CORRIGÉ DU CONCOURS BLANC DU 7 FÉVRIER 2013
LES VILLES ET LA GUERRE, VERS 1270-VERS 1480
(ROYAUME D’ÉCOSSE, ROYAUME D’ANGLETERRE, IRLANDE, PAYS DE
GALLES, ROYAUME DE FRANCE ET MARGES OCCIDENTALES DE L’EMPIRE)
Jeudi 19 septembre 1370 : la Cité de Limoges, une partie de la capitale limousine qui
s’était livrée au roi de France Charles V, est reconquise par le Prince Noir, Édouard
d’Angleterre, prince d’Aquitaine, après trois semaines de siège. Jean Froissart stigmatise dans
ses Chroniques les exactions des assaillants : « de quelque âge que ce fût, jeunes ou vieux,
hommes, femmes et enfants, les Anglais passèrent tout à l’épée, et sans délai toute la Cité fut
saccagée et volée, et une grande partie brûlée et détruite. Et quand ils eurent assouvi leur
désir de tuer et que les pillards l’eurent toute pillée et volée — dont sachez bien qu’ils tirèrent
un grand avoir, car elle était riche et bien pourvue ils s’en allèrent […] et la laissèrent
dans cet état désolé. » L’évêque de la ville même, emmené en captivité et menacé de
décapitation, n’aurait dû la vie qu’à l’intervention du pape. Si les historiens ont fait justice des
exagérations de Froissart dans ce cas précis1, reste que son récit exprime parfaitement l’image
du sac de la ville comme épisode extrême de la guerre, telle que la reproduisent
d’innombrables enluminures, et telle qu’elle cristallise les peurs des citadins du temps,
confrontés à l’omniprésence des conflits armés à la fin du Moyen Âge.
L’essor de la ville, caractérisée par une importante concentration de population, mais aussi
par un cumul de fonctions religieuses, économiques et administratives et par l’affirmation
d’une communauté politique d’habitants (universitas), est l’un des phénomènes majeurs du
grand mouvement d’expansion qu’a connu l’Occident au Moyen Âge central, du XIe au XIIIe
siècle. La physionomie de l’Europe occidentale en est durablement marquée : de la fin du
XIIIe siècle à la fin du XVe siècle, les villes y jouent un rôle prépondérant, comme sièges des
pouvoirs ecclésiastiques et politiques ainsi que de leurs services administratifs, comme
centres de production artisanale, de commerce et de crédit, mais aussi comme cadres de
l’activité artistique, culturelle et de l’enseignement. À tous égards, le monde rural subit leur
emprise, à commencer par les campagnes environnantes, le « plat-pays ».
Le poids des villes n’est toutefois pas uniforme à travers l’Occident. Aux Pays-Bas, région
la plus densément urbanisée2 avec l’Italie du Nord, s’opposent les périphéries gaéliques des
îles Britanniques, Irlande occidentale3 et Écosse septentrionale des Highlands, dépourvues de
véritables villes. Entre ces deux cas extrêmes, l’Écosse méridionale, l’Angleterre, la France et
l’ouest de l’Empire germanique occupent une position intermédiaire, avec un tissu urbain plus
ou moins lâche4, tandis que l’urbanisation du pays de Galles et de l’Irlande orientale est le fait
1 Jean Froissart, Chroniques, éd. baron Joseph Kervyn de Lettenhove, t. VIII, 1370-1377, Bruxelles, Devaux,1869, pp. 38-
40 ; Alfred Leroux, Le sac de la Cité de Limoges et son relèvement, 1370-1464, Limoges, Ducourtieux et Gout, 1906 ; Jean
Tricard, Les campagnes limousines du XIVe au XVI
e siècle. Originalité et limites dune reconstruction rurale (Histoire
ancienne et médiévale, 37), Paris, Publications de la Sorbonne, 1996, pp. 17-18.
2 32% des habitants des Pays-Bas auraient habité en ville vers 1470 : Wim Blockmans, Walter Prevenier, The Promised
Lands. The Low Countries Under Burgundian Rule, 1369-1530, Philadelphie, University of Pennsylvania Press, 1999,
tableau 4 p. 152.
3 Francis Xavier Martin, « Introduction : Medieval Ireland », Medieval Ireland, 1169-1534 s. dir. Art Cosgrove, (A New
History of Ireland, 2), Oxford, Clarendon Press, 1987, pp lvii-lix ; Robin Edgar Glasscock, « Land and people, c. 1300 », p.
234.
4 Taux de population habitant en agglomération d’au moins 5 000 habitants vers 1500 : Pays-Bas de l’époque 20 à 45%, Italie
15 à 20%, France actuelle 9 à 12%, Angleterre et Allemagne actuelle 7 à 9% (Paul Bairoch, cité in Jean-Pierre Bardet,
Jacques Dupâquier (dir.), Histoire des populations de l’Europe, t. I, Des origines aux prémices de la révolution
démographique, Paris, Fayard, 1997, tableau 29 p. 258.
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du conquérant anglais. Par ailleurs, certaines villes sont virtuellement indépendantes au plan
politique et constituent de véritables cités-États dominant un territoire plus ou moins étendu,
telles les « villes d’Empire » (Reichsstädte) et les « villes libres » (Freie Städte) de l’Empire
germanique ou, en marge de celui-ci, les chefs-lieux des Cantons suisses. Ailleurs, les villes
doivent composer avec un État royal ou princier ; en Flandre en particulier, la défense de
l’autonomie urbaine face à l’affirmation de l’État français dès la fin du XIIIe siècle, puis de
l’État bourguignon au XVe siècle, est une source de conflits incessants.
Comme l’ensemble de la société occidentale, à partir des dernières décennies du XIIIe
siècle ce monde des villes est confronté au retour en force du phénomène de la guerre, après
plusieurs générations la paix avait prévalu dans l’ensemble, du moins sur le Continent,
alors que l’Angleterre avait souffert de guerres civiles endémiques. La guerre de Cent Ans,
qui de 1337 à 1453 oppose les royaumes de France et d’Angleterre, est le plus emblématique
de ces affrontements armés qui ravagent l’Occident jusqu’à la fin du Moyen Âge, mais ceux-
ci revêtent bien d’autres formes, depuis la révolte urbaine contre une autori supérieure
jusqu’à la guerre civile dans laquelle deux factions se disputent le pouvoir, en passant par la
guerre privée menée localement sans l’assentiment du souverain, et par le brigandage en
armes des mercenaires sans emploi ou des « chevaliers pillards » (Raubritter) de l’ouest de
l’Empire germanique. Tous ont pour point commun la rupture de la paix publique et l’emploi
d’armes de guerre par des troupes adoptant un minimum d’organisation militaire, avec des
chefs et une aptitude à l’action collective coordonnée.
En quoi, dans ce contexte, le rôle joué par les villes dans l’organisation politique, dans la
structuration de l’espace et plus généralement dans la vie locale ou régionale fait-il d’elles un
enjeu des opérations militaires ? Comment les villes, cibles potentielles de la guerre,
s’organisent-elles pour pourvoir à leur sécurité ? Quels autres rapports les villes entretiennent-
elles avec la guerre, soit en tant que belligérants prenant les armes contre leurs propres
adversaires, soit en tant que membres d’une construction politique plus large, appelés à
participer à un effort de guerre sur un théâtre éloigné ?
Dans un premier temps, nous adopterons le point de vue de l’assaillant pour cerner l’intérêt
stratégique des villes dans le cadre d’une campagne militaire, avant de nous intéresser aux
moyens mis en œuvre pour s’en emparer et aux conséquences de leur prise. Nous nous
placerons dans une deuxième partie du point de vue de la ville pour examiner son
organisation défensive et prendre la mesure de la militarisation de la société urbaine. Enfin,
nous étudierons dans un troisième temps la projection de l’effort de guerre de la ville au-delà
de ses murs, lorsqu’elle s’engage pour son compte dans une opération offensive, ou lorsque le
prince la sollicite humainement, matériellement et financièrement pour sa guerre.
I. LES VILLES, CIBLES DE LA GUERRE
1) la ville, enjeu stratégique
Dès le XIIe siècle, selon Philippe Contamine, le contrôle des villes devient plus important
que celui des châteaux car elles sont devenues « les véritables maîtres de l’espace », dont
elles sont « les centres économiques, administratifs et humains »5. La ville des derniers siècles
du Moyen Âge organise en effet le territoire par les fonctions qu’elle exerce :
Tous les évêchés ont leur siège dans un centre urbain, qui constitue le cœur du diocèse.
La polarisation urbaine de la vie religieuse a été renforcée au XIIIe siècle par l’implantation
5 La guerre au Moyen Âge (Nouvelle Clio), Paris, P.U.F., 1980, p. 208.
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en ville des nouveaux ordres mendiants, qui forment l’élément le plus dynamique du clergé
régulier à la fin du Moyen Âge. Le pouvoir religieux de la ville peut faire d’elle un objectif
stratégique immédiat dans le cas particulier il fonde la légitimation du pouvoir politique.
Reims, ville du sacre des rois de France, est dès 1359 la cible d’une vaine chevauchée
d’Édouard III d’Angleterre, soucieux de conforter ses prétentions au trône capétien. Dans les
années 1420, sa fidélité au dauphin Charles au beau milieu des terres anglo-bourguignonnes,
en empêchant le sacre d’Henri VI, est un précieux atout pour le prince Valois, à qui le coup
d’audace de Jeanne d’Arc et son propre sacre en 1429 procurent un avantage symbolique
décisif.
Le rôle proprement politique de la ville intéresse plus directement les stratèges. La ville
est le théâtre, à des degrés divers selon les lieux, d’une rivalité entre les anciens pouvoirs
seigneuriaux, ecclésiastiques ou laïques, qui ne se sont pas partout effacés, et les
municipalités, émanation de la communauté des habitants jouissant du droit de bourgeoisie,
en vertu duquel ils participent aux affaires publiques de leur cité. Ces tensions peuvent aller
jusqu’au conflit armé : les soulèvements récurrents des habitants de Liège contre leur évêque
et seigneur temporel, tout au long des XIVe et XVe siècles, sont emblématiques de ces guerres
intestines. La communauté politique des bourgeois est une personne morale collective. Dans
certaines villes, elle revêt la forme d’une communauté jurée (conjuratio) de tous les habitants
libres sans distinction d’état : la commune. À travers son seigneur ou sa municipalité, la ville
apparaît comme un acteur politique à part entière à l’échelle locale, voire régionale. De sa
résistance ou de sa soumission à une entreprise militaire dépend largement la maîtrise de la
contrée par celle-ci : la chute de Rouen aux mains du roi d’Angleterre Henri V en 1419 ou des
princes rebelles pendant la guerre du Bien public en 1465 sonne le glas de la domination du
roi de France en Haute-Normandie.
Par son rayonnement sur l’espace environnant, mais aussi par la présence de praticiens
de l’écrit, du droit et de la comptabilité, la ville a vocation à devenir le centre de
l’administration d’un territoire. Les constructions politiques étendues de la fin du Moyen Âge,
monarchies nationales et principautés territoriales, en font donc les relais de leur pouvoir
central et les sièges de leurs administrations locales. C’est encore dans les grandes villes,
matériellement en mesure d’héberger et nourrir une population d’étudiants, que les princes
multiplient aux XIVe et XVe siècles les fondations universitaires pour y former les serviteurs
de leurs États. Ainsi, le contrôle de l’espace politique par le prince repose en partie sur la
qualité des relations tissées avec les villes : la notion de « bonne ville », qui apparaît dans le
royaume de France au XIIIe siècle et s’y répand au siècle suivant, en est une expression, bien
connue par les travaux de Bernard Chevalier6. Une bonne ville, c’est pour ses habitants une
ville unie et en mesure de défendre ses intérêts collectifs ; pour le prince, c’est une ville loyale
et fidèle. Ainsi, prendre la ville, c’est désorganiser localement l’administration royale ou
princière : en 1355, lors de la chevauchée du Prince Noir dans le sud-ouest de la France, ses
agents font main basse sur les registres des receveurs des finances dans les villes investies
pour s’informer sur les revenus de l’adversaire, mais aussi entraver la collecte de l’impôt
après le retrait des Anglais7.
À l’échelon supérieur, le contrôle de la ville capitale est un enjeu crucial : l’alliance en
1419 d’Henri V avec les Bourguignons, maîtres de Paris depuis 1418, prive le dauphin
Charles des institutions centrales de l’État français, installées dans le vieux Palais royal sur
l’île de la Cité ; pendant près de vingt ans, il n’est que le « roi de Bourges », contraint à un
exil intérieur au sud de la Loire il doit reconstituer des institutions centrales avec des
6 Les bonnes villes de France du XIVe au XVIe siècle (collection historique), Paris, Aubier-Montaigne, 1982.
7 Michael Prestwich, Armies and Warfare in the Middle Ages. The English Experience, New Haven-Londres, Yale University
Press, 1996, p. 201.
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réfugiés parisiens et d’autres serviteurs fidèles.
Autant que sur sa fonction religieuse, la polarisation du territoire environnant par la ville
repose sur ses fonctions économiques. La ville est un centre de transformation et de
redistribution de la production des campagnes, dans lequel se développent des quartiers ou
des faubourgs à vocation artisanale et commerciale ; la présence d’un marché est l’un des
critères de définition de la « bonne ville » française. La fonction de redistribution concerne
aussi la vente de produits extérieurs à la contrée, issus d’un commerce à moyenne ou longue
distance dont la ville est le relais. Enfin, le grand commerce comme le négoce à grande
échelle de la production locale permettent à de gros marchands enrichis de développer
parallèlement une activité de crédit. Ces marchands-banquiers peuvent être, dans les
principales villes marchandes comme Londres, Paris ou Bruges, des Italiens représentant de
puissantes compagnies toscanes. Mais le crédit concerne aussi, à un échelon plus modeste, la
paysannerie prise dans les rets d’usuriers urbains. Enfin, les profits du commerce et de la
finance sont réinvestis dans les campagnes. Liens entre artisans et fournisseurs, marchands et
producteurs, créanciers et débiteurs, propriétaires et exploitants s’entrecroisent ainsi pour
étendre sur les campagnes la domination économique et sociale de la ville. La ville est le pôle
s’accumulent les richesses, ce qui la signe cette fois à la quête des profits de guerre :
dans son récit du sac de la Cité de Limoges en 1370, Froissart souligne bien son opulence et
l’importance du butin anglais.
La situation géographique de la ville sur les voies terrestres, fluviales ou maritimes rend
nécessaire son contrôle, soit pour assurer la sécuri des lignes de communication et
d’approvisionnement de l’armée en campagne, soit pour maîtriser l’espace traversé par ces
voies. La ville joue, de ce point de vue, le même rôle stratégique que la forteresse dans la
surveillance des voies de communication et des territoires. La prise de Rouen est ainsi
nécessaire à Henri V pour se rendre maître de la basse vallée de la Seine. La guerre en mer,
mais aussi les entreprises anglaises sur le Continent reposent par ailleurs sur le contrôle de
ports maritimes : au XIVe siècle, Édouard III multiplie ainsi les têtes de pont sur la côte
française, à commencer par Calais, prise en 1347, tandis que la chute d’Harfleur en 1415 est
le préalable à la conquête de la Normandie par Henri V.
Les villes du pays de Galles et de l’Irlande anglaise, étroitement liées à la domination
anglaise, constituent enfin un cas particulier. Dans les villes galloises, fondées par Édouard Ier
après la conquête et peuplées de colons anglais, les Gallois sont exclus du droit de bourgeoisie
et des activités lucratives : leur domination sur les campagnes apparaît donc à ces derniers
comme une forme supplémentaire de l’oppression anglaise, d’autant que les marchés urbains
ont le monopole de la vente des produits agricoles. Les villes du pays de Galles sont une cible
privilégiée de la révolte de Glyn Dwr en 1400 : plusieurs sont prises et mises à sac. Il leur faut
une vingtaine d’années pour se relever ; dans la suite du XVe siècle, les discriminations
frappant les Gallois disparaissent et les deux populations urbaines se fondent
progressivement8.
Dans la Seigneurie anglaise d’Irlande, la plupart des fondations urbaines s’étagent entre la
fin du XIIe et le milieu du XIIIe siècle. Elles aussi sont peuplées de colons anglais et bien que
certains Gaéliques accèdent à la bourgeoisie, ils doivent demander au roi des lettres de
franchise pour relever de la loi anglaise, car leur statut juridique leur accorde moins de droits
qu’aux Anglais. Les citadins anglais les voient d’ailleurs d’un mauvais œil et avec le recul de
la domination anglaise, les réglementations municipales se durcissent : au XVe siècle,
plusieurs villes tendent à server aux Anglais le statut d’apprenti. Les villes d’Irlande
apparaissent donc elles aussi comme des symboles de la domination anglaise et subissent aux
8 Jean-Philippe Genet, Les îles Britanniques au Moyen Âge (CarHistoire, 62), Paris, Hachette, pp. 189, 207-208.
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XIVe et XV
e siècles les attaques des Gaéliques, mais également des lords anglo-irlandais
œuvrant pour leur propre compte9.
2) Le siège de la ville
La ville médiévale étant fermée par une enceinte, et d’autant plus fortifiée dans les
périodes de guerre et d’insécurité comme les XIVe et XVe siècles, l’ennemi doit l’assiéger
pour s’en emparer : autant les batailles rangées sont rares dans la guerre médiévale, autant les
sièges sont courants10. Les tactiques du siège évoluent peu au cours de la période. L’assaillant
doit d’abord combler et au besoin assécher les obstacles creux qui défendent l’approche des
murailles, puis tenter d’y ouvrir une brèche en visant particulièrement les points faibles,
portes et tours d’angle. Diverses techniques y concourent : le bombardement par divers engins
de jet mis au point depuis le XIIe siècle, dont le plus puissant est le trébuchet11, l’enfoncement
ou la perforation par des armes agissant au contact même des défenses, bélier ou corbeau,
enfin la sape, destinée à provoquer l’effondrement ou la fissure de l’enceinte par le
creusement de galeries. Les engins de jet servent aussi à lancer dans la ville des projectiles
incendiaires. La poliorcétique médiévale requiert donc un équipement spécifique et des
spécialistes, depuis les simples terrassiers et charpentiers jusqu’aux sapeurs, issus des milieux
miniers12, aux « mécaniciens » qui assemblent les engins de siège et aux « ingénieurs » qui en
dirigent la construction ; même ces derniers, toutefois, ne jouissent pas d’une considération
sociale à la hauteur de leur utilité et sont moins payés que les hommes d’armes.
L’artillerie à poudre se substitue progressivement aux engins de jet mécaniques à partir des
années 1370 et surtout du début du XVe siècle : en 1406, un projet de siège de Calais par le
duc de Bourgogne Jean sans Peur prévoit davantage de canons que d’ « engins volants »
traditionnels. D’après Alain Salamagne, les premières pièces d’artillerie de siège sont surtout
utilisées pour lancer des projectiles incendiaires. Par la suite, leur puissance de tir supérieure à
celle des anciens engins de jet est employée contre l’enceinte même.
Une fois la brèche pratiquée, le plus souvent par la destruction d’une porte comme à
Limoges en 1370, les assiégeants s’y engouffrent. S’ils ne réussissent pas à forcer les
défenses, ils peuvent tenter l’escalade des murs, soit à l’aide d’une tour mobile, le beffroi, soit
9 R. E. Glasscock, « Land and people, c. 1300 », Medieval Ireland, p. 234 ; John Anthony Watt, « Approaches to the history
of fourteenth-century Ireland », ibid., pp. 308-309 ; id., « The Anglo-Irish Colony under strain, 1327-1399 », pp. 369-370,
394-395.
10 « La guerre est [] faite avant tout de pillages, souvent de sièges, parfois de batailles » (Claude Gaier, Art et organisation
militaires dans la principauté de Liège et dfans le comté de Looz au Moyen Âge [Mémoires, coll. in-8°, LIX-3], Bruxelles,
Académie royale de Belgique, Classe des lettres et des sciences morales et politiques, 1968, p. 216) ; « Dans sa forme la plus
courante, la guerre était faite d’une succession de sièges, accompagnés d’une multitude d’escarmouches et de vastations,
à quoi venaient s’ajouter quelques combats majeurs » (Ph. Contamine, La guerre au Moyen Âge, p. 207) ; « Les sges ont
dominé la guerre médiévale comme jamais les batailles ne l’ont fait » (M. Prestwich, Armies and Warfare, p. 281).
11 Un de ces engins (non mentionné dans le cours sur l’armement), très répandu chez les assiégeants et les assiégés aux XIIIe
et XIVe siècles, est lespringale, qui fonctionne sur le principe de larbalète, mais dont la corde est attachée à deux bras
articus à un cadre de bois, qui sont ramenés vers l’arrière quand la corde est tendue, et reprennent leur position initiale
quand elle est relâchée, propulsant le carreau. Cette arme de grande taille peut être fixe ou montée sur roues ; c’est elle qui,
vers 1350, coûte cinq fois plus cher qu’un canon en Angleterre (M. Prestwich, Armies and Warfare, pp. 291, 293 ; Alain
Salamagne, Les villes fortes au Moyen Âge [Gisserot-Histoire], Paris, Gisserot, 2002, p. 71 ; Philippe Durand, L’armement
au Moyen Âge [Les petits vocabulaires de lhistoire de lart], t. I, Bordeaux, Confluences, 2012, pp. 84-85 ;
http://www.katapeltes.fr/articles.php?lng=fr&pg=143).
12 Dans la principauté de Liège, où lexploitation de la houille du bassin mosan prend son essor à la fin du XIIe siècle, les
premières mentions dans les sources de l’emploi des mineurs aux travaux de sape remontent à la première moitié du XIVe
siècle. À la fin du siècle, leur réputation militaire dépasse les frontières de la principauté : Charles VI en recrute pour son
expédition contre la Gueldre en 1388. Au XVe siècle, ils sont présents en 1430 au siège de Compiègne dans larmée de
Jeanne d’Arc comme dans celle des défenseurs bourguignons, et encore en 1474-1475 au siège de Neuss par Charles le
Téméraire (Cl. Gaier, « La renome militaire des mineurs de Lge », Armes et combats dans l’univers médiéval, t. I
[Bibliothèque du Moyen Âge, 5], De Boeck, Bruxelles, 1995, pp. 79-90).
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