L'équipe a entrepris la tache herculéenne de reconstituer l'histoire d'une centaine de galaxies
lointaines observées à la fois par le télescope spatial Hubble et le spectrographe GIRAFFE au
VLT. Des premiers résultats ont été obtenus pour trois d'entre elles et ils délivrent déjà des
informations inédites sur la manière dont ces objets se sont formés puis ont évolués.
Dans la première de ces galaxies, GIRAFFE a détecté une région remplie de gaz chaud ionisé,
c'est-à-dire composé d'atomes auxquels un ou deux électrons ont été arrachés, ce qui est
habituellement dû à la présence d'étoiles jeunes et chaudes dans le voisinage. En revanche,
contre toute attente, après avoir observé la même région du ciel pendant plus de onze jours, le
télescope Hubble n'a pu détecter aucune étoile dans cette région ! La comparaison avec des
simulations numériques suggère que l'explication pourrait venir d’une collision préalable entre
deux galaxies spirales riches en gaz. Les chocs produits sont capables de ioniser le gaz, le
rendant trop chaud pour former des étoiles. La galaxie observée aujourd’hui serait le résultat
de cette rencontre.
Dans la deuxième galaxie, les astronomes ont détecté une région centrale de couleur bleue
enfouie dans un disque beaucoup plus rouge, presque complètement cachée par la poussière
absorbante. Des modèles indiquent que le gaz et les étoiles de cette région bleue tombent
rapidement en spirale vers le centre. Ce serait le premier exemple connu d'un disque de galaxie
qui se reconstruit à la suite d'une fusion "majeure" entre deux galaxies de masse similaire (4).
Enfin, dans la troisième galaxie, les astronomes ont identifié une structure centrale très
inhabituelle, constituée d'une barre extrêmement bleue composée d'étoiles particulièrement
jeunes et massives, ce qui est très rare parmi les galaxies proches. En comparant à nouveau
avec des simulations, les astronomes ont trouvé que les propriétés de cet objet étaient bien
reproduites par une collision entre deux galaxies de masses distinctes.
La combinaison unique du télescope spatial Hubble et de GIRAFFE au VLT rend désormais
possible de décrire finement les galaxies distantes et de parvenir ainsi à un consensus sur le
rôle crucial que les collisions ont pu jouer dans la formation de ces objets. C'est parce qu'ils ont
accès aux mouvements du gaz -la troisième dimension fournie par le spectrographe GIRAFFE-
que les astronomes sont capables de retrouver la masse et les orbites des objets préexistants :
leurs progéniteurs. Les astronomes sont actuellement en train d'étendre leur analyse à
l'ensemble de l'échantillon observé. L'étape suivante sera de comparer les résultats complets
avec les caractéristiques mesurées des galaxies proches et de construire ainsi une vision
véritablement cohérente de l'évolution des galaxies au cours des 6 derniers milliards d'années,
presque la moitié de l'âge de l'Univers.