The very lucrative, but relatively short lived silver

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La très lucrative, mais brève industrie de l'élevage du renard à l'Île-du-Prince-Édouard provient
d’un des passe-temps les plus communs de la fin du 19e siècle : la chasse et le piégeage. À
l’occasion, des groupes de chasseurs capturaient ou tuaient un renard noir et, comme les renards
noirs étaient rares, leur fourrure valait plus cher que celle des renards roux, denrée abordable de
la classe moyenne. Ceci en fit un article prisé de classe aisée qui voulait se démarquer nettement
des classes moins bien nanties, grâce à la fourrure des renards noirs.
De temps à autre, on débusquait un renard noir hors de son terrier ou on en attrapait un vivant, et
on tenta de les croiser et de les élever en captivité, mais avec un succès relatif. Parmi les
premiers éleveurs de renards, on compte un fermier de Nail Pond, dans la région ouest de l'Îledu-Prince-Édouard, Benjamin Haywood. Celui-ci a tenté à plusieurs reprises de croiser des
renards en captivité. Toutefois, la très lucrative industrie de l'élevage du renard ne commença pas
à prendre forme avant que deux amis et partenaires de chasse ne réussissent à mettre en commun
leur savoir-faire en matière de piégeage et d’élevage. L’industrie qui venait de naître allait jouer
un rôle très important dans la croissance et le développement du comté de Prince à l'Î.-P.-É.
Pionniers
L’année 1894 vit le début d’une collaboration qui allait
bientôt évoluer en un centre dynamique de l’industrie
de l'élevage du renard argenté. Sir Charles Dalton, de
Tignish, à l'Î.-P.-É. et Robert Oulton de Little
Shimogue, au Nouveau-Brunswick, s’associèrent afin
d’établir la production de renards d’élevage de la
meilleure qualité que le monde ait jusqu’alors connu.
Les deux hommes étaient très différents, comme l’était
leur rôle respectif dans cette collaboration. Charles
Dalton était au plus fort de sa jeunesse. Il avait de
l’énergie et de l’ambition à revendre. Il avait également
les moyens financiers de financer la nouvelle ferme
d’élevage de son partenaire dont personne ne
connaissait l’existence, située sur l’île Cherry, dans le
havre d’Alberton. De son côté, Robert Oulton présentait un contraste frappant avec Charles
Dalton : il était dans la soixantaine. Il avait passé sa vie à exploiter une entreprise agricole et
connaissait tout de la technique de reproduction du bétail et savait ce qu’il fallait faire pour
atteindre un maximum d’efficacité. Grâce à l’énergie de Dalton et de son talent pour la
promotion et la mise en marché et au savoir-faire d’Oulton en matière de reproduction du bétail,
il n’était plus qu’une question de temps avant que la ferme expérimentale ne devienne une
entreprise prospère et très lucrative.
Après avoir réussi à établir leur entreprise devenue très rentable, les deux partenaires décidèrent
d’établir certains de leurs parents et amis en leur fournissant des couples de reproducteurs
prolifiques. Pendant ce temps, d’autres commençaient à faire des progrès en matière de
reproduction de renards en captivité. Ainsi, les plus grands noms de l’industrie ont commencé à
émerger dès les premiers élevages. Parmi ceux-ci, notons Benjamin Raynor, de Kildare, à l'Îledu-Prince-Édouard, qui fit ses débuts en 1896 avec son père et réussit à élever un nombre de
renards argentés à partir de croisements (lignées obtenues en croisant des renards roux et noirs).
Durant la même période, le capitaine à la retraite James Gordon, d’Alberton, à l'Î.-P.-É., et
Robert Tuplin, constructeur de carrioles, établissaient leur ferme grâce à un couple de
reproducteurs qu’il acquirent de la ferme de Dalton et Oulton.
Les Raynor, Robert Tuplin et le capitaine James Gordon, et évidemment, Dalton et Oulton,
s’unirent pour former un groupe qu’on surnomma le « Big Six Combine ». L’objet de cette union
était de limiter le nombre de fermes d’élevage et, par conséquent, de garder le prix des peaux
élevé. Cette stratégie a duré un certain temps. Entre 1900 et 1910, les éleveurs les plus
expérimentés firent des profits considérables. En fait, en 1910, on vendit trente-cinq peaux
provenant de la ferme de Dalton et Oulton située sur l’île Cherry pour la somme de 35 000 $, ce
qui représentait treize cent fois le salaire mensuel moyen d’un travailleur agricole de l'Île-duPrince-Édouard, qui était à l’époque d’environ 26 $.
Les membres du Big Six réussirent à conserver leur monopole sur la très lucrative industrie
pendant un certain temps. Le groupe prit de l’expansion après que James Gordon établit son
frère, et que Robert Oulton établit des fermes pour ses fils. C’est ainsi que les fermes Lewis et
Champion s’établirent à l’aide de renards provenant de la ferme de Dalton et Oulton. Le groupe,
quoique plus important, réussit quand même à maintenir son monopole sur l’industrie et à
s’assurer de recevoir le prix fort pour ses peaux. Le groupe resta le même jusqu’à ce que Robert
Tuplin, après d’incessantes et demandes répétées de la part de son neveu Frank Tuplin
l’implorant de l’aider à établir une ferme, céda et accepta de l’aider à s’établir dans l’industrie.
On doit à Frank Tuplin le début d’une expansion rapide de l’industrie lorsqu’il vendit deux
couples de reproducteurs aux frères Holman de Summerside pour la rondelette somme de dix
mille dollars. En 1910, Harry et Roy Holman étaient déterminés à faire le saut dans l’industrie de
l'élevage du renard. Ils demandèrent à J.S. Hilton de pressentir Tuplin à sa ferme de New Annan,
qui comptait 56 renardeaux. Tuplin leur vendit des reproducteurs et c’est à ce moment que
l’industrie prit un essor prodigieux. Avec la vente de Tuplin aux frères Holman, les éleveurs
comprirent vite qu’il y avait un tout nouveau moyen de faire de l’argent dans l’industrie de
l'élevage du renard : en vendant des reproducteurs.
Le boom
L’industrie connut donc une croissance phénoménale. En 1913,
un recensement dénombrait plus de 3 310 renards en captivité.
Quel contraste évident avec les deux douzaines de renard élevés
par Dalton et Oulton seulement vingt ans plus tôt ! On évaluait
ces renards à environ quinze millions de dollars, ce qui
correspondait au double de la valeur de l’ensemble du bétail de
l'Île-du-Prince-Édouard à l’époque. De cette première ferme de
l’île Cherry, l’industrie prit de l’expansion dans l’ensemble de
la province et gagna rapidement les provinces avoisinantes, les
États-Unis et par la suite, la côte ouest du Canada. Avec cette croissance marquée de l’industrie
vint également la nécessité d’enregistrer et de mettre en marché plus efficacement les peaux.
C’est de ce besoin qu’est née en 1920 l’Association nationale des éleveurs de renard argenté du
Canada. L’association dirigeait l’industrie au Canada. C’est elle qui réglementait l’industrie et
établissait les normes de qualité. L’association servait également de forum aux éleveurs qui
pouvaient y faire connaître leurs préoccupations.
Avec la croissance phénoménale de l’industrie, les échelons provincial et fédéral du
gouvernement se mirent à remarquer cette opération potentiellement lucrative. Les
gouvernements provincial et fédéral imposèrent bientôt des taxes et des tarifs protectionnistes sur
les renards et exigèrent la mise au registre de tous les renards élevés en captivité.
Au fur et à mesure de la croissance de l’industrie, la ville de Summerside, centre financier des
éleveurs et acheteurs, prit aussi de l’ampleur. Entre 1910 et 1930, la ville de Summerside,
littéralement entourée de fermes d’élevage, fut sans conteste la capitale mondiale de l’industrie
de l'élevage du renard. Chaque automne, les acheteurs des quatre coins du monde venaient à
Summerside pour y établir boutique dans les devantures où les éleveurs pouvaient venir vendre
leurs peaux. Ils allaient ainsi de boutique en boutique afin d’obtenir le meilleur prix pour leurs
peaux. Dans son histoire intitulée a Day Selling Fox Pelts, (voir l’information supplémentaire à
ce sujet), l’auteur Adrian Dekker illustre avec talent l’image d’éleveurs amenant leurs peaux à
Summerside.
Avec le début de la Première Guerre mondiale en 1914, l’industrie en plein essor dut faire une
pause. La menace des sous-marins allemands coulant des navires de fret en route pour l’Europe
eut tôt fait de fermer temporairement les marchés européens. La guerre fit également changer le
point de mire de la population canadienne vers l’actualité nationale, reléguant ainsi la mode et
l’élevage au second plan. Par conséquent, certains éleveurs durent passer au travers de la
Première Guerre en vivant sur les profits qu’ils firent avant que la guerre n’éclate. Après la fin de
la guerre, l’industrie s’est vite remise sur pieds et les marchés européens purent à nouveau
consommer les peaux venant de l’industrie, qui continuait son expansion rapide. La décennie des
années 1920 fut celle d’une croissance phénoménale pour l’industrie de l'élevage du renard, cela
étant dû en grande partie à une meilleure organisation de l’industrie, grâce en outre à
l’établissement, en 1915, de l’Association des éleveurs de renard argenté de l'Île-du-PrinceÉdouard.
Un autre facteur faisant que les peaux de renard étaient en demande était le fait de l’évolution
constante de la conception de mode. Avec l’expansion de l’industrie dans les années vingt, on a
vu le nombre de renards en captivité croître de 424 bêtes à près 5 100, ce qui a contribué à faire
augmenter la valeur de l’actif de l’industrie à plus de trois millions de dollars.
La croissance de l’industrie de l'élevage du renard a atteint son apogée technique en 1925
lorsque le gouvernement fédéral, en collaboration avec les éleveurs de renards de l’Île, mit sur
pied et exploita la ferme d’élevage de renards expérimentale Dominion, à Summerside. Les
éleveurs donnèrent ainsi un emplacement de cinq acres et les vingt-cinq couples de
reproducteurs nécessaires pour démarrer les recherches de l’installation.
En échange, la ferme expérimentale procurait aux éleveurs l’accès à une vaste gamme
d’information allant de l’alimentation à la reproduction, en passant par la lutte contre les
maladies et une variété de problèmes reliés à l’élevage. L’institution employait des scientifiques
de réputation et contribua à circonscrire de nombreux problèmes qui, autrement, auraient exigé
de la part des éleveurs beaucoup de temps et possiblement d’argent pour parvenir aux mêmes
résultats par une démarche d’essais-erreurs.
Bien que la plupart des éleveurs de renards éminents soient ceux de l’époque des premiers
élevages, il faut dire que les années vingt ont aussi vu l’émergence d’autres personnes éminentes
dans l’industrie. Parmi celles-ci, notons Peter Clark, le père de la lignée de renards dite
« Canuck ». Ses renards étaient le produit de mutations génétiques et on en vint à les considérer
commes des renards « purement canadiens ». Dans les années vingt, ses renards furent primés et
déclarés champions exposition après exposition. Clark était également un membre fondateur et le
président de l’Association nationale des éleveurs de renards argentés du Canada, fondée en 1926
dans le but de réglementer l’industrie en rapide essor. En 1929, Clark démarra le Prince Edward
Island Fur Pool veillant à ce que les éleveurs reçoivent un prix équitable pour leurs peaux de la
part des négociants professionnels envoyés par l’industrie de la fourrure. Ce groupe vendait aux
négociants les peaux des éleveurs en les mettant en consignation, ce qui permettait aux éleveurs
d’obtenir un prix équitable sur le marché pour leurs peaux.
Un autre nom qui mérite d’être mentionné dans le contexte de l’industrie de l'élevage du renard à
l'Î.-P.-É. dans les années vingt est celui de George Callbeck. Callbeck était un éleveur
solidement établi sur une vaste ferme à Summerside, connue sous le nom de « The Royal
Ranch ». Il s’agissait d’une ferme de trente acres qui faisait l’admiration de tous ceux qui la
visitaient, qu’ils soient ou non de l’industrie de l'élevage du renard. La ferme faisait l’objet de
nombreuses visites. Le nom de George Callbeck évoque à tous ceux et celles qui étaient dans
l’industrie le souvenir d’un juge de renards remarquable, peu importe qu’il se fût agi de renards
vivants ou de peaux. Il a siégé au conseil d’administration de l’Association nationale des
éleveurs de renards argentés du Canada pendant de nombreuses années et a laissé sa marque
dans l’industrie.
Le déclin
Les décennies qui ont suivi l’époque du boom de l’industrie de
l'élevage du renard dans les années vingt, ne furent pas aussi
rentables. Malgré cela, ceux et celles qui en faisaient leur
gagne-pain durant la période de la Grande Dépression en
retiraient de l’argent et avaient grand espoir en leur industrie.
Ainsi, durant la saison de la récolte, les fermes procuraient de
nombreux emplois saisonniers qui permettaient aux travailleurs
d’avoir un peu d’argent de poche, à une période de l’année où
l’argent faisait cruellement défaut. La richesse de la ville de
Summerside, attribuable à l’industrie de l'élevage du renard, permettait également aux gens
d’arrondir leurs fins de mois grâce aux divers projets municipaux mis sur pied dans le but de
garder l’économie la plus forte possible. Parmi certains des projets mis sur pied par la ville et
directement attribuables aux richesses qu’elle a accumulées grâce à l’industrie de l'élevage du
renard, notons la construction, en 1934, de l’aéroport, dans le nord de la ville, l’amélioration du
système d’aqueduc et d’égout et le parachèvement d’un plan ambitieux visant à augmenter le
nombre de rues pavées.
Bien que l’industrie de l'élevage du renard ait permis dans une large mesure aux Insulaires de
passer au travers de la dépression, elle commença peu à peu à perdre du terrain. L’industrie de
l'élevage du renard de l'Î.-P.-É., qui avait permis à tant d’Insulaires de faire de l’argent et
contribué à faire de Summerside une ville de réputation internationale, allait inévitablement vers
sa perte. À cause d’une surproduction immense, le marché des peaux devint saturé; par
conséquent, en dix ans, le prix des peaux chuta dramatiquement, passant de 25,40 $ la peau en
1946 à aussi peu que 7,30 $ en 1955. Après la chute des prix, ce fut la chute des fermes et du
nombre de renards. En 1946, il y avait 99 269 renards répartis sur plus de 3 729 fermes; en 1955,
il ne restait plus que 3 293 animaux en captivité répartis sur 189 fermes.
En 1975, l’industrie a connu une brève renaissance, ce qui fit dire à plusieurs qu’elle connaîtrait
de nouveau la gloire des années vingt. De nombreux jeunes agriculteurs achetèrent des couples
reproducteurs à fort prix et continuèrent leur élevage jusqu’à ce que l’industrie ne s’effondre de
nouveau. Certains se mirent en affaires durant ce second boom et en sortirent suffisamment
rapidement pour faire de l’argent. Toutefois, nombre d’autres s’accrochèrent à l’industrie dans
l’espoir de la voir renaître de ses cendres et demeurer, mais ne réussirent qu’à obtenir des
résultats désastreux. L’industrie n’a jamais connu de troisième souffle et nombreux sont ceux qui
sont restés avec des cheptels de renards valant plusieurs milliers de dollars qu’ils ne pouvaient
vendre. Ce fut pour plusieurs, la fin.
De nombreux facteurs entrèrent en jeu et menèrent cet empire jadis puissant vers sa perte, un
empire qui avait vu le jour à l'Î.-P.-É. D’abord et avant tout, il fallait blâmer la surproduction de
peaux à l’échelle mondiale. Ensuite, le caractère changeant et volage de l’industrie de la mode
qui avait jeté son dévolu sur les animaux à poils courts tels le vison. Enfin, les activistes à la
défense des droits des animaux commencèrent à se manifester et, les progrès constants en
matière de chauffage ont, ensemble, contribué à faire de la fourrure du renard une commodité du
passé. Lorsque les éleveurs commencèrent à se rendre compte qu’il n’y avait plus d’avenir dans
l’industrie, nombre d’entre eux abbatirent la totalité de leur cheptel en vue de récolter les peaux
dans l’espoir de faire un peu d’argent. D’autres ouvrirent simplement les abris, laissant
s’échapper leurs renards dans les bois. Très peu d’entre eux se risquèrent à reprendre en élevant
du vison, par crainte peut-être que l’histoire ne se répète.
Aujourd’hui à l'Île-du-Prince-Édouard, l’industrie de l'élevage du renard subsite, mais de toute
puissante qu’elle a jadis été, elle est devenue très modeste. On trouve encore des expositions de
renards lors desquelles on attribue des prix aux plus beaux spécimens et à leurs éleveurs.
Toutefois, on ne saurait les comparer à celles de l’époque glorieuse de l’industrie. Très peu
d’éleveurs ne font que l’élevage de renards. Généralement, les éleveurs de renards ont également
du bétail ou des volailles qui les aident à combler le manque à gagner causé par le peu d’intérêt
que suscite le renard. On trouve un peu partout dans l’île les vestiges de fermes d’élevage du
renard et des emplacements devenus des lieux historiques. Ces endroits ont joué un rôle
important dans le développement de l’industrie. Aujourd’hui à l'Î.-P.-É., il reste encore des
familles ayant fait fortune dans l’élevage du renard et d’autres qui ont tout perdu dans les années
1970, ayant présumé que l’industrie se relèverait et connaîtrait la même gloire que dans les
années vingt. On trouve encore des vestiges de fermes d’élevage qui sont tombées en
décrépitude et l’industrie persiste encore de nos jours si ce n’est que de nom, grâce à des
établissements tels le Silver Fox Curling and Yacht Club, à Summerside. De cette époque
glorieuse durant laquelle le renard valait son pesant d’or, il ne reste plus aujourd’hui que des
souvenirs et, c’est à l'Île-du-Prince-Édouard que cette magnifique aventure a démarré.
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