
Démonstration. Posons α = −(ω1 + ω2 )/2 et considérons γ ζ(z)dz,
où γ parcourt le bord du parallèlogramme Πα avec l’orientation usuelle (voir
la démonstration du théorème de la fiche 123).
La fonction est ζ est holomorphe sur γ et a un unique pôle en z = 0 à
l’intérieur du lacet. Il s’agit d’un pôle simple, de résidu 1.
R
Par conséquent, γ ζ(z) dz = 2πi.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
144 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
D’autre part,
Z α+ω1
Z
La relation de Legendre
α+ω2
ζ(z) dz = −η2 ω1 ,
ζ(z) dz +
α
α+ω1 +ω2
comme on voit en substituant z = w + ω2 dans le deuxième intégrale et en
appliquant la relation ζ(w + ω2 ) = ζ(w ) + η2 .
De la même manière, on trouve que
Z α+ω1 +ω2
Z α
ζ(z) dz +
α+ω1
Au total, donc,
ζ(z) dz = η1 ω2 ,
α+ω2
R
γ
ζ(z) dz = η1 ω2 − η2 ω1 et le résultat en découle.
Remarque. La relation de Legendre appliquée avec le réseau de base
(1, i) est, en fait, la clé de la démonstration du théorème de Brent-Salamin
(voir à partir de la fiche 222).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
145 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
P
Rappelons que le diviseur D =
est dit positif si nx ≥ 0
x nx [x ]P
quelque soit x . Le degré de D est alors l’entier x nx .
Si f est une fonction elliptique, son diviseur de pôles est le diviseur
X
div(f )∞ = −
ordx (f )[x ],
pôles de f
la somme parcourant l’ensemble des pôles de f dans C/Λ. C’est un diviseur
positif.
P On définit de la même manière le diviseur de zéros de f par div(f )0 =
zéros de f ordx (f )[x ], de sorte que div(f ) = div(f )0 − div(f )∞ .
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
146 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
Proposition. Soit D un diviseur positif de Div(C/Ω). Si D est de degré
au moins deux, il existe une fonction elliptique dont le diviseur de pôles est
D.
La démonstration permet d’exprimer une telle fonction en termes des
fonctions ζ et ℘ et ces dérivées, comme nous allons voir.
P
On écrit D = x nx [x ].
(i) Supposons d’abord que nx ≥ 2 pour
x . Soit ax ∈ C un
P tout
(n
−2)
x
représentant de x . Alors la fonction z →
7
(z − ax ) a D pour
x℘
diviseur de pôles.
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
(ii) Supposons qu’il existe x tel que nx = 1. Puisque D est supposé
de degré au moins deux, supp(D) contient au moins deux éléments. Soit
S un sous ensemble de supp(D) de cardinal au moins deux et contenant
tous x de multiplicité un. Soit T le sous ensemble de supp(D) des points
de multiplicité au moins P
deux. On choisit une famille de nombres complexes
{λx | x ∈ S} telle que x ∈S λx = 0. Enfin, pour tout x ∈ supp(D), on
choisit un représentant ax ∈ C de x .
Alors la fonction
X
X
z 7→
λx ζ(z − ax ) +
℘(nx −2) (z − ax )
x ∈S
x ∈T
est une fonction elliptique de diviseur de pôles D, comme on le voit en
appliquant le (ii) de l’exercice de la fiche 143.
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
Soit encore D ∈ Div(C/Ω) un diviseur positif. On note L(D) le Cespace vectoriel des fonctions elliptiques dont le diviseur des pôles div(f )∞
est majoré par D, c’est-à-dire celles telles que D − div(f )∞ est un diviseur
positif.
Par exemple, l’exercice de la fiche 137 montre que si D = k[0], k ≥ 2,
alors L(D) est de dimension k.
Exercice. Vérifier que L(D) est bien un espace vectoriel.
Exercice. Montrer que si D = 0 ou si D = [x ], alors L(D) est égal à
l’espace des fonctions constantes.
Exercice. On suppose D = k[x ], avec k ≥ 2. Décrire une base de L(D)
et donner sa dimension.
Ces exercices sont des cas particuliers du résultat suivant.
John Boxall (LMNO)
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149 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
Théorème. Soit D un diviseur positif.
(i) Si deg(D) = 0 ou 1, alors L(D) est l’espace des fonctions constantes.
(ii) On suppose deg(D) ≥ 2. Alors L(D) est de dimension deg(D).
Une base de L(D) est donnée par les fonctions
1, ℘(z − ax ), ℘0 (z − ax ), · · · , ℘(n−2) (z − ax ),
lorsque D = n[x ] (n = deg(D)) et par les fonctions
1, ζ(z − ax2 ) − ζ(z − ax1 ), · · · , ζ(z − axs ) − ζ(z − ax1 ),
ainsi que les fonctions
℘(k) (z − ax ),
x ∈ supp(D) tel que nx ≥ 2 et 0 ≤ k ≤ nx − 2
lorsque #(supp(D)) = s ≥ 2. Ici ax désigne un choix de représentant dans
C de x ∈ supp(D).
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
Démonstration. Le (i) fait partie des exercices de la fiche 149. Pareil pour le cas D = n[x ] de (ii). En général, on montre qu’une fonction
f ∈ L(D) appartient à l’espace engendré par les fonctions indiquées par
récurrence sur le degré de D, l’inclusion réciproque étant claire.
Lorsque deg(D) = 2, on a soit D = 2[x ] soit D = [x ] + [y ], avec x 6= y .
Le premier cas est déjà fait.
En ce qui concerne le deuxième, on remarque que si λ désigne le résidu
en ax d’une fonction f ∈ L(D), alors le résidu de f en ay est −λ (car la
somme des résidus est nulle). Par conséquent, la fonction
z 7→ f (z) − λ(ζ(z − ax ) − ζ(z − ay ))
est constante. Donc f appartient à l’espace engendré par 1 et par ζ(z −
ax ) − ζ(z − ay ).
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
En général, si deg(D) > 2, deux cas se présentent.
(a) Si nx = 1 pour tout x ∈ supp(D), on raisonne de la même manière
que lorsque D = [x ]+[y ]. Si x 6= y ∈ supp(D) et si λ est le résidu de f en ax ,
alors la fonction z 7→ f (z)−λ(ζ(z −axs )−ζ(z −ax1 )) a ses pôles concentrés
dans D −{xs }. Par l’hypothèse de récurrence, elle appartient donc à l’espace
engendré par 1 et par ζ(z − axt ) − ζ(z − ax1 ) avec 2 ≤ t ≤ s − 1.
(b) S’il existe x ∈ supp(D) avec nx ≥ 2, et si f ∈ L(D) a un pôle
d’ordre au plus nx en x , alors il existe λ ∈ C tel que
f (z) =
1
λ
+
O
,
(z − ax )nx
(z − ax )nx −1
z → ax .
Alors f (z) − (−1)nx λ(nx − 1)!℘(nx −2) (z − ax ) appartient à L(D − [x ]) et
deg(D − [x ]) = deg(D) − 1. On peut donc à nouveau appliquer l’hypothèse
de récurrence.
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152 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions elliptiques à diviseur de pôles donné
Enfin, le fait que les familles de fonctions génératrices forment des
familles libres se voit en comparant les parties polaires en les différents
pôles dans une relation de dépendance linéaire éventuelle.
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
. . . Et pourtant nous n’avons toujours pas terminé la démonstration de
la partie (iv ) du théorème de la fiche 123 !
Il est facile de déterminer le diviseur des pôles des fonctions elliptiques
que nous venons de construire ; par contre, cette construction donne peu
d’information concernant leurs zéros.
Dans un monde idyllique, il existerait une fonction elliptique ayant juste
un zéro simple au points de Ω et sans pôle ni zéro ailleurs. S’il existait une
telle P
fonction σ, on pourrait construire une fonction elliptique de diviseur
D = x nx [x ] par la formule
Y
σ(z − ax )nx
(∗)
x ∈supp(D)
par analogie avec la construction d’une fonction rationnelle ayant des zéros
et pôles donnés.
John Boxall (LMNO)
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154 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
Malheureusement, une telle fonction n’existe pas (pourquoi pas ?).
Toutefois Weierstrass a montré comment construire une fonction holomorphe σ quasi-périodique (c’est-à dire vérifiant une relation σ(z + ω) =
γ(ω, z)σ(z) pour tout z ∈ C et ω ∈ Ω, le facteur γ étant holomorphe et ne
s’annulant pas sur C).
La fonction (∗) ne sera donc pas en général une fonction elliptique,
mais nous verrons qu’il sera possible de choisir les ax pour que cela soit le
cas lorsque s(D) = 0, comme prévu par la partie (iv ) du théorème de la
fiche 123.
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
Théorème.
(i) Il existe une unique fonction σ holomorphe sur C et vérifiant
σ 0 (z)
= ζ(z),
σ(z)
σ(z) = z + O(z 2 ), z → 0.
Elle a un zéro simple en tout point de Ω. On a σ(z) 6= 0 lorsque z ∈
/ Ω.
(ii) La fonction σ est impaire.
(iii) Elle vérifie l’équation fonctionnelle
ω
σ(z + ω) = (ω)e η(ω)(z + 2 ) σ(z),
z ∈ C, ω ∈ Ω,
où η(ω) est définie dans la proposition de la fiche 142 et (ω) = 1 ou −1
selon que ω/2 ∈ Ω ou non.
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
Exercice. Compléter la démonstration de la partie (iv ) du théorème
de la fiche 123 en vérifiant que, lorsque
P s(D) = 0, on peut choisir les
représentants ax de telle manière que x nx ax = 0, puis que si c’est le cas,
la fonction (∗) de la fiche 154 est bien une fonction elliptique.
Démonstration du théorème.
(i) L’existence de σ est un cas particulier d’une construction standarde
de la théorie des fonctions méromorphes, dont nous rappelons le principe.
Le point est que tous les pôles de ζ sont simples et les résidus sont des
entiers. Si on fixe un point z0 ∈ C où ζ n’a pas de pôle, l’intégrale
Z z
ζ(w ) dw ,
z un point de holomorphie de ζ,
z0
dépend du choix de chemin d’intégration joignant z0 à z.
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
Toutefois, puisque tous les résidus de ζ sont des entiers, la valeur de
l’intégrale est unique à un multiple entier de 2πi près. Par conséquent,
l’exponentielle
Rz
ζ(w ) dw
σ0 (z) = e z0
est bien définie, et holomorphe aux points de holomorphie de ζ. En outre,
on a σ00 (z) = ζ(z)σ0 (z).
n
Si ζ a un pôle simple de résidu n ∈ Z en ω, et si limz→ω ζ(z) − z−ω
=
γ, alors on voit que limz→ω σ0 (z)/(z − ω)n = e γ 6= 0. Par conséquent, σ0
se prolonge en une fonction méromorphe en ω, et ordω (σ0 ) = n.
Dans le cas où ζ est la fonction de Weierstrass, on a toujours n = 1,
et σ0 est holomorphe sur C avec des zéros simples aux points de Ω.
En particulier, il existe une constante C 6= 0 telle que σ0 (z) = Cz +
lorsque z → 0. On voit alors que la fonction σ(z) = σ0 (z)/C possède
les propriétés requises.
O(z 2 )
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le 2 avril 2008
158 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
Afin de vérifier l’unicité de σ, on rappelle que la dérivée logarithmique
0 (z)
dlog(f ) de la fonction méromorphe f 6= 0 est définie par dlog(f )(z) = ff (z)
lorsque f (z) 6= 0. Les propriétés de base sont :
(a) On a dlog(fg) = dlog(f ) + dlog(g) lorsque f 6= 0 et g 6= 0 sont
méromorphes sur le même domaine. De même dlog(1/f ) = − dlog(f ).
(b) On suppose que f soit méromorphe sur un ouvert connexe de C.
Alors dlog(f ) = 0 si et seulement si f est constante.
Nous venons de construire une fonction σ telle que dlog(σ) = ζ.
Si τ est une seconde fonction holomorphe vérifiant
τ 0 (z)
τ (z)
= ζ(z) et
O(z 2 )
τ (z) = z +
lorsque z → 0, alors dlog(σ) − dlog(τ ) = 0 et donc
dlog(σ/τ ) = 0. Par conséquent, σ/τ est constante et la condition τ (z) =
z + O(z 2 ) implique que τ = σ.
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
(ii) D’après le principe de prolongement analytique, il suffit de montrer
que σ(−z) = −σ(z) lorsque z appartient à un disque D centré à l’origine.
On prend D suffisamment petit pour que la fonction φ(z) = ζ(z) − z1
se prolonge en une fonction holomorphe sur D. Alors φ restreinte à D est
impaire. Par conséquent, les fonctions
Z z
Rz
z 7→
φ(w ) dw et F (z) = e 0 φ(w ) dw
0
sont paires. Mais, il existe une constante C1 6= 0 telle que C1 σ(z) = zF (z)
pour tout z ∈ D. Par conséquent, σ est impaire sur D, donc partout.
John Boxall (LMNO)
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
(iii) Nous allons utiliser à nouveau la dérivée logarithmique.
Soit ω ∈ Ω et soit f la fonction
f (z) =
σ(z + ω)
.
σ(z)e η(ω)z
Alors dlog(f )(z) = ζ(z + ω) − ζ(z) − η(ω) = 0. On en tire que f est une
constante, dont on note K (ω) la valeur.
On a donc
σ(z + ω) = K (ω)σ(z)e η(ω)z
pour tout z ∈ C, ω ∈ Ω.
John Boxall (LMNO)
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
En particulier, en posant z = −ω/2, on trouve, σ étant impaire :
−σ −
ω
ω
ω
ω η(ω)(− ω )
2 .
=σ
= σ − + ω = K (ω)σ −
e
2
2
2
2
/ Ω, on sait d’après le (i) que σ − ω2 =
Lorsque ω2 ∈
6 0. On en tire que,
η(ω)ω/2
dans ce cas, K (ω) = −e
comme prévu.
Lorsque ω2 ∈ Ω, il existe un entier r ≥ 1 ainsi que ω 0 ∈ Ω tels que
0
ω = 2r ω 0 et ω2 ∈
/ Ω. Alors :
σ(z + ω) = σ(z)
= σ(z)
r −1
2Y
σ((z + kω 0 ) + ω 0 )
σ(z + kω 0 )
k=0
r −1
2Y
0
0
− e η(ω ) (z + kω ) +
ω0
2
.
k=0
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le 2 avril 2008
162 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
Puisqu’il y a un nombre pair de termes dans le produit, on voit que
0
σ(z + ω) = σ(z)e η(ω )S ,
où
S=
r −1
2X
k=0
(z + kω 0 ) +
ω0 2r (2r − 1) 0
ω0
= 2r z +
ω + 2r
2
2
2
= 2r z + 2r −1 (2r ω 0 ).
Enfin, puisque ω = 2r ω 0 , on a η(ω) = 2r η(ω 0 ) : on en tire aussitôt que
η(ω 0 )S = η(ω)(z + ω2 ) comme prévu.
Exercice. Soit n ≥ 1 un entier. Montrer que z 7→
σ(nz)
est une
σ(z)n2
fonction elliptique. Quel est son ordre ?
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
163 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
Exercice (facultatif).
Dans la plupart des cours sur les fonctions elliptiques de Weierstrass,
les fonctions ℘, ζ et σ sont définies par les formules
X
1
1 1
+
+
,
z2
(z − ω)2 ω 2
ω6=0
1 X 1
1
z ζ(z) = +
+ + 2 , et
z
z −ω ω ω
℘(z) =
ω6=0
σ(z) = z
Y
ω6=0
z z +
1−
eω
ω
z2
2ω 2 ,
où les sommes et le produit parcourent les éléments non-nuls ω du réseau
Ω.
Démontrer que ces définitions sont équivalentes à celles connées précédemment.
John Boxall (LMNO)
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Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La fonction σ de Weierstrass
(Cela nécessite un peu de soin. Après l’étude des questions de convergence, il faut montrer que la fonction
notée ℘ dans l’exercice vérifie ℘0 (z) =
P
−2 ω∈Ω (z − ω)−3 ) et limz→0 ℘(z) − z12 = 0. Cela suffit pour la caractériser comme étant égale à notre ℘. Ensuite, il faut effectuer des études
semblabes de ζ et de σ.)
Remarque. Bien que explicites, ses formules sont inutiles pour les calculs
car leur convergence est beaucoup trop lente.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
165 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions quasi-périodiques
Fonctions quasi-périodiques
Nous avons déjà fait allusion à la notion de fonction quasi-périodique.
Il s’agit d’une fonction f , méromomorphe sur C, qui vérifie une relation
fonctionnelle de la forme
f (z + ω) = f (z)φ(ω, z),
z ∈ C, ω ∈ Ω,
les fonctions φ(ω, z) étant holomorphe et ne s’annulant pas sur C. Elles
s’appellent les facteurs d’automorphie de f .
En général, le facteur d’automorphie φ(ω, z) dépend de l’élément ω de
Ω.
Exercice. Soient ω, ω 0 ∈ Ω et soit f quasi-périodique par rapport
à Ω avec facteur d’automorphie φ(ω, z). Montrer que φ(ω + ω 0 , z) =
φ(ω, z)φ(ω 0 , z + ω) = φ(ω 0 , z)φ(ω, z + ω 0 ). En déduire que les facteurs
φ(ω, z) sont déterminées par les facteurs φ(ω1 , z), φ(ω2 , z) où (ω1 , ω2 ) est
une base de Ω.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
166 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions quasi-périodiques
Il y a trois méthodes (au moins) de construire des fonctions elliptiques
à partir de fonctions quasi-périodiques.
La première est de remarquer que, si f et g sont deux fonctions quasipériodoques avec le même facteur d’automorphie, alors f /g est une fonction
elliptique.
Q
La deuxième est de considérer le produit F (z) = ki=1 f (z − ai )ni , où
(a1 , a2 , . . . , ak ) ∈ Ck et (n1 , n2 , . . . , nk ) ∈ Zk , f étant une fonction quasipériodique donnée. Sous certaines conditions, lorsqu’on calcule F (z + ω), le
produit des facteurs d’automorphie se simplifie, et on trouve que F (z +ω) =
F (z). C’est le cas lorsque f est la fonction σ (voir l’exercice de la fiche 157).
Le dernière est de considérer des dérivées convenables de la dérivée
logarithmique d’une fonction quasi-périodique f . On a alors dlog(f )(z+ω) =
dlog(f )(z) + dlog(φ(ω, z)). Si dlog(φ(ω, z)) est un polynôme de degré d,
alors sa d + 1-ième dérivée est nulle, et donc dlog(f )(d+1) est périodique.
0
À nouveau, ça marche lorsque f = σ, et ( σσ )0 = −℘ est périodique.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
167 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Fonctions quasi-périodiques
Soit f 6= 0 une fonction quasi-périodique, avec facteurs d’automorphie
φ(ω, z). Puisque les fonctions φ ne s’annulent pas, la relation f (z + ω) =
f (z)φ(ω, z) implique que orda (f (z + ω)) = orda (f (z)) quelque soit a ∈ C.
En outre, f ne peut posséder qu’un nombre fini de zéros et de pôles
dans un parallélogramme Πα = {α + λ1 ω1 + λ2 ω2 | 0 ≤ λ1 , λ2 ≤ 1}.
Par conséquent, on peut associer à f son diviseur
X
div(f ) =
ordax (f )[x ],
x ∈C/Ω
ax étant un représentant de x dans C.
Il est clair que les fonctions quasi-périodiques non-nulles (par rapport
au même réseau) forment un groupe multiplicatif. L’application f 7→ div(f )
est alors un homomorphisme de groupe.
Exemple. La fonction σ est quasi-périodique. On sait qu’elle a un zéro
simple aux points de Ω, et ne s’annule pas ailleurs. Par conséquent, div(σ) =
[0].
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
168 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition
Formules d’addition
Théorème.
Pour tout z, w ∈ C avec z ∈
/ Ω, w ∈
/ Ω, on a
σ(z − w )σ(z + w )
= − ℘(z) − ℘(w ) .
2
2
σ(z) σ(w )
Démonstration. Les conditions z, w ∈
/ Ω garantissent que les deux
membres de l’équation sont bien définis. On considère le fonction
f (z) =
σ(z − w )σ(z + w )
,
σ(z)2 σ(w )2
avec w constant. Il s’agit d’une fonction elliptique (c’est un cas particulier
de l’exercice de la fiche 157.)
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
169 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition
Rappelons que div(σ) = [0]. On en tire que div(σ(z − w )) = [w ]. Par
conséquent, div(f ) = [w ] + [−w ] − 2[0].
D’autre part, ℘ est une fonction elliptique d’ordre deux. La fonction
z 7→ ℘(z) − ℘(w ) est donc également d’ordre deux. Elle s’annule en w et
en −w . Supposons d’abord que 2w ∈
/ Ω. Alors w et −w ont des images
distinctes dans C/Ω, et on a div(℘(z) − ℘(w )) = [w ] + [−w ] − 2[0].
Par conséquent, f et z 7→ ℘(z) − ℘(w ) sont deux fonctions elliptiques
avec le même diviseur, et leur quotient est une fonction elliptique sans zéros
ni pôles. Or, on sait qu’une telle fonction elliptique est constante.
Par conséquent, il existe C telle que
σ(z − w )σ(z + w )
=
C
℘(z)
−
℘(w
)
.
σ(z)2 σ(w )2
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
170 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition
On établit que C = −1 en comparant les termes principaux des développements de Laurent au voisinage de 0.
D’une part, on a
℘(z) − ℘(w ) =
1
1
+O
2
z
z
et de l’autre part, on a σ(z − w ) = σ(−w ) + O(z) = −σ(w ) + O(z) et
σ(z + w ) = σ(w ) + O(z), d’où σ(z − w )σ(z + w ) = −σ(w )2 + O(z).
Puisque σ(z)2 = z 2 + O(z 3 ), on conclut que
1
1
σ(z − w )σ(z + w )
=− 2 +O
,
2
2
z
σ(z) σ(w )
z
d’où C = −1.
L’argument qui précède suppose que 2w ∈
/ Ω. On déduit que théorème
reste vrai lorsque 2w ∈ Ω par un argument de continuité.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
171 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition
Corollaire.
Pour tout z, w ∈ C tels que z ∈
/ Ω, w ∈
/ Ω, z ± w ∈
/ Ω, on a :
℘0 (z)
,
℘(z) − ℘(w )
℘0 (w )
ζ(z + w ) − ζ(z − w ) − 2ζ(w ) = −
, et
℘(z) − ℘(w )
1 ℘0 (z) − ℘0 (w )
ζ(z + w ) = ζ(z) + ζ(w ) +
.
2 ℘(z) − ℘(w )
ζ(z + w ) + ζ(z − w ) − 2ζ(z) =
Démonstration. La première formule se démontre en appliquant la dérivée logarithmique à la formule du théorème. La deuxième s’en déduit en
interchangeant z et w et en rappelant que ζ est une fonction impaire. Enfin,
la troisième s’obtient en prenant la somme des deux premières.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
172 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition
Si l’on dérive encore la dernière de ces formules, on obtient des relations
exprimant ℘(z + w ) en forme de fonction rationnelle en ℘(z) et ℘(w ) ainsi
que ses dérivées :
℘(z + w ) = ℘(z) −
℘00 (z)
1 ℘0 (z)(℘0 (z) − ℘(w ))
1
+
2 ℘(z) − ℘(w ) 2 (℘(z) − ℘(w ))2
d’où, en interchangeant z et w :
℘(z + w ) = ℘(w ) +
1
℘00 (w )
1 ℘0 (w )(℘0 (w ) − ℘0 (z))
+
.
2 ℘(z) − ℘(w ) 2 (℘(z) − ℘(w ))2
En prenant la somme des deux équations, on obtient une relation symétrique
en z et w :
1 ℘00 (z) − ℘00 (w ) 1 ℘0 (z) − ℘0 (w ) 2
1
℘(z + w ) = ℘(z) + ℘(w ) −
+
.
2
4 ℘(z) − ℘(w )
4 ℘(z) − ℘(w )
Cette équation est une première forme de la formule d’addition pour la
fonction ℘. Afin de la remettre dans sa forme habituelle, nous avons besoin
de l’équation différentielle de ℘.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
173 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
L’équation différentielle de ℘.
L’équation différentielle de ℘.
D’après l’exercice de la fiche 136, on sait que ℘0 (z)2 = 4(℘(z) −
e1 )(℘(z)−e2 )(℘(z)−e3 ) où, si (ω1 , ω2 ) est une base de Ω et si ω3 = ω1 +ω2 ,
ei désigne ℘(ωi /2). En particulier, ℘02 est un polynôme de degré trois en ℘.
Nous allons maintenant démontrer par une autre méthode, que ℘02 est
un polynôme de degré trois en ℘, et obtenir ainsi une seconde formule pour
ce polynôme.
Pour cela, on pose, k ≥ 3 étant un entier :
Gk (Ω) = Gk =
X
ω∈Ω, ω6=0
1
.
ωk
(En fait, la définition n’est intéressante que lorsque k est pair, car
Gk = 0 lorsque k est impair.) Gk s’appelle alors la série d’Eisenstein de
poids k.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
174 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
L’équation différentielle de ℘.
On a coutume de poser
g2 = g2 (Ω) = 60G4 (Ω),
g3 = g3 (Ω) = 140G6 (Ω).
Théorème. Avec ces notations, on a
℘0 (z)2 = 4℘(z)3 − g2 ℘(z) − g3 .
Corollaire. On a 4(℘(z)−e1 )(℘(z)−e2 )(℘(z)−e3 ) = 4℘(z)3 −g2 ℘(z)−
g3 .
La démonstration du théorème consiste en une étude du développement
de Laurent de la fonction z 7→ ℘0 (z)2 − 4℘(z)3 + g2 ℘(z) + g3 en z = 0.
En effet, les seuls pôles possibles de cette fonction sont les points de Ω. Il
suffit donc de montrer qu’elle tend vers 0 lorsque z → 0 : elle sera alors
une fonction elliptique sans pôles et donc constante, et enfin identiquement
nulle.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
175 / 320
L’équation différentielle de ℘.
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Rappelons que si ω 6= 0, le développement de Taylor en 0 de z 7→
1/(z − ω) est :
∞
1
1 X zk
=−
.
z −ω
ω
ωk
k=0
En dérivant deux fois, on trouve :
∞
2
1 X k(k − 1)z k−2
=−
.
ω
(z − ω)3
ωk
k=2
Par conséquent :
∞
℘0 (z) = −2
X
ω∈Ω
XX 1 2
1
=
−
+
k(k − 1)z k−2 ,
(z − ω)3
z3
ω k+1
k=2
ω6=0
l’inversion des sommes étant possible grâce à la convergence absolue (voir
la fiche 132).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
176 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
L’équation différentielle de ℘.
Au total, donc,
∞
℘0 (z) = −
X
2
+
k(k − 1)Gk+1 (Ω)z k−2 .
z3
k=2
En utilisant la notation g2 et g3 et en tenant compte que Gk = 0
lorsque k est impair, on en tire que
℘0 (z) = −
g2
g3
2
+ z + z 3 + O(z 5 )
3
10
7
z
et donc que
g2
g3
1
+ z 2 + z 4 + O(z 6 )
2
20
28
z
1
℘(z) − z = 0).
℘(z) =
(rappelons que limz→0
Afin de conclure la démonstration, il suffit de substituer ces développements dans l’expression ℘0 (z)2 − 4℘(z)3 + g2 ℘(z) + g3 et de constater
que le résultat est O(z 2 ). Les détails sont omis.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
177 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
L’équation différentielle de ℘.
Corollaire. La fonction ℘ est également solution des équations différentielles
2℘00 (z) = 12℘(z)2 − g2
(∗)
et
℘000 (z) = 12℘(z)℘0 (z).
On obtient la première équation en dérivant ℘0 (z)2 = 4℘(z)3 −g2 ℘(z)−
g3 par rapport à z puis en divisant par ℘0 (z). La deuxième en en dérivant
la première.
L’intérêt de la deuxième équation est qu’elle est indépendante du réseau
Ω.
Mais c’est l’équation (∗) qui servira pour mettre la formule d’addition
de ℘ dans se forme habituelle.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
178 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition (suite)
Formules d’addition (suite)
Théorème (formule d’addition pour la fonction ℘).
Pour tout z, w ∈ C tels que z 6= 0, w 6= 0 et z ± w 6= 0 on a
℘(z + w ) + ℘(z) + ℘(w ) =
1 ℘0 (z) − ℘0 (w ) 2
.
4 ℘(z) − ℘(w )
Démonstration. D’après l’équation (∗) du corollaire de la fiche 178, on
a
− ℘00 (w ) = 6(℘(z)2 − ℘(w )2 ). Le théorème découle donc de la
formule
1 ℘00 (z) − ℘00 (w ) 1 ℘0 (z) − ℘0 (w ) 2
1
℘(z + w ) = ℘(z) + ℘(w ) −
+
.
2
4 ℘(z) − ℘(w )
4 ℘(z) − ℘(w )
℘00 (z)
de la fiche 173 après simplification.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
179 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition (suite)
Le théorème ne s’applique pas lorsque w = z. En écrivant ℘0 (z) −
℘0 (w ) = (z − w )℘00 (z) + O(z − w )2 et ℘(z) − ℘(w ) = (z − w )℘0 (z) +
O(z − w )2 puis en faisant tendre w vers z, on trouve :
℘(2z) + 2℘(z) =
1 ℘00 (z) 2
,
4 ℘0 (z)
puis, en utilisant les équations différentielles ℘02 = 4℘3 − g2 ℘ − g3 et
℘00 = 6℘2 − g22 , on obtient le résultat suivant.
Corollaire (formule de duplication).
Pour tout z ∈ C tel que z, 2z 6= 0, on a :
℘(2z) = −2℘(z) +
John Boxall (LMNO)
1 ℘00 (z) 2 (℘(z)2 + 14 g2 )2 + 2g3 ℘(z)
=
.
4 ℘0 (z)
4℘(z)3 − g2 ℘(z) − g3
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
180 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition (suite)
On remarque que la formule de duplication exprime ℘(2z) comme fonction rationnelle de ℘(z). Avec la formule d’addition, elle permet de calculer
℘(nz) quelque soit l’entier n 6= 0.
On pourrait déduire les formules d’addition et de duplication de ℘0 en
dérivant celles de ℘. Mais il y a une manière plus élégante de procéder, que
nous allons décrire.
Soient u, v w ∈ C tels que u ∈
/ Ω, v ∈
/ Ω et u + v + w ∈ Ω. Si
u±v ∈
/ Ω, alors ℘(u) 6= ℘(v ) et le système linéaire ℘0 (u) = A℘(u) + B,
℘0 (v ) = A℘(v ) + B a donc une unique solution (A, B).
Considérons donc la fonction f (z) = ℘0 (z) − A℘(z) − B. Elle a un pôle
d’ordre trois en tout point de Ω et est holomorphe ailleurs ; elle est donc
d’ordre 3. En outre, elle s’annule en u et en v , puis dans un troisième point
w1 . On déduit du (iv ) du théorème de la fiche 123 que u + v + w1 ∈ Ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
181 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition (suite)
Par conséquent, w1 = w (mod Ω) et ℘0 (w ) = A℘(w ) + B. On en tire
que les éléments (℘(u), ℘0 (u), 1), (℘(v ), ℘0 (v ), 1) et (℘(w ), ℘0 (w ), 1) de C3
sont C-linéairement liés.
On a donc démontré la première affirmation du théorème suivant :
Théorème.
Soient u, v , w ∈ C tels que
℘(u)
℘(v )
℘(w )
u, v , w ∈
/ Ω et u + v + w ∈ Ω. Alors
℘0 (u) 1
℘0 (v ) 1 = 0.
℘0 (w ) 1
Réciproquement, si u, v , w ∈ C sont deux-à-deux distincts modulo Ω
et si ce déterminant s’annule, alors u + v + w ∈ Ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
182 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition (suite)
Afin de démontrer la réciproque, on remarque d’abord que si le déterminant s’annule, il existe (A, C , B) ∈ C3 , (A, C , B) 6= (0, 0, 0) tel que
A℘(u) + C ℘0 (u) + B = A℘(v ) + C ℘0 (v ) + B = A℘(w ) + C ℘0 (w ) + B = 0.
Si C = 0, alors A℘(u) + B = A℘(v ) + B = A℘(w ) + B = 0, ce qui est
impossible car ℘ est d’ordre deux et u, v , w sont supposés deux-à-deux
distincts (mod Ω). On peut donc supposer que C = −1.
Alors u, v et w sont les trois zéros de f (z) = ℘0 (z) − A℘(z) − B, et
donc u + v + w ∈ Ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
183 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition (suite)
Le résultat ne fournit pas de renseignement lorsque v = u. Afin d’en
déduire une formule analogue dans ce cas, on procède comme dans la démonstration de la formule pour ℘(2z). On obtient le résultat suivant.
Corollaire.
Soient u, w ∈ C tels que u,
0
℘ (u)
℘(u)
℘(w )
John Boxall (LMNO)
w∈
/ Ω et u + 2w ∈ Ω. Alors
℘00 (u) 0
℘0 (u) 1 = 0.
℘0 (w ) 1
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
184 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Formules d’addition (suite)
Exercice. Montrer que, pour tout z, w ∈ C tels que z, w , z ± w ∈
/ Ω,
on a
℘(z + w ) − ℘(z − w ) = −
℘0 (z)℘0 (w )
.
(℘(z) − ℘(w ))2
Exercice. Montrer que ζ(2z) = 2ζ(z) +
Exercice. Montrer que
1 ℘00 (z)
lorsque z, 2z ∈
/ Ω.
2 ℘0 (z)
σ(2z)
= −℘0 (z) lorsque z ∈
/ Ω.
σ(z)4
Exercice. Soit, (ω1 , ω2 ) une base de Ω, soit ω3 = ω1 + ω2 et soit
ei = ℘(ωi /2), (i = 1, 2, 3). Montrer que si i ∈ {1, 2, 3}, alors
℘ z+
12ei2 − g2
ωi − ei ℘(z) − ei =
= (ei − ej )(ei − ek ),
2
4
où g2 est comme dans l’équation différentielle de ℘ et j, k sont les deux
éléments de {1, 2, 3} différents de i.
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
185 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
Rappelons que
℘0 (z)2 = 4℘(z)3 − g2 ℘(z) − g3 = 4(℘(z) − e1 )(℘(z) − e2 )(℘(z) − e3 ),
où ei = ℘(ωi /2), i ∈ {1, 2, 3}, (ω1 , ω2 ) est une base de Ω et ω3 = ω1 + ω2 .
Les nombres complexes g2 et g3 sont définis par
X
g2 = 60G4 (Ω), g3 = 140G6 (Ω), Gk (Ω) =
ω∈Ω, ω6=0
1
, k ≥ 3.
ωk
On note PΩ le polynôme PΩ (t) = 4t 3 − g2 t − g3 .
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
186 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
Lemme 1.
Les nombres e1 , e2 , e3 sont tous distincts. Par conséquent, PΩ est à
racines simples.
Démonstration. Soient i, j ∈ {1, 2, 3}. On sait (voir l’exercice de la
fiche 136) que le diviseur de ℘(z) − ei est 2[xi ] − 2[0], xi étant la classe
de ei dans C/Ω. On en tire que ℘(z) − ei ne s’annule pas en ωj /2 lorsque
j 6= i. Cela veut dire que ej 6= ei .
Lemme 2.
Soient u, v ∈ C−Ω. Alors (℘(u), ℘0 (u)) = (℘(v ), ℘0 (v )) si et seulement
si u − v ∈ Ω.
Démonstration. Il est clair que si u − v ∈ Ω, alors (℘(u), ℘0 (u)) =
(℘(v ), ℘0 (v )). Réciproquement, si ℘(u) = ℘(v ), alors u ± v ∈ Ω d’après
l’exercice de la fiche 136. Mais si v ≡ −u (mod Ω), alors ℘0 (v ) = −℘0 (u)
et, si on suppose ℘0 (u) = ℘0 (v ), on en tire que ℘0 (u) = 0. Il s’ensuit que
2u ∈ Ω et donc que u + v ≡ u − v (mod Ω).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
187 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
Soit k un corps commutatif et soit E un k-espace vectoriel. L’espace
projectif associé à E est l’ensemble des droites vectorielles de E .
En particulier, lorsque E = k n+1 (n ≥ 1 un entier), on obtient l’espace
projectif de dimension n sur k, que l’on note Pnk .
Lorsque n = 1, on retrouve la droite projective déjà utilisée.
Une autre manière de décrire Pnk est comme l’ensemble des classes
d’équivalence de l’ensemble k n+1 −{0} pour la relation x ' y si et seulement
s’il existe λ ∈ k × tel que y = λx .
La droite vectorielle engendrée par x = (x0 , x1 , . . . , xn ) ∈ k n+1 sera
notée [x ] ou [x0 , x1 , . . . , xn ].
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
188 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
Soit f ∈ k[X0 , X1 , . . . Xn ] un polynôme homogène de degré d en n + 1
indéterminées. Alors f (λx ) = λd f (x ) pour tout x = (x0 , x1 , . . . , xn ) ∈ k n+1
et pour tout λ ∈ k × .
On en peut donc pas parler de la valeur de f sur la droite engendré par
x . Par contre, f s’annule sur cette droite si et seulement s’il s’annule en x .
Par conséquent, on peut parler du lieu d’annulation (ou des zéros) dans
Pnk d’un polynôme homogène en n + 1 indéterminées.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
189 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
On suppose désormais que k = C. Soit par exemple f un polynôme de
la forme
f (X , Y , Z ) = Y 2 Z − (4X 3 − g2 XZ 2 − g3 Z 3 ),
où le polynôme 4t 3 − g2 t − g3 est supposé sans racine multiple.
Le lieu d’annulation de f dans le plan projectif complexe P2C est l’ensemble des points complexes d’une courbe elliptique, que nous noterons Ef
ou E .
Soit [x , y , z] ∈ P2C un point de E . Si z = 0, on voit que x = 0 et on
peut donc supposer que y = 1. Il y a donc un unique point de E avec z = 0,
que l’on appelle le point à l’infini et note O ou OE .
Si [x , y , z] est un point de E avec z 6= 0, on peut supposer que z =
1, puis identifier [x , y , 1] avec le point (x , y ) ∈ C2 de la courbe affine
d’équation y 2 = 4x 3 − g2 x − g3 .
Par abus de langage, on désigne souvent la courbe elliptique E par
l’équation affine y 2 = 4x 3 − g2 x − g3 .
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
190 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
Soit donc Ω un réseau. On définit une application Θ : C → P2C par
Θ(w ) = [℘(w ), ℘0 (w ), 1],
w∈
/ Ω,
et par Θ(w ) = O lorsque w ∈ Ω.
Il est clair que Θ est périodique par rapport à Ω. Par passage au
quotient, on obtient donc une application C/Ω → P2C , qui sera également
désignée par Θ.
Théorème.
L’application Θ : C/Ω → P2C qui vient d’être décrite est un bijection de C/Ω sur l’ensemble des points complexes de la courbe elliptique E
d’équation y 2 = 4x 3 − g2 x − g3 .
Démonstration. Le lemme 1 montre que y 2 = 4x 3 − g2 x − g3 est
bien une courbe elliptique. Le lemme 2 implique que Θ est injective, car
Θ(w ) 6= O lorsque w ∈
/ Ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
191 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
Montrons la surjectivité. Soit [x , y , z] un point de E . Si z = 0, alors
[x , y , z] = O, le point à l’infini, qui est égal à Θ(0).
Si z 6= 0, on suppose z = 1, et il s’agit de montrer qu’il existe w ∈ C
tel que ℘(w ) = x et ℘0 (w ) = y . Si x ∈ C, la fonction w 7→ ℘(w ) − x a un
pôle d’ordre deux en 0 ; elle a donc deux zéros, ce qui signifie qu’il existe w
tel que ℘(w ) = x . On a alors également ℘(−w ) = x .
La relation y 2 = 4x 3 − g2 x − g3 ainsi que l’équation différentielle
℘02 = 4℘3 − g2 ℘ − g3 impliquent que ℘02 (w ) = ℘02 (−w ) = y 2 et on en tire
que soit y = ℘0 (w ) soit y = ℘0 (−w ).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
192 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
La courbe elliptique y 2 = 4x 3 − g2 x − g3
Le théorème permet d’identifier C/Ω avec l’ensemble E (C) des points
complexes de E .
En transportant la loi de groupe de C/Ω vers E (C) à l’aide de Θ, on
munit la courbe elliptique de la structure d’un groupe abélien.
Le théorème de la fiche 182 montre alors que cette loi de groupe sur
E (C) est la loi habituelle : la somme de trois points est nulle si et seulement
s’ils sont colinéaires. L’élément neutre est Θ(0), le point à l’infini.
En plus, on a gratuitement l’associativité de la loi sur E (C) ; elle se
déduit par transport de celle du groupe C/Ω.
Par abus de langage, on appelle parfois C/Ω une courbe elliptique.
L’invariant j du polynôme PΩ (t) = 4t 3 − g2 t − g3 peut être également
appelé indifféremment l’invariant j du réseau Ω, de E ou de C/Ω. On le
note alors j(Ω) ou j(E ).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
193 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Le cas réel
Soit encore Ω ⊆ C un réseau. Nous dirons que Ω est réel s’il est stable
par conjugaison complexe.
Lorsque c’est le cas, Ω ∩ R est un réseau de R que nous noterons Ω0 .
Lemme. Soit Ω ⊆ C un réseau réel. Alors Gk (Ω) (k ≥ 3), g2 , g3 , ℘0 (t),
℘(t), ζ(t), σ(t) (t ∈ R − Ω0 ) sont réels. Si ω ∈ Ω0 , alors η(ω) ∈ R.
P
k
Démonstration. La somme Gk (Ω) =
ω6=0 1/ω se décompose en
somme de couples de nombres complexes conjugués ; elle est donc stable
par conjugaison complexe. On en tire que Gk (Ω) et donc g2 , g3 sont réels.
Un argument semblable montre que ℘0 (t) est réel lorsque t ∈ R −
Ω0 . La fonction t 7→ ℘(t) ayant donc une dérivée réelle et étant Ω0 périodique, elle diffère d’une constante d’une fonction réelle. La normalisation limz→0 (℘(z) − 1/z 2 ) = 0 entraîne que ℘(t) est alors réelle.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
194 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Soit ω0 le générateur positif de Ω0 . On voit que ζ(t) est réel lorsque
t ∈] − ω0 , 0[∪]0, ω0 [ en remarquant que le développement de Laurent de ζ
en 0 est à coefficients réels, puis en appliquant le principe de continuation
analytique. (Les coefficients sont des multiples rationnels des Gk (Ω), qui
sont réels.)
En prenant t ∈] − ω0 , 0[, on en tire que η(ω0 ) = ζ(t + ω0 ) − ζ(t)
est réel, puis que η(ω) est réel quelque soit ω ∈ Ω0 . Il s’ensuit que si
t ∈]nω0 , (n + 1)ω0 [, n ∈ Z, alors ζ(t) = ζ(t − nω0 ) + nη(ω0 ) est réel.
La démonstration que σ(t) est réel lorsque t ∈ R est laissée en exercice.
Exercice. Montrer plus généralement que, si Ω ∈ C est un réseau réel,
alors ℘0 (z) = ℘0 (z), ℘(z) = ℘(z), ζ(z) = ζ(z) et σ(z) = σ(z) quelque soit
z ∈ C − Ω, et que η(ω) = η(ω) pour tout ω ∈ Ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
195 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Par périodicité, il suffit de considérer la fonction t 7→ ℘(t) sur l’intervalle ]0, ω0 [.
Proposition. La fonction t 7→ ℘(t) tend vers +∞ lorsque t → 0+ et
lorsque t → ω0− . Elle est strictement décroissante sur ]0, ω0 /2[ et strictement
croissante sur ]ω0 /2, ω0 [, avec un unique minimum en t = ω0 /2. On a
℘0 (t) < 0 lorsque t ∈]0, ω0 /2[ et ℘0 (t) > 0 lorsque t ∈]ω0 /2, ω0 [.
Démonstration. Les développements
℘(z) =
1
+ O(1),
z2
℘0 (z) = −
2
+ O(1),
z3
au voisinage de 0 impliquent que ℘(t) → +∞ lorsque t → 0 et que ℘0 (t) <
0 sur un intervalle ]0, α[ avec α convenable.
On a ℘0 (z) = 0 si et seulement si 2z ∈ Ω mais z ∈
/ Ω. On en tire
aussitôt que l’unique point d’annulation de ℘0 (t) sur ]0, ω0 [ est t = ω0 /2.
Puisque ω 0 est continue, on en tire que ℘0 (t) < 0 pour tout t ∈]0, ω0 /2[ et
donc que ℘ est strictement décroissante sur cet intervalle.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
196 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
On sait que ℘(z) = ℘(ω − z) pour tout z ∈ C, ω ∈ Ω, ce qui implique
que la courbe de ℘(t) est symétrique par rapport à t = ω0 /2. Les autres
affirmations de la proposition en découlent aussitôt.
Corollaire. Soit a ∈ [ω0 /2, ω0 [. Alors
Z +∞
dt
p
= ω0 − a.
4t 3 − g2 t − g3
℘(a)
Par conséquent, si on pose e0 = ℘(ω0 /2), alors
Z +∞
dt
p
ω0 = 2
4t 3 − g2 t − g3
e0
Démonstration. Il suffit d’effectuer la substitution t = ℘(u), ce qui
est justifié par la proposition, puis d’itiliser l’équation différentielle ℘02 =
4℘3 − g2 ℘ − g3 . La dernière affirmation découle du cas a = ω0 /2.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
197 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Corollaire. Soient a < b deux éléments de [ω0 /2, ω0 [. Alors
Z
℘(b)
℘(a)
t dt
p
4t 3
− g2 t − g3
= ζ(a) − ζ(b).
En particulier,
Z
℘(b)
e0
t dt
p
= 12 η(ω0 ) − ζ(b).
3
4t − g2 t − g3
La démonstration est la même que celle du corollaire précédent, en rappelant
que ζ 0 (z) = −℘(z). La deuxième affirmation est le cas a = ω0 /2 de la
première, en rappelant que η(ω) = 2ζ(ω/2) pour tout ω ∈ Ω tel que
ω/2 ∈
/ Ω.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
198 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
On peut effectuer une étude semblable sur l’axe imaginaire, dont les
détails étant laissés en exercice. On pose Ω00 = Ω ∩ iR et on note ω00 le réel
positif tel que iω00 engendre Ω00 .
Alors ℘0 (is) ∈ iR, ℘(is) ∈ R, ζ(is) ∈ iR, η(ω00 ) ∈ iR et σ(is) ∈ iR
pour tout s ∈ R − iΩ00 .
Grâce à la périodicité, on se limitera à s ∈]0, ω20 [.
Proposition. La fonction s 7→ ℘(is) tend vers −∞ lorsque s → 0+
et lorsque s → ω00 − . Elle est strictement croissante sur ]0, ω20 [ et strictement décroissante sur ]ω00 /2, ω00 [, avec un unique maximum en ω00 /2. On a
i℘0 (is) > 0 sur ]0, ω20 [ et i℘0 (is) < 0 sur ]ω00 /2, ω00 [.
On pose e00 = ℘(iω00 /2).
John Boxall (LMNO)
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199 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Pour tout a ∈]0, ω00 /2], on a, en effectuant la substition s = ℘(iv ),
Z
℘(ia)
ds
p
−∞
−(4s 3 − g2 s − g3 )
= a.
Par conséquent,
ω00
Z
e00
=2
−∞
ds
p
−(4s 3 − g2 s − g3 )
.
De même, si b ∈]0, ω00 /2] et si a < b, alors
Z
℘(ib)
℘(ia)
Z
e00
℘(ia)
John Boxall (LMNO)
s ds
p
= i(ζ(ia) − ζ(ib)), et
3
−(4s − g2 s − g3 )
s ds
p
= i(ζ(ia) − 12 η(iω00 )).
3
−(4s − g2 s − g3 )
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200 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
La seule différence avec l’étude sur l’axe réelpest le changement de
variable s = ℘(iv ). D’après la proposition, on a −(4s 3 − g2 s − g3 ) =
i℘0 (iv ). Puisque s 0 (v ) = i℘0 (iv ), on trouve bien, par exemple
Z ℘(ia)
Z a 0
ds
i℘ (iv )
p
=
dv = a.
0
3
−(4s − g2 s − g3 )
0 i℘ (iv )
−∞
Lemme.
On a e00 ≤ e0 .
Démonstration. Rappelons que e0 = ℘(ω0 /2) et que e00 = ℘(ω00 /2).
Si on avait e00 > e0 , les deux propositions qui précèdent montreraient qu’il
existerait (au moins) quatre complexes z vérifiant ℘(z) = (e0 + e00 )/2 :
deux réels dont un appartenait à l’intervalle ]0, ω0 /2[ et l’autre à l’intervalle
]ω0 /2, ω0 [, et deux imaginaires purs de la forme iy , avec y ∈]0, ω00 /2[ pour
l’un et y ∈]ω00 /2, ω00 [ pour l’autre.
Mais ℘ est une fonction elliptique d’ordre deux, d’où une contradiction.
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201 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Le résultat suivant permet notamment de savoir si le polynôme 4t 3 −
g2 t − g3 est à racines réelles ou non.
Théorème.
On suppose encore que le réseau Ω ⊆ C soit stable par conjugaison
complexe et on reprend les autres notations qui viennent d’être introduites.
On note Ω0 le réseau Ω0 + Ω00 de C, dont une base est (ω0 , iω00 ).
(a) On a Ω0 ⊆ Ω et l’indice de Ω0 dans Ω est au plus deux.
(b) Les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) Ω0 = Ω
(ii) (ω0 , iω00 ) est une base de Ω.
(iii) On a e00 < e0 .
(iv ) Le polynôme PΩ (t) = 4t 3 − g2 t − g3 a trois racines réelles,
dont e00 et e0 . La troisième racine appartient à l’intervalle ]e00 , e0 [.
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202 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
(c) Les conditions suivantes sont équivalentes.
(i) On a [Ω : Ω0 ] = 2.
(ii) (ω0 , 12 (ω0 + iω00 )) est une base de Ω.
(iii) On a e00 = e0 .
(iv ) Le polynôme PΩ a une racine réelle e0 et une paire de racines
conjuguées complexes.
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le 2 avril 2008
203 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Démonstration. (a) Il est clair que Ω0 ⊆ Ω, et l’égalité
2ω = (ω + ω) + (ω − ω),
ω ∈ Ω,
montre que 2Ω ⊆ Ω. Puisque [Ω : 2Ω] = 4, il suffit de montrer que Ω0 6= 2Ω.
Or, si on avait Ω0 = 2Ω, alors ω0 appartiendrait à 2Ω, et donc ω0 /2 ∈ Ω,
ce que contredit la définition de ω0 .
Puisque les conditions (iv ) de (b) et de (c) s’excluent mutuellement,
il suffit de montrer que (i)⇒(ii)⇒(iii)⇒(iv ) dans chacun des deux cas (b)
et (c).
(b) Il est clair que (i)⇒(ii). Ensuite, (ii) entraîne que les classes de ω0 /2
et iω00 /2 modulo Ω sont différentes : on en tire que ℘(ω0 /2) 6= ℘(iω00 /2) et
l’inégalité e00 < e0 découle donc du lemme de la fiche 201, d’où le (iii). On
déduit ce qui précède que PΩ a au moins deux racines réelles ; sa troisième
racine est donc également réelle. En outre, les propositions des fiches 196 et
199 montrent respectivent que PΩ (t) > 0 lorsque t > e0 et que PΩ (t) < 0
lorsque t < e00 , d’où le (iv ).
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204 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
(c) Il y a trois réseaux contenant Ω0 comme sous-groupe d’indice deux,
ω +iω 0
ω0
soit Ω1 = Z ω20 + Ziω00 , Ω2 = Zω0 + Z 0 2 0 et Ω3 = Zω0 + Zi 20 . La
possibilité Ω = Ω1 est exclut par la démonstration de (a), et un argument
semblable exclut la possibilité Ω = Ω3 . D’où le (ii). On en tire que les
classes de ω0 /2 et de iω00 /2 suivant Ω sont les mêmes, ce qui entraîne que
e00 = e0 . Comme dans le cas (b), on voit que PΩ (t) > 0 lorsque t > e0
et PΩ (t) < 0 lorsque t < e0 . Par conséquent, PΩ n’a qu’une seule racine
réelle.
John Boxall (LMNO)
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205 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Le cas réel
Corollaire. Soient g2 , g3 deux réels tels que le polynôme P(t) = 4t 3 −
g2 t − g3 soit à racines simples. On note respectivement e0 et e00 la grande
et la plus petite des racines réelles (de sorte que e00 = e0 si P n’a qu’une
seule racine réelle). On pose
Z
+∞
ω0 = 2
e0
dt
p
4t 3 − g2 t − g3
,
ω00 = 2
Z
e00
−∞
ds
p
−(4s 3 − g2 s − g3 )
.
Soit Ω le réseau de base (ω0 , iω00 ) lorsque P a trois racines réelles et de base
(ω0 ,
ω0 +iω00
)
2
lorsque P n’a qu’une seule racine réelle.
Alors Ω est l’unique réseau tel que g2 = g2 (Ω) et g3 = g3 (Ω).
Remarque. On peut montrer que si g2 , g3 sont deux complexes tels
que le polynôme 4t 3 − g2 t − g3 soit à racines simples, alors il existe un
unique réseau Ω tel que g2 = g2 (Ω), g3 = g3 (Ω). On raisonne d’une
manière semblable que dans le cas réelle après une étude de la racine carrée
complexe de 4t 3 − g2 t − g3 .
John Boxall (LMNO)
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206 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Rappelons les deux intégrales elliptiques
Z +∞ 2
Z +∞
dt
t + a2 dt
2
p
p
, S(a, b) = b
,
T (a, b) =
2
2
P(t)
P(t)
−∞
−∞ t + b
où P(t) = (t 2 + a2 )(t 2 + b 2 ).
Nous allons les transformer en intégrales faisant intervenir des racines
carrées de polynômes de la forme 4t 3 − g2 t − g3 .
On suppose 0 < b < a.
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
207 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Les racines ±ia, ±ib de P sont alignées sur l’axe imaginaire. La transformation t = −iz les ramènent sur l’axe réel.
Lemme. On a
Z
T (a, b) = 2
b
a
du
p
−(u 2 − a2 )(u 2 − b 2 )
.
Démonstration. Le changement de variable t = −iz transforme le chemin d’intégration en l’axe imaginaire de −i∞ à +i∞.
√
La fonction z 7→ z − a possède une racine carrée holomorphe z − a
sur C dépourvu de la partie de l’axe réel situé à droite de z = a. On a
√
√
limy →0+ ( x + iy − a) = − limy →0− ( x + iy − a) lorsque x > a.
De même, la fonction z 7→ z − b possède une racine carrée holomorphe
z − b sur
√ C dépourvu de la partie de√l’axe réel situé à droite de z = b et
+
limy →0 ( x + iy − b) = − limy →0− ( x + iy − b) lorsque x > b.
√
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208 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Par conséquent,
p la fonction z 7→ (z − a)(z − b) possède une racine
carrée holomorphe (z − a)(z − b) sur C dépourvu de l’intervalle [b, a] de
l’axe réel, car
p
p
lim+ (x + iy − a)(x + iy − b) = + lim
(x + iy − a)(x + iy − b).
y →0
y →0−
p De même façon, la fonction z 7→ (z + a)(z + b) a une racine carrée
(z + a)(z + b) holomorphe sur C dépourvu de l’intervalle [−a, −b].
Par conséquent, z 7→ (z 2 − a2 )(z 2 − b 2 ) possède une racine carrée
holomomorphe sur C dépourvu de la réunion des deux intervalles [b, a] et
[−a, −b].
En outre, la fonction z 7→ (z 2 − a2 )(z 2 − b 2 ) est réelle et positive sur
l’axe imaginaire
p
On note (z 2 − a2 )(z 2 − b 2 ) la racine carrée qui est réelle et positive
sur l’axe imaginaire.
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209 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Avec ces conventions, on a
Z +i∞
dz
p
T (a, b) = −i
.
2
(z − a2 )(z 2 − b 2 )
−i∞
Soit donc R > a et soit γR le lacet formé du demi-cercle de DR centre
0 et passant de −iR à iR dans le demi-plan {<(z) > 0} suivi de la partie
de l’axe imaginaire descendant de iR à −iR.
p
(z 2 − a2 )(z 2 − b 2 ) = O(1/z 2 ) lorsque |z| → +∞, l’intéPuisque
1/
p
2
grale de 1/ (z − a2 )(z 2 − b 2 ) sur DR tend vers 0 lorsque R → +∞. Par
conséquent
Z +i∞
Z
dz
dz
p
p
=−
.
(z 2 − a2 )(z 2 − b 2 )
(z 2 − a2 )(z 2 − b 2 )
−i∞
γR
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210 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Le lacet γR peut être déformée en une ellipse contournant l’intervalle
[b,
a]
p puis l’approchant depuis le haut et le bas. Si u ∈ [b, a] et si f (z) =
(z 2 − a2 )(z 2 − b 2 ), alors
q
lim+ f (u + iy ) = i −(u 2 − a2 )(u 2 − b 2 ) = − lim+ f (u − iy ).
y →0
y →0
(C’est sûrement vrai au signe près et le signe est déterminé par le fait que
T (a, b) est positif.)
Cela achève la démonstration du lemme.
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211 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Proposition 1. Soient 0 < b < a deux réels.
On pose g2 = 3(a4 +14a2 b 2 +b 6 ), g3 = −(a6 −33b 2 a4 −33b 4 a2 +b 6 ),
e0 = (a2 + 6ab + b 2 )/2, e = (a2 − 6ab + b 2 )/2 et e00 = −(a2 + b 2 ), de
sorte que
4t 3 − g2 t − g3 = 4(t − e0 )(t − e)(t − e00 ),
Alors
√ Z
T (a, b) = 2 6
+∞
e0
e00 < e < e0 .
dt
p
4t 3
− g2 t − g3
,
Démonstration. Elle est élémentaire à partir du lemme. Les changea2 −5b 2
ments de variable successifs u = v + b, v = 1/w , w = x − 6b(a
2 −b 2 ) et
t
x = 3(a2 −b 2 )b permettent de conclure.
Exercice. Expliquer le choix de ces changements de variable.
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L’AGM : applications et généralisations.
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212 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
On aimerait traiter S(a, b) de la même manière, mais la fonction u 7→
2
2
√ u −a
est équivalente à une constante fois u 7→ 1/(u −
2
2
2
2
2
(u 2 −b )( −(u −a )(u −b ))
b)3/2 lorsque u → b + , ce
qui conduit à une intégrale divergente en b.
À la place du lemme, il faut donc écrire :
Z a 2
Z
u − a2
du
2
2
p
S(a, b) = 2b
+ ib
F (z) dz
2
2
−(u 2 − a2 )(u 2 − b 2 )
b+r u − b
γb,r
où 0 < r < a − b et γb,r est le cercle de centre b et de rayon r pris avec
l’orientation habituelle, et
F (z) =
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1
z 2 − a2
p
.
z 2 − b 2 (z 2 − a2 )(z 2 − b 2 )
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213 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Les mêmes changements de variable u = v + b, . . ., montrent que
Z a 2
du
u − a2
2
p
2b
=
2
2
−(u 2 − a2 )(u 2 − b 2 )
b+r u − b
Z R
(t − e0 )(t − e)
dt
2
p
=− √
,
0
3
t
−
e
6 e0
4t − g2 t − g3
0
où R > e0 et R → +∞ lorsque r → 0.
R
L’intégrale γb,r F (z)dz se traite en utilisant les changements de variable analogues mais dans le plan complexe. Le changement de variable
z = z1 + b transforme γb,r et γ0,r . Ensuite, le changement z1 = 1/z2
transforme γ0,r en le cercle γ0,1/r pris dans le sens inverse. Enfin les changements z2 = z3 −
a2 −5b 2
6b(a2 −b 2 )
et z3 =
à l’origine en les cercles centrés en
John Boxall (LMNO)
w
tranforment
3(a2 −b 2 )b
2
2
(a − 5b )/2.
L’AGM : applications et généralisations.
les cercles centrés
le 2 avril 2008
214 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Avec un peu de soin, on trouve donc
Z
Z
dw
i
(w − e0 )(w − e)
2
p
ib
F (z) dz = √
,
0
3
w − e0
6 γc,R−c
4w − g2 w − g3
γb,r
p
où 4w 3 − g2 w − g3 est la racine carrée de 4w 3 − g2 w − g3 holomorphe
sur C dépourvu de [e00 , e] ∪ [e0 , +∞[ et dont la limite est positive lorsque w
approche un point de l’intervalle ]e0 , +∞[ par le haut.
Enfin, c = (a2 − 5b 2 )/2.
Notons R − c par R, afin de simplifier la notation.
Sur le cercle γc,R , on a
(w − e0 )(w − e)
1
1
p
= √
+ Ψ(w ),
0
3
w − e0
2 w −c
4w − g2 w − g3
où la fonction Ψ est O(R −3/2 ) lorsque R → +∞.
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215 / 320
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
On a donc
(w − e0 )(w − e)
dw
p
=
0
w − e0
6 γc,R
4w 3 − g2 w − g3
Z
dw
i
√
+ O(R −1/2 )
= √
2 6 γc,R w − c
Z
i
√
lorsque R → +∞. Puisque
Z
γc,R
√
dw
√
= R
w −c
Z
2π
iθ
e− 2
0
√
4 R
dθ =
,
i
nous avons démontré la proposition suivante.
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L’AGM : applications et généralisations.
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216 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Proposition 2. Avec les notations de la proposition précédente, on a
√
Z R
dt
(t − e0 )(t − e)
2 R
2
p
+ √
S(a, b) = lim
−√
.
R→+∞
t − e00
6 e0
6
4t 3 − g2 t − g3
Théorème. Soit a > b > 0 deux réels. On reprend les notations utilisées
dans les deux propositions précédentes et on note Ω le réseau de base
(ω0 , iω00 ), où
Z
+∞
ω0 = 2
e0
dt
p
,
3
4t − g2 t − g3
ω00
Z
e00
=2
−∞
ds
p
.
3
−(4s − g2 s − g3 )
On note η la fonction de Weierstrass associé à (voir la fiche 142). Alors
√
T (a, b) =
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6ω0 ,
1
S(a, b) = √ 2η(ω0 ) + (e0 + e)ω0 .
6
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217 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
√
Démonstration. L’équation T (a, b) = 6ω0 découle de la proposition
1. Considérons donc S(a, b). On pose t = ℘(u) dans la limite de la proposition 2 et on applique la proposition de la fiche 196 ainsi que ses corollaires.
Alors e0 = ℘ ω20 .
On définit ρ ∈] ω20 , ω0 [ par ℘(ρ) = R, de sorte que ρ → ω0− lorsque
R → +∞.
Il s’ensuit que
Z
R
e0
(t − e0 )(t − e)
dt
p
=
0
t − e0
4t 3 − g2 t − g3
ρ
Z
ω0
2
(℘(u) − e0 )(℘(u) − e)
du.
℘(u) − e00
L’intégrale à droite se traite en écrivant
(e00 − e0 )(e00 − e)
(℘(u) − e0 )(℘(u) − e)
0
=
℘(u)
+
(e
−
e
−
e)
+
.
0
0
℘(u) − e00
℘(u) − e00
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218 / 320
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
D’après le dernier exercice de la fiche 185, on a
(℘(u) − e00 )(℘(u +
12e00 2 − g2
iω 0
)=
= (e00 − e0 )(e00 − e).
2
4
Par conséquent,
Z
ρ
ω0
2
(℘(u) − e0 )(℘(u) − e)
du =
℘(u) − e00
Z ρ
Z ρ
Z ρ
= ω ℘(u) du + (e00 − e0 − e) ω du + ω ℘ u +
0
2
Z
=
0
2
ρ
ω0
2
℘(u) + ℘ u +
h
= − ζ(u) − ζ u +
John Boxall (LMNO)
iω00 du
2
i
iω00 ρ
2
ω0 /2
0
iω00 2
− e00 du
Z2 ρ
− (e0 + e)
ω0
2
− (e0 + e) ρ −
L’AGM : applications et généralisations.
du
ω0 .
2
le 2 avril 2008
219 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Il s’ensuit que
2
−√
6
√
(t − e0 )(t − e)
dt
2 R
p
+ √ =
t − e00
6
4t 3 − g2 t − g3
e0
p
Z ρ
2 ℘(ρ)
2
(℘(u) − e0 )(℘(u) − e)
= −√ ω
du + √
0
℘(u) − e0
6 20
6
0
p
iω ω0 + iω00 2
ω0 = √ ζ(ρ) + ℘(ρ) + ζ ρ + 0 − ζ
−ζ
+
2
2
2
6
ω0 .
+ (e0 + e) ρ −
2
Z
R
Pour conclure, il reste à faire tendre ρ vers ω0− .
p
p
On a ζ(ρ) + ℘(ρ) = ζ(ρ − ω0 ) + η(ω) + ℘(ρ − ω0 ) et, en utilisant
les formules ζ(z) = z1 + O(z 3 ), ℘(z) = z12 + O(z 2 ) lorsque z → 0, on trouve
p
que limρ→ω− (ζ(ρ − ω0 ) + ℘(ρ − ω0 )) = 0.
0
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
220 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Expressions pour T (a, b) et S(a, b)
Par conséquent,
p
iω 0 ω0 + iω00 ω0 2 −ζ
+
lim √ ζ(ρ) + ℘(ρ) + ζ ρ + 0 − ζ
2
2
2
ρ→ω0− 6
ω 0 + (e0 + e) ρ −
=
2
iω 0 ω0 + iω00 ω0 ω0 2 −ζ
+ (e0 + e)
,
= √ η(ω0 ) + ζ ω0 + 0 − ζ
2
2
2
2
6
et on conclut en
les relations η(ω + ω 0 ) = η(ω) + η(ω 0 ) lorsque ω,
utilisant
ω
1
0
ω ∈ Ω et ζ 2 = 2 η(ω) lorsque ω ∈ Ω, ω ∈
/ 2Ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
221 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Démonstration de la formule de Brent-Salamin
Démonstration de la formule de Brent-Salamin
Elle est facile à partir des formules pour T (a, b) et S(a, b) que nous
venons d’obtenir.
√
√
On choisit a = 1 + 21 2, b = 1 − 12 2. Il s’agira alors d’une application
de la formule de Legendre (voir la fiche 144).
D’après l’exercice de la fiche 19, il suffit de montrer que
T (a, b) 2S(a, b) − T (a, b) = 4π.
On a e0 = 3, e = 0 et e00 = −3. Par conséquent,
Z
ω0 = 2
3
+∞
√
dt
4t 3
− 36t
,
ω00
Z
−3
=2
−∞
√
ds
36s − 4s 3
et le changement de variable s = −t montre que ω 0 = ω.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
222 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Démonstration de la formule de Brent-Salamin
Notons Ω le réseau de base (ω0 , iω0 ) = ω0 (1, i) a la particularité d’être
stable par multiplication par i.
Lemme. On a η(iω0 ) = −iη(ω0 ). Par conséquent, ω0 η(ω0 ) = π.
Démonstration. Puisque Ω est stable par multiplication par i, on a
X
X
℘0 (iz) = −2
(iz − ω)−3 = −2
(iz − iω)−3 ) =
ω∈Ω
=i
X
ω∈Ω
−3
(z − ω)
0
= i℘ (z).
ω∈Ω
En dérivant, on voit alors que ℘(iz) = −℘(z) puis que ζ(iz) = −iζ(z) puis
que η(iω) = −iη(ω) quelque soit ω ∈ Ω.
La relation ω0 η(ω0 ) = π découle alors de la formule de Legendre
η(ω2 )ω1 − η(ω1 )ω2 = 2πi (voir la fiche 144), appliquée avec ω1 = ω0 ,
ω2 = iω0 .
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
223 / 320
Les fonctions elliptiques de Weierstrass
Démonstration de la formule de Brent-Salamin
√
Appliquons donc le théorème
de la fiche 217. On a T (a, b) = 6ω0 et
S(a, b) = √1 2η(ω0 ) + 3ω0 .
6
La relation T (a, b) 2S(a, b)−T (a, b) = 4π est alors une conséquence
immédiate de la relation ω0 η(ω0 ) = π évoquée par le lemme.
Remarques. 1.) Nous avons présenté la formule de Brent-Salamin comme une application de la formule de Legendre pour les fonctions elliptiques
de Weierstrass. On peut également établir une formule de Legendre pour
les intégrales elliptiques et ainsi donner une démonstration plus directe de
la formule de Brent-Salamin. Par ailleurs, cela permet d’en obtenir des
généralisations. C’est la présentation que l’on trouve le plus souvent dans la
littérature.
2.) Le réseau Ω = ω0 (1, i) utilisé dans la démonstration a la propriété
remarquable d’être stable par multiplication par i. C’est un cas particulier
d’une propriété remarquable, la multiplication complexe. Le chapitre qui
suit indique, pour la plupart sans démonstration, certaines de des propriétés
remarquables des réseaux et courbes elliptiques à multiplication complexe.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
224 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Multiplication complexe et cryptographie
Dans ce chapitre, nous allons décrire certains propriétés des réseaux et
courbes elliptiques à multiplication complexe et leurs liens avec la cryptographie. Les démonstrations sont pour la plupart omises.
Soient Ω, Ω0 deux réseaux. On note respectivement E et E 0 les groupes
de quotient C/Ω et C/Ω0 , que l’on confond parfois avec les courbes elliptiques associées. On appelle homomorphisme de E vers E 0 toute application
C-linéaire φ de C vers lui-même qui vérifie φ(Ω) ⊆ Ω0 .
Une application C-linéaire φ : C → C est de la forme φ(z) = λz pour
un unique λ ∈ C. La condition φ(Ω) ⊆ Ω0 signifie que λω ∈ Ω0 quelque soit
ω ∈ Ω. Le nombre complexe λ est uniquement déterminé par φ.
On en tire aussitôt que homomorphismes de E vers E 0 forment un
groupe, isomorphe à un sous-groupe du groupe additif C, que l’on note
Hom(E , E 0 ).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
225 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
L’élément φ ∈ Hom(E , E 0 ) est appelé une isogénie lorsque λ 6= 0, ce
qui équivaut à φ 6= 0.
Un endomorphisme de E est un élément de Hom(E , E ). En utilisant la
composition d’applications comme multiplication, on voit que Hom(E , E )
est muni de la structure d’un anneau unitaire, l’unité étant l’application
identique. On note cet anneau End(E ).
Tout entier relatif n induit un élément [n]E de End(E ), multiplication
par n. On confond souvent [n]E l’entier n s’il n’y a pas de risque de confusion.
Par conséquent, End(E ) est un anneau unitaire. En outre, il est isomorphe à un sous-anneau de C, donc commutatif et intègre.
Si l’on considère E et E 0 comme des courbes elliptiques, un élément de
Hom(E , E 0 ) est un homomorphisme de groupes E → E 0 qui est donné par
des fonctions rationnelles en les coordonnées. Réciproquement, tout homomorphisme de groupes de cette forme provient d’un élément de Hom(E , E 0 ).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
226 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
On dit que E (ou le réseau Ω) est à multiplication(s) complexe(s) si
End(E ) contient des éléments qui ne sont pas de la forme [n]E , n ∈ Z.
Exemple. Soit Ω le réseau de base (1, i). Si ω ∈ Ω, alors iω ∈ Ω. Par
conséquent, Ω est à multiplication complexe et End(E ) contient un anneau
isomorphe à l’anneau de Gauss Z[i].
Nous verrons un peu plus loin qu’en fait End(E ) est isomorphe à l’anneau de Gauss.
2πi/3 = (−1 +
√ Un autre exemple est le réseau de base (1, ρ), où ρ = e
i 3)/2. En effet, ce réseau est stable par multiplication par ρ.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
227 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Corps de nombres et entiers algébriques
Rappelons qu’un nombre complexe α est dit un nombre algébrique s’il
existe un polynôme f (X ) ∈ Q[X ] tel que f (α) = 0. Quitte à diviser f par
son coefficient directeur, on peut supposer f unitaire. On dit que α est
un entier algébrique si α est racine d’un polynôme unitaire à coefficients
entiers.
Par exemple, tout entier relatif est un entier algébrique. Le nombre
complexe i est un entier algébrique, car racine de X 2 + 1.
On peut montrer que certains nombres, par exemple e et π, ne sont
pas algébriques. Un nombre complexe qui n’est pas algébrique est dit transcendant.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
228 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Un corps de nombres est un corps K qui est un Q-espace vectoriel de
dimension finie. Par exemple, Q est un corps de nombres.
Un autre exemple est Q(i), l’ensemble des nombres complexes de la
forme a + bi, avec a, b ∈ Q.
Si f (X ) ∈ Q[X ] est un polynôme irréductible, alors l’idéal I de Q[X ]
engendré par f (X ) est maximal et, par conséquent, l’anneau quotient K =
Q[X ]/I est un corps, qui est un Q-espace vectoriel de dimension égale au
degré de f . Par conséquent, K est un corps de nombres.
Si α ∈ C est une racine de f , alors l’homomorphisme d’anneaux
Q[X ] → C défini par l’évaluation d’un polynôme P et α est un homomorphisme d’anneaux, de noyau I. Par conséquent, son image est un sous-corps
de C qui est isomorphe à K . On note l’image Q(α).
Exercice. Montrer que tout élément de Q(α) s’écrit de manière unique
sous la forme P(α), où P(X ) ∈ Q[X ] est de degré au plus deg(f ) − 1.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
229 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Soit encore K un corps de nombres.
La dimension de K en tant que K -espace vectoriel est appelé le degré
de K . Il est noté [K : Q].
Un élément de K est dit un entier de K (ou entier) s’il est racine d’un
polynôme unitaire à coefficients entiers. Lorsque K ⊆ C, un élément de K
est entier si et seulement s’il est un entier algébrique.
Le résultat suivant résume quelques propriétés de base des entiers d’un
corps de nombres.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
230 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Théorème. Soit K un corps de nombres de degré d.
(i) Les entiers de K constituent un sous-anneau de K , de corps de
fractions K .
On note OK l’anneau des entiers de K .
(ii) Le groupe additif de OK est isomorphe au groupe additif Zd .
(iii) Tout idéal premier non-nul de OK est maximal.
(iv ) Si P est un idéal maximal de OK , alors l’anneau quotient OK /P
est un corps fini.
On appelle ordre dans K tout sous-anneau unitaire de OK dont le corps
de fractions est égal à K . Par exemple, OK est toujours un ordre, appelé
parfois l’ordre maximal, car par définition il contient tous les autres.
Dans l’anneau de Gauss Z[i] (qui est l’anneau des entiers de Q(i)),
l’ensemble {a + 2bi | (a, b) ∈ Z2 } est un ordre de Q[i].
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
231 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Théorème.
Soit K un corps de nombres de degré d et soit O un ordre de K .
(i) Le groupe additif de O est isomorphe à Zd .
(ii) Le groupe OK /O est d’ordre fini.
(iii) Tout idéal premier non-nul est maximal.
(iv ) Si P est un idéal maximal de OK , alors l’anneau quotient O/P est
un corps fini.
Exemple. Soit α ∈ OK tel que K = Q(α). Alors Z[α], le sous-anneau de
K engendré par α, est un ordre. Un ordre de cette forme est dite monogène.
En général, il existe des ordres dans K qui en sont pas monogènes : il
existe même des corps de nombres dont l’ordre maximal n’est pas monogène.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
232 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Un corps quadratique est un corps de nombres de degré deux. Si K est
un corps quadratique et si α ∈ K − Q, alors α est racine d’un polynôme f
à coefficients rationnels et irréductible de degré deux. On dit que K est réel
ou imaginaire selon que les racines de f sont réelles ou non.
Théorème.
Soit Ω ⊆ C un réseau et soit E = C/Ω la courbe elliptique associée. Si
E est à multiplication complexe, alors End(E ) est un ordre dans un corps
quadratique imaginaire.
Démonstration. Elle repose sur le lemme suivant.
Lemme. Soit φ ∈ End(E ), φ ∈
/ Z. Alors φ est un entier algébrique dans
un corps quadratique imaginaire.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
233 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Admettons momentanément le lemme et concluons la démonstration
du théorème. Puisque E est à multiplication complexe, End(E ) contient
un élément φ ∈
/ Z. D’après le lemme, le corps K = Q(φ) est un corps
quadratique imaginaire. Soit ψ ∈ End(E ). Si ψ ∈
/ Q, alors K 0 = Q(ψ) est
encore un corps quadratique imaginaire.
En fait, K 0 = K , car dans le cas contraire, un argument standard
de théorie de corps montrerait que φ + ψ serait de degré 4 sur Q. Donc
End(E ) ⊆ K et, puisque φ est un entier algébrique, End(E ) est contenu
dans l’anneau des entiers de K .
Enfin, le corps de fractions de End(E ) est K . Par conséquent, End(E )
est un ordre de K . D’où le théorème.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
234 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Corps de nombres et entiers algébriques
Revenons à la démonstration du lemme. On sait qu’il existe λ ∈ C tel
que φ(z) = λz. Par hypothèse, λ ∈
/ Z.
Soit (ω1 , ω2 ) une base de Ω. Par hypothèse, λω1 ∈ Ω et λω2 ∈ Ω.
Il existe donc une matrice A = ca db à coefficients entiers telle que
λω1 = aω1 + bω2 ,
λω2 = cω2 + dω2 .
Soit χ(X ) = X 2 − (a + d)X + ad − bc le polynôme caractéristique de
A. Alors χ(λ) = 0 ce qui implique que λ est un entier algébrique. Puisque
λ ∈
/ Z et χ est de degré deux, χ(X ) est irréductible. Donc Q(λ) est un
corps quadratique.
Si λ était réelle, alors λ serait irrationnel et donc
(λ − a)ω1 = bω2
serait une relation de R-dépendance linéaire entre ω1 et ω2 , en contradiction
avec l’hypothèse que (ω1 , ω2 ) soit une base d’un réseau.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
235 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Courbes elliptiques à nombre de points donné
Courbes elliptiques à nombre de points donné
Les courbes elliptiques sur un corps fini ont de nombreuses applications
en cryptographie, comme expliqué dans le cours de Denis Simon.
Les deux résultats suivants résument une partie des propriétés importantes des courbes elliptiques sur un corps fini.
Théorème (Hasse). Soit k un corps fini à q éléments et soit E une
courbe elliptique sur k. Si N désigne l’ordre du groupe des points de E
rationnels sur k, alors
p
|q + 1 − N| ≤ 2 q.
Théorème (Deuring). Soit k un corps fini
√ à q éléments et soit N un
entier premier à q et vérifiant |q + 1 − N| ≤ 2 q. Alors il existe une courbe
elliptique sur k dont le groupe des points rationnels sur k est d’ordre n.
(En fait, le résultat complet de Deuring traite également le cas où N
n’est pas premier à q.)
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
236 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Courbes elliptiques à nombre de points donné
Il existe des algorithmes de comptage des points d’une courbe elliptique
(algorithme de Schoof, SEA, . . .).
Ici, nous serons plutôt intéressé par le problème posé par le théorème√de
Deuring : étant donné un entier N premier à q et vérifiant |q+1−N| ≤ 2 q,
construire explicitement une courbe elliptique sur k dont l’ordre du groupe
des points est N.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
237 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Courbes elliptiques à nombre de points donné
Afin de simplifier la discussion, nous allons supposer que la caractéristique de k est différente de 2, de sorte que toute courbe elliptique sur k
possède un modèle de la forme
y 2 = x 3 + ax 2 + bx + c,
où a, b et c ∈ k et le polynôme x 3 + ax 2 + bx + c est à racines simples.
Si E est une courbe elliptique sur k, on note j = j(E ) son invariant j,
c’est-à-dire l’invariant j du polynôme x 3 + ax 2 + bx + c.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
238 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Courbes elliptiques à nombre de points donné
√
Soit donc N un entier premier à q et vérifiant |q + 1 − N| ≤ 2 q.
Supposons pour un instant qu’on connaît une courbe elliptique E sur k
dont le groupe des points est d’ordre N.
La démonstration du théorème de Hasse fait intervenir un polynôme√de
la forme P(X ) = X 2 −aq (E )X +q, où l’entier aq = aq (E ) vérifie |aq | ≤ 2 q.
L’entier N est alors la valeur de P en 1 et l’on a aq = q + 1 − N.
√
L’hypothèse que N soit premier à q implique qu’en fait |aq | < 2 q, et
donc que le discriminant ∆ = aq2 − 4q de P est strictement négatif.
Or, si l’entier N est donné, on pose aq = q + 1 − N puis ∆ = aq2 − 4q.
Sans connaître la courbe E , on peut donc associer à N le polynôme
P, puis
p
son discriminant ∆, et enfin le corps de nombres K = Q(i |D|) de degré
deux (un tel corps est appelé un corps quadratique imaginaire).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
239 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Courbes elliptiques à nombre de points donné
Or, le polynôme P apparaît dans la théorie des courbes elliptiques
comme le polynôme caractéristique d’un endomorphisme π de E , appelé
l’endomorphisme de Frobenius de E , et que nous noterons π.
Explicitement, π transforme le point à coordonnées (x , y ) de E (avec
x , y dans une clôture algébrique de k) en le point à coordonnées (x q , y q ).
Ainsi, l’anneau des endomorphismes End(E ) de E contient l’anneau
Z[π] qui est isomorphe à un ordre dans le corps quadratique K . Autrement
dit, la courbe elliptique est à multiplication complexe par K .
En outre, l’ordre Z[π] est déjà déterminé par l’entier N. Puisqu’on peut
montrer que End(E ) est toujours isomorphe à un sous-anneau de OK , on a
l’encadrement
Z[π] ⊆ End(E ) ⊆ OK .
Le groupe quotient des groupes additifs OK /Z[π] est un groupe fini,
et il n’y a donc qu’un nombre fini (explicite) de possibilités pour End(E ).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
240 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Courbes elliptiques à nombre de points donné
Soit O un ordre dans un corps quadratique imaginaire. Alors il existe
des réseaux Ω tel que l’anneau des endomorphismes End(E ) de la courbe
elliptique E = C/Ω est isomorphe à O. (Par exemple, O peut lui-même être
considéré comme un réseau de C.)
Théorème.
Soit Ω un réseau à multiplication complexe de C. Alors j(Ω) est un
entier algébrique.
Soit F le corps de nombres Q(j(Ω)) et soit p la caractéristique de k.
Soit P un idéal maximal de OF contenant p ; alors le corps quotient OF /P
est un corps fini k 0 de caractéristique p.
Et la classe j de j(Ω) dans k 0 est l’invariant j d’une courbe elliptique
sur k 0 (voir l’un des exercices de la fiche 112).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
241 / 320
Multiplication complexe et cryptographie
Courbes elliptiques à nombre de points donné
En général, en cherchant parmi les différentes courbes elliptiques d’invariant j pour les différentes valeurs de j on trouve la courbe cherchée.
Pour tester si le groupe de points d’une courbe elliptique est d’ordre
N, on peut utiliser l’algorithme de Schoof ou SEA. Mais il est souvent utile
de prendre des points P au hasard sur la courbe et voir si NP est l’origine
de la courbe.
Nous ne connaissons pas de méthode pour trouver une courbe elliptique
avec un nombre de points donné qui ne passe pas par la caractéristique zéro.
Il existe une théorie très riche de la multiplication complexe, qui permet
notamment de donner une description très précise du corps de nombres
engendré par j(Ω) lorsque Ω est à multiplication complexe.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
242 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires et fonctions thêta.
À partir de maintenant, nous allons étudier la variation des fonctions
que nous avons introduites aves le réseau Ω.
Nous désignons donc par z 7→ ℘(z, Ω) la fonction ℘ de Weierstrass
associée au réseau Ω, et les notations ζ(z, Ω), σ(z, Ω), η(ω, Ω) auront une
signification analogue.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
243 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Soient Ω, Ω0 ⊆ C deux réseaux.
On dit que Ω et Ω0 sont homothètes (ou isomorphes) s’il existe λ ∈ C×
tel que Ω0 = λΩ.
Proposition. Soit Ω ⊆ C un réseau et soit λ ∈ C× . Alors
1
℘(z, Ω),
λ2
1
ζ(λz, λΩ) = ζ(z, Ω),
λ
σ(λz, λΩ) = λσ(z, Ω),
1
η(λω, λΩ) = η(ω, Ω),
λ
1
Gk (λΩ) = k Gk (Ω), (k ≥ 3),
λ
j(λΩ) = j(Ω).
℘(λz, λΩ) =
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
244 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
La démonstration est facile et laissée en exercice. On a coutume de
poser
∆(Ω) = g2 (Ω)3 − 27g3 (Ω)2 ,
où g2 (Ω) = 60G4 (Ω), g3 (Ω) = 140G6 (Ω) comme auparavant. On appelle
∆(Ω) le discriminant de Ω.
Alors ∆(Ω) est la seizième du discriminant du polynôme 4t 3 − g2 t − g3 .
Par conséquent, ∆(Ω) 6= 0.
En utilisant la proposition, on trouve que
∆(λΩ) =
1
∆(Ω).
λ12
Enfin, un calcul aisé montre que
j(Ω) = 123
g2 (Ω)3
,
∆(Ω)
ce qui entraîne que j(λΩ) = j(Ω).
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
245 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Ces formules montrent que, pour calculer ℘, ζ, . . ., il suffit de savoir le
faire pour des réseaux ayant une base de la forme (1, τ ), où τ ∈ C.
Ici, (1, τ ) est une base d’un réseau si et seulement si τ ∈
/ R et, quitte
à remplacer τ par −τ , on peut supposer =(τ ) > 0.
La variable τ sert également dans l’étude des familles paramétrées de
courbes elliptiques, munies éventuellement de structures supplémentaires
(point d’ordre N . . .).
On note H le demi-plan supérieur {τ ∈ C | =(τ ) > 0}.
Si τ ∈ H, on note Ωτ le réseau de base (1, τ ).
D’après la proposition, on a, par exemple,
℘(z, Ω) =
1
z
℘
, Ωω2 /ω1 ,
2
ω1 ω1
lorsque (ω1 , ω2 ) est une base de Ω telle que =(ω2 /ω1 ) > 0.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
246 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Théorème. Soient τ , τ 0 ∈ H. Pour que les réseaux Ωτ et Ωτ 0 soient
homothètes, il faut et il suffit qu’il existe une matrice
aτ + b
a b
∈ SL2 (Z)
telle que
τ0 =
.
c d
cτ + d
(Rappelons que, si A est un anneau commutatif unitaire, SLn (A) désigne le groupe multiplicatif des matrices carrées d’ordre n à coefficients
dans A et de déterminant 1.)
Démonstration. Rappelons d’abord que, si M =
l’homographie de P1 (C) associée
M(τ ) =
a b
c d
∈ GL2 (C),
aτ + b
cτ + d
tranforme H en lui-même si et seulement si M est le produit d’un scalaire
et d’une matrice réelle de déterminant positif.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
247 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Si donc la matrice envisagée dans l’énoncé du théorème existe, alors
(cτ +d, aτ +b) est une base de Ωτ et, par conséquent, Ωτ 0 = (cτ +d)−1 Ωτ .
Supposons réciproquement qu’il existe λ ∈ C× tel que Ωτ 0 = λΩτ .
p q
r s
Ωτ 0 : il existe donc une matrice N =
Alors (λ, λτ ) est une base de
0
∈ GL2 (Z) telle que λ = r τ + s, λτ = pτ 0 + q.
On a donc
τ=
pτ 0 + q
= N(τ 0 ),
rτ0 + s
d’où τ 0 = N −1 (τ ).
A priori, N −1 est de déterminant ±1. Mais le fait que τ 0 et τ appartiennent à H entraîne que le déterminant est en fait +1.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
248 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Formes modulaires
Rappelons que H désigne le demi-plan supérieur ouvert {τ ∈ C |
=(τ ) > 0} et que, si τ ∈ H, Ωτ désigne le réseau de base (1, τ ).
Le groupe multiplicatif GL+
2 (R) des matrices carrées inversibles d’ordre
deux à coefficients réels et de déterminant positif opère sur H par
aτ + b
a b
, où M =
.
M(τ ) =
c d
cτ + d
Si τ ∈ H, on pose Gk (τ ) = Gk (Ωτ ), g2 (τ ) = g2 (Ωτ ), g3 (τ ) = g3 (Ωτ ),
∆(τ ) = ∆(Ωτ ), j(τ ) = j(Ωτ ).
Ce sont des fonctions holomorphes sur
P H, comme on voit en rappelant
que, d’après la définition, on a Gk (τ ) = (m,n)∈Z2 −{(0,0)} (mτ + n)−k .
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
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Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Proposition. On a
Gk (M(τ )) = (cτ + d)k Gk (τ ) quelque soit M =
a b
c d
∈ SL2 (Z).
aτ + b
, alors Ωτ 0 = (cτ + d)−1 Ωτ , comme
cτ + d
déjà remarqué. Par conséquent,
Démonstration. Si τ 0 =
Gk (M(τ )) = Gk (Ωτ 0 ) = (cτ + d)k Gk (Ωτ ) = (cτ + d)k Gk (τ )
d’après la proposition précédente.
On a alors g2 (M(τ )) = (cτ + d)4 g2 (τ ) et g3 (M(τ )) = (cτ + d)6 g3 (τ ).
Corollaire. On a
∆(M(τ )) = (cτ + d)12 ∆(τ )
a b
quelque soit M =
∈ SL2 (Z).
c d
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et
j(M(τ )) = j(τ )
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Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Définition. Soit k ∈ Z. Une forme modulaire de poids k (sur SL2 (Z))
est une fonction holomorphe f : H → C qui vérifie les deux conditions
suivantes.
a b
(i) Pour tout M =
∈ SL2 (Z), on a f (M(τ )) = (cτ + d)k f (τ )
c d
quelque soit τ ∈ H.
(ii) f possède un développement de Fourier de la forme
X
f (τ ) =
cn q n ,
q = q(τ ) = e 2πiτ ,
n∈N
où cn ∈ C et la série est supposée convergente sur un demi-plan de la forme
{τ ∈ H | =(τ ) > y0 }.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
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Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Expliquons la condition (ii).
En appliquant la condition (i) avec la matrice M =
1 1
, on voit
0 1
que f est de période 1.
Fixons d’abord y > 0 : la fonction d’une variable réelle fy (x ) = f (x +iy )
possède donc un développement de Fourier
Z 1
X
2πinx
fy (x ) =
cn (y )e
,
cn (y ) =
f (t + iy )e −2πint dt.
0
n∈Z
Si l’on pose w = t + iy , alors on trouve
Z
2πny
cn (y )e
=
f (w )e −2πinw dw
[iy ,iy +1]
et l’intégrale
à droite est indépendante de y , comme on, le voit en considéR
rant γ f (w )e −2πinw dw lorsque γ est un lacet en forme de rectangle avec
sommets iy , iy + 1, iy 0 + 1, iy 0 et en remarquant que les intégrales sur
les cotés opposées [iy + 1, iy 0 + 1] et [iy 0 , iy ] se simplifient en raison de la
périodicité.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
252 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Par conséquent, si l’on pose τ = x + iy , on trouve que
Z
X
f (w )e −2πinw dw
f (τ ) = f (x + iy ) =
cn e 2πinτ , où cn =
n∈Z
[iy ,iy +1]
est indépendant de y .
La condition (ii) signifie alors que cn = 0 lorsque n < 0.
Puisque e 2πiτ → 0 lorsque =(τ ) → +∞, la condition (ii) peut également être interprétée comme disant que « f est analytique à l’infini ».
Elle implique, en particulier, que lim=(τ )→+∞ f (τ ) existe ; la limite sera
en fait c0 .
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le 2 avril 2008
253 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
La proposition montre que Gk , g2 , g3 , ∆ et j vérifient la condition (i)
de la définition d’une forme modulaire.
Il faudra alors montrer que Gk , et donc encore g2 , g3 et ∆, vérifient
également la condition (ii).
En fait, un calcul plus soigné permet de déterminer les coeffcients cn
explicitement. Voici l’esquisse de l’argument, qu’on pourra compléter en
exercice.
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
254 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
On peut supposer que k est pair. Alors, en séparant les termes avec
m = 0 et en remarquant que ((−m)τ + (−n))k = (mτ + n)k , on trouve :
X
Gk (τ ) =
(m,n)6=(0,0)
Ici,
P+∞
n=1 n
−k
+∞
+∞
n=1
m=1 n∈Z
X 1
XX
1
1
=
2
+
2
.
(mτ + n)k
nk
(mτ + n)k
est la valeur en k de la fonction dzêta de Riemann.
Afin de traiter la somme double, on rappelle d’abord la formule classique :
+∞
1 X 1
1 cos πz
= +
+
,
π
sin πz
z
z +n z −n
n=1
valable pour tout z ∈ C − Z, la convergence étant localement uniforme sur
l’ouvert de C en question.
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255 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
D’autre part,
π
cos πz
e πiz + e −πiz
1 + e 2πiz
= πi πiz
=
−πi
sin πz
e − e −πiz
1 − e 2πiz
et donc, lorsque z ∈ H :
+∞
+∞
n=1
r =1
X
1 1 X 1
1 + e 2πiz
+
+
= −πi
= −πi 1 + 2
e 2πirz .
2πiz
z
z +n z −n
1−e
En dérivant k − 1 fois et en réarrangeant, on en tire que :
+∞
X
n∈Z
John Boxall (LMNO)
k X
1
k (2πi)
=
(−1)
r k−1 e 2πirz .
(k − 1)!
(z + n)k
r =1
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Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Le calcul se termine en replaçant z par mτ dans cette formule puis en
prenant la somme de m = 1 à +∞. Il s’ensuit que :
+∞ +∞
(2πi)k X X k−1 2πimr τ
Gk (τ ) = 2ζ(k) + 2(−1)
r
e
.
(k − 1)!
k
m=1 r =1
En rappelant que k est paire et en réarrangeant, on obtient le résultat
suivant :
Théorème. Soit k ≥ 4 un entier pair. On note ζ de la fonction
dzêta
P
k−1
de Riemann et, si n ≥ 1 est un entier, on pose σk−1 (n) = d|n d
, la
somme portant sur les diviseurs d ≥ 1 de n. Alors
+∞
Gk (τ ) = 2ζ(k) + 2(−1)k/2
(2π)k X
σk−1 (n)e 2πinτ .
(k − 1)!
n=1
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257 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Remarques. (i) Rappelons que, lorsque k ≥ 2 est un entier pair, la
valeur ζ(k) est un multiple rationnel de π k (voir la fiche 260). Le théorème
implique donc que les coefficients du développement de Fourier de la fonction modulaire Gk /ζ(k) sont rationnels. En outre, l’apparition de la fonction
dzêta et de la fonction σk−1 portant sur les diviseurs d’un entier suggère
l’importance des séries d’Eisenstein en théorie des nombres.
(ii) Il est clair qus σk−1 (n) ≤ nk . On en tire que la convergence de la
série de Fourier de Gk est linéaire, donc nettement meilleure que celle de la
série définissante de Gk . On en tire que les fonctions g2 , g3 , ∆ et j peuvent
également être calculées à l’aide de séries à convergence linéaire.
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le 2 avril 2008
258 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
(iii) La fonction
(∗)
(z, τ ) 7→ ℘01 (z, τ ) = −2
X
(m,n)∈Z2
1
(z + mτ + n)3
est de période 1, à la fois en z et en τ . Des calculs analogues permettent de
l’écrire comme somme de séries faisant intervenir des puissances de e 2πiz et
de e 2πiτ , qui convergent beaucoup plus vite que la série (∗). Mais on peut
faire encore mieux. . .
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le 2 avril 2008
259 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
Exercice. (i) Expliquer pourquoi la fonction z 7→ z/(e z −1) se prolonge
en une fonction holomorphe en 0. Trouver le rayon de convergence de son
développement en série entière au voisinage de 0.
Les coefficients Br de ce développement sont connus au nom des
nombres des Bernouilli. Explicitement, les coefficients Br sont définis par
∞
X Br
z
=
zr .
z
e −1
r!
r =0
(ii) Calculer B0 . Vérifier que la fonction z 7→ e zz−1 + 12 z est paire. En
déduire que B1 = −1/2 et que Br = 0 lorsque r ≥ 3 est impair.
P −1
(iii) En utilisant l’égalité e zz−1 (e z − 1) = z, montrer que r`=0
B` r` =
0 lorsque r ≥ 2. En déduire que B2 = 1/6 et que Br est un nombre rationnel
quelque soit l’entier r .
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
260 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Formes modulaires
On reprend la formule
+∞
1 X 1
1 cos πz
− =
+
π
sin πz
z
z +n z −n
n=1
déjà évoquée.
(iv ) En utilisant les formules cos z = (e iz + e −iz )/2 et sin z = (e iz −
exprimer les coefficients du développement en série entière au voisinage de 0 de
+∞ X
1 1
+
z 7→
z +n z −n
e −iz )/2,
n=1
en fonction des nombres de Bernouilli.
(v ) En déduire que
∞
k−1 B
X
1
2k
2k (−1)
=
(2π)
.
2 · (2k)!
n2k
n=1
quelque soit l’entier k ≥ 1.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
261 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions modulaires
Fonctions modulaires
Par contre, la fonction j ne vérifie pas la condition (ii) de la définition
d’une forme modulaire.
En effet, en utilisant l’exercice de la fiche 260, on trouve que ζ(4) =
π 4 /90 et ζ(6) = π 6 /945. Puisque ∆(τ ) = (60G4 (τ ))3 − 27(140G6 (τ ))6 , on
déduit du théorème de la fiche 257 que
lim
=(τ )→+∞
∆(τ ) = 0,
alors que lim=(τ )→+∞ G4 (τ ) = 2ζ(4) = π 4 /45. Par conséquent, j(τ ) n’est
pas borné lorsque =(τ ) → +∞.
En fait, on peut montrer que les seules fonctions holomorphes bornées
f : H → Cqui vérifient
f ((aτ + b)/(cτ + d)) = f (τ ) pour tout τ ∈ H et
a b
pour tout
∈ SL2 (Z) sont les fonctions constantes.
c d
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le 2 avril 2008
262 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions modulaires
On se trouve ainsi dans une situation analogue que pour les fonctions
elliptiques : toute fonction elliptique holomorphe est constante.
Comme pour les fonctions elliptiques, la solution est d’autoriser les
fonctions méromorphes.
Définition. Une fonction modulaire sur SL2 (Z) est une fonction méromorphe f sur H qui vérifie les deux conditions suivantes :
a b
(i) Pour tout
∈ SL2 (Z) on a
c d
f
aτ + b = f (τ ) pour tout τ ∈ H.
cτ + d
(ii) f est « méromorphe à l’infini », dans le sens qu’elle possède un
développement de Fourier de la forme
X
f (τ ) =
cn q n , q = q(τ ) = e 2πiτ .
n≥n0
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
263 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions modulaires
La fonction j rentre bien dans ce nouveau cadre. Nous savons déjà
qu’elle vérifie la condition (i).
Afin de montrer qu’elle vérifie la condition (ii), on note que
∆(τ ) = (60G4 (τ ))3 − 27(140G6 (τ ))2 = π 12 (4096q − 98304q 2 ) + O(q 3 ),
et que
123 g2 (τ )3 = π 12 (4096 + 2949120q) + O(q 2 ),
où l’on a encore écrit q = e 2πiτ . (On rappelle que ζ(4) = π 4 /90 et ζ(6) =
π 6 /945.)
Ces séries convergent sur le disque ouvert {q ∈ C | |q| < 1}. Par
conséquent,
1
j(τ ) = + 744 + O(q),
q
la série convergeant sur un disque épointé centré en 0. (En fait, elle converge
sur le disque épointé de rayon un, car ∆(τ ) 6= 0 quelque soit τ ∈ H, et j
est alors holomorphe sur H.)
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
264 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions modulaires
Exercice. Montrer que les fonctions modulaires sur SL2 (Z) forment un
corps.
Remarque. On peut montrer que toute fonction modulaire sur SL2 (Z)
sécrit comme fonction rationnelle en j. Ce résultat est analogue au fait que
toute fonction elliptique s’exprime sous la forme f (℘) + ℘0 g(℘), f et g étant
des fonctions rationnelles (voir la fiche 138).
Exercice. Montrer que les coefficients du développement de Fourier de
j sont rationnels. (un peu plus difficile : montrer qu’ils sont entiers. Les
coefficients sont liés aux degrés de certaines représentations du groupe fini
simple appelé « le monstre ».)
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
265 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions thêta
Fonctions thêta
Une autre manière de construire des formes modulaires est à l’aide de
fonctions thêta.
Par définition, la fonction thêta de Jacobi est la fonction définie sur
C × H par
X
2
θ(z, τ ) =
e πin τ +2πinz .
n∈Z
2
Puisque τ ∈ H, le terme e πin τ domine le terme e 2πinz ce qui garantit
la convergence quelque soit la valeur de z.
La série converge absolument sur C×H. Elle convergence uniformément
sur tout compact de C×H et θ est une fonction holomorphe sur ce domaine.
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le 2 avril 2008
266 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions thêta
Proposition.
(i) On a θ(−z, τ ) = θ(z, τ ) pour tout (z, τ ) ∈ C × H.
(ii) On a θ(z + m, τ ) = θ(z, τ ) pour tout (z, τ ) ∈ C × H et pour tout
m ∈ Z.
(iii) On a θ(z +mτ, τ ) = e −πim
et pour tout m ∈ Z.
2 τ −2πimz
θ(z, τ ) pour tout (z, τ ) ∈ C×H
Démonstration. Le (i) se voit en remplaçant n par −n dans la somme
définissant θ. Le (ii) est également immédiat.
Montrons le (iii). Les manipulations qui suivent se justifient facilement
à l’aide de la convergence absolue. On a :
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
267 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
θ(z + τ m, τ ) =
X
=
X
=
X
e πin
Fonctions thêta
2 τ +2πin(z+τ m)
n∈Z
e πi(n
2 +2nm)τ +2πinz
n∈Z
e πi(n+m)
2 τ +2πi(n+m)z−πim2 τ −2πimz
n∈Z
= e −πim
2 τ −2πimz
X
e πi(n+m)
2 τ +2πi(n+m)z
.
n∈Z
Lorsque n parcourt Z, n + m le parcourt aussi.
La proposition montre que z 7→ θ(z, τ ) est une fonction quasi-périodique
associée au réseau Ωτ de base (1, τ ). En particulier, on peut lui associer un
diviseur div(θ) ∈ Div(C/Ωτ ), que nous allons bientôt déterminer.
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
268 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions thêta
R2 .
Soit (a, b) ∈
Ilest utile d’introduire la fonction thêta de Riemann
avec caractéristiques ba :
X
a
2
θ
(z, τ ) =
e πi(n+a) τ +2πi(n+a)(z+b) .
b
n∈Z
En particulier, θ(z, τ ) = θ 00 (z, τ ).
La proposition suivante montre que, en fait, la fonction θ
qu’une réécriture de la fonction θ.
a
b
n’est
Proposition. Pour tout (z, τ ) ∈ C ∈ H, on a :
a
2
θ
(z, τ ) = e πia τ +2πia(z+b) θ(z + τ a + b, τ ).
b
La démonstration
a est laissée en exercice. On déduit facilement de cette
proposition que θ b est également une fonction quasi-périodique associée
à Ωτ .
John Boxall (LMNO)
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le 2 avril 2008
269 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions thêta
Proposition Soit (a, b) ∈ R2 . Alors
(i) θ ba (z + m, τ ) = e 2πima θ ba (z, τ ) et
2
(ii) θ ba (z + mτ, τ ) = e −πim τ −2πim(z+b) θ ba (z, τ )
quelque soit m ∈ Z.
À nouveau, la démonstration est laissée en exercice. Il s’agit d’un exercice de réarrangement des termes de la série qui se justifie facilement en
raison de la convergence absolue.
La proposition montre que θ ba est une fonction quasi-périodique associé au réseau Ωτ de base (1, τ ).
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le 2 avril 2008
270 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions thêta
Les cas où a, b ∈ {0, 1/2} seront particulièrement
importants par la
suite et nous écrirons alors θ2a,2b (z, τ ) pour θ ba .
On a ainsi quatre fonctions θ0,0 , θ0,1 , θ1,0 et θ1,1 . En particulier, θ0,0 =
θ.
Proposition. Fixons τ ∈ H. Les fonctions z 7→ θ0,0 (z, τ ), z 7→ θ0,1 (z, τ )
et z 7→ θ1,0 (z, τ ) sont paires, alors que la fonction z 7→ θ1,1 (z, τ ) est impaire.
Le cas de θ0,0 = θ a déjà été remarqué. Les autres cas se démontrent
de la même manière.
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le 2 avril 2008
271 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions thêta
Théorème. Soit (a, b) ∈ R2 . La fonction z 7→ θ ba (z, τ ) a un unique
zéro simple modulo Ωτ , et son diviseur est [−(aτ + b + 12 (τ + 1)].
Démonstration. Puisque z 7→ θ1,1 (z, τ ) est impaire, on a θ1,1 (0, τ ) = 0
quelque soit τ ∈ H.
D’après la proposition de la fiche 269, on déduit que z 7→ θ ba (z, τ )
s’annule lorsque z = −(aτ + b + 12 (τ + 1)).
Pour conclure,
il suffit de démontrer, pour un choix convenable de
(a, b), que θ ba a un unique zéro dans un parallèlogramme Πα = {α + λ1 +
λ2 τ | 0 ≤ λ1 , λ2 ≤ 1}.
Prenons donc (a, b) = (0, 0) afin de simplifier les calculs, en utilisant
la proposition de la fiche 267.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
272 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Fonctions thêta
Il suffit de montrer
Z
γ
θ0 (z, τ )
dz = 2πi,
θ(z, τ )
γ étant le bord du parallèlogramme muni de l’orientation usuelle et θ0 désignant la dérivée de θ par rapport à z. Grâce à la périodicité, on a
Z α 0
Z α+1+τ 0
θ (z, τ )
θ (z, τ )
dz = −
dz.
θ(z, τ )
α+1
α+τ θ(z, τ )
Par contre,
Z α+1
α
θ0 (z, τ )
dz +
θ(z, τ )
θ0 (z, τ )
dz
α+1+τ θ(z, τ )
Z α+1 0
θ (z, τ ) θ0 (z + τ, τ ) −
dz
=
θ(z, τ )
θ(z + τ, τ )
α
Z α+1 0
θ (z, τ ) θ0 (z, τ )
=
−
− 2πi dz
θ(z, τ )
θ(z, τ )
α
Z
α+τ
(en utilisant θ(z + τ, τ ) = e −πiτ −2πiz θ(z, τ )), ce qui vaut 2πi.
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
273 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Comparaison entre θ1,1 et σ
Comparaison entre θ1,1 et σ
Soit τ ∈ H et soit σ(z, τ ) la fonction σ de Weierstrass associée au
réseau Ωτ de base (1, τ ).
Les fonctions z 7→ θ1,1 (z, τ ) et z 7→ σ(z, τ ) sont des fonctions quasipériodiques associées à Ωτ . Elles sont toutes les deux impaires et de diviseur
[0]. Il est donc naturel de les comparer.
D’après la proposition de la fiche 270, on a
θ1,1 (z + 1, τ ) = −θ(z, τ ),
θ1,1 (z + τ, τ ) = −e −πiτ −2πiz θ1,1 (z, τ ).
Puisque θ1,1 et impair, dlog θ1,1 est impair et θ1,1 ayant un zéro simple
en 0, on voit que
1
dlog θ1,1 (z, τ ) = + O(z),
z
où la fonction O(z) dépend de τ .
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
274 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Comparaison entre θ1,1 et σ
En outre,
dlog θ1,1 (z + 1, τ ) = dlog θ1,1 (z, τ ) ,
dlog θ1,1 (z + τ, τ ) = −2πi + dlog θ1,1 (z, τ ) .
d
dlog θ1,1 (z, τ ) est une
En dérivant encore une fois, on voit que − dz
fonction elliptique qui vérifie
−
d
1
dlog θ1,1 (z, τ ) = 2 + O(1).
dz
z
D’autre part, on a
−
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d
1
dlog σ(z, τ ) = ℘(z) = 2 + O(z 2 ).
dz
z
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le 2 avril 2008
275 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Comparaison entre θ1,1 et σ
d
d
Par conséquent, la fonction dz
dlog θ1,1 (z, τ ) − dz
dlog σ(z, τ ) est
une fonction elliptique sans pôle, donc constante par rapport à z.
Il existe donc une fonction φ : H → C telle que
θ (z, τ ) d
1,1
dlog
= φ(τ )
dz
σ(z, τ )
pour tout z ∈ C, puis
dlog
θ
1,1 (z, τ )
σ(z, τ )
= φ(τ )z.
(Il n’y a pas de constante d’intégration car le membre gauche est une
fonction impaire.)
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276 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Comparaison entre θ1,1 et σ
1
2
Puisque φ(τ )z = dlog e 2 φ(τ )z , on en tire que
1
2
θ1,1 (z, τ ) = ψ(τ )e 2 φ(τ )z σ(z, τ ),
où ψ : H → C est une nouvelle fonction.
On peut déterminer la fonction φ en comparant les relations de quasipériodicité
θ1,1 (z + 1, τ ) = −θ1,1 (z, τ ),
1
σ(z + 1, τ ) = −e η(1)(z+ 2 ) σ(z, τ ).
On en tire que φ(τ ) = η(1) (ce qui dépend du réseau Ωτ et donc de τ !).
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277 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Comparaison entre θ1,1 et σ
La fonction ψ, quant à elle, peut être interprétée de diverses façons.
En faisant tendre z vers 0 et en rappelant que σ(z, τ ) = z + O(z 2 ), on
0 (0, τ ).
voit que ψ(τ ) = θ1,1
En substituant z = 12 , z = τ2 et z = 1+τ
2 , on trouve d’autres formules
pour ψ(τ ) en termes de θ0,1 (0, τ ), θ1,0 (0, τ ) et θ0,0 (0, τ ) ainsi que des
valeurs de la fonction σ aux mêmes points.
La comparaison de ces formules permet de démontrer quelques identités
remarquables, telle la formule dérivée de Jacobi
0
θ1,1
(0, τ )3 = −πθ0,0 (0, τ )θ0,1 (0, τ )θ1,0 (0, τ ).
Les détails sont omis.
En résumé, nous avons démontré le résultat suivant.
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278 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Comparaison entre θ1,1 et σ
Théorème.
Pour tout (z, τ ) ∈ C × H, on a
1
0
θ1,1 (z, τ ) = θ1,1
(0, τ )e 2 η(1) σ(z, τ ).
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279 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Les thêta constantes
Par définition, les trois thêta constantes sont les fonctions sur H données par
X
2
θ0,0 (τ ) = θ0,0 (0, τ ) =
e πin τ ,
n∈Z
θ0,1 (τ ) = θ0,1 (0, τ ) =
X
2
(−1)n e πin τ ,
n∈Z
θ1,0 (τ ) = θ1,0 (0, τ ) = e
πiτ
4
X
e πin(n+1)τ .
n∈Z
(Il serait inutile d’ajouter θ1,1 (τ ) = θ1,1 (0, τ ) car, la fonction z 7→
θ1,1 (z, τ ) étant impaire, le membre de droite est identiquement nul.)
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280 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Les thêta constantes vérifient une myriade d’identités, dont les suivants
méritent une mention particulière dans ce cours, en raison de leur lien avec
l’AGM.
Théorème (formules de duplication). Pour tout τ ∈ H, on a
θ0,0 (2τ )2 = 12 θ0,0 (τ )2 + θ0,1 (τ )2 ,
θ0,1 (2τ )2 = θ0,0 (τ )θ0,1 (τ ),
θ1,0 (2τ )2 =
1
2
θ0,0 (τ )2 − θ0,1 (τ )2 .
Démonstration. Le principe est le même dans les trois cas ; je me limiterai donc à la première formule.
La convergence des séries doubles étant absolue, les manipulations qui
suivent se justifient en appliquant le théorème de Fubini.
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281 / 320
Les thêta constantes
Formes modulaires et fonctions thêta.
On a
θ0,0 (τ )2 =
X
e πim
2τ
X
m∈Z
e πin
2τ
n∈Z
X
=
e πi(m
2 +n2 )τ
(m,n)∈Z2
et
θ0,1 (τ )2 =
X
(−1)m e πim
2τ
X
m∈Z
=
X
(−1)n e πin
2τ
n∈Z
m+n πi(m2 +n2 )τ
(−1)
e
.
(m,n)∈Z2
Par conséquent,
X
θ0,0 (τ )2 + θ0,1 (τ )2 =
2
2
1 + (−1)m+n e πi(m +n )τ
(m,n)∈Z2
=2
X
e πi(m
2 +n2 )τ
,
(m,n)∈Λ
où cette dernière somme parcourt le sous-groupe Λ de Z2 formé des couples
d’entiers (m, n) avec m et n de la même parité.
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282 / 320
Les thêta constantes
Formes modulaires et fonctions thêta.
Or, l’application
(m, n) 7→
m+n m−n
2 , 2
est une bijection de Λ sur Z2 , et si l’on pose
p=
m+n
,
2
q=
m−n
,
2
alors
m2 + n2 = 2(p 2 + q 2 ).
Par conséquent,
θ0,0 (τ )2 + θ0,1 (τ )2 = 2
X
e 2πi(p
2 +q 2 )τ
= θ0,0 (2τ )2 ;
(p,q)∈Z2
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283 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Corollaire. Soit τ ∈ H. Alors la suite (an , bn ) ∈ C2 définie par an =
θ0,0 (2n τ )2 , bn = θ0,1 (2n τ )2 est une bonne suite AGM.
Démonstration. Le théorème montre qu’il s’agit bien d’une suite AGM.
En écrivant
X
2
θ0,0 (v ) = 1 +
e πin v ,
n6=0
θ0,1 (v ) = 1 +
X
2
(−1)n e πin v ,
v ∈ H,
n6=0
on voit que θ0,0 (v ) → 1 et θ0,1 (v ) → 1 lorsque =(v ) → +∞. Par conséquent, si τ ∈ H est fixé, les suites θ0,0 (2n τ ) et θ0,1 (2n τ ) convergent également vers 1 lorsque n → +∞.
D’après le (iii) du théorème de la fiche 55, on en conclut que (an , bn )
est une bonne suite AGM.
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284 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Nous allons voir que, lorsque =(τ ) est assez grand, il s’agit de la
meilleure suite AGM. L’essentiel de la démonstration se trouve dans le lemme
suivant
√
Lemme. Soit √
τ ∈ H. Si =(τ ) > log(2√ 2 + 1)/π ≈ 0, 4273 . . . , alors
|θ0,0 (τ ) − 1| < 1/ 2 et |θ0,1 (τ ) − 1| < 1/ 2.
Démonstration. Posons y = =(τ ). Alors
X πin2 τ X −πn2 y
≤
|θ0,0 (τ ) − 1| = e
e
n6=0
n6=0
≤2
X
n≥1
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e −πny =
2e −πy
.
1 − e −πy
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285 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Un calcul facile montre que
2e −πy
1
<√
−πy
1−e
2
si et seulement si
√
log(2 2 + 1)
y>
,
π
ce qui achève la démonstration du cas de θ0,0 . Le cas de θ0,1 se traite de la
même manière.
√
Théorème. Soit τ ∈ H. On suppose que =(τ ) ≥ log (2 2 + 1)/π.
Alors la suite
an = θ0,0 (2n τ )2 ,
bn = θ0,1 (2n τ )2
est la meilleure suite AGM de terme initial θ0,0 (τ )2 , θ0,1 (τ )2 . Par conséquent, on a
θ0,1 (τ )2 1
=
.
M
2
θ0,0 (τ )
θ0,0 (τ )2
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286 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Démonstration. L’hypothèse implique que
√
=(2n τ ) = 2n =(τ ) > log(2 2 + 1)/π
quelque soit n. Le lemme montre donc que, quelque soit n, θ0,0 (2n τ√) et
θ0,1 (2n τ ) sont situés dans le disque ouvert de centre 1 et de rayon 1/ 2.
Cela implique que
| arg(θ0,0 (2n τ ))| ≤
π
,
4
| arg(θ0,1 (2n τ ))| ≤
π
4
puis que an et bn se trouvent dans le demi-plan ouvert {z | <(z) > 0}
quelque soit n.
On déduit que (an+1 , bn+1 ) est toujours le bon itéré de (an , bn ). Puisque
an → 1 et bn → 1, on a M(θ0,0 (τ )2 , θ0,1 (τ )2 ) = 1 et la dernière formule
alors est une conséquence des arguments à partir de la fiche 67.
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287 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Voici une autre formule liant les trois thêta constantes ; elle est encore
due à Jacobi.
Théorème. Pour tout τ ∈ H, on a
θ0,1 (τ )4 + θ1,0 (τ )4 = θ0,0 (τ )4 .
Démonstration. Cette formule se déduit des formules de duplication en
remplaçant τ par τ /2. En effet, on a :
θ0,1 (τ )4 + θ1,0 (τ )4 = θ0,0
=
τ 2
τ 2
2 θ0,1 2
1
θ0,0
4
τ 2
2
2
1
θ0,0 τ2 − θ0,1
4
τ 2 2
= θ0,0 (τ )4 .
2
+
+ θ0,1
τ 2 2
2
Ainsi, comme les fonctions elliptiques paramètrent les courbes elliptiques, les thêta constantes paramètrent la « quatrième courbe de Fermat »,
dont l’équation projective est x 4 + y 4 = z 4 .
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288 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Nous allons maintenant montrer que les thêta constantes sont liées aux
formes modulaires.
Proposition. Pour tout τ ∈ H, on a
θ0,0 (τ + 1) = θ0,1 (τ ),
θ0,1 (τ + 1) = θ0,0 (τ ),
πi
θ1,0 (τ + 1) = e 4 θ1,0 (τ ).
Démonstration. On a
θ0,0 (τ + 1) =
X
=
X
e πin
2 (τ +1)
=
n∈Z
X
2
e πin τ e πin
2
n∈Z
n πin2 τ
(−1) e
= θ0,1 (τ ).
n∈Z
Les autre formules se démontrent de la même manière.
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
289 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Théorème. Pour tout τ ∈ H, on a
−1 r τ
θ0,0
=
θ0,0 (τ ),
τ
i
r
−1 τ
θ1,0 (τ ),
θ0,1
=
τ
i
−1 r τ
θ1,0
=
θ0,1 (τ ).
τ
i
r
τ
désigne la racine carrée holomorphe sur H qui est positive
i
lorsque τ est imaginaire pur.
Ici,
Le trois identités sont des cas particuliers d’un résultat plus général, à
savoir le théorème suivant.
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290 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Théorème. Pour tout (z, τ ) ∈ H, on a
z2 e −πi τ θ
z
1
− ,−
=
τ
τ
r
τ
θ(z, τ ).
i
En effet, on obtient la première identité en prenant z = 0 et la seconde en prenant z = 12 . Enfin, la troisième découle de la seconde par la
substitution τ = −1/τ .
La démonstration de ce théorème est une application classique de la
formule de Poisson
X
X
f (n) =
fˆ(n),
n∈Z
n∈Z
où f : R → C est une fonction à décroissance rapide et
Z
ˆ
f (u)e −2πiuv du
f (v ) =
R
sa transformation de Fourier.
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291 / 320
Les thêta constantes
Formes modulaires et fonctions thêta.
πiu
En effet, si l’on pose
P f (u) = e
est clair que θ(z, τ ) = n∈Z f (n).
2 τ +2πiuz
, avec (z, τ ) ∈ C × H fixé, il
En outre, lim|u|→+∞ |u|α f (k) (u) = 0 quelque soit α ∈ R et k ∈ N, ce
P
P
qui suffit largement pour justifier l’égalité n∈Z f (n) = n∈Z fˆ(n).
Calculons donc fˆ(v ). On a
Z
2
ˆ
f (v ) =
e πiu τ +2πiuz−2πiuv du
R
=e
−πi
(z−v )2
τ
Z
e πiτ (u+
z−v 2
)
τ
du
R
=e
−πi
(z−v )2
τ
Z
2
e πiτ (u+λ) du,
R
où λ = (z − v )/τ est indépendant de u.
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292 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
2
En intégrant w 7→ e πiτ w sur le bord du parallèlogramme de sommets
−R, R, R + λ, −R + λ et en faisant tendre R vers +∞, on voit que
Z
Z
2
πiτ (u+λ)2
e
du =
e πiτ u du.
R
R
Lorsque τ = iy avec y > 0, on a vu en Licence que
Z
Z
r τ −1
1
πiτ u 2
−πyu 2
.
e
du =
e
du = √ =
y
i
R
R
R
p
2
Les fonctions τ 7→ R e πiτ u du et τ 7→ τi étant holomorphes sur H, on
déduit par prolongement analytique que
r Z
(z−v )2
(z−v )2 τ −1
−πi
−πi
πiτ u 2
ˆ
τ
τ
f (v ) = e
e
du = e
.
i
R
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L’AGM : applications et généralisations.
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293 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Au total, donc
r
r
r
τ
τX
τ Xˆ
θ(z, τ ) =
f (n) =
f (n)
i
i
i
n∈Z
=
X
n∈Z
(z−n)2
e −πi τ
= e −πi
n∈Z
=
z2 e −πi τ θ
z2
τ
X
e −πin
2
1
z
τ −2πin τ
n∈Z
z
1
− ,− ,
τ
τ
ce qui achève la démonstration du théorème.
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294 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Soit f : H → C la fonction définie par f (τ ) = θ0,0 (τ )8 + θ0,1 (τ )8 +
θ1,0 (τ )8 . Nous allons montrer que f est une forme modulaire de poids 4
pour SL2 (Z).
D’après la proposition de la fiche 289, on a
f (τ + 1) = θ0,0 (τ + 1)8 + θ0,1 (τ + 1)8 + θ1,0 (τ + 1)8
πi 8
= θ0,1 (τ )8 + θ0,0 (τ )8 + e 4 θ1,0 (τ )8 = f (τ )
quelque soit τ ∈ H.
De même, le théorème de la fiche 290 implique que
f
−
1
= τ 4 f (τ )
τ
quelque soit τ ∈ H.
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295 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Proposition. Soit k ≥ 1 un entier. Soit f : H → C une fonction vérifiant
(a) f (τ + 1) = f (τ ) pour tout τ ∈ H,
1
= τ k f (τ ) pour tout τ ∈ H.
(b) f −
τ
Alors
aτ + b f
= (cτ + d)k f (τ )
cτ + d
a b
pour tout τ ∈ H et pour tout
∈ SL2 (Z).
c d
Démonstration. Le point essentiel est que les matrices
0 −1
engendrent le groupe SL2 (Z).
1 0
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L’AGM : applications et généralisations.
1 1
0 1
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et
296 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Si M =
a b
c d
Les thêta constantes
∈ SL2 (Z), on pose
γM (τ ) = (cτ + d)k .
Afin de montrer la proposition, il suffit de montrer que si f (M(τ )) =
γM (τ )f (τ ) pour tout M appartenant à une famille génératrice de SL2 (Z),
alors cette même relation est vraie quelque soit M ∈ SL2 (Z).
Pour cela, il suffit de voir que si M, N ∈ SL2 (Z), et si f (M(τ )) =
γM (τ )f (τ ) et si f (N(τ )) = γN (τ )f (τ ) quelque soit τ ∈ H, alors
f (MN(τ )) = γMN (τ )f (τ ),
f (M −1 (τ )) = γM −1 (τ )f (τ )
quelque soit τ ∈ H.
Il s’agit alors d’un calcul facile qui fait usage de l’identité γMN (τ ) =
γM (N(τ ))γN (τ ). Les détails sont omis.
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le 2 avril 2008
297 / 320
Les thêta constantes
Formes modulaires et fonctions thêta.
Revenons à la fonction f (τ ) = θ0,0 (τ )8 + θ0,1 (τ )8 + θ1,0 (τ )8 .
En appliquant la proposition, on voit que f vérifie la condition (i) de
la définition d’une forme modulaire de poids 4 (voir la fiche 251).
Vérifions donc la condition (ii).
Soit k ≥ 1 un entier. Si n ≥ 1 est un entier, on note Rk (n) le nombre de
représentantions de n comme somme de k carrés d’entiers et Sk (n) le nombre
de représentations de n comme somme d’entiers de la forme m(m + 1). (Les
représentations obtenues par permutation ou par changement de signe sont
considérées comme distinctes. On remarque que Rk (n) = Sk (n) = 0 lorsque
n < 0.)
On a alors
θ0,0 (τ )k =
∞
X
Rk (n)e πinτ ,
θ0,1 (τ )k =
n=0
∞
X
(−1)n Rk (n)e πinτ
n=0
et
θ1,0 (τ )k = e
πikτ
4
∞
X
Sk (n)e πinτ .
n=0
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298 / 320
Les thêta constantes
Formes modulaires et fonctions thêta.
Par conséquent,
X
θ0,0 (τ )k + θ0,1 (τ )k = 2
Rk (n)e πinτ = 2
n≥0
n pair
∞
X
Rk (2n)e 2πinτ
n=0
(en remplaçant n par 2n) et
k
θ1,0 (τ ) =
πikτ
e 4
∞
X
Sk (2n)e 2πinτ
n=0
car un entier de la forme m(m + 1) est toujours pair.
En prenant k = 8, on en tire que
f (τ ) = 2
∞
X
n=0
=
∞
X
R8 (2n)e
2πinτ
+e
2πiτ
∞
X
S8 (2n)e 2πinτ
n=0
(2R8 (2n) + S8 (2n − 2))e 2πinτ .
n=0
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le 2 avril 2008
299 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
On en tire aussitôt que f vérifie bien la condition (ii) de la fiche 251.
Remarques. 1.) On peut montrer que, si k ∈ Z, le C-espace vectoriel
des formes modulaires de poids k pour SL2 (Z) est de dimension finie et, en
particulier, de dimension un dans le cas k = 4.
Mais nous connaissons deux formes modulaires de poids 4, à savoir f
et la série d’Eisenstein G4 .
Il existe donc une constante C telle que f (τ ) = CG4 (τ ) quelque soit
τ ∈ H.
La valeur de C peut être calculée en comparant les coefficients des
séries de Fourier de f et de G4 . On a alors
∞
X
n=0
∞
16π 4 X
(2R8 (2n) + S8 (2n − 2))e 2πinτ = C 2ζ(4) +
σ3 (n)e 2πinτ .
3
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n=1
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300 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
Prenons n = 1. On a σ3 (1) = 1, alors que R8 (2) = 112 et S8 (0) = 28 ,
comme on voit en calculant directement les coefficients de e 2πiτ de θ0,0 (τ )8
et de θ1,0 (τ )8 . En comparant les coefficients de e 2πiτ de f et de CG4 , on
trouve que
90
16π 4 C
,
soit C = 4 .
2 × 112 + 28 =
3
π
(Ceci permet alors, en comparant les coefficients constants de retouver
4
la formule ζ(4) = π90 .)
On en tire alors la formule
2R8 (2n) + S8 (2n − 2) = 480σ3 (n) = 480
X
d 3,
d |n
d≥1
valable pour tout n ≥ 1, reliant les fonctions arithmétiques R8 (2n), S8 (2n −
2) et σ3 (n).
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301 / 320
Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
2.) Soit Γ un sous-groupe d’indice fini de SL2 (Z) et soit k un entier (ou
juste un réel). La fonction holomorphe f : H → C est une forme modulaire
de poids k pour Γ si
a b
k
f (M(τ )) = (cτ + d) f (τ ),
M=
c d
seulement lorsque M appartient à Γ, et lorsque la fonction τ 7→ f (S(τ ))
possède un développement de Fourier dans un sens convenable lorsque S
parourt un système de représentants des classes de SL2 (Z) suivant Γ.
Dans ce sens étendu, les thêta caractéristiques deviennent elles-mêmes
des formes modulaires (de poids 12 ) sur des sous-groupes convenables de
SL2 (Z).
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L’AGM : applications et généralisations.
le 2 avril 2008
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Formes modulaires et fonctions thêta.
Les thêta constantes
De même, la fonction θ0,0 (τ )4 =
modulaire, de poids 2 cette fois.
P∞
n=0 R4 (n)e
πinτ
est une fonction
En utilisant les formes modulaires convenables, on peut montrer R4 (n) ≥
1 quelque soit l’entier naturel n (et, en fait, donner une formule explicite
pour R(n)). C’est le théorème des quatre carrés, qui affirme que tout entier
naturel est somme de quattre carrés d’entiers naturels.
John Boxall (LMNO)
L’AGM : applications et généralisations.
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Formes modulaires et fonctions thêta.
L’AGM : le dernier mot.
L’AGM : le dernier mot.
On pose
κ(τ ) =
θ1,0 (τ )2
,
θ0,0 (τ )2
κ0 (τ ) =
θ0,1 (τ )2
.
θ0,0 (τ )2
Nous allons esquisser une méthode, proposée par Régis Dupont, qui
permet de calculer pour certaines τ ∈ H les valeurs de κ(τ ) et de κ0 (τ ) à
l’aide de l’AGM et la méthode de Newton.
La formule θ0,1 (τ )4 + θ1,0 (τ )4 = θ0,0 (τ )4 entraîne alors que κ(τ )2 +
κ0 (τ )2 = 1.
√
En outre, on a M(κ0 (τ )) = θ 1(τ )2 si =(τ ) > log(2 2 + 1)/π (voir le
0,0
lemme de la fiche 285).
En appliquant le théorème de la fiche 290, on voit que
−1 −1 κ
= κ0 (τ ),
κ0
= κ(τ ),
τ
τ
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Formes modulaires et fonctions thêta.
L’AGM : le dernier mot.
√
On en tire que, si à la fois =(τ ) > log(2 2 + 1)/π et =( −1
τ ) >
√
log(2 2 + 1)/π :
M(κ(τ )) = M(κ0 ( −1
τ )) =
=
i
τ θ0,0
(τ )2
=
1
2
θ0,0 ( −1
τ )
i
M(κ0 (τ )).
τ
Nous avons donc démontré le lemme suivant :
√
Lemme. Soit τ ∈ H tel que =(τ ) > log(2 2 + 1)/π et =( −1
τ ) >
√
log(2 2 + 1)/π. Alors
iM(κ0 (τ ))
τ=
.
M(κ(τ ))
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Formes modulaires et fonctions thêta.
L’AGM : le dernier mot.
Remarquons que, si τ est imaginaire pur, alors θ0,0 (τ ), θ0,1 (τ ) et θ1,0 (τ )
2
sont réels, et donc que κ(τ ) et κ0 (τ ) sont réels et positifs. L’identité
p κ(τ ) +
0
2
0
0
κ (τ ) = 1 montre alors que κ(τ ), κ (τ ) ∈]0, 1[ et que κ(τ ) = 1 − κ (τ )2 .
p
Par prolongement analytique, la relation κ(τ ) = 1 − κ0 (τ )2 est valable sur un domaine D ⊆ H contenant les nombres imaginaires purs.
Fixons τ √
∈ D comme dans le lemme et considérons la fonction fτ (z) =
iM(z) − τ M( 1 − z 2 ).
D’après le lemme, on a fτ (κ0 (τ )) = 0.
On aimerait donc calculer κ0 (τ ) comme racine de fτ à l’aide de la
méthode de Newton.
Cela peut être justifié ; on trouvera une étude beaucoup plus détaillée
dans la thèse de Régis Dupont.
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Formes modulaires et fonctions thêta.
L’AGM : le dernier mot.
Remarque. L’un des intérêts de savoir calculer rapidement κ(τ ) et κ0 (τ )
est que cela permet de calculer rapidement j(τ ).
En effet, on peut montrer que
j(τ ) = 28
(λ(τ )2 − λ(τ ) + 1)3
(λ(τ )(1 − λ(τ )))2
et λ(τ ) désigne soit κ(τ )2 soit κ0 (τ )2 .
Ainsi, j(τ ) peut être calculé, au moins pour certaines valeurs de τ , à
l’aide de l’AGM et la méthode de Newton, donc comme limite d’une suite
quadratiquement convergente.
En fait, la méthode peut être adaptée pour calculer j(τ ) quelque soit
le choix de τ ∈ H, mais cela nécessiterait une discussion des domaines
fondementaux de SL2 (Z) et de ses sous-groupes, alors que nous sommes
déjà à la fiche 307 !
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Suites de Borchardt.
Suites de Borchardt.
Bien qu’il n’ait publié ses résultats qu’à partir de 1880, Borchardt a
proposé dès 1858 une généralisation des suites AGM à certaines suites de
2g nombres réels, g ≥ 1 étant un entier quelconque.
Ici, nous nous limiterons à une présentation brève du cas g = 2. Par
contre, nous travaillerons dans le cadre complexe.
Les démonstrations seront omises. On en trouve un bon nombre dans
la thèse de Régis Dupont.
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Suites de Borchardt.
Définition. Soit (a, b, c, d) ∈ C4 . Un itéré de Borchardt de (a, b, c, d)
est un quadruple (A, B, C , D) ∈ C4 tel que A = (a + b + c + d)/4, B =
(αβ + γδ)/2, C = (αγ + βδ)/2, D = (αδ + βγ)/2. Ici, α, β, γ et δ sont
des choix de racine carrée de a, b, c, d (c’est-à-dire α2 = a, . . .).
On dit que (A, B, C , D) est le bon itéré de Borchardt si |αi − αj | <
|αi + αj | pour tout i, j, où {α1 , α2 , α3 , α4 } = {α, β, γ, δ}. Dans tout autre
cas, on parle d’un mauvais itéré de Borchardt.
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Suites de Borchardt.
Propriétés de base.
Propriétés de base.
Si (α, β, γ, δ) est un choix de racines carrées de (a, b, c, d), alors
(α, β, γ, δ) et (−α, −β, −γ, −δ) définissent le même itéré de Borchardt.
En général, donc, un élément de C4 possède 8 itérés de Borchardt distincts.
Soit (a0 , b 0 , c 0 , d 0 ) une permutation de (a, b, c, d). Si (A, B, C , D) est un
itéré de Borchardt de (a, b, c, d), alors l’itéré de Borchardt de (a0 , b 0 , c 0 , d 0 )
obtenu en utilisant les mêmes choix de racines carrées est de la forme
(A, B 0 , C 0 , D 0 ), (B 0 , C 0 , D 0 ) étant une permutation de (B, C , D).
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Suites de Borchardt.
Propriétés de base.
Définition. Soit (a, b, c, d) ∈ C4 . La suite (an , bn , cn , dn )n∈N est appelée
une suite de Borchardt associée à (a, b, c, d) si (a0 , b0 , c0 , d0 ) = (a, b, c, d)
et si, pour tout n ∈ N, (an+1 , bn+1 , cn+1 , dn+1 ) est un itéré de Borchardt
de (an , bn , cn , dn ).
On dit que la suite (an , bn , cn , dn )n∈N est une bonne suite de Borchardt associée à (a, b, c, d) si (an+1 , bn+1 , cn+1 , dn+1 ) est le bon itéré de
(an , bn , cn , dn ) pour tout n à un nombre fini d’exceptions près. Dans le cas
contraire, on dit que (an , bn , cn , dn )n∈N est une mauvaise suite de Borchardt.
On parle de la bonne suite de Borchardt associée à (a, b, c, d) si tous
les itérés sont bons.
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Suites de Borchardt.
Propriétés de base.
Théorème. Soit (an , bn , cn , dn )n∈N une suite de Borchardt associée au
quadruple (a, b, c, d).
(i) Les suites (an )n∈N , (bn )n∈N , (cn )n∈N et (dn )n∈N convergent vers
une limite commune `.
(ii) La limite ` est invariante par permutation de a, b, c et d.
(iii) Pour que ` 6= 0, il faut et il suffit que (an , bn , cn , dn )n∈N soit une
bonne suite de Borchardt.
(iv ) Une bonne suite de Borchardt converge quadratiquement.
La démonstration se calque sur celle des résultats analogues concernant
l’AGM.
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Suites de Borchardt.
Fonction thêta de Riemann
Fonction thêta de Riemann
Soit g ≥ 1 un entier et soit Ω ⊆ Cg un réseau.
Lorsque g > 1, il n’y a pas de généralisation satisfaisante de la théorie
de Weierstrass qui permettrait de construire des fonctions méromorphes
Ω-périodiques sur Cg .
En général, lorsque g > 1, les seules fonctions Ω-périodiques sur Cg
sont des constantes.
Par contre, la théorie des fonctions thêta se généralisent bien au cas
g > 1, ce qui permet de construire des fonctions fonctions méromorphes
Ω-périodiques sur Cg lorsque Ω vérifient des conditions bien précises.
La fonction thêta de Riemann est la fonction définie Cg × Hg par
X
t
t
θ(z, T ) =
e πi nTn+2πi nz .
n∈Zg
Ici, on identifie les éléments de Zg , Rg et Cg avec des matrices à une
colonne et g lignes.
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Suites de Borchardt.
Fonction thêta de Riemann
En outre, Hg désigne l’espace des matrices carrées complexes d’ordre
g, symétriques et à partie imaginaire définie positive.
Cela signifie qu’un élément T ∈ Hg s’écrit T = X + iY , où X et Y
sont des matrices réelles symétriques, et Y est définie positive.
Ainsi, la forme quadratique u 7→ t uYu sur Rg est définie positive, ce
qui entraîne la convergence de la série.
En outre, la convergence est uniforme sur tout compact de Cg × Hg ,
ce qui implique que θ est une fonction holomorphe sur Cg × Hg .
Plus généralement, si a ∈ Rg , b ∈ Rg , on définit la fonction thêta de
Riemann avec caractéristiques ba par
X
a
t
t
θ
(z, T ) =
e πi (n+a)T (n+a)+2πi (n+a)(z+b) .
b
g
n∈Z
Comme dans le cas g = 1, ces fonctions ne sont pas vraiement nouvelles :
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314 / 320
Suites de Borchardt.
Fonction thêta de Riemann
Rg .
Proposition. Soient a, b ∈
Alors
a
t
t
θ
(z, T ) = e πi aTa+2πi a(z+b)θ(z+Ta+b) .
b
Proposition. Soient a, b ∈ Rg . Alors
t
(i) θ ba (z + m, T ) = e 2πi ma θ ba (z, T ) et
t
t
(ii) θ ba (z + Tm, T ) = e −πi mTm−2πi m(z+b) θ ba (z, T ).
Les démonstrations se calquent sur le cas g = 1.
Soit Ω le réseau de Cg engendré par les colonnes de la matrice identité
d’ordre g et les colonnes de T . La deuxième proposition montre qu’on puisse
construire des fonctions méromorphes Ω-périodiques sur Cg en prenant des
dérivées partielles des fonctions
a
∂
∂zk θ b (z, T )
,
(1 ≤ k ≤ g).
z 7→
θ ba (z, T )
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Suites de Borchardt.
Fonction thêta de Riemann
Nous sommes particulièrement interessés par le cas où les coefficients
de a et de b appartiennent à {0, 12 }, ce qui donne 22g fonctions différentes.
La fonction θ ba sera alors notée θ2a,2b .
Lemme. Soient p, q ∈ {0, 1}g . Alors
t
θp,q (−z, T ) = (−1) pq θp,q (z, T ).
t
Ainsi, la fonction z 7→ θp,q (z, T ) est paire ou impaire selon que (−1) pq
vaut 1 ou −1.
On dit que la caractéristique p/2
(ou, par abus de langage, (p, q)) est
q/2
t
paire ou impaire selon que (−1) pq vaut 1 ou −1.
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Suites de Borchardt.
Thêta constantes et suites de Borchardt.
Thêta constantes et suites de Borchardt.
Soient p, q ∈ {0, 1}g . On pose θp,q (T ) = θp,q (0, T ). θp,q (T ) est la
thêta constante associée à (p, q).
t
(Ainsi, θp,q ≡ 0 lorsque (−1) pq = −1.)
Théorème (formules de duplication). Pour tout p, q ∈ {0, 1}g , on a
θp,q (2T ) =
1
2g
X
t
(−1) pr θ0,r (T )θ0,s (T ),
r +s≡q (mod 2)
la somme portant sur les 2g couples (r , s) avec r , s ∈ {0, 1}g qui vérifient
r + s ≡ q (mod 2).
La démonstration est une adaptation de celle du cas g = 1. Au minimum, on vérifiera en exercice que l’énoncé se réduit à celui de la fiche 281
lorsque g = 1.
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Suites de Borchardt.
Thêta constantes et suites de Borchardt.
Nous nous limiterons désormais au cas g = 2. Il y a alors 16 caractéristiques au total, dont 10 sont paires et les 6 restantes sont impaires.
Fixons donc T ∈ H2 et prenons p = 00 dans la formule de duplication.
Posons donc θq = θ(0),q afin d’alléger la notation.
0
On trouve alors
1
θ(0) (T )2 + θ(1) (T )2 + θ(0) (T )2 + θ(1) (T )2 ,
0
0
1
1
0
4
1
θ(0) (2T )2 =
θ 0 (T )θ(0) (T ) + θ(1) (T )θ(1) (T ) ,
1
1
0
1
2 (0)
1
2
θ(1) (2T ) =
θ 0 (T )θ(1) (T ) + θ(0) (T )θ(1) (T ) ,
0
0
1
1
2 (0)
1
θ(1) (2T )2 =
θ(0) (T )θ(1) (T ) + θ(1) (T )θ(0) (T ) .
1
0
1
0
1
2
θ(0) (2T )2 =
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Suites de Borchardt.
Thêta constantes et suites de Borchardt.
Ces formules montrent que
(an , bn , cn , dn ) = θ(0) (2n T )2 , θ(0) (2n T )2 , θ(1) (2n T )2 , θ(1) (2n T )2
0
1
0
1
est une suite de Borchardt qui, pour certains choix de T , se trouve être la
meilleure suite de Borchardt.
Remarque. Lorsque g = 2, les fonctions thêta sont intimement liées à
la théorie des courbes possédant une équation de la forme y 2 = P(x ), P
étant un polynôme de degré 5 ou 6 sans racine multiple.
Le groupe projectif opère sur l’ensemble des ces polynômes de façon
analogue à l’action que nous avons étudié sur l’ensemble des polynômes de
degré 3 ou 4 sans racine muliple. Les invariants de cette action peuvent être
exprimés en terme des fonctions thêta et les suites de Borchardt peuvent
donc servir au calcul de ses invariants.
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L’AGM : applications et généralisations.
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Une très courte bibliographie.
Une très courte bibliographie.
J. M. Borwein, P. B. Borwein. Pi and the AGM. John Wiley, 1987.
E. T. Whittaker, G. N. Watson. A course in modern analysis. Cambridge
University Press, souvent réédité depuis 1927.
Régis Dupont. Moyenne arithmético-géométrique, suites de Borchardt
et applications. Thèse soutenue en avril 2006, disponible à :
http ://www.lix.polytechnique.fr/Labo/Regis.Dupont/ .
On trouvera de nombreuses autres références bibliographiques à la fin
de cette thèse.
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