Stratégie thérapeutique
D'une manière générale, les cancers du tractus digestif sont moyennement ou peu radiosensibles. Le
carcinome épidermoïde du canal anal échappe à cette règle. Jusqu'aux années 1970, le traitement du cancer du
canal consistait en une chirurgie radicale dominée par l'amputation abdomino-périnéale20-22. Cependant, au
cours des années 1970 et début 1980, les travaux de l'école française23-26 et du "Princess Margaret Hospital" de
Toronto27 ont pu montrer l'action curative et conservatrice d'une radiothérapie de première intention et ont
fait progressivement régresser les indications chirurgicales mutilantes de première intention28-30. A partir de la
fin des années 1980 et le début des années 1990, de nombreuses études rétrospectives et non randomisées
semblaient montrer qu'un traitement par association radio-chimiothérapie concomitante exclusive avec la
combinaison 5-fluorouracile et mitomycine puis 5-fluorouracile et cisplatine était capable d'augmenter les taux
de conservation sphinctérienne et de contrôle tumoral local, sans élévation importante du risque de toxicité31-
37. A partir des années 90, les études prospectives randomisées ont montré que l’association radio-
chimiothérapie concomitante avec 5-fluorouracile et mitomycine38-40 est capable d’améliorer significativement
le taux de survie avec conservation de la fonction sphinctérienne.
Après une première série d'irradiation externe pelvienne et inguino-crurale de 45 Gy en 5 semaines suivie d'un
repos de 4 semaines il est proposé en cas de réponse tumorale supérieure à 50 % un complément de
radiothérapie localisé au volume tumoral de 15 Gy, soit par irradiation externe, soit par curiethérapie
interstitielle périnéale, selon le volume tumoral initial et sa topographie.
Pour les tumeurs classées T1N0 1 cm, la dose totale d'irradiation peut être limitée à 45-50 Gy pour des
tumeurs infra cliniques après biopsie exérèse et à 50-60 Gy en l'absence d'exérèse41.
Le traitement systématique des aires ganglionnaires inguinales reste discuté dans les tumeurs de petit volume
T1N0M0. Certains auteurs recommandent de se contenter d'une irradiation inguinale unilatérale en cas de
tumeur bien latéralisée42. D’autres auteurs préconisent l’utilisation du prélèvement du ganglion sentinelle
inguinal après double détection associant le bleu patenté et un radio-colloïde43.
La toxicité aiguë non négligeable et le taux de décès toxique de l’ordre de 2 à 3%39, 40, 44 incitent à proposer
l’association radio-chimiothérapie concomitante avec prudence et à peser l’indication au cas par cas, selon le
terrain physiologique du patient et le bénéfice attendu45.
L’intérêt du traitement combiné n’est pas démontré pour les tumeurs classées, selon l’UICC 2009, T1 et T2 de
moins de 4 cm, N0 et classées écho-endoscopiquement uT1-2 N0. Bien que l’ensemble des auteurs s’accordent
pour considérer qu’une tumeur classée T1N0, uT1-2N0 doit être traitée par radiothérapie exclusive à visée
curative et conservatrice12, 27, 41, le traitement des tumeurs classées T2 de moins de 4 cm, N0, uT1-2N0 reste
discuté. En effet, le taux de survie à 5 ans sans colostomie après radiothérapie exclusive ne dépasse pas 70%12
et certains auteurs proposent une association radio-chimiothérapie concomitante, lorsque le terrain
physiologique le permet, afin d’améliorer le contrôle tumoral local sans colostomie.
L’association radio-chimiothérapie concomitante est un standard thérapeutique dans les tumeurs classées,
selon l’UICC 2009, T2 de 4 cm ou plus, T3-4 N0 ou pour tout T, N1-3 et/ou classées écho-endoscopiquement
uT3-4 N0 ou tout T, N+, avec un bénéfice en termes à la fois de contrôle tumoral local et de survie sans
colostomie38-40.
Cependant, le traitement conservateur par radiothérapie exclusive ou par association radio-chimiothérapie
concomitante a ses limites. L’amputation abdomino-périnéale programmable avec épiplooplastie 5 semaines
après la première série d’irradiation de 45 Gy en 5 semaines est indiquée lorsque la tumeur est classée T4 selon
l’UICC 2009 et écho-endoscopiquement uT4, associée à des troubles sévères non régressifs de la fonction
sphinctérienne, dominés par l’incontinence anale ou une fistule recto-vaginale persistante, rendant illusoire
tout traitement conservateur avec un bon résultat fonctionnel.
L’amputation abdomino-périnéale doit être discutée au cas par cas avec le patient, en indiquant les avantages
attendus et les inconvénients, dans les tumeurs de gros volume classées T3-4 ou uT3-4 dont la réponse
tumorale après la première série d’irradiation est inférieure ou égale à 50%46-48.
L’amputation abdomino-périnéale de rattrapage avec lambeau musculo-cutané pédiculé périnéal de fermeture
est proposée en cas de rechute tumorale locale ou de progression tumorale locale, malgré un traitement à