révention en pratique médicale LES DÉCÈS PAR ARME À FEU Une arme à feu dans un foyer: un gros risque! • Chaque jour, au Québec, une personne meurt par arme à feu. • La présence d’une arme à feu dans un domicile multiplie par cinq le risque de décès par suicide, et par trois le risque de décès par homicide, sans oublier le risque de décès par accident. • À Montréal, en 1995, les armes à feu ont été responsables de 47% des homicides et de 8% des suicides. • Il est donc important de réduire l’accessibilité à une arme à feu pour les personnes qui sont à risque d’en faire un mauvais usage. • Le médecin traitant est parfois le mieux placé pour dépister la personne, évaluer le risque et faire des recommandations appropriées. Le cadre politique Le rôle préventif qui nous revient Les décès par arme à feu préoccupent aussi Le médecin, lorsqu’il est en présence d’un nos gouvernements. patient montrant des signes de dépression, En 1995, le Canada adoptait la Loi sur les des tendances suicidaires ou une prédisponotamment armes à feu obligeant tout utilisateur à sition à la violence, doit chercher à savoir si ce patient a accès à détenir un permis d’armes à feu à partir du une arme à feu. Mais, avec ou sans la 1er janvier 2001. Par ailleurs, d’ici le 1er janvier 2003, toutes les armes à feu existantes présence d’une arme à feu dans devront avoir été enregistrées. Depuis le 1er l’environnement du décembre 1998, les nouvelles armes sont patient, le médecin enregistrées au moment de leur acquisition. doit toujours poser les actions appropriées En 1998, le ministère de la Santé et des pour garantir la sécurité Services sociaux du Québec a élaboré une de son patient et celle de stratégie d’action face au suicide qui identi- ses proches. fiait différentes orientations et interventions dont la réduction de l’accès aux armes à feu. Juin 2001 1 Une campagne de sensibilisation pour la prévention des décès par arme à feu a débuté en avril 2001 au Québec. Plusieurs décès par arme à feu sont évitables par une action de prévention posée au bon moment auprès d’une personne à risque. Vous êtes concerné. QUAND s’inquiéter de l’accès à une arme à feu? Les armes à feu ne sont pas les seuls instruments impliqués dans les décès par suicide ou par homicide. Cependant, lorsque nous sommes en présence d’un patient suicidaire ou qui présente une menace pour autrui, il faut toujours, entre autres, questionner sur l’accès à une arme à feu. Vous soupçonnez un risque suicidaire Vous soupçonnez un risque pour l’entourage La plupart des décès par arme à feu surviennent à domicile et impliquent des armes de chasse, acquises légalement. 30% des suicides par arme à feu impliquent une arme qui n’appartient pas à la victime. Vous soupçonnez être devant une personne menacée Questions à poser Questions à poser Questions à poser • Pensez-vous à vous suicider? • En voulez-vous à quelqu’un? • Quand pensez-vous le faire? • Avez-vous pensé à un moyen (fusil, médicaments, etc.) pour le faire? • Ces pensées vous troublent-elles au point de poser des gestes violents ou d’agresser quelqu’un? • Votre partenaire ou quelqu’un d’autre vous a-t-il déjà blessé(e), poussé(e) ou maltraité(e)? • Comment allez-vous vous y prendre? • Quel moyen envisagez-vous? N’oubliez pas que plus le plan est précis, plus l’urgence d’agir est élevée. Pensez aussi à demander • Avez-vous accès à une arme à feu, la vôtre ou celle de quelqu’un d’autre? • Vous arrive-t-il de ne pas vous sentir en sécurité ou d’avoir peur de votre partenaire ou de quelqu’un d’autre? • Est-ce que votre partenaire ou quelqu’un d’autre vous traite de tous les noms ou essaie de vous dicter vos moindres gestes? Pensez aussi à demander • Avez-vous accès à une arme à feu, la vôtre ou celle de quelqu’un d’autre? Pensez aussi à demander • La personne que vous craignez a-t-elle accès à une arme à feu, la sienne ou celle de quelqu’un d’autre? La présence d’au moins un des facteurs suivants augmente le risque d’homicide ou de suicide par arme à feu • dépression; • séparation récente ou en cours; • consommation abusive, actuelle ou antérieure, de drogue ou d’alcool; • problèmes financiers; • antécédents de disputes violentes; 2 • problèmes au travail; • existence d’un dossier criminel. L’urgence d’agir Chacune des situations à risque de décès par suicide ou par homicide est unique et commande une intervention appropriée. Notamment, lorsque l’accès à une arme à feu est confirmé, une action doit être entreprise pour la soustraire de l’environnement de la personne en situation de risque. Devant un patient apte présentant un risque pour lui-même ou pour autrui Vous pouvez négocier avec le patient, sa famille ou son entourage afin: • que durant la période de crise, l’arme puisse être entreposée dans un endroit sécuritaire 1, hors de portée du patient; Devant une personne menacée Abordez avec elle la question de sa protection. Demandez-lui si, advenant que la situation s’aggrave et que la menace devienne plus intense, elle a songé aux points suivants: • Si vous deviez rapidement quitter la maison, avez-vous prévu un scénario d’urgence? • Avez-vous quelqu’un sur qui vous pouvez compter, un endroit pour vous réfugier? OU • que l’arme à feu soit confiée à un service de police pour être détruite, s’il s’agit d’une arme qui n’est plus utilisée et devenue inutile; OU • d’obtenir un consentement pour demander aux autorités policières de retirer temporairement l’arme, si personne d’autre ne peut le faire légalement 2. 1 Pour qu’une personne de la famille ou de l’entourage puisse légalement prendre en charge une arme ou des munitions, elle doit elle-même détenir un permis d’armes à feu. Lorsque l’arme est une arme de poing (revolver ou pistolet), il faut obligatoirement faire une demande d’autorisation de transport au contrôleur des armes à feu (numéro de téléphone à la page 4) car nul ne peut transporter une telle arme sans cette autorisation. 2 À ce moment, en conformité avec l’article 111 du Code criminel, un juge de la Cour provinciale sera saisi de l’affaire et déterminera la durée et le lieu de l’entreposage. • Avez-vous quelqu’un à qui vous pouvez en parler? • Savez-vous qu’il existe des ressources 3 pour vous aider? 3 Pour ces ressources précises, vous référer à la fiche # 5, Violence faite aux femmes, dans le cartable Prévention en pratique médicale. Dans le cas où le patient est inapte ou lorsque la collaboration du patient, de sa famille ou de son entourage est impossible, il faut alors signaler le risque, pour la sécurité de la personne ou pour celle d’autrui, à un agent de la paix qui prendra les dispositions qui s’imposent. À propos du patient À propos de l’arme En conformité avec la Loi sur la protection des personnes dont l’état mental présente un danger pour elles-mêmes ou pour autrui (L.Q. 1997, c. 75, art 8), « Un agent de la paix peut, sans l’autorisation du tribunal, amener contre son gré une personne auprès d’un établissement visé à l’article 6: 2. à la demande du titulaire de l’autorité parentale, du tuteur au mineur ou de l’une ou l’autre des personnes visées par l’article 15 du Code civil du Québec 4, lorsqu’aucun intervenant d’un service d’aide en situation de crise n’est disponible, en temps utile, pour évaluer la situation. (...).» 1. à la demande d’un intervenant d’un service d’aide en situation de crise qui estime que l’état mental de cette personne présente un danger grave et immédiat pour elle-même ou pour autrui; 4 Art. 15. « Lorsque l’inaptitude d’un majeur à consentir aux soins requis par son état de santé est constatée, le consentement est donné par le mandataire, le tuteur ou le curateur. Si le majeur n’est pas ainsi représenté, le consentement est donné par le conjoint ou, à défaut de conjoint ou en cas d’empêchement de celui-ci, par un proche parent ou par une personne qui démontre pour le majeur un intérêt particulier. » 3 En conformité avec les paragraphes 117-04 (1) et (2) du Code criminel, « Le juge de paix peut, sur demande d’un agent de la paix, délivrer un mandat de perquisition autorisant la saisie des armes (…) lorsqu’il est convaincu qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’il n’est pas souhaitable pour la sécurité de cette personne, ou pour celle d’autrui, de lui laisser ces objets. » De plus, « Lorsque (…) l’urgence de la situation, (…), rend difficilement réalisable l’obtention d’un mandat, l’agent de la paix peut, sans mandat, perquisitionner et saisir les armes (…).» Le secret professionnel L’article 3.04 du Code de déontologie des médecins stipule que « Le médecin peut cependant divulguer les faits dont il a eu personnellement connaissance, lorsque le patient ou la loi l’y autorise, lorsqu’il y a une raison impérative et juste ayant trait à la santé du patient ou de son entourage ». C’est ainsi que le droit des patients à la confidentialité des informations recueillies par un médecin peut être mis de côté par ce dernier en faveur notamment de certains impératifs de sécurité publique. Une balise juridique La Cour suprême du Canada dans une décision récente originant de la Colombie-Britannique (Smith c. Jones, 1999) a identifié trois critères qui doivent être présents afin de permettre à un professionnel de se soustraire en toute légalité à son obligation de confidentialité : 1. Une personne ou un groupe de personnes clairement identifiable est exposé à un danger. 2. Le danger pour ces personnes est d’être gravement blessées ou tuées. 3. Le danger doit être imminent, c’est-àdire qu’il inspire un sentiment d’urgence parce qu’on perçoit ce risque comme étant très sérieux. Toutefois, le premier critère devra être interprété avec souplesse lorsque les deux derniers sont très nettement présents lors de l’entrevue : par exemple, le patient menace sérieusement de tuer la prochaine personne à croiser son chemin ou à le contredire publiquement. Ressources et information • Service de police de la Communauté urbaine de Montréal (SPCUM) Si vous faites face à un danger immédiat et sérieux : 911. • Centre canadien des armes à feu et le Contrôleur des armes à feu : Ligne sans frais 1-800-731-4000 Une ressource pour les conjoints des propriétaires d’armes à feu ou toutes autres personnes qui auraient des inquiétudes relativement à leur sécurité. Il y a 4,7 fois plus de risque de suicide et 2,7 fois plus de risque d’homicide dans une maisonnée où une arme à feu est présente que dans celle où il n’y en a pas. En tout temps Lorsqu’un patient fait allusion à l’utilisation ou à la possession d’armes à feu (par exemple, il mentionne qu’il s’adonne à la chasse ou qu’il est collectionneur), il faut profiter de ce moment pour aborder les règles élémentaires de sécurité concernant l’entreposage et la manipulation des armes à feu. À cette occasion, vous pouvez lui offrir (ou suggérer de se procurer) le dépliant « Les armes et vous : êtes-vous à l’abri... du drame? » 4 • Sûreté du Québec 24 heures / 7 jours, partout au Québec, sans frais d’interurbain : 310-4141, cellulaire : *4141. • Liens internet pour informations Centre Canadien des armes à feu www.ccaf.gc.ca Coalition pour le contrôle des armes www.guncontrol.ca • Pour commander des exemplaires du feuillet « Les armes et vous : êtesvous à l’abri... du drame? » (418) 545-9110. révention en pratique médicale Un bulletin de la Direction de la santé publique de Montréal-Centre publié avec la collaboration de l’Association des médecins omnipraticiens de Montréal dans le cadre du programme Prévention en pratique médicale coordonné par les docteurs Jean Cloutier et Serge Nault. Ce numéro est une réalisation de l’unité Écologie humaine et sociale. Responsable de l’unité : Francine Trickey Rédacteur en chef : Dr Serge Nault Édition : Yves Laplante Infographie : Manon Girard Rédacteurs : Dr Serge Nault, Francine Trickey, Amélie Baillargeon Collaborateurs : Violaine Ayotte, Marthe Laurin, Carole Poulin, Yvonne Robitaille, Dr Yann Cosma, Dr Jean-Pierre Villeneuve 1301, rue Sherbrooke Est, Montréal (Québec) H2L 1M3 Téléphone : (514) 528-2400 http://www.santepub-mtl.qc.ca Courriel : [email protected] Dépôt légal – 2e trimestre 2001 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada ISSN : 1481-3734 Numéro de convention : 1455958 Association des Médecins Omnipraticiens de Montréal