Les villes et la guerre, vers 1270-vers 1480 5/20
XIVe et XV
e siècles les attaques des Gaéliques, mais également des lords anglo-irlandais
œuvrant pour leur propre compte9.
2) Le siège de la ville
La ville médiévale étant fermée par une enceinte, et d’autant plus fortifiée dans les
périodes de guerre et d’insécurité comme les XIVe et XVe siècles, l’ennemi doit l’assiéger
pour s’en emparer : autant les batailles rangées sont rares dans la guerre médiévale, autant les
sièges sont courants10. Les tactiques du siège évoluent peu au cours de la période. L’assaillant
doit d’abord combler et au besoin assécher les obstacles creux qui défendent l’approche des
murailles, puis tenter d’y ouvrir une brèche en visant particulièrement les points faibles,
portes et tours d’angle. Diverses techniques y concourent : le bombardement par divers engins
de jet mis au point depuis le XIIe siècle, dont le plus puissant est le trébuchet11, l’enfoncement
ou la perforation par des armes agissant au contact même des défenses, bélier ou corbeau,
enfin la sape, destinée à provoquer l’effondrement ou la fissure de l’enceinte par le
creusement de galeries. Les engins de jet servent aussi à lancer dans la ville des projectiles
incendiaires. La poliorcétique médiévale requiert donc un équipement spécifique et des
spécialistes, depuis les simples terrassiers et charpentiers jusqu’aux sapeurs, issus des milieux
miniers12, aux « mécaniciens » qui assemblent les engins de siège et aux « ingénieurs » qui en
dirigent la construction ; même ces derniers, toutefois, ne jouissent pas d’une considération
sociale à la hauteur de leur utilité et sont moins payés que les hommes d’armes.
L’artillerie à poudre se substitue progressivement aux engins de jet mécaniques à partir des
années 1370 et surtout du début du XVe siècle : en 1406, un projet de siège de Calais par le
duc de Bourgogne Jean sans Peur prévoit davantage de canons que d’ « engins volants »
traditionnels. D’après Alain Salamagne, les premières pièces d’artillerie de siège sont surtout
utilisées pour lancer des projectiles incendiaires. Par la suite, leur puissance de tir supérieure à
celle des anciens engins de jet est employée contre l’enceinte même.
Une fois la brèche pratiquée, le plus souvent par la destruction d’une porte comme à
Limoges en 1370, les assiégeants s’y engouffrent. S’ils ne réussissent pas à forcer les
défenses, ils peuvent tenter l’escalade des murs, soit à l’aide d’une tour mobile, le beffroi, soit
9 R. E. Glasscock, « Land and people, c. 1300 », Medieval Ireland, p. 234 ; John Anthony Watt, « Approaches to the history
of fourteenth-century Ireland », ibid., pp. 308-309 ; id., « The Anglo-Irish Colony under strain, 1327-1399 », pp. 369-370,
394-395.
10 « La guerre est […] faite avant tout de pillages, souvent de sièges, parfois de batailles » (Claude Gaier, Art et organisation
militaires dans la principauté de Liège et dfans le comté de Looz au Moyen Âge [Mémoires, coll. in-8°, LIX-3], Bruxelles,
Académie royale de Belgique, Classe des lettres et des sciences morales et politiques, 1968, p. 216) ; « Dans sa forme la plus
courante, la guerre était faite d’une succession de sièges, accompagnés d’une multitude d’escarmouches et de dévastations,
à quoi venaient s’ajouter quelques combats majeurs » (Ph. Contamine, La guerre au Moyen Âge, p. 207) ; « Les sièges ont
dominé la guerre médiévale comme jamais les batailles ne l’ont fait » (M. Prestwich, Armies and Warfare, p. 281).
11 Un de ces engins (non mentionné dans le cours sur l’armement), très répandu chez les assiégeants et les assiégés aux XIIIe
et XIVe siècles, est l’espringale, qui fonctionne sur le principe de l’arbalète, mais dont la corde est attachée à deux bras
articulés à un cadre de bois, qui sont ramenés vers l’arrière quand la corde est tendue, et reprennent leur position initiale
quand elle est relâchée, propulsant le carreau. Cette arme de grande taille peut être fixe ou montée sur roues ; c’est elle qui,
vers 1350, coûte cinq fois plus cher qu’un canon en Angleterre (M. Prestwich, Armies and Warfare, pp. 291, 293 ; Alain
Salamagne, Les villes fortes au Moyen Âge [Gisserot-Histoire], Paris, Gisserot, 2002, p. 71 ; Philippe Durand, L’armement
au Moyen Âge [Les petits vocabulaires de l’histoire de l’art], t. I, Bordeaux, Confluences, 2012, pp. 84-85 ;
http://www.katapeltes.fr/articles.php?lng=fr&pg=143).
12 Dans la principauté de Liège, où l’exploitation de la houille du bassin mosan prend son essor à la fin du XIIe siècle, les
premières mentions dans les sources de l’emploi des mineurs aux travaux de sape remontent à la première moitié du XIVe
siècle. À la fin du siècle, leur réputation militaire dépasse les frontières de la principauté : Charles VI en recrute pour son
expédition contre la Gueldre en 1388. Au XVe siècle, ils sont présents en 1430 au siège de Compiègne dans l’armée de
Jeanne d’Arc comme dans celle des défenseurs bourguignons, et encore en 1474-1475 au siège de Neuss par Charles le
Téméraire (Cl. Gaier, « La renommée militaire des mineurs de Liège », Armes et combats dans l’univers médiéval, t. I
[Bibliothèque du Moyen Âge, 5], De Boeck, Bruxelles, 1995, pp. 79-90).