EDITORIAL Il est arrivé près de chez vous Les sujets auxquels vous

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Santé conjuguée - janvier 98 - n° 3
EDITORIAL
Il est arrivé près de chez vous
Dix ans déjà que quelques maisons
médicales ont inauguré les soins de santé
primaires au forfait. A l’époque, une
goutte d’eau dans l’océan de pratique à
l’acte. Depuis elles ont été rejointes par
d’autres maisons, toujours plus
nombreuses. Aujourd’hui la plupart des
grandes villes offrent la possibilité de se
soigner au forfait et l’ouverture de
centres dans de plus petites entités est
imminente. Ce qui était une expérience
isolée est devenu un mode de
fonctionnement expérimenté et riche.
Mais encore mal connu. Comment ça
marche, quels sont les avantages et les
difficultés, comment le vivent les
soignants, qu’en retirent les patients, ce
sont les questions qu’aborde notre cahier
en page 27.
C’est en route, ça arrive...
Le dépistage génétique déboule. Sans
trêve innovant, la médecine prédictive
promet mais aussi inquiète. Dès l’aube
de la civilisation, les mythes nous
préviennent contre le danger de connaître
l’avenir. Intuition relayée par un siècle
de science fiction avec ses variations sur
le voyage dans le temps. Et nous y voilà.
Le choix de qui vivra est réalité grâce au
diagnostic préimplantatoire qui décèle
certaines anomalies de l’embryon avant
implantation dans l’utérus. De même le
choix de qui travaillera pourra s’effectuer
selon ses caractères génétiques. Dans un
avenir imminent, on identifiera le risque
pour une personne de développer une
maladie liée à l’exposition à une
substance à laquelle elle serait sensible.
Cette technique épargnera nombre de
pathologies et mérite notre attention.
Mais en même temps elle ouvre la porte
à une sélection génétique des
travailleurs : jusqu’où cette pratique est-
elle justifiable, quelles dérives menacent,
comment les prévenir... Réflexions en
page 18.
Qu’est-ce qui arrive près de chez vous ?
La solidarité est en mutation. D’aucuns
diront en danger. Le colloque « Refonder
la solidarité » s’est doctement penché sur
son avenir. En page 8 un condensé de
ces travaux parus dans la Revue
Nouvelle.
Maisons médicales et politique : liaisons
dangereuses ?
Parodiant un célèbre feuilleton, on a
parfois comparé les maisons médicales
à des petites maisons dans la prairie :
fragments d’idéalisme sur le tapis de la
réalité. Si mignonne soit-elle, cette
comparaison estompe à tort leur objectif
social et leurs visées dans le domaine de
l’organisation de soins. Thierry Poucet,
observateur extérieur, vous conte les
méandres de cet apparent paradoxe en
page 5.
Près de chez vous, c’est loin ?
Quand ethnopsychiatrie et philosophie
des sciences se rencontrent, cela donne
un texte envoûtant : la damnation de
Freud. Déjà T. Nathan et I.Stengers -
coauteurs avec L. Ounkpatine de cette
pièce de théâtre - s’étaient croisés dans
« Médecins et sorciers ». Compte- rendu
en page 15.
Ca arrive ou ça n’arrive pas ?
Comme chaque année la « médico-mut »
nous a offert un spectacle passionnant.
Longtemps les chants de guerre avaient
grondé. « Si le gouvernement ceci ... pas
de convention médico-mutualiste... si le
gouvernement cela... pas de conven-
tion ». Dans la moiteur des couloirs
pourtant un cri retentit : « Elle est née la
divine convention ». Médecins et
mutuelles s’étaient accordés sur les
tarifs. Même le Groupement belge des
omnipraticiens, habitué aux miettes, y
trouvait du comestible. Enfin les patients
pourraient se dorer aux ardeurs d’une
santé dûment nomenclaturée et tarifée.
Liesse fugace. Fragment d’idéal brandi
à la face du chaos des temps sans
convention, déjà tu vacilles, ô accord,
dans la tempête que souffle la menace
gouvernementale de réglementer les
suppléments d’honoraires hospitaliers.
Déjà les tambours des ABSyM rythment
le chant funeste : « Si le gouvernement
touche aux suppléments (au refrain) pas
de convention ». Rebondissement : le
projet gouvernemental est modifié,
l’accord vivra. Le combat se déplace :
abandonnant la colline Médico-mut, les
généraux massent leur troupes sur les
berges de la rivière Elections Médicales
...ceci est une autre histoire. Petit flash-
back sur le système de convention
médico-mut en page 3.
Les sujets auxquels vous avez
échappé
La médico-mut est la partie visible d’un
iceberg de concertations qui mêlent sans
répit mutuelles, syndicats et ministères.
Formidables combats souvent livrés au
nom des droits des patients.
... le droit des patients au quotidien ...
Le patient a reçu une information
éclairée. Le patient a reçu une feuille
intitulée « information éclairée ». Entre
les deux énoncés bée le fossé qui sépare
l’idéal du quotidien.
Ce patient séropositif me tend une liasse
de feuilles. Il n’a rien compris a ce qu’on
Santé conjuguée - janvier 98 - n° 3
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Editorial
(suite)
lui proposait à l’hôpital. Il n’a retenu que
les inconvénients du traitement qu’on lui
a longuement exposés. Quant à sa
maladie ou aux résultats espérés du
traitement, il est dans le brouillard total.
Je feuillette la liasse. L’intitulé
« Information éclairée » cache huit pages
d’explication sur la trithérapie anti-
SIDA. Truffées de « stratégie induction-
maintenance .. antiprotéase ... changer
de bras thérapeutique .. charge virale à
400 copies/ml .. » Nulle part le mot
SIDA : seul apparaît « infection VIH ».
Scientifiquement correct : le patient est
infecté par le VIH et n’est pas au stade
SIDA. En saine psychologie, le patient
conclut qu’il n’a pas le SIDA et donc tout
va bien.
A la fin du texte, la formule absolutoire :
« J’ai reçu un exemplaire du formulaire
de consentement éclairé et j’ai eu le
temps de lire et de considérer etc etc ».
Le patient a signé.
Motif de la consultation : puisqu’il n’a
pas le SIDA ... le patient ne voit pas
l’intérêt de tout cela, mais ne risque-t-il
pas des ennuis puisqu’il a signé le
document ?
« Classique, dénégation, il ne peut tolérer
l’idée que ... ». Je l’ai cru aussi. Je me
trompais. Avec le temps et l’énergie
d’une véritable discussion, il a
parfaitement compris. Il a eu très mal. Il
n’est pas prêt à se faire traiter. Pas
confiance. Trop l’impression qu’on s’est
foutu de sa g...
La critique est aisée. S’armer d’une
anecdote affectivement chargée n’est pas
de bonne guerre. La prolifération de
chartes « droit du patient » part d’un bon
sentiment : ça ne va pas comme c’est, il
faut que ça change. Elle aboutit à des
textes pleins de bons sentiments ... La
réalité des pratiques ne fait pas bon
ménage avec les sentiments.
Y a qu’à, y a qu’à pas ...
A l’opposé d’un appel aux bons
sentiments, faut-il légiférer ? La question
anime le débat parlementaire sur
l’euthanasie. Faut-il reconnaître la réalité
de terrain au risque de la rigidité de
réglementations ? Fermer les yeux sur
cette réalité en lui laissant de la
clandestinité toute la souplesse mais
aussi les perversions ? Instituer des
solutions intermédiaires (colloque
singulier, collège de référents) ?
Où qu’aboutisse la discussion, dérives
il y aura. Un philosophe déclarait qu’en
toute situation un déficit éthique est
inévitable. Voilà qui est la sagesse même
... et qui fait froid dans le dos. La crudité
des situations échappe à toute
généralisation. La misère, la solitude,
l’indifférence ou l’agacement de
l’entourage sont autant de raisons d’en
finir qui s’ajoutent à la douleur et à la
dégradation. Le patient qui prend sa
décision dans la sérénité et en toute
conscience existe : c’est à lui, mais à lui
seul, que l’on pense lors de ces débats.
La voix des intervenants de terrain a beau
ramener à la réalité des situations, la
discussion en décolle sans cesse. Loin
de trivialités telles que, par exemple, la
rencontre du droit de choisir sa mort et
de la nécessité de libérer une chambre...
Autoriser l’interdit
Slogan soixante-huitard ? Que nenni!
C’est l’attitude officielle vis à vis des
amateurs de joints. Il est toujours interdit
de fumer un pétard, mais en matière
pénale on appliquera aux contrevenants
la plus basse des priorités. Prônée par la
commission drogues, cette décision entre
en vigueur. Le harcèlement des petits
consommateurs passe donc de mode : on
s’en réjouira. Mais saluant une décision
qui a le courage de préférer la réalité aux
convictions partisanes, nous restons
interloqués devant le message ainsi
officialisé : on peut faire des choses
interdites et ne rien risquer (ou presque)!
Interdire et fermer les yeux, c’est dans
les faits autoriser l’interdit, c’est légiférer
qu’il ne faut pas appliquer la loi. Adressé
à une population en mal de repères, ce
message est plus explosif que le mal
nommé « pétard », et plus toxique que
les drogues qu’il prétend gérer. En rester
là n’est pas envisageable : ce premier pas
en direction de la légalisation doit être
rapidement suivi d’un autre...
Santé communautaire
Droit des patients, euthanasie, cannabis
mettent en scène des individus isolés face
aux machines à santé ou à justice. La
dimension collective dans ces débats est
souvent réduite aux aspects de
réglementation ou de financement.
Pourtant, de plus en plus les personnes,
à la fois en tant qu’individu et comme
communauté locale, tendent à
s’impliquer dans les processus qui les
concernent. La santé n’échappe pas à ce
phénomène et l’on voit se multiplier les
initiatives favorisant la réappropriation
de leur santé par les gens. C’est autour
de ce thème de « Santé communautaire »
que s’articulera notre prochain numéro
(avril 98).
Bonne lecture.
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Santé conjuguée - janvier 98 - n° 3
ACTUALITE
La « médico-mut »…
une institution incontournable ?
Une machine de contournement ?
Jacques Morel
Quelques retours à l’histoire...
La réunion des représentants du corps
médical et des organismes assureurs au
sein d’une commission tarifaire, dans
le cadre de l’Institut d’assurance maladie
invalidité est une des conséquences de
la grève du corps médical de 1964 qui a
contraint le gouvernement de l’époque
à modifier la loi sur l’art de guérir du
ministre Leburton, pourtant fraîchement
votée.
Il s’agissait de fixer de commun accord
les niveaux de remboursements des
prestations en soins de santé telles que
répertoriées dans une nomenclature en
constante expansion.
En clair cette commission, dans la
mesure où elle s’accorde sur le type de
prestations remboursables et sur leur
niveau de remboursement, fixe indirecte-
ment la hauteur des dépenses en matière
de soins de santé. Formellement, la
commission fait des propositions qui
doivent obtenir l’aval des autres parte-
naires de l’assurance au sein du comité
de l’assurance, en particulier les
prestataires sociaux et le gouvernement.
L’histoire montre qu’à ce jour les
propositions de la médico-mut ont quasi
toujours été suivies.
On comprend dès lors que cet instrument
de pouvoir soit jalousement préservé par
les deux partenaires.
La disqualification du pouvoir
politique...
Réunis par des intérêts convergents, les
partenaires de la commission médico-
mutaliste sont en mesure de mettre hors
jeux le pouvoir politique : ils trouvent
sur ce terrain une alliance objective dans
la mesure où les uns et les autres, comme
prestataires ou comme gestionnaires de
« réseaux » hospitaliers ont là la
possibilité de conditionner tout à la fois
la hauteur du subside de leurs pratiques
et la nature de celles-ci.
Le gouvernement possède l’arme
suprême en ayant, par l’application de
l’article 52, la possibilité de fixer les prix
d’autorité. Cette démarche a été utilisée
à quelques reprises exceptionnelles.
En tout état de cause, l’état arrive mal à
faire autre chose qu’avaliser l’accord
quand il intervient ; le plus souvent
même le pouvoir politique se réjouit de
pouvoir le consacrer !
A aucun moment, il n’est en position de
force pour « critiquer » positivement le
contenu de cet accord. La commission
aurait la possibilité de faire des
propositions bien au-delà des tarifs de
prestations de l’assurance. Elle avait sur
la table tout au long de l’année qui vient
de s’écouler un certain nombre de
dossiers évoquant des mesures plus
structurelles de gestion de l’assurance et
de la politique de dispensation des soins
(à défaut d’être de santé !) : dossier du
généraliste, qualité des pratiques,
échelonnement et autres mesures
d’encouragement au bénéfice de la
première ligne.
Aucune décision n’a été prise sur aucun
de ces dossiers. La réduction des tickets
modérateurs en médecine générale est
mise en avant comme un premier pas
pour en privilégier le recours et l’accès.
On s’en félicitera !
Décidément, les acteurs de la commis-
sion trouvent un terrain d’alliance sur
d’autres intérêts qui tous convergent dans
la protection du secteur hospitalier plutôt
que dans le développement des soins de
première ligne. La longue histoire de
conflit entre le syndicat médical du
docteur Wynen et les mutuelles aura
permis de stériliser le débat sur la
politique de santé et de la circonscrire à
la convention d’assurances tarifaires.
Il n’y a pas de lien entre les accords
tarifaires ou le volume et la nature des
prestations et un bénéfice-santé pour les
usagers. Or cet axe de corrélation des
besoins à des objectifs santé pourrait bien
être celui d’une politique de santé.
En cela, tous les prestataires de soins
conventionnés sont des fonctionnaires de
la compagnie « assurance maladie » qui
leur assure un salaire toujours garanti et
d’autant plus élevé que les individus sont
davantage malades et requièrent plus de
soins.
On entretient de la sorte un fonction-
nariat à intéressement direct, dit secteur
libéral.
Les consommateurs, jamais
« consom-acteurs »
Du résultat d’un accord médico-
mutualiste dépend la sécurité tarifaire
pour les patients.
L’absence de convention porte la menace
Fruit d’une histoire et d’un modèle de
négociations qui a organisé les rapports
de force entre les partenaires des soins
de santé depuis les années 64, la com-
mission médico-mutualiste est une vieille
dame très respectée et les conventions
tarifaires qui y sont conclues chaque
année fort attendues. Elles font généra-
lement force de loi et d’obligation.
Santé conjuguée - janvier 98 - n° 3
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d’une libéralisation du tarif pratiqué par
les médecins indépendamment des
montants de remboursement des
prestations.
Cette dimension est revendiquée
particulièrement du coté mutualiste
comme la fonction sociale de ces
accords.
D’évidence, l’absence de convention
entre les médecins et les organismes
assureurs laisserait portes ouvertes à des
honoraires « libres » et non prévisibles
pour les malades.
Cette situation s’est réalisée à quelques
reprises dans l’histoire de la médico-mut.
Actuellement et depuis un an,
l’assurance fonctionne avec ce vide
contractuel.
L’enquête menée par la presse médicale
et par les organismes assureurs en début
et milieu d’années 97 montrait que les
tarifs étaient modérément augmentés par
les prestataires : faut-il y voir un effet de
la concurrence en période de pléthore,
de conscience et de moralité profession-
nelle ?
Les syndicats médicaux avaient plaidé
pour cette modération. On retiendra
cependant qu’avec le temps, la part de
professionnels qui cessent de respecter
les tarifs est en progression régulière :
de 19 à 23 % pour les généralistes et 25
à 32 % pour les spécialistes.
Pour rappel, ce sont les chambres
syndicales qui ont refusé en mars 97 le
projet d’accord avec les mutuelles,
l’ayant jugé insatisfaisant : ce projet
envisageait des mesures structurelles
notamment concernant le renforcement
des soins de première ligne (dossier
médical, articulation médecine générale
et spécialisée) et la mise en place de
forfaits hospitaliers.
Ceci faisait suite à la décision du
gouvernement de prendre des mesures
linéaires de réduction des honoraires en
décembre 96.
Depuis lors les honoraires sont libres...
La prochaine convention devrait être
signée en fin d’année. Elle devrait porter
sur trois points principaux : un demi
milliard pour développer des résonances
magnétiques nucléaires, un réduction du
ticket modérateur de 30 à 25 % en
La « médico-mut »… une institution incontournable ?
Une machine de contournement ?
(suite)
médecine générale et une part forfaitaire
pour l’imagerie ambulatoire.
La réduction du ticket modérateur est à
juste titre présentée comme une mesure
d’incitation au recours en première ligne,
mais de là à en faire un premier pas vers
un échelonnement, la distance à franchir
est encore grande !
Si déjà dans le cadre de l’assurance
maladie l’accès aux soins est pointé
comme une difficulté grandissante pour
une partie de plus en plus importante de
la population, cette liberté tarifaire risque
d’être particulièrement préjudiciable à la
même catégorie de citoyens.
Il ne reste plus qu’à se féliciter de ce
consensus entre partenaires...
Une convention entre médecins et
assureurs est un outil nécessairement
incontournable de gestion de l’assurance
maladie, un garde-fou pour les
consommateurs, mais aussi un outil de
contournement d’une politique de santé
citoyenne.
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Santé conjuguée - janvier 98 - n° 3
ACTUALITE
La maison au milieu du champ
Regards de biais sur le couple maisons médicales / champ politique
L’angle de vue est celui d’un « témoin
privilégié », extérieur à l’activité
quotidienne des maisons médicales
proprement dites (autant qu’au sérail
politique stricto sensu) mais impliqué
depuis longtemps dans le courant plus
large de modélisation, d’expérimen-
tation, de réflexion, de sensibilisation, de
revendication en faveur d’un système de
santé fortement rénové, courant dont les
maisons médicales sont à la fois un
rejeton et un fer de lance...
L’aspect que nous voulons développer
est de voir comment la « dimension
politique » a serpenté dans la réalité des
maisons médicales, des origines à
aujourd’hui, et comment cette incon-
tournable dimension peut se penser et se
modeler pour l’avenir. Faire ainsi un peu
d’archéologie identitaire, tout en prenant
la mesure du chemin parcouru semble
d’autant plus opportun que les
statistiques récentes de la Fédération des
maisons médicales font apparaître (non
sans surprise, même pour un observateur
« privilégié » !) que l’écrasante majorité
des travailleurs en place aujourd’hui ont
moins de dix années d’ancienneté dans
le réseau francophone des maisons
médicales.
Passons en revue quelques temps forts,
classés ici selon les étapes habituelles de
la croissance humaine.
La niche écologique anténatale
Avril 64, première grève des médecins,
sorte de mai 68 inversé (de droite, de
corporation, de fixation d’une carence
politique, de rétrécissement plutôt que
d’ouverture de l’éventail des acteurs
légitimes en matière d’orientations
sectorielles...) qui allait considérable-
ment hypothéquer la scène sur laquelle
allaient apparaître les maisons
médicales.
Par un apparent paradoxe, la f(r)action
du monde médical la plus anti-politique
dans l’âme allait ainsi être hissée
préférentiellement sur le pavois de la vie
institutionnelle et y développer des
moeurs politiciennes pur jus.
La naissance
Qu’avaient dans la tête les créateurs des
premières maisons médicales ? Quel
capital génétique de type « politique »
insufflaient-ils à leur enfant ? Je fais
l’hypothèse que cela se ramène peu ou
prou à deux éléments simples, de l’ordre
de l’élan plus que du programme :
une ferveur politique sans borne :
l’émergence des premières maisons
médicales se fait dans une période et
surtout dans un milieu travaillés par
l’idée que « tout est politique » et que
l’immersion dans le magma « collectif »
est ce à quoi la personne, en quête de
son émancipation propre, et l’acteur
social, soucieux d’oeuvrer à l’épanouis-
sement des autres en rencontrant les
besoins profonds des groupes-cibles dont
il a la charge, doivent absolument donner
le primat pour arriver à leurs fins. Une
culture entraînante est partagée à
l’époque : celle de la responsabilité
globale de chacun vis-à-vis du monde tel
qu’il tourne, et cela dans l’ensemble de
ses actes et de ses choix de vie,
professionnels ou non. Inutile de dire
que, dans ce contexte, le mot
« politique » est éminemment valorisé.
On peut avoir beaucoup d’ennemis ou
d’adversaires sur la scène politique, il
n’empêche que celle-ci apparaît comme
Liberté individuelle et contrainte publi-
que sont en perpétuelle tension : la
crainte de l’intrusion « bureaucratique »
ou « totalitaire » venant briser le projet
privé n’a d’autre choix que de coexister
avec une organisation collective qui ga-
rantit le bon fonctionnement de la so-
ciété. Les rapports entre maisons médi-
cales et « politique » n’échappent pas à
cette coexistence tendue.
C’est ce débat qui a été développé lors
d’un colloque organisé en octobre par
la Fédération des maisons médicales :
« Maisons médicales et Politique :
liaisons dangereuses ? ». Pour l’intro-
duire, nous avons demandé à Thierry
Poucet de le mettre en perspective his-
torique.
Thierry Poucet
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